A mes parents

Dimanche. Une semaine de vie. Pour la première fois depuis longtemps, du sommeil de rattraper. Bon, je déteste ces grasses matinées qui vous bouffent une partie de la journée, mais bon, l’organisme aussi a besoin de se reconstruire. La cervelle, ça va. Quelques questionnements sur demain, mon demain. Avoir ou pas des enfants ? Est-il encore temps ? En ai-je l'envie ou non? Rencontrer une amie, partager nos vies et celles de ses enfants? Profiter de la vie en compagnie d’une amie proche et sincère et de sa petite famille ? Laissons venir le temps et ses aléas. Tel Jean de Florette, je compte bien que le ciel me rende ce découvert céleste. Trop de choses à rembourser, trop d’événements sombres facturés cash…

Réveil. Et puis, tiens, je vais aller tenir compagnie le temps du repas à mon papa qui doit se sentir bien seul en ce dimanche. Pudeur des hommes, fierté ou que sais-je, je n’ai plus jamais dit à mes parents que je les aimais… Pourtant l’amour n’est pas parti avec l’enfance, seul le dire s’est envolé. D’ailleurs nous disons trop rarement « je t’aime ! ». Ces mots sont réservés à des usages d’amour, alors que nus aimons bien nos amis, nos parents… Un rapide coup de fil pour le prévenir, inquiétude du père sur le menu alors que l’important n’est pas le contenu de l’assiette mais le fait de partager.

Cuisine simple, discussion difficile, nous n’avons jamais trop communiqué tous les deux. Pourtant mon père fut toujours présent, certes pas de ces papas modernes, jouant au foot avec leur enfant, discutant sport ou voiture, non, mais à sa façon, pas facile de voir cela tant que nos yeux d’adultes ne savent pas voir. Aujourd’hui mes yeux sont ouverts et je mesure tout ce qu’il a fait pour nous, ma sœur et moi. Bricoleur patenté, travailleur infatigable, jardinier, touche à tout de la maison, il a toujours su être là, aider, financer parfois des petites broutilles mais mises bout à bout, cela représente beaucoup.

Et puis nous sommes allés ensemble voir ma mère à la clinique. Comme je déteste ces ambiances trop parfumées d’odeurs suspectes et désinfectantes. Les couleurs immuables des couloirs, le vert, le blanc, le gris, la chambre orangée, le lit central, les ustensiles de la santé et de l’hygiène, le drain fonctionnant alternant les couleurs jaunes et rouges comme un drapeau catalan défilant dans le tube. Elle va mieux, elle respire mieux et sa peau a repris les éclats de ma vie. Elle non plus, je ne lui ai plus dit « je t’aime » depuis trop de temps. Ma vie, mes choix ont fait que, comme beaucoup, j’ai oublié mes parents, le temps de voir ma vie, pensant qu’ils seraient toujours là. Immuables, éternels, disponibles et en bonne santé. Erreur fatale. Nous naissons tous mortels, et à tout moment la dame à la faux peut venir cueillir les notre. Aimons les et sachons leur dire de temps en temps. D’autres examens, des douleurs, mais elle est calme. Assis prêt de la fenêtre, je regarde mes parents réunis, échangeant des propos familiers, ménagers. Attendris, les larmes au bord des yeux, je les regarde proche, si proche et moi de toute ma vie, je n’avais rien vu…

Retour à la maison. Enfin presque. Un parking récalcitrant refusant d’ouvrir sa barrière me rappela que mon père, cet homme si ingénieux, si bricoleur, était récalcitrant à la technologie moderne. Appel à l’interphone, personne, on est dimanche. Retour à la clinique. Non, le parking, n’est pas à eux, ils ne savent rien. Merci. Retour à la voiture, je fais le tour, je cherche, je m’en vais demander au commerce voisin. Restaurant rapide aux superbes arches d’or, et là, j’apprends que de ce côté-là les barrières restent ouvertes… Retour à la voiture, tentative, ça marche. Dommage, j’aurais aimé voir la tête de mon père dans le MacDo… Nous roulons en silence, retour à la maison. Bien sûr des pêches des tomates du jardin, bien sûr qu’un soir de la semaine, je reviendrai, papa, manger avec toi…

Au fait, maman, papa, je vous aime très fort. Restons longtemps en vie et en bonne santé. Même si dans mes heures grises, je n’ai pas pensé à vous, j’ai encore besoin de vous, de vous savoir près de moi.

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