Il
est des temps et des périodes où la pause s’impose. Un silence, pas de bruit,
plus de mot, l’encre sèche sans qu’elle ne jette l’ancre, il y a abandon du
navire, peut-être pour réparation, quel que soit l’âge du capitaine. Sans
peine. La vie est un manège qui ne tourne pas en rond. On y monte, on n’en
descend jamais, on peut essayer mais non, c’est la vie qui décide. Le vent a
soufflé et la plume s’est envolée, sans bruit, sans dire mot, partie sans
laisser d’adresse, maladresse ou terrible adresse, elle vole aux vents pas
toujours mauvais, seul l’agenda égrène les jours en jolies phrases sans pour
autant éveiller la muse aux bois dormants. Le bois brûle dans la cheminée, il
réchauffe l’air des soirées d’un printemps s’invitant en hiver. Les jours longs
se parent des éclats de fleurs, bien trop belles, bien trop odorantes, bien
trop tôt, c’est ainsi depuis quelques années, le temps jouent sans cesse à
contretemps. Qu’y pouvons-nous ?
Rien, si ce n’est de vivre l’instant de chaque instant. Rien, si ce n’est
d’éteindre les boites à misères qui sans cesse cherchent à placer le curseur
sur la courbe des moyennes saisonnières, comme si le passé devait sans cesse
rejouer son présent dépassé. C’est beau les statistiques, mais ça ne reste
pourtant qu’un cimetière bondé d’évènements passés dont certains esprits malins
se bornent à en tracer les contours et les courbes pour vous imposer leurs
visions du futur. L’Homme est un grand reproducteur. Il se reproduit sans
cesse. Il mange les mêmes plats à la même heure assis à la même place devant le
même écran, il refait les mêmes parcours, les mêmes errances, il s’endort du
même côté dans le même lit, cercle vertueux imposé depuis la naissance des
gênes, où est la gêne ? Peut-on parler de gêne éthique ? Et bien non,
les saisons ne suivent que les saisons et leur bon vouloir, il n’y a pas de
raison que cela cesse, ce n’est pas parce qu’il a plu le même jour de l’an
dernier qu’il doit pleuvoir ce jour-ci. N’empêche.
La
pause. C’est beau et bon, ça vient ainsi naturellement, en silence. Sans bruit.
Sans mot. Dire que ça fait du bien reviendrait à dire que la pause s’impose par
cela mais il n’en est rien. Tout fait du bien, il suffit de le faire bien.
Courir, grimper, marcher, tout cela peut faire mal mais fait tellement de bien.
Paradoxe de l’être humain qui en prose cherche à traduire tout, les mots sont
des boites à idées dont on oublie le sens. Imaginer un peu, dire « se
faire mal fait du bien » peut-être perçu de mille façon différentes ou
presque. Il y aura bien dans le tas quelques erreurs de compréhension, des
non-sens, des mauvais sens, peut-être même pas de sens du tout. Qu’importe. Il
n’y a aucune obligation à ne pas rester incompris, cela n’est pas plus
inconfortable, ni même plus confortable d’ailleurs, non, tout ceci ne sont que
des mots et les mots volent, et les mots se voilent, et rien n’est dévoiler. La
pause ce n’est ni l’isolement, ni la foule, la foule fait peur, la foule
saoule, l’isolement fait peur, l’isolement ennuie, il n’y a pas que les
extrêmes, i l y a un juste milieu qui se balade entre deux extrêmes. La pause,
ce n’est ni le vide, ni le plein, c’est un peu le couloir entre ces deux
pièces, c’est un peu cette plage vide d’un jour de mars, c’est ce sentier enfin
ouvert aux éléments dans sa solitude ensoleillée, c’est ce vide de mots,
d’écrits, des cris, des choses fortuites et inutiles qui parfois noircissent le
papier. La pause au fond, c’est la vie prise entre deux pointes, deux pointes
d’envies, de saturations, deux sommets d’un monde qui court chaque jour un peu
plus. A sa perte ? Non, c’est là une vision trop simpliste, le monde n’est
jamais que ce que nous en faisons, que ce que nous en ferons. Voir la chute et
la perte, c’est voir le train partir
devant nous en oubliant que nous sommes arrivés en retard sur le quai. La
pause, c’est rester à quai, tout simplement, mais quel quai ? Quai des
brumes, quai de lune, quai d’ici, de là, on se trouve tous un jour sur un quai,
hésitant à monter en voiture, regardant passer les trains sans savoir. Sait-on
jamais ?
La
pause n’existe que parce ce blanc entre deux notes, entre deux temps
d’occupation, la pause c’est ce silence qui s’en vient renforcer le mot, la
note parce qu’elle laisse en suspens le sens, l’essence du sens. La pause, au
fond, ça ne se raconte pas, ça se vit. Vraiment. Rien ne vaut la vie. Vraiment.