Ad patres


Georges Brassens a écrit « lorsque mon âme et mon corps ne seront plus d’accord que sur un point : la rupture » Une bien belle phrase qui appelle et interroge. En effet, lorsque l’âme et le corps prendront des chemins différents, d’ailleurs, qu’en sait-on ? Qu’est-ce que le corps, cet habit de chair sur des cintres d’os qui plait aux uns et déplait aux autres, ce costume qui selon comment on le porte nous donne l’air bien habillé, souriant ou bien encore mal fringué et triste. Ce costume au fond ne sera plus qu’un amas sur son cintre aussi inerte que le veux peignoir troué oublié à la patère de la salle de bain gardé on ne sait pourquoi, parce qu’il a toujours été là, parce qu’il fait partie de notre vie. Le corps, lui, n’est pas un bien matériel, il effacera sa présence matérielle pour n’exister qu’au virtuel des souvenirs. Selon nos sociétés, nos croyances, nos coutumes, il sera enfermé dans une boite aux bois précieux pour disparaitre sous la terre, la pierre ou les flammes échappant aux regards à jamais. Réduit au silence, à l’absence. On nait, on vit, on disparait, on plonge dans l’oubli du quotidien ou l’on ne vit plus que par souvenir.
Alors oui, le jour où mon âme et mon corps ne seront plus d’accord que sur un point : la rupture, que faudra-t-il qu’il advienne ? Mon âme a toujours été bohème, voyageuse, même dans les moments les plus sérieux les plus stricts : sur le banc d’une classe, dans les moments les plus étranges, les plus tristes où la rigueur fut de mise, mon âme bien peu conquise s’en allait perpétuellement divaguer vers quelques sommets, quelques randonnées, quelques es capades, quelques contrées familières, quelques désirs d’ailleurs, de ces ailleurs qui nous abiment de ces abimes où nous plongeons, de ces plongeons où nous respirons, de ces respirations qu’on appelle la vie. De mon âme donc, point de souci, point de salut, d’ailleurs aurait-elle seulement dit au revoir ? Oh ! Je ne sais pas ce qu’il y a après, ai-je seulement su ce qu’il y avait pendant ? Je n’ai aucun souvenir de ce qu’il y avait avant. Selon nos classiques populaires, peut-être rêverais-je mes maitres et prendrais-je dans la fumée de leurs pipes d’écumes de leurs cigarettes l’occasion de croiser quelques mots, d’y entendre accrocher leurs vers, je ne sais, peut-être rêverais mes proches, mes amis trop tôt enfuis, trop tôt partis, mais part’ on seulement trop tard ? Peut-être qu’il n’y a que le néant, qu’il n’y a que poussière d’étoile qu’il n’y a rien tout simplement ; enfin bref, mon âme fera sa malle, elle fera son voyage, elle fera ce qu’elle voudra, au fond, comme elle a toujours voulu, la belle affaire que voici, la belle âme que voilà !

Mon corps. Mon corps sera posé dans une boite, dont le bois blond ravira surtout le marchand, bien peu les amis venus devant ces quelques planches se rappeler de nos existences communes, alors dans une envie, comment pourrais-je dire, dans une salve d’humour à pas grand-chose, je verrai bien une messe, solennelle mais belle, dans un cadre qui sied, pourquoi pas la basilique Saint Sernin, où je n’ai pas souvenance d’avoir entendu ne serait-ce qu’un bout de messe, ou plutôt non, pourquoi pas la vieille chapelle tout en haut de la montagne, celle qui a vu mes fonds de culottes frotter de trop près le rocher pour jouer les explorateurs et tenter une spéléologie d’enfant dans les grottes cachées au pied de la cascade, pourquoi pas encore cette chapelle petite et coquette aux vitraux magnifiques perdue sur une ile…. Ah ! les iles, elles vous emmènent à voyager, même lorsque vous n’y êtes plus. Allez, j’y file, mon âme appelle mon corps à se bouger, le bruit des vagues sur les rochers, les cris des mouettes et des goélands, les cloches de l’église du bourg, la trompe du ferry, ou bien encore le silence et le vent, tout simplement !



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