et oui, c'est vendredi !

Et bien, il ne fallait pas désespérer ! Revoilà la pluie, le temps gris et maussade même s’il ne fait pas froid, cela rafraîchi les ardeurs des lézardeurs que nous sommes. Point de virée à l’océan, point d’escapade ensoleillées aux embruns salés, point de retrouvaille avec ces longues pistes cyclables aux senteurs résineuses et emmiellées, pas de vélo, pas de rollers, pas de vagues démontées à observer, le cahier sur les genoux pour noter ici ou là la folle complainte de l’océan qui n’en finit pas…. Et bien ça sera week-end maison, week-end papa poule même, enfin, tonton gâteux puisque déjà mon neveu à réserver la chambre, qui plus est dès ce soir… En fonction du temps, des envies, ça sera intérieur ou extérieur, pas de soucis, il y a du boulot partout !

Dehors, les arbustes à finir de tailler, ça commence à presser ; la tondeuse à réviser et peut-être à passer pour une première coupe et le jardin à nettoyer puis à retourner…

Dehors et dedans, la méhari à récupérer, commencer le check-up, faire la liste, monter les premières pièces reçues, préparer Amboise.

Dedans, nettoyage de printemps, ménage et grand ménage, installation de la pièce du train en commençant par l’électricité, puis à être dans les fils, installer dans la maison la liaison Ethernet.

Pour tout cela, je sais que je ne bosserai pas seul, mon aide de camp sera là pour aider comme pour motiver, entre deux parties sur le pc… Week-end familial ou presque… Fête des grands-mères dimanche, et bien sûr pensées émues pour celle qui nous a quitté. Elle était née le jour de la femme, et aurait eu 93 ans la semaine prochaine. L’émotion est encore intense. Nous serons donc encore une fois tous les deux pour ce week-end là, à partager la bonne humeur, les taquineries, les rires, guérir les pleurs… Un passage au cinéma aussi est prévu, je l’ai su tout à l’heure. Finalement, je ne suis pas maître chez moi ! Mais bon, quel mal y a t’il à cela ? Depuis peu, je suis son quatrième domicile et il y réserve son week-end par avance. La chambre est disponible, la cuisine pas trop mauvaise sûrement, d’ailleurs sur ce plan là, ça oblige à préparer un peu plus que pour l’habituelle pitance du week-end en célibataire. Rythme à deux, devoirs à surveiller, à contrôler, aide aussi à comprendre les pièges que l’éducation place dans chaque page de ses manuels pas toujours digeste. Ordinateur, car sans lui, point de ce merveilleux jeu en réseau, conquête improbable dans un univers fantastique, passion exacerbée pour ces mondes étranges ou le moindre objet change d’appellation dans des consonances mystiques et mystérieuses.

Accès réglementé de toute façon, car moi j’ai besoin de l’ordinateur communicateur. Du spleen ? Non, pas du tout, de la zenitude à revendre, comme si depuis mon dernier arrêt, j’avais enfin la voie libre à jamais, la vitesse croit, la trajectoire est prise, sans aucune déviance, je glisse sur des rails. Bientôt la gare… Peut-être est-ce pour cela que je veux emménager mon train ?


Quel que soit le temps, quelle que soit la vie, il y a toujours un lendemain, moins gris, plus clair, plus bleu, il y a toujours ce coin de ciel, celui qui redonne l’envie, celui qui redonne la vie. La faiblesse est de porter le regard à ses pieds au lieu de regarder l’horizon. Le sol est plus sombre que le ciel, pourquoi regarder en bas quand c’est là-bas qu’il faut aller ? Car c’est bien ce là-bas qui nous fait avancer. Les randonneurs le savent bien, et ils ont identifié leurs chemins de deux traits, un rouge surmonté d’un blanc. Le rouge en bas, symbolisant les pieds en sang, usés, fatigués de la marche et des chemins abîmés, usés des cailloux de la route, d’ailleurs, savez-vous qu’en latin, un petit caillou se dit « scrupule » ? Belle image ! On avance en saignant à cause des scrupules… Le blanc symbolise les nuages, la pureté. Les pieds en sang, la tête dans les nuages, ainsi marchaient vers Compostelle, les pèlerins de Saint-Jacques.

Pour avancer, il faut voir vers le haut, oublier les épreuves et les blessures du corps et de l’âme. Regarder loin devant, deviner le but, le voir et l’atteindre. Les satisfactions de nos vies sont là, dans l’atteinte de nos buts et non dans les blessures du chemin. Alors, avançons sans se retourner, gardons tête haute et devenons nos vies à venir plutôt que de s’appesantir sur nos vies passées. Marchons. Longtemps. Marchons ensemble vers demain. Longue route. Belle route. Bonne route à tous.

Allo la Terre ?

Voilà plus d’une semaine déjà que ce temps se maintient. Légère alerte hier, un peu de pluie, si peu, juste pour que le ciel montre aux hommes qu’il est sec et à sec. Larmes asséchées sur un sol desséché… Des températures trop hautes pour la saison, pas d’eau, peu de neige, le bilan 2008 s’annonce d’ores et déjà triste. A moins que la suite du calendrier nous réserve des périodes interrompues de pluie, nos réserves d’eau déjà mise à mal durant les épisodes hivernaux et 2007 ne pourront pas se reconstituer. Dérèglement climatique ? C’est certain, mais à qui la faute ? Aux hommes et à la pollution générée ? A la position du globe terrestre dans le système solaire ? A l’inclinaison de la planète Terre sur son axe ? Difficile à dire, je ne suis en aucun cas un spécialiste. Tout ce que je constate, c’est qu’on a trouvé l’argument terreur pour dire tout et son contraire. Polluons moins, économisons les ressources, c’est l’effort de tous.

Incitons les gens à installer des ampoules à économie d’énergie chez eux. Moins de consommation individuelle d’électricité, c’est bien. Mais pourquoi, dans le même temps, laisse t’on les enseignes des grands magasins, des entrepôts, des bâtiments privés ou public allumés la nuit durant ? Pourquoi continue t’on d’éclairer les routes, et périphériques et avec autant de puissance ? Près de chez moi, un nouveau lotissement est sorti de terre. A peine les voiries installées, l’éclairage public a été branché et éclaire la nuit durant des rues désertes dans un lotissement sans aucune construction… Connaît-on le coût de fabrication et les pollutions engendrées par la fabrication des ampoules basse consommation ?

Développons les énergies bioclimatiques, tirons l’énergie du sol et du soleil. Bonne idée ! Je suis prêt à équiper ma maison de capteurs solaires. Seul bémol, le coût. Bien sûr, il y a des aides, mais vous êtes-vous renseignés ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pourquoi, dans ce cas, l’Etat n’en équipe pas ses propres bâtiments ? Pourquoi n’y a t’il pas plus d’incitation lors de la construction de nouveaux bâtiments, individuels ou nationaux ? Pourquoi continue t’on d’accorder des permis de construire pour des bâtiments représentant des aberrations écologiques de par leur taille, forme, orientation, vitrage ? Pourquoi continue t’on de construire des immeubles de bureaux tout en verre qu’il va falloir chauffer et climatiser à tout va ?

Nos véhicules polluent, c’est sûr. Une écotaxe est née pour financer les répercussions de cette pollution, sauf que cette écotaxe ne se paye qu’à l’achat, et que le véhicule pollueur pollue et polluera durant toute sa vie… C’est donc toute sa vie qu’il devrait financer, non ? Pourquoi ne fabrique t’on pas des véhicules non polluants, ou du moins, moins polluant ? Certaines villes comme Mexico ont depuis très longtemps des véhicules roulant à l’alcool, rejetant moins de particules dans l’air déjà saturé en pollution. Pourquoi ces technologies n’évoluent-elles pas ? Pourquoi la recherche n’évolue pas dans ces domaines ? Pour ne pas perturber le monde fascinant et financier de l’or noir ? Ça, c’est sûr ! Regardez simplement l’évolution du prix du pétrole, celui de votre carburant préféré à la pompe, et les profits des groupes pétroliers. Les trois courbes ne sont pas parallèles… Les deux dernières grimpant allégrement plus vite que la première… D’ailleurs, le consommateur sait-il qu’en remplissant son réservoir, il finance le développement des TERs, y compris dans des régions non desservies ?

Il est facile de faire de la surenchère écologique à tout va, il semble désormais difficile de faire preuve d’un peu plus de bon sens, de ce bon sens terrien que possédaient nos aïeux. Il est vrai qu’ils vivaient aux heures du soleil, en harmonie avec la terre nourricière, qu’ils bâtissaient leurs maisons en respectant les vents dominants, l’exposition solaire. Il est vrai qu’ils avaient moins de moyens pour vivre et se chauffer, ce qui impose de faire attention aux possibilités d’économie en cherchant la rentabilité du moindre rayon de soleil. Bien sûr, nos vies ont évoluées, notre confort s’est amélioré, mais est-ce une raison pour oublier en chemin ces bonnes habitudes. Est-ce une raison pour oublier quelque part d’utiliser les ressources gratuites dispensées par notre planète ? A promouvoir des initiatives, à financer des aides, faisons le dans le bon sens, revenons à un peu plus de jugement, analysons les répercussions avant et non lorsqu’il est trop tard.


Ceci n’est pas un programme écologique, ceci n’est pas une campagne écologiste. Juste quelques notions de bon sens perdu qui me chiffonnent. Il n’y a pas besoin d’un parti vert, blanc ou bleu ou rouge ou orange pour réfléchir ensemble et faire en sorte que notre terre d’aujourd’hui soit notre terre de demain, celle de nos enfants aussi. Faisons en sorte qu’ils puissent nous dire merci d’avoir su préserver la planète pour eux et leurs descendants. Sur cette Terre, nous ne sommes que de passage. Faisons en sorte que ce passage ne soit pas trop profondément marqué dans l’écorce. C’est beau une planète bleue. Soyons heureux d’y vivre, entretenons-la de notre mieux. Aidons nos politiques, nos dirigeants, nos industriels à comprendre cela. Les études, parfois, ça fait perdre les choses simples de la vie. La règle de trois est remplacée par des systèmes d’équation. Le bon sens, l’harmonie entre l’homme et sa planète sont passés aux oubliettes. Mais c’est nous qui en avons la clé. Agissons dès aujourd’hui. Question d’envie, question de vie.

Méhari

Calendrier tendu, les échéances approchent… Plus que quelques mois avant l’aventure. Plus que quelques mois pour s’organiser, pour organiser le périple, pour réviser, contrôler, améliorer, mettre tout en œuvre pour que tout se déroule au mieux. Echéance mai, quelque 650 kilomètres à parcourir pour la grande réunion de plus grand nombre de modèles possibles, l’anniversaire des quarante ans de la Méhari. Dans le cadre d’Amboise, histoire d’essayer de centrer les débats, en ce week-end de Pentecôte est organisé ce grand rassemblement. Une occasion unique ou presque, d’aller voir tout plein de belles, de tout âge, de tout état, beaucoup hélas, refaites à neuf, brillantes (trop ?) comme un sou neuf, car c’est là l’apanage des modèles anciens, beaucoup trop, à mon avis, sont comme neufs, brillent de trop dans leur peinture récente, faisant oublier l’âge de leur carte grise…

Certes, le but est avant tout la sauvegarde de l’espèce, mais combien cessent de rouler, d’exister dans leur fonction première ? Combien de films dit d’époque emploient des actrices à quatre roues trop clinquantes, oubliant que dans notre vie de tous les jours, nos voitures roulent plus souvent sales qu’à leur tour ? Je ne parle même pas du mélange du genre, des adaptations plus ou moins réussies, des hybrides mélangeant les tics stylistiques des différentes années de fabrication. Chaque auto a son histoire, chaque propriétaire en configure l’aspect. Certains trop puristes, certains libres artistes de la découpe et de la création. Je ne suis pas un puriste, un ayatollah dénigrant tout ce qui sort du moule, image humoristique pour cette auto à la carrosserie en ABS moulée, non, l’essentiel est le nombre encore existant, roulant, quel qu'en soit l’état, et surtout le nombre de voitures utilisées réellement!

Imaginez un peu cette auto, de son vrai nom Dyane Méhari, puisqu'elle dérive de la Dyane, née la même année, peut-être plus pour des raisons commerciales, car, en ce temps-là, la Dyane devait remplacer la 2CV dont les ventes s'essoufflaient... La conception ne vient pas des bureaux d'études Citroën, mais du cerveau d'un homme, Roland de la Poype. Carrosserie en ABS, matière nouvellement maitrisée en ces années 60, sur une structure légère reposant sur un châssis de 2CV camionnette. Présentée aux responsables Citroën, elle séduit immédiatement et fut intégrée à la gamme. Modèle contestataire? Elle est officiellement née en mai 1968 dans une société plus préoccupée par d'autres événements. Ce symbole du vent de liberté des années 70, n’a été fabriquée qu’à 144 000 exemplaires de 1968 à 1987. Beaucoup se sont perdues, affres d’une époque ou l’objet n’était qu’utilitaire, d’autres ont péri dans un incendie plus ou moins provoqué, d’autres finissent encore leurs jours dans des maisons abandonnées… On estime à environ 70 000 le nombre de modèles encore en vie, une vie allant du grand éventail de l’usage quotidien au coma en attendant une hypothétique restauration.


Usage utilitaire ou usage de loisirs, elles peuplent aujourd’hui plus facilement le bord de mer que l’intérieur des terres. Trop oublient encore que leur robe de plastique insensible aux embruns, recouvre un fragile squelette de métal mal protégé qui se transforme en dentelle dans la plus totale indifférence. Née en plein cœur des années colorées, la garde-robe est chatoyante, des tons assez toniques seyant à merveille au côté ludique de l’auto. Orange, jaune, vert acidulé, beige plus tranquille, vert plus camouflage, pour finir sa vie en blanc propre, approche des années 80 oblige… Et puis, des normes de sécurité, des normes de pollution ont eu raison de sa production. Et puis, les goûts avaient changé. Jusqu’à ce qu’une poignée d’irréductibles amoureux de ce gros jouet commence la sauvegarde. En même temps, l’armée se débarrasse de ces modèles plus vraiment adaptés à l’usage militaire. Des stocks de pièces sortent des oubliettes, des fabricants se lancent dans l’aventure, rachètent les moules d’origine, refabriquent les pièces pour notre plus grand bonheur. Aujourd’hui, il est possible d’en fabriquer une neuve, car tout se refait, tout existe en neuf, jusqu’à la moindre visserie. Aujourd’hui, il est possible de réviser la sienne de fond en comble, car le concept simple et pratique de la 2CV perdure dans ses gènes. Voilà ce que je peux dire sur la Méhari.
Vous parler de la mienne ? Oh, il n’y a rien à dire, elle est dans son jus, n’a pas encore 100 000km. Née en 1984, j’en suis son second propriétaire, après 22 ans passés dans la même famille, dormant au garage sous une couverture, ne sortant aux beaux jours que pour prendre l’air… Elle est beige, couleur un peu triste pour les uns, classe pour les autres, un peu plus passe-partout que certaines de ses sœurs. Longtemps je l’ai cherchée sans trop y croire, et puis, un beau jour, je l’ai trouvée, tout près de chez moi. Ainsi vont les choses. Croyez-moi, elle sera prête pour l’anniversaire, son anniversaire.
40 ans, ça se fête, non ? Sujet à suivre donc, j’essaierai d’en tracer les étapes essentielles, sans trop rentrer dans des descriptions ennuyeuses, ponctuant ci et là de photos prises au fur et à mesure de l’avancement du projet.

Les chemins de la vie

Hier est hier, aujourd'hui est aujourd'hui et nous avançons vers demain, ce demain qui est un autre jour, un lendemain qui pourtant sera la veille d'autres lendemains. Doit-on vivre avec hier, sachant que nous avons tant de lendemains à écrire? Certes aujourd'hui n'est aujourd'hui que parce qu'il y a eu hier, mais demain? Demain est-il la suite d'aujourd'hui ou d'hier? Qu'est-ce qui nous fait avancer et doit-on avancer? Regrettons-nous aujourd'hui ou hier? Regretterons-nous demain? Demain est-il plus important qu'aujourd'hui? Demain est-il plus important qu'hier? Hier est-il plus important qu'aujourd'hui? Et demain? Que sera demain? Peut-on apprécier demain sans avoir vécu hier et aujourd’hui ?

Toutes les étapes de nos vies sont entre-elles liées, il n’y a pas de blanc dans l’espace temps. Chaque jour apporte son lot de joie et de peine, plus ou moins profondes, plus ou moins indélébiles, chaque jour nous charge d’émotion, modifie notre énergie, nos attentes, mais surtout, chaque jour s’écrit sur les bases des précédents et chaque jour constitue les fondations des lendemains… Le temps bâtit notre vie et nous construit. Qu’y pouvons-nous ? Pas grand chose, à part faire les choix, choisir les bonnes bifurcations du chemin. Comme dans une grande randonnée, mais après tout, c’est celle de la vie, nous sommes sur un sentier, et nous avançons. Parfois, il y a un chemin sur le côté, gauche ou droit, sentier de pierre, ou chemin reposant. A chaque fois la réflexion. Continuer tout droit, prendre ce chemin là plutôt que celui-là. Quitter ce chemin qu’on emprunte depuis déjà quelques temps. Envie de changer, esprit d’aventure, rarement connaissance réelle du chemin à moins d’avoir lu la carte avant. Dans nos vies, même si la carte est tracée par avance, ce que je ne crois pas, nous hésitons et parfois nous restons plutôt que nous changeons. Parfois nous changeons pour un chemin semble t’il plus agréable, plus attirant. Bon choix ? Mauvais choix ? Comment savoir sans aller au-delà du carrefour ? Comme dans reconnaissance, nous marchons, nous choisissons un parcours, quitte à rebrousser chemin, apprenant par-là même les bons et les mauvais endroits. Parfois, certains ont laissé des traces sur les murs et les arbres pour guider les suivants. Croix, trait ou point, balisages établis pour de belles randonnées sans risquer de se perdre en chemin.

Ça, c’est pour les randonnées, et d’ailleurs, ce n’est pas toujours clair, ni même indiquant l’endroit réel ou on veut aller, croyez-en mon expérience. Mais dans la vie ? Dans la vie, il y a surtout le bonheur de ne pas avancer seul, de croiser longuement et longtemps nos expériences des chemins empruntés. Echanges de points de vue, mise en commun des notes prises sur les sentiers de la vie, mais surtout, ne pas se lâcher la main, être tour à tour le guide de l’autre, avancer à deux, loin, très loin, jusqu’au but ultime. Avancer non pas pour avancer mais pour gravir ensemble ce dont on se fait une montagne. A deux. Il y a déjà quelques mois, quelques kilomètres de parcourus ainsi. Il y en a encore beaucoup, mais déjà le chemin est plus facile, plus régulier. L’horizon se dégage, le soleil luit. Encore quelques mètres, quelques hectomètres, quelques kilomètres et même une infinité tant il est si bon de marcher ainsi, d’un pas égal, d’une même envie, d’un même rythme. Continuons longtemps de marcher ainsi. C’est si bon, si agréable de partager la découverte, d’aller sans revenir, d’échanger et bâtir, ensemble, sur le même chemin.

Communion

Boulot. Ce coup-ci, il y a enfin un fonctionnement cohérent : la météo est plus grise pour ce lundi après deux jours magnifiques de week-end ! Samedi, balade donc, et dimanche occupations saisonnières au jardin : opération taille des arbres et de la végétation. Phase délicate ou la main de l’homme impose sa vision de croissance désirée à la plante. Mon grand-père me disait souvent : « le premier qui a taillé un arbre était un âne ! » Sans que je sache ce que cachaient ces mots-là, dans toute l’indifférence de l’enfance, ou on grandit très loin de ces activités arboricoles et potagères. Le jardin n’était pour moi que terrain de jeu, source de corvée d’arrosage, dont j’essayais de tromper la monotonie par la flottaison de tout objet possible, voguant tels des vaisseaux impétueux bravant les océans démontés à travers les rangés de haricots verts ou autres tomates. Que de choses dites par mes parents et mes grands-parents, que de choses entrées et sorties aussitôt de mon esprit encombré par des cabanes imaginaires, des indiens emplumés, des billes aux reflets magiques, de voitures plus rapides les unes que les autres…

Aujourd’hui, à chaque fois que je saisis le sécateur, à chaque fois que j’essaie de m’occuper un peu de mes arbres et de mon jardin, ces mots résonnent en moi. J’essaie de me remémorer toutes ces phrases, ces dictons, ces enseignements gratuits et non consignés hélas dans des cahiers ou des livres, ces choses qui ont pourtant un jour ou l’autre, souvent plusieurs fois même, transitées par mon cerveau. Que voulait dire ces mots simples ? Est-ce que le premier homme a eu tort de tailler les arbres et de vouloir contrarier et surtout contraindre la nature ? Ou bien, est-ce que le premier à saisir le sécateur, ne bénéficiant d’aucun enseignement, d’aucune forme de démonstration, de parrainage, a du comprendre, interpréter, réfléchir, se mettre à la place du végétal pour effectuer au mieux cette taille ? Ma nature expérimentatrice me fait plutôt pencher vers cette deuxième solution. Plutôt que de tenir le livre d’une main, de compter les yeux, les bourgeons naissants sur la branche pour ensuite aligner le sécateur à 45 degrés et tailler, je préfère observer, réfléchir, analyser. Si je taille ici, c’est bien ce bourgeon qui prendra la force, donc la branche jaillira de ce côté, donnera cette forme à la ramure… Là, je joue la sécurité, je laisse deux ou trois bourgeons en cas gel, d’oiseaux gourmands venant picorer là mes espoirs végétaux…

Comprendre plutôt qu’apprendre et réciter, réfléchir plutôt qu’obéir aux ordres… Oui, je sais, je n’aurais pas fait un bon soldat, d’ailleurs, la grande muette m’a rejeté dès les premiers tests. Que voulez-vous, 34 sur 34 aux tests, ça faisait désordre pour une organisation ou il faut obéir sans réfléchir… Tant mieux, à chacun son mode de fonctionnement. Analyser, entrer quelque part en communion avec la nature, se mettre à la place de la plante, ne pas se battre contre mais quelque part, s’unir, fusionner, aller ensemble vers un même but. Laisser parler son bon sens, arroser le soir ou le matin plutôt qu’en pleine chaleur, arroser beaucoup et de manière espacée, plutôt que peu et en continu, observer, corriger, ne pas traiter à outrance à titre préventif, laisser aux plantes le soin d’agir d’elles-mêmes, les y aider, plutôt que de les irradier. C’est dans tout cela que je regrette amèrement les leçons de mes grands-parents que mes oreilles d’enfants n’ont pas pris la peine de communiquer à mon cerveau d’écervelé…


Aujourd’hui, plutôt hier en fait, à chaque geste, à chaque coup de sécateur, chaque coup d’œil aux ramures de mes arbres, c’est à eux que j’ai pensés, et ces pensées me guident à tracer mon chemin, faire ma propre expérience en essayant de me souvenir des mots, des gestes vus en entendus… Erreur de transmission ? Peut-être. C’est ainsi et rien ne peut en changer le cours. Demain, qui sait, je transmettrai à mon tour. Si la vie m’y autorise, j’expliquerai les gestes, les us, les coutumes d’un temps qui sera alors révolu… Je le ferai bien volontiers, dans une continuité généalogique en songeant alors à mes parents, mes grands-parents, en souriant avec malice aux épisodes du temps… Hier est vécu, aujourd’hui est à vivre, demain à écrire avec les acteurs de ma vie. Je me sens pour tout dire apaisé, prêt à vivre aujourd’hui, enfin presque aujourd’hui, cette nouvelle période de ma vie.

Retour à la vie

Ciel bleu et température de printemps. Sortie raquettes annulée, sortie de semaine difficile, quoi de mieux qu’une virée en 2CV par ce beau temps pour se changer les idées ? Direction Saint-Ferréol, et le Lauragais, terre d’origine maternelle, terre charnelle, autrefois reniée et ou aujourd’hui, j’aimerais bien posséder une ancienne ferme…. Vision utopiste, eu égard aux tarifs immobiliers pratiqués… Pas d’ordinateur, pas de téléphone, je roule déconnecté du monde, dans mon bolide fendant l’air à des vitesses ignorées par les radars, homme d’un autre temps dans un véhicule d’un autre temps… Les deux font la paire ! Direction ce pays familier ou j’aime aller me ressourcer, aller chercher la bouffée d’air salutaire.

J’attaque la deuxième partie de ma vie, dont je ne sais si elle sera de même longueur, ou, plus courte, ou, plus longue… Je m’en moque ! Seul le grand sablier céleste connaît la durée vitale de ma personne. Aucun stress, aucune émotion, c’est ainsi. Certains meurent plus jeunes, certains vivent très vieux, c’est comme cela. J’ai passé le virage clôturant la première ligne droite, celle des projets, celle des visions idéalistes, celle des expériences, celle aussi des regrets, celle ou on envisage de fonder sa famille, sa propre famille, sa descendance, exister ainsi dans notre belle société, rentrer en quelque sorte dans une normalité nationale… Sortie un peu précipitée, périodes instables, dures, pénibles, et puis, la pression chute, s’effondre, coulant le mental et le moral… Et puis ça repart, nouvelle étape, joie des rayons de soleil retrouvés…

Entre deux âges. Fini celui des projets, place à celui de la vie. Sans capteurs installés pour savoir ce que je fais ou pas, ce que je dis ou pas, un jour plutôt que la veille… Sans contraintes autres que d’être heureux et de rendre heureux. A quoi bon essayer de rendre les autres à l’image qu’on voudrait d’eux ? Nous sommes comme nous sommes, tous différents. Défauts ou pas. Je sais, je suis beau, riche et intelligent, ou peut-être pas, et même, très certainement pas. Je suis comme je suis. Vivre. Tel est mon souhait désormais. Sans excès, sans regret, sans douleurs, subies ou provoquées. Je suis comme je suis, pas autrement. Je redécouvre la vie, nouvelle philosophie de vie, d’être et non de paraître. Pas envie d’être sous analyse permanente, médicales ou psychologiques, physiques ou verbales, pas envie de devoir compter mes mots, analyser mes maux, en permanence, devoir justifier qu’hier était hier, et demain sera demain. Vivre au jour le jour. Profiter du répit de la vie, retrouver la santé physique, mentale et morale, me remettre à fond à mes passions, trains, voitures, qui à laisser d’autres passions en chemin, sans mauvais jeu de mot lorsqu’il s’agit des randonnées. Bilan de ma vie ? Peut-être. Recherche du second souffle, de préférence à deux, dans une même approche de la vie. Savoir profiter de tous les moments, bons ou mauvais, sans se générer des contraintes.

Voilà ma phase actuelle, au soleil de Saint-Ferréol. Envie de sortir, de respirer, de quitter la virtualité, envie de voyager au gré des envies, de partir au volant de la Méhari ou de la 2cv, direction ces lieux ou je recharge mes accus, ici, ailleurs, océan, montagne… Quitter cette vie cadencée par le processeur, sortir du rythme de l’ordinateur, au boulot, à la maison, jusque dans la C4, ma vie est informatisée. Trop. Des projets ? OUI ! Installer enfin, une bonne fois pour toute, mon train dans sa pièce en attente de bonne volonté ; Revoir mes amis, ma famille, lire, dormir, profiter de l’océan, faire du vélo, des rollers, bref, je suis très loin des idées d’un certain 20 juin… Et puis…écrire. Peut-être différemment, à un rythme différent, quoique ces derniers temps, j’ai plutôt lâché la plume.

Retour à la vie dans sa banalité, dans ma banalité. Je ne suis pas un surhomme, juste un homme, avec ses peurs, ses douleurs, ses doutes, avec toute sa complexité, avec ce mélange de défauts qui font la personnalité de chacun, qui font que nous sommes tous différents. Je suis, je redeviens moi. Nouveau départ, nouvelle ère, nouvelle vie. Tourner la page, pas par manque de place, pas pour renier la page précédente, non, simplement parce qu’il est temps de vivre en harmonie avec son temps, son âme, son corps et son cœur. J’en suis ou j’en suis, sans regret, car les regrets ne servent à rien d’autre que regretter des choses passées, enfouies à jamais. Etre soi, en paix avec soi-même. Digérer. Se reposer. Repartir. Plus de preuves à donner, plus d’objectifs ambitieux, trop ambitieux, Plus de preuves à donner, plus d’objectifs ambitieux, trop ambitieux, tout ça c’était pour la première partie de ma vie. Réussite professionnelle, carrière exemplaire… Trop tard, oubliée ! Réussite sociale, fonder sa famille, une femme, des enfants… trop tard, oubliée… Des regrets ? A quoi bon ? Comment avancer dans la vie en traînant le boulet des regrets ? J’ai eu du temps, des possibilités. Etaient-ce les bonnes ? Ai-je bien mis tout en œuvre pour y parvenir ? A quoi bon disserter pendant des heures, ce qui est fait est fait. La vie a passé, le compteur a tourné, et j’en suis là. J’en ai été las aussi. Période de deuil de cette phase de vie, des amours d’antan, des ambitions professionnelles, de la mise sous pression permanente.

Réussir ! Maître mot de notre société. Réussir sa vie. Un patrimoine, une famille, une carrière. Patrimoine ? Heureusement que j’ai bénéficié d’une conjoncture favorable pour acheter mon humble demeure ! Un toit à moi. Une famille ? Bon, je crois avoir déjà traité du sujet. Une chaumière et un cœur. Et bien, la chaumière est là, le cœur n’y est pas. Des enfants qui jouent et courent dans le jardin ? Et bien, non. A part les week-ends partagés avec mon neveu… La carrière ? Bof ! Un boulot qui jusque là a su m’intéresser, des étapes franchies, un avancement régulier mais non exceptionnel, jusqu’au coup d’arrêt récent. A côté de cela, un investissement dans le club de randonnées, au point de passer presque tous les week-ends de la saison à marcher, tantôt pour reconnaître de nouvelles sorties, tantôt pour encadrer les sorties du club. Puis l’hiver nous a conduit vers les raquettes. Préparation, lien entre administratif et guides professionnels, et encore du temps investi, du temps passé, du temps perdu pour autre chose…

Et puis la vie se rappelle à vous, par les étapes cruciales, par le compteur des chiffres ronds. Combien de 40 ans ai-je fêté chez les autres ? Combien il me fut dur de voir les miens s’envoler dans l’indifférence d’un dimanche de décembre ? Et puis les amis s’éloignent. Par manque de temps paraît-il. Par mise en priorité d’autres activités… Et puis les cousins s’éloignent, pour les mêmes raisons. Et puis la vie fauche les êtres chers de ma vie. Ma grand-mère est partie, il y a trois semaines, et j’y pense ici, sur ses terres, j’irai voir la pierre grise et froide qui la couvre, elle et pépé. Ses obsèques ont été l’occasion de revoir mes cousins, comme si je les avais quittés la veille. Doit-on attendre d’autres obsèques pour relier avec les amis ? Il fut un temps ou je menais la bande, gai luron, donneur d’ambiance. Je me souviens des vœux d’un nouvel an qu’exceptionnellement j’avais séché : « je leur avais manqué, il n’y avait pas l’ambiance habituelle » Cela faisait plaisir à entendre. Cela fait réfléchir aujourd’hui. Ou est passé cette facette de ma personnalité ? Décidément, il faut que je revienne à la vie !

Depuis mon dernier coup de déprime, depuis ma période de repos, je me sens renaître, repartir au combat, retrouver peu à peu l’énergie qui semblait m’avoir quittée. La marche, le roller, bientôt le vélo, et même le VTT dans la forêt de Bouconne ou je connaissais le moindre trou dans la piste, voilà de quoi se remettre en selle. Côté boulot, reprise d’horaires plus académiques, gestion de périodes de récupération et de décompression, et puis surtout, une nouvelle technique : l’amnésie volontaire. S’en tenir à ses prérogatives, ne pas s’immiscer dans des activités qui ne me sont pas confier. Même si cela fait mal parfois de voir les mauvais choix pris, laisser nos éminences grises se faire les dents sur des choix incohérents… Que voulez-vous, il n’y a plus de promotion interne mais des embauches issues de grandes écoles. Nous ne parlons pas le même langage et finalement, nous sommes trop cons pour être consultés… Alors, laissons faire, et surtout, laissons-les faire des heures…

Les beaux jours arrivent, bientôt le changement d’heure qui donnera envie de s’échapper pour s’occuper de soi, du jardin, de la Méhari qu’il va falloir préparer pour son anniversaire. Et oui ! Cette année, nous fêterons les 40 ans de la Méhari, avec un grand rassemblement à Amboise, et bien sûr, j’y monte ! Ce n’est pas parc e que je n’ai pas fêter mes 40 ans que je ne fêterai pas ceux de la Méhari ! D’ailleurs, la 2cv fête cette année ses 60 ans. Restons Citroën, la Dyane fête aussi ses 40 ans, et l’AX GT, mon bolide rouge regretté, fête ses 20 ans… Bien sûr ce sont là l’anniversaire de présentation du modèle. Ma Méhari a 24 ans et ma 2cv 25 ans. L’essentiel sera de participer dans le but de rassembler le plus possible de Méhari dans un cadre majestueux… Reste à réviser ma belle pour effectuer la route en toute tranquillité, tout en la laissant dans son jus d’origine. Et voilà encore un autre projet ! Aurais-je assez d’une vie ? Et puis, il y a la maison, à reprendre, détapisser, retapisser, peindre, repeindre, aménager, prévoir un garage pour protéger mes belles, m’atteler au jardin laisser au repos ces dernières années.


Finalement, donner un sens à sa vie reste possible, à n’importe quelle étape que ce soit. Alors, on s’y met ? Excellente méthode pour éviter de se prendre le chou avec des futilités de cette vie-ci, même si cela paraissait important dans la vie passée. Il y a toujours pire, il y a toujours mieux, mais le mieux reste ce que l’on fait soi, le pire serait de ne rien faire par peur de ne pas y arriver. La perfection n’est pas de ce monde, parole d’extra terrestre ! Et puis, la pêche que cela donne reste quelque chose d’extraordinaire… Je vous assure…

Energie !

Le retour du soleil ! Enfin de belles journées, de l’énergie en rayon ailleurs qu’aux rayons du supermarché, et, cette énergie, donne à son tour l’énergie d’aller marcher, et même, super marcher ! Super ! Quoi de mieux pour illuminer la grisaille que la chaude lumière du soleil ? Cette énergie dont nous avons tant manqué l’an dernier, absence dont on mesure grandement les conséquences en ce début d’année : Morosité, déprime, dépression, tout cela n’est que le résultat d’une baisse d’énergie, d’une mauvaise recharge de notre batterie interne par manque de soleil, par manque de saisons réellement marquées l’an passé, une batterie mal chargée qui peine à joindre les deux bouts, s’épuise en attendant les rayons salvateurs qui seront requinquer le moral des troupes et recharger les accus. Et oui, l’Homme est comme un robot, ou plutôt, comme une plante dont les feuilles dépérissent par manque de lumière, n’arrivent plus à se recharger par le cycle merveilleux de la photosynthèse, souvenir des leçons de choses de l’enfance…

Quoi que nous ne pensions, nous sommes bel et bien des atomes de notre planète, nous vivons en osmose, dépendant comme elle du rayonnement solaire, pompant notre énergie du sol, de l’air, de l’eau et du feu solaire. Ronde des éléments, cycle de la vie, cycle nécessaire à la vie. Retour aux sources, aux bases essentielles, régénération du corps, de l’âme, de l’esprit. Marcher dans la nature, proche d’un cours d’eau, paisible ou turbulent, torrent ou ruisseau, lac ou rivière, canal ou fleuve, mer d’huile ou océan tempétueux, plonger son regard dans l’onde, chercher l’oiseau qui traverse le paysage, avec lui s’envoler et laisser s’envoler l’âme, mettre l’esprit en vacance, apaiser les tensions, détendre la machine soumis à de rudes régimes ces derniers temps… Voilà ce que j’aime et ce que j’apprécie dans la promenade, la randonnée, la balade, des occasions uniques de se vider les neurones, de recharger le corps et retrouver la sérénité du nouveau-né…

Que de chemins parcourus, que d’endroits visités, que de choses vécues, que de tensions atteintes et soudainement relâchées… Bilan émotionnel, bilan de santé, bilan tout court… Bilan ? 2 fois l’an ? Hum, l’esprit retrouve là sa gymnastique habituelle, ses jeux de mots, ses jongleries de mots… Jeu de mots après avoir subi les maux… Nettoyage cérébral après encrassement chimique des neurones, masquage pharmaceutique d’un état émotionnel. Caché plutôt que soigner. L’âme et le corps, l’un habite l’autre, l’un ne vit pas sans l’autre. Indissociable. Séparable qu’au dernier moment, au dernier souffle. Ce dernier souffle encore présent dans mon esprit, ces dernières heures si longue et si cruelle pour l’entourage… Ce week-end, j’irais aussi revoir la pierre grise nichée à flanc de ses coteaux ventés et chauds de notre beau Lauragais. Pensées sereines, vague à l’âme bien sûr, mais la vie est ainsi parfois. Bien sûr, les pensées existent toujours sans concordances de lieu ni de temps et il n’est nul besoin d’être dans ces lieux de mémoires pour se souvenir et penser à ceux qui nous sont chers. Comme il n’est nul besoin d’attendre cette phase ultime de la vie, pour se rappeler, pour penser à tous ceux qui nous sont chers, amis, familles, proches, amour, comme il n’est nul besoin pour attendre de leur dire « je t’aime », d’aller les voir, de vivre tout simplement.

Et puis, ces beaux jours, ce sont aussi des occasions d’aller faire rouler choupette ou mémé, de prendre du plaisir à flâner en chemin, cheveux au vent, de rouler en toute tranquillité, dans la modestie d’une vitesse maîtrisée, de se hâter avec lenteur, de voir défiler le paysage à un rythme qui permet d’en apprécier la justesse, l’expression, le détail. Loin de nos bolides aseptisés…


Bon week-end et bonne promenade, sachons profiter tous de ces belles journées sans aucune retenue ni restriction.


C’est si bon l’énergie !

Train-Train

Et voilà, TGV direction retour à la maison… L’occasion de voyager seul sans autre attention que de regarder défiler le paysage. Voyage relaxant pour le corps, la tête riche des souvenirs du week-end, péripéties en tout genre qui se rajoutent aux épisodes de l’histoire de la vie, de nos vies, de ma vie. TGV, voyage anonyme et confortable à travers la France, lien argenté dans des campagnes vertes ponctuées de villages, de villes, évolution des styles architecturaux, modification de l’habitat, des couleurs… Voyage silencieux ou presque, musique dans les oreilles, Linda Lemay glissant ses histoires à l’accent québécois tandis que je traverse des séries de paysage, que je croise sans m’en apercevoir des histoires, des vies, des aventures humaines d’autres humains… Anonyme dans la foule des anonymes, l’occasion de retrouver aussi mon stylo et mon cahier, l’occasion d’écrire, de redécouvrir le plaisir d’écrire, dans ses joies, dans ses douleurs, dans ses douceurs, dans ses couleurs, l’occasion de noircir les pages, l’occasion de se poser un peu, un peu malgré moi, mais j’avoue que ces instants face à moi, dans l’anonymat des lieux et des gens me conviennent bien.

Il y a longtemps que je n’avais voyagé en train, voyager ainsi glissant sur le ruban de fer, traverser les terres de notre beau pays, voir, découvrir, s’émouvoir, imaginer, comprendre, tel est le jeu de l’esprit. De l’écriture à la lecture, mon bon maître Alphonse Allais m’accompagne par ses œuvres. Tout cela pour occuper l’esprit, chasser la chagrin d’arrêter un si plaisant week-end à 12h42 sur un quai, en gare de Poitiers… que le temps passe vite dans ces heures–là, qu’il est traitre parfois, ce temps qui ralentit ces heures qu’on voudrait courtes, ce temps qui raccourcit ces heures qu’on voudrait éternelles… L’impression que dans le grand sablier de la vie, tous les grains de sable n’ont pas la même taille, pas le même poids, pas la même vitesse de progression, pas la même course dans le tube de verre…

Ambiance tranquille dans ce train. Voyageurs clairsemés, confort silencieux, salon violet, fenêtres sur paysages, vagabondage à travers le temps et les lieux. Plume bleue sur papier blanc, course à travers les mots, ruban littéral aux courbes irrégulières… Première annonce, première gare, la seule en fait avant la gare terminus de ce train. Angoulême. Décor familier du monde ferroviaire, TER en attente, wagons marchandise en attente de reprise de circulation, bâtiment à l’architecture fonctionnelle et commune au monde du rail, attente de quelques minutes, croisement d’histoires, changement de train pour les uns, descente pour d’autres et ça repart ! Démarrage lent et silencieux du monstre d’acier, course d’élan pour retrouver la pleine puissance, poursuivre la route vers Bordeaux, terminus de ce train, saut dans un autre TGV qui m’emportera vers Toulouse et mon terminus. Ambiance ciel bleu dans ce week-end de février, encore de belles journées à briser les vieux records météorologiques, à bousiller un peu plus notre calendrier saisonnier. Ambiance particulière de ce week-end bien trop court…

Gare de bordeaux, changement de train, changement d’ambiance. TGV toujours, mais version défraîchie, ambiance scolaire… Ce TGV là, arrivait de Montparnasse, avec à son bord des petits parisiens venant passer quelques jours à la neige du côté d’Ax les thermes… Les pauvres ! Nos chères Pyrénées sont dans un état catastrophique cette année encore. Peu de neige, trop peu encore une fois, les réserves d’eau brilleront par leur absence. Ce coup-ci, en montant dans le train, il faut se battre pour récupérer sa place garnie de valises dont le propriétaire semble être plus occupé à garnir ses alvéoles pulmonaires d’une couche épaisse et noire de goudron sous sa forme vaporeuse plutôt que de libérer un siège conquis à tort… Paysage un peu plus connus ce coup-ci, puisque j’ai eu l’occasion d’arpenter ces coins là, entre les deux rivales, Bordeaux et Toulouse. Trop longtemps opposées, trop longtemps comparées, rivalité maximale dans tous les compartiments, sportif, industriel, ou autres… Bordeaux la froide, la riche, la bourgeoise, austère et glaciale contre Toulouse, la ville rose, toujours active, à toute heure du jour comme de la nuit, en toute saison. Paysage de vigne, de pinède, plaine de culture, architecture austère, froide et raide comme un vieux militaire, voyage à reculons dans une ambiance plus animée. Benabar dans les oreilles et lui aussi me raconte ses histoires au creux de mes tympans. Décidément, mon baladeur me la joue plutôt texte en ce moment. Il est vrai que c’est là mon fond de commerce. Poésies modernes, histoires simples, humoristiques, sourires musicaux pour ces instants hors du temps, pour éviter de trop cogiter.

Renter chez soi à reculons, drôle d’image ! Fin de week-end ou chacun reprend sa vie dans l’absence de l’autre, deuil du vivant pour un vivant… dur dur ! Je réalise soudain que c’est là mon baptême en TGV. Je n’avais jamais pris le TGV, toujours eu affaire à des trains corail. Un trajet dans le bon sens, un autre à reculons. Un train propre, coquet et quasi désert, un autre plutôt vieillot, ambiance enfantine et chahuteuse dans une voiture bondée. Paysage de culture et silos céréaliers, la plaine traversée est plutôt agricole, l’habitat clairsemé. Les pentes des toits sont moins prononcées, je retrouve là des proportions propres à mon enfance. Les hangars de séchage de tabac ponctuent la campagne. Au loin, les platanes alignés trahissent la route nationale qui dessert ces lieux déserts… Agen, 3 minutes d’arrêt, première étape avant la délivrance et le retour en ma ville… Agen, terre de rugby, terre de désolation qui voit fermer ses industries dans ce no man’s land entre ces deux grosses métropoles dévoreuses d’emploi. Et oui, dans notre époque folle, la concentration d’activité se fait sur les grosses villes les conduisant ainsi à l’asphyxie. Il serait si simple de répartir l’emploi sur la terre de France…

Les rails longent un moment le fleuve nourricier, la Garonne, mon fleuve, qu’il est toujours surprenant de voir ailleurs et d’imaginer pouvant être ailleurs qu’à Toulouse, surtout pour moi Toulousain dans le cœur, dans l’âme, dans le corps, dans l’intégrité de mon être. Même si je buvais de l’alcool plus que de raison, même si mon sang laissait sa place à ce poison doux, il resterait toujours des traces de mon fleuve, de ma Garonne dans mes veines. Diana Krall rythme mes derniers kilomètres, enfin, tant qu’il y aura des piles… Hélas ! Voici Golfech et sa fabrique de nuages, le TG ralentit, semble se traîner dans ces paysages ensoleillés, amorce son entrée dans la gare de Montauban, dernière étape avant LA ville, ma ville. Montauban, ville sœur de briques, sœur de couleur. Ville de quiétude, ou le temps semble s’être arrêter. Montauban et ses doux vallonnements qui m’ont toujours attiré, peut –être pour des raisons familiales de mon enfance ? Nouveau démarrage, et voyage au ralenti, voyage qui n’en finit plus tant il me tarde de retrouver ma ville, de respirer son air avant de plonger dans les méandres de son métro.

Enfin nous y voilà, Matabiau, ici ou le taureau sanguinaire, bourreau de Saint Saturnin, devenu Saint Sernin, notre Saint protecteur, ici donc ou le taureau fut abattu, vengeance barbare et illicite contre le martyre de Saturnin. Lieu de vie, lieu d’agitation. J’empoigne mon sac et je plonge dans le sol, dans les entrailles de ma ville, je regagne son métro, ou je retrouve la place que j’affectionne en bout de rame. Voyage là aussi jusqu’au terminus, Basso Cambo. Mes amis m’y attendent pour me conduire en mes murs fonsorbais… Café partagé, échanges encore autour du train, passion commune échanges normaux d’une fin de week-end, autour d’une tasse, échanges ou je mesure encore une fois l’absence de celle que j’ai quitté à 12H42 sur un quai de gare… J’ai quitté son corps et ses lèvres, je n’ai pas quitté son cœur et son âme. A elle je pense sans arrêt, et je rêve à ce jour ou notre voyage sera commun à jamais.

Dure journée...

Dure journée que cette journée-ci, celle des obsèques de ma grand-mère. Situation irréelle et bien réelle pourtant, sentiment étrange de vivre sans le vivre réellement, tellement on veut se préserver, s’isoler de cette triste réalité, de cette douleur éprouvante et étouffante qui ne sait sortir qu’à travers des gouttes de rosée aux coins des yeux. Emotion contenue et qui ressort soudain, attirée, provoquée par un phrase, un mot, un prénom évoqué, une pensée, puis surtout, par l’amour d’un petit homme qui coule à flot de ces yeux trop grands, trop beaux, trop habitués à être vus malicieux. Le lien qui unit les grands-parents à leurs petits-enfants est déjà complice, mais là, ce lien là, entre arrière-grand-mère et arrière petit-fils, j’avoue qu’il est plus que fusionnel. 80 ans d’écart, mais une complicité, une malice, un besoin insoupçonné de savoir ou est l’autre, ce qu’il fait. Pas une visite à ma grand-mère sans avoir droit à la question : « et le dur, qu’est-ce qu’il fait ? » Pas une retour de visite sans avoir droit à la question : « Et mémé, comment elle va ? »

Bien sûr, ces questions ne sont pas innocentes, bien sûr ces questions ne sont pas infondées, mais ce sont là, la naissance, le résultat, d’années, de mois, de journées passées ensembles. Un mère, ma mère, qui cesse progressivement ses activités professionnelles à mi-temps, et qui choisit, les moments de libertés ainsi générés, de les partager, avec sont petit-fils tout juste né, au lieu d’aller chez la nounou, il sera chez sa mamie, la vie est parfois si ingrate, si imprévisible, si courte aussi, qu’il faut savoir profiter de ces liens de sang dès qu’ils naissent. Et puis, sa mère, ma grand-mère, veuve et solitaire, pourquoi ne pas en profiter aussi, d’aller la chercher, de lui faire partager ce bonheur là de voir grandir, de voir éclore et s’épanouir ce petit bout de chou, maillon de la chaîne de la vie, maillon de la chaîne familiale ? Equation simple de la relation : Une mère chez sa fille, un petit fils chez sa grand-mère, ce qui donne un arrière petit fils grandissant dans les bras de sa mémé, ma mémé, notre mémé, car, de ce temps-là, nous ne nommions pas mamie, ces êtres extraordinaires, qui ont oublier la rudesse à l’envol de leur enfant, qui savent raconter les bêtises faites par les parents aux petits-enfants. Personnages démystificateurs de tant de mythes. Et oui, ces parents qu’on voit comme des héros, ne sont finalement, que de vilains garnements ayant grandis… Et puis, pareils pour les oncles et les parrains ! Ce fameux voile posé sur nos bêtises d’enfants, histoire d’éviter de susciter l’exemple par exemple, ce voile-là, voilà t’il pas qu’une grand-mère le soulève et dévoile ces secrets bien gardés…. Une grand-mère, d’accord, mais lorsque c’est une arrière grand-mère, alors-là, la magie est encore plus grande !

Des années ainsi passées, des heures ainsi partagées, un lien indéfectible que seul la mort peut briser, du moins, dans cette vie réelle là, tellement les liens sont ancrés dans le cœur et la mémoire, tellement les souvenirs seront prendre le relais pour briser l’absence trop réelle. Cela, mon neveu, mon cher filleul, tu ne le sais pas encore, car jusque là, tu n’avais pas connu de chagrin d’amour. Ces larmes qui ont rougies et gonflées tes yeux, c’est tout l’amour dans cette phase réelle et physique qui s’enfuit. Rassure-toi, cela ne suffit pas à assécher le cœur, même si parfois, nous en avons l’impression. L’amour que tu as pour mémé, il reste bien ancré dans ta mémoire et dans un coin de ton cœur. Ce que tu as connu là, c’est bel et bien, ton premier chagrin d’amour. Tu viens de perdre la première femme de ta vie d’homme. Je ne te dirais pas que tu t’en consoleras, car je ne veux pas te mentir. Nous sommes entres hommes, toi et moi, et je sais, par expérience d’homme que je suis, que rien ne s’efface, surtout pas ces liens si forts d’un amour si vrai.

Mémé est donc partie. Il y a bien des belles choses qu’on raconte, aux petits et aux grands, des beaux voyages vers des beaux paradis, des vies éternelles ou nous retrouvons ces êtres aimés. La réalité est toute autre, et tu l’as vu, car tu voulais la voir, peut-être bien à tes dépens. Un corps sans vie et froid dans une pièce froide et sans vie. Un cercueil de bois blond qui en ressort. Costume de bois pour une dernière demeure. Choc visuel pour néophyte des choses mortelles de ce bas monde. Que de larmes, que de colères étouffées, que d’envies de galoper à l’autre bout de la terre pour ne pas voir, pour imaginer le retour en arrière, le retour à ces moments de beauté, de bonté, de bonheur… Tout cela, je le lis dans tes yeux, dans tes larmes, dans tes gestes, peut-être bien parce que moi aussi, j’en ai furieusement envie, peut-être bien parce que moi aussi, je suis comme cela, forgé des mêmes chromosomes, animé d’un même bouillonnement, d’une même violence qui n’étouffe pas une même sensibilité. Ce que tu ressens, je le ressens. Alors, je te comprends, je ne te brusque pas, je suis là, pour t’aider à franchir ce pas, lorsque toi, tu auras décidé de le franchir. Rendez-vous est pris pour vendredi soir. Soirée entre homme. Soirée, ou tu sais que je suis là, prés de toi, sans personne d’autre, pour parler, si tu veux en parler, pour discuter, comprendre, ces choses là apprises trop vite et trop brutalement, parce que la vie a aussi une fin, parce que la vie est ainsi faite, que nous ne partons pas tous dans le même train, et qu’il est toujours dur de rester sur le quai regarder s’éloigner ces gens qu’on aime, regarder notre cœur et nos souvenirs bien rangés dedans…

Colère aussi de la trahison. Et oui, personne n’a voulu te dire que mémé avait profité de la torpeur d’un samedi matin pour s’en aller sur la pointe des pieds, sur la pointe d’un souffle, comme quand elle sortait de ta chambre après être aller vérifier que tu dormais bien… Comme elle sortait de ma chambre après avoir vérifier que je dormais bien… Personne ne t’a annoncé la triste nouvelle, pour ne pas te gâcher ton séjour à la neige. Tu sais, même mémé n’aurait pas voulu te le dire, par contre, si c’est vrai qu’il y a une vie là haut, elle doit bien en rire, tu la connais, de ce vilain tour joué ! Mais, ce qui doit lui faire encore plus plaisir et encore plus sourire, c’est de savoir qu’ici bas, les hommes ont su organiser que son départ officiel ne soit programmé qu’après ton retour, histoire que tu l’accompagnes, car tu sais, elle devait tout de même avoir un peu peur. Et puis, dans cette boite oblongue aux couleurs chaudes, il y a près d’elle, deux ou trois photos de l’amour de sa vieillesse, il y a surtout le parfum d’une rose qui l’enivre à jamais. Sur les pétales de cette rose, il y a des gouttes de rosée, celles qui ont brillé à tes yeux aujourd’hui. Et puis, je suis sûr qu’elle est très fière de son petit bonhomme, de son dur si taquin et si câlin, très fière aussi de t’apprendre là ce qu’est un chagrin d’amour.

Mon petit bonhomme, des femmes traverseront ta vie, certaines y sont bien présentes aujourd’hui, ta mère, ta grand-mère, des amies, une est partie à jamais. A jamais ? Non ! Elle est et elle sera toujours dans ton cœur, dans nos souvenirs, dans les photos de l’album comme dans les photos posées sur la télé, comme sur la photo d’une pierre grise. Cette pierre grise qui recevra tes larmes, nos larmes, car c’est là que le corps demeure, mais le plus important, restera la pensée, les pensées. Tu es au tout début du chemin, tu as grandis avec tout pleins de mains pour te guider dans tes premiers pas. Aujourd’hui, il y a l’absence à gérer, la douleur d’un départ sans bisous d’au revoir, le regret de ne pas être là quand on aurait pu y être, le regret de ne pas avoir le pouvoir de garder éternellement nos êtres chers prés de nous à jamais. Et bien vois-tu, c’est là la fausse route. Car, de nos défunts, nous ne perdons que l’enveloppe charnelle, certes, c’est elle qui réchauffe, qui nous prend dans les bras, qui nous glisse des millions de bisous, mais le plus important n’est pas la matière mais l’esprit. Tu as grandi aux côtés d’une femme, son chemin s’arrêtait ici, toi, le tien, est encore long et beau. Il ne doit jamais te faire oublier que les premiers mètres, tu les as fait avec elle, avec d’autres qui demain s’arrêteront à leur tour.

Tu vois, la vie est un train. A chaque gare descendent des voyageurs, des gens avec qui nous avons échangé dans le wagon, des gens qui nous ont attendri, ému, appris aussi ce qu’est la vie. Ces gens là, ne remontent jamais dans le wagon, ces gens là ne seront pas à la prochaine gare, ni aux suivantes. Mais ces gens là, laissent derrière eux et autour de toi, leur parfum, leurs souvenirs… Là, tu viens de traverser ta première gare. Mémé est descendue, sans vouloir nous réveiller pour nous dire au revoir, mais je suis sûr que de son sommeil, elle a glissé un baiser sur ton front avant de disparaître sur le quai. Tu es orphelin de ton arrière-grand-mère comme je suis orphelin de ma grand-mère. Le plus important désormais, c’est de grandir sans oublier les pas faits à ses côtés, ne pas oublier ses racines et emporter à jamais graver dans nos cœurs, son sourire et sa bonne humeur. Personne ne séchera tes larmes, personne ne te prendra tes larmes. Toi seul maîtrise tes émotions, et il n’est pas interdit de pleurer lorsque tu penseras à mémé.

Voilà, ce que je voulais te dire, voilà ce que je voulais écrire pour toi, pour mémé. Mes yeux sont embués, mes joues sont mouillées, ma gorge est serrée en écrivant cela, en pensant à toi, à mémé, à cette triste journée. Une page se tourne. Cela n’empêche pas d’aller la relire de temps en temps, puisqu’elle est à jamais gravée dans nos cœurs. Il y a désormais des lieux, des repères qui n’auront plus jamais la même saveur, les mêmes odeurs… Il y a la vie, et ça mon grand, c’est un sacré train, d’ailleurs, ne parle t’on pas de train de vie ?

Je t’embrasse très fort et tu sais que je suis et serais toujours là pour toi, pour discuter, pour rigoler, pour jouer, pour t’aider à avancer dans ta vie.

Et pendant ce temps-là, Carla brunit...

Et oui, la France s’enlise dans la morosité, le pouvoir d’achat baisse, les Français découvrent les bienfaits de la gueule de bois, joies des lendemains de fête, cette fête populaire et électorale qui a fait naître tant d’espoir de beaux lendemains… Nous y voilà à ces lendemains, et là, surprise ! Les caisses sont vides ! Zut alors ! Malgré les taxes à près de 80% sur le carburant qui flambe à tout va, grâce aux 172% d’augmentation du salaire présidentiel… Allez savoir ! Des promesses s’envolent, des cris restent. Des désillusions s’installent et coulent le moral des troupes… Le ciel s’assombrit, la politique devient du show-biz et sous les sunlights Elyséens, pendant ce temps-là, Carla brunit…

Comment retrouver confiance dans un fonctionnement, une politique autrefois décriée, soumise à concours électoral avec les même dinosaures pendant des décennies ? Enfin des nouvelles têtes, enfin un rajeunissement des candidats… Rien n’y fait, c’est même pire… Allons enfants de la patrie, le jour est venu de vous mettre à apprendre l’italien. Humeur grise ? Oui, c’est clair, et ce ne sont pas les événements familiaux récents qui vont m’inciter à la rigolade. Ce n’est pas non plus, la courbe sans fin de la hausse du carburant, les taxes évoluant partout, les prix qui s’envolent, bref, un train de vie qui reste à quai…

Pourtant, quelqu’un m’a dit…. C’est dommage, au casting des pièces jaunes, c’est la dame au sac à main qui a été remplacée… Erreur de chanteuse ? Sûrement. Tiens, David, pas trop douillet, est encore du train… Il est des emplois moins précaires que d’autres ! Vive le Québec libre, qui nous a donc libéré notre Lorie nationale, égérie en son temps de notre Premier ministre Balladur. Tout compte fait, elle ne fait pas son âge la gamine… Pardon, madame Garou… Au train (jaune !) ou l’on recycle nos chanteuses, on devrait bientôt voir le retour de Mireille Mathieu…


Bon, je vais stopper là, ceci et cela, arrêter d’écrire, arrêter de m’aigrir, arrêter de rire, non, ça, c’est déjà fait. Il est temps de laisser les sous venir. Tout seul, sans conflit, sans passion, sans révolution, sans espoir… La vie, est bien morne parfois, la vie, elle seule sait éteindre les plus beaux espoirs qu’on met en elle. La vie… Etape ? Je ne sais…

Adieu mémé

Triste jour que ce jour ou je te perds toi qui fut une des femmes de ma vie. Triste jour que ce jour de chandeleur et de crêpes, ou voilà bien le crêpe recouvrir à jamais ton image. Triste jour. Ce matin, tu nous as quitté. A jamais. Un dernier souffle, pas de cri, ton corps, tes poumons, n’en avaient plus la force. Pendant que moi j’allais gaiement après une période morose, gravir les pentes enneigées au blanc immaculée, ton cœur s’arrêtait à jamais, ton corps blanchissait, triste parallèle entre nos vies pas toujours parallèles… Le blanc contre le blanc. Oui, je suis parti pour cette journée de randonnée à raquettes, sans trop d’envie. Triste pressentiment ou simple usure de l’homme ? Depuis déjà une semaine, ton corps dormait, ton cœur battait encore mécanique. Appel ? Dernier appel ? Je sais que mes parents sans relâche sont venus te voir, guetter un réveil, un dernier sursaut dans cette vie bien accomplie. Je sais aussi que d’autres, enfants ou petits-enfants, arrière-petits-enfants, ne sont pas venus, pour diverses raisons qu’il ne sert à rien d’essayer de justifier…

Avec toi se tourne une page de nos vies à tous. Dernière branche de la ramure de notre arbre généalogique, tu t’es tue à jamais… Un pan de l’histoire familiale est partie, une page de notre histoire à nous, humbles survivants, est définitivement tournée. Au revoir mémé. Au revoir, car je ne sais ce qui suit cette étape, ou la vie quitte le charnel. En pensant à toi, je repense bien sûr à pépé, qui nous a quitté il y a plus de vingt ans… Vingt ans, symbole d’amour, de jeunesse, vingt ans passés dans une vie, faites d’étapes comme toutes les vies… Mémé et pépé vous voilà réunis à jamais. Sous la froide pierre d’un humble caveau, sous la dalle grise, dans ce cimetière de ce petit village du Lauragais autour duquel votre histoire, et bien sûr, quelque part, notre histoire, à tourné. Nos racines sont plongées dans cette terre, dans ces vallonnements naturels, dans ces paysages pas toujours bien compris.

Mémé et pépé. Des noms aujourd’hui usés à jamais, vous qui n’aviez pas voulus être papy et mamie du temps ou cela n’était point une mode. Des souvenirs, bien sûr, de ces quartiers qu’on qualifiait de populaire avant des les nommer banlieues difficile. De ce Bagatelle, tant décrié ici, aujourd’hui, dans notre ville rose. De la rue de la Charente, à la rue Vestrepain, des années d’enfance au souffle destructeur d’AZF, des vacances dans la maison d’Alzen, des repas de famille dont on ne se doutent jamais assez qu’ils sont quelques part les derniers, les rares moments privilégiés de nos vies, de cette maison de retraite, véritable mouroir ou nous sommes venus te chercher, te déménager dans cette autres maison de retraite si humaine, au personnel si dévoué, ou je t’ai vu, attendri, réconforté, marcher un beau jour appuyée sur une seule canne… Bien sûr, il y eu des tempêtes, des étapes difficiles, mais la vie n’est rien sans ces nuages de l’amour, ces brouilles familiales, ces effondrements soudain de la santé, ces choses si intenables.

Je me souviens encore de la valise verte remplie de jouets, j’entends encore , pour toujours, à jamais, le bruit sec et métallique des serrures qu’on déverrouille de nos mains d’enfant, pour jouer sur le lino de ce taureau de plastique aux cornes tournantes, de ces estafettes de pompiers et de gendarmerie partagées avec mes cousins, se croisant dans cet appartement. Je le revois ce trois pièces, ces meubles, cet espace immuable. Je revois le fauteuil de pépé devant la fenêtre, j’entends encore s’égrener les secondes du jeu des mille francs auquel il était assidu. Toi, tu vaquais dans l’étroite cuisine, vaisselle, nettoyage, placard et table en formica, corbeille de fruits, boites de médicaments, odeur de Ricoré…

Nous sommes nous bien compris ? Ai-je seulement compris ton amour ? Le saurais-je jamais ? Pépé est parti la veille de mes épreuves de BTS. Ce jour là, hasard, si cela en est un, je me suis trouvé devant votre appartement alors que ce n’était point ma route. J’ai filé sans m’arrêter pour regagner le lycée et ses dernières révisions. Je savais qu’il devait rentrer en clinique l’après-midi, que maman y serait, comme toujours ces derniers jours, que je pourrais passer le voir dans sa chambre de clinique… Ce jour là, il est parti… Regrets d’un dernier au revoir ? Oui. J’ai passé mes épreuves de BTS en passant très fort à lui, cet homme, cet amour non compris. Qu’il est dur d’avoir l’âge de ne pas comprendre ce que sont nos racines et nos vies. Est-ce le même pressentiment qui m’a fait douter d’aller ce jour en raquettes ? Je ne sais pas, nous autres pauvres hommes dits modernes, nous avons oublier notre sixième sens.

Seule, tu as vécue. Nous sommes venus te voir, te chercher, tu as partagé toutes les étapes de nos vies et surtout les plus belles, les arrivées de tes petits enfants, un surtout, qui a toujours été cher à ton cœur, pour qui tu es et tu resteras chère à son cœur, et qui bien sûr est cher au mien, car il est ma seule descendance, même si elle n’est que transverse. Je revois ta présence, ton rayonnement dans cette chambre aux murs bleu décrépis sous le dôme protecteur de la Grave, ou on résonner ses premiers cris. Je te revois dans les murs de la maison familiale, jouant, t’amusant, t’étonnant toi aussi de ces progrès…

Point de jalousie, non, de simples regrets de n’avoir point compris, que ce que tu vivais là, tu l’avais vécu pour nous, pour moi. Combien de fois t’ai-je fais bisquer ? Aussi loin que ma mémoire brumeuse remonte, je vois, je revis, ces moments d’insouciance dans la pierre des mus de ma maison de cœur, dans cette humble ferme ariégeoise ou nous passions les été, toi, pépé, mon cousin, ma sœur et moi, semaines ponctuées par l’arrivée des parents le week-end, semaines passées au grand air sans comprendre, sans réaliser, que se mettre à table est le résultat de ton travail à nourrir la troupe trop souvent indisciplinée. Je revois aussi cette première année d’étudiant, ou je venais manger entre vous deux, coupure dans mon quotidien insouciant de mes vingt ans… Repas quotidiens qui te demandaient des efforts mal compris, moments simples de vous voir, vous embrasser, vous prendre dans mes bras, vous deux dont je ne savais pas encore l’ampleur que cela représente à mes yeux aujourd’hui.

Période de la jeunesse, ou il est plus important de voir les copains et les copines que la famille, période blessante lorsqu’un jour on réalise les regrets qu’elle occasionne. Période ou l’on se sent important, au nom d’un permis, au nom d’une liberté qui nous fait trop souvent oublier les siens. Ils ont toujours été là, pourquoi cela devrait-il s’arrêter ? Et pourtant, un jour, cela s’arrête…

Je viens de faire ma traversée du désert. Période morose ou on se repli sur soi, ou on ne pense qu’à soi. Période tutoyant la bêtise de vouloir attenter parfois à sa vie pour des broutilles. Cette vie, si belle, si riche qui aujourd’hui s’est enfuie dans ton dernier souffle. Il était 8H00, nous étions le 2 février 2008. Dans quelques jours, tu allais fêter tes 93 printemps ou presque puisque tu es née juste avant, le 8. Tu es né en 15, maman en 35, moi en 65, Florent en 95…. Etrange lien de chiffre, lien de sang tout à fait… De toi, j’ai appris mon patois, de toi, j’ai façonné certaines facettes de ma vie, de toi, tu sais j’ai déjà parler ici, toi, une des femmes de ma vie. A toi, à pépé je pense. J’ai la chance de vous avoir connu, j’ai le regret de vous avoir délaissé par ignorance du terme de la vie. A vos enfants je pense, à l’aînée surtout, car cette ma mère, orpheline désormais, la seule à pouvoir encore éclairer les recoins sombres de ma mémoire défaillante et ignorante, dans ma vie d’homme à la recherche de son passé…

Au revoir mémé, à jamais. Tu sais, même si la pierre grise ne voit pas mes larmes, cela n’empêchera pas mes pensées d’aller vers toi, vers lui, vers vous deux réunis à jamais, dans la terre comme dans mon cœur. Il est peut être trop tard pour dire je t’aime à la femme aux cheveux blancs qui reposent sur son lit immaculé. Il n’est jamais trop tard pour parler à son âme, pour penser à elle, pour témoigner longtemps à tes petits-enfants, à tes arrière-petits-enfants de ces personnages qui appartiennent désormais au passé.

Adieu mémé, je t’aime avec toute l’admiration d’un homme qui comprend aujourd’hui, ce qu’est la famille, ce qu’est une généalogie, ce qu’est cette page qui se tourne à jamais. Bisous à pépé, bisous à vous deux… Je vous aime, ici comme hier, là, comme autrefois, demain comme maintenant.

Maman, de tout cœur, avec toi, cette page, ta page, ton histoire, mon histoire, même si elle se tourne sous cette forme charnelle, n’en demeure pas moins éternelle…

AMEN