Vagues


La vague s’en va, la vague revient, elle efface sur le sable les traces d’un présent passé, elle dessine des rides sur le sol humide puis elle repart, puis elle revient, étrange ballet. La vague divague sur les sables, qu’il pleuve ou qu’il vente, elle poursuit inlassablement son travail de sape, elle gomme, polit la plage et s’efface, polie, allant se noyer dans les eaux troubles d’un océan en pleurs. Spectacle sans cesse renouvelé et pourtant spectacle immuable, la course seule change, la plage déserte devient de plus en plus lisse, parfois un coquillage ou deux sort du manteau de sable sa nacre blanchie. Hiver. Quelques pas sur la plage, quelques vagues sous les pas, quelques traces de pas qui se dessinent, s’effacent et disparaissent, l’histoire de la vie. On nait, on vit, on disparait, parcours immuable, dont ou oublie l’exactitude, on court, on se noie de mille tourments, on croit trouver des raisons de vivres dans des occupations qui vous bouffent la vie, puis on meurt finalement à petit feu dans un semblant de confort moderne qu’on nomme bonheur. C’est quoi le bonheur ? Avoir ou être ? Paraitre ou devenir soi ? Etre soi n’est pas être dans la soie, c’est apprendre à se connaitre, à se découvrir, à s’accepter tel qu’on est et non tel que les miroirs en voudraient l’image. Etre, c’est marcher sans se retourner, les pas s’effacent, le sable reprend ses marques, il gomme les blessures, il n’en garde trace, il sait l’importance de l’oubli pour s’offrir tout entier aux nouvelles épreuves, aux pas nonchalants comme aux pas pressés des promeneurs pas pressés, comme aux pas des chalands qui passent et repassent. Hiver. L’air est vif, les vagues se redressent et mordent encore plus loin la plage, elles mettent du cœur à l’ouvrage, elles nettoient, elles effacent, elles lissent et le sable devient une page blanche. Une nouvelle page, celle d’un nouveau jour, celle d’une nuit de pleine lune, celle des cris des oiseaux, celle des enfants galopants, celles des chevaux venus piétinés l’écume dans un matin de brume où l’hiver n’en finit plus de mordre comme s’il savait qu’il n’en n’avait plus pour longtemps, comme s’il savait que le printemps viendra bientôt prendre son temps. Un temps pour chaque chose, un pas après l’autre, le plus important reste le pas qui vient, pas celui qui s’efface sous les vagues. La vie est devant, jusqu’au bout.