Le sablier du temps
égraine ses particules, le sable glisse, il quitte le haut du récipient pour s’écraser
tout en bas, puis la main innocente s’en vient les retourner et file le temps,
et glissent les grains de sable. Les pages blanches jaunissent du désespoir d’être
noircies, désertées de leur maitre es tortures, éloignées du stylo bleu
habituel, orphelines du temps et des idées mais …surtout du temps. Que ne
serait l’Homme s’il ne se plaignait sans cesse du temps ?
Alors bon, voici venu le
temps de retourner le sablier, de le coucher pour que cesse enfin la fuite
inexorable du temps, la course du sable et pourquoi pas, mettre enfin un grain
de sable pour en stopper la course ? Le soir décline, les jours sont déjà
bien raccourcis loin de leur apogée, les températures encre chaude d’autant
plus soulignées par l’absence de vent. Le bruit des vagues est loin, l’endroit
calme exhale les essences de bois divers et le piano lent de Didier Squiban
ponctue le silence loin d’être pesant. S’asseoir devant la feuille blanche, un
peu confus de n’être pas venu plus tôt, un peu intimidé par cette surface
immaculée, par ce stylo froid, par ce retour aux sources de l’écriture…
Comme préparation, juste
un temps à soi. Un temps pour soi, un temps pour se poser, s’asseoir dans l’herbe,
pieds nus, caresser les brins de verdure à rebrousse-poil, laisser son esprit s’apaiser,
les tensions disparaitre, s’enraciner dans notre Terre, sentir les énergies
douces et régénératrices envahir le corps puis s’abandonner les regards perdu
dans l’azur pur du ciel d’été. Respirer, lentement. Oublier les ondes, les appareils
électroniques, les faux liens de vraie virtualité. S’offrir ce moment à soi. Etre
sans avoir, être comme un être en devenir, parce qu’on grandit toujours et tout
le temps, même les jours où cela fait mal, tout comme les poussées de
croissance de notre enfance. Sentir le sol
frais, l’air chaud sur les jours, le regard perdu à chercher un
quelconque point d’arrêt dans ce ciel désespérément bleu, partir en voyage en
ciel et terre, entre ici et tant d’ailleurs, s’oublier, s’abandonner puis enfin
se redresser lentement, respirer profondément et regagner le petit bureau, la
pièce obscure toute de bois vêtue, regarder la flamme de la bougie danser sur
la page, sentir les saveurs sucrés de l’encens et laisser glisser le stylo,
simplement, comme pour reprendre le rythme, comme le coureur retrouvant ses
premières foulées, écrire, dessiner des mots, oublier les maux, écrire, encore
et de nouveau, parce qu’au fond, les vieilles passions ne meurent jamais, parce
qu’au fond, le plaisir d’être soi c’est aussi réaliser combien toutes les
facettes d’un être nécessitent d’être travaillées et polies pour mieux en révéler
la profondeur et la brillance : chaque être est un diamant dont il est le
joailler, à chacun de prendre la peine de se trouver et de s’accorder le temps
de polir ses facettes sans jouer à pile ou face et sans se voiler la face non
plus.