Comme un retour aux sources, hier il est revenu voir son bel
océan. Un besoin primal, un essentiel, être ici et respirer, se poser,
embrasser du regard et les creux et les pleins d’un océan encore en colère,
marcher sur le sable échappé des plages et qui couvre la route, lire dans les
reflets verts, gris et marrons les tumultes sous-marins. Le ciel est bleu, du
bleu d’après les tempêtes, un bleu d’un calme olympien presque sans vent ce qui
tranche avec les débris épars, bout de bois ayant fini de flotter, planches
crevées de l’estacade, bouts de traces humaines accumulées contre un muret. Le
temps est à l’apaisement, seules les vagues insufflent leurs énergies, les
hommes vaquent aux travaux de nettoyages, aux préparatifs de la future saison. Le
temps est clair et offre aux regards ses limites les plus lointaines. La Rhune
est belle, dressée fièrement dans ce paysage, offrant toute la précision de ses
reliefs, la beauté de ces contours, avec cette étonnante sensation de pouvoir
la toucher, la caresser. Il y promène son regard, cherche le passage d’un
sentier, reconnait l’ombre de la forêt comme une écharpe en cache-col de ce
fameux col où la sente devient plus rude. Etre ici, c’est être chez soi,
s’abreuver aux sources des énergies, se relier à la terre, à l’océan et aux
cieux dans une subtile communion, c’est tout simplement un retour à la maison.
Quelques tours de roues plus tard, le voici à gravir la
montagne, dans ses belles croupes d’Espagne, retrouver des lieux connus, des
villages, des maisons, des champs, des bois, des petites routes, juste un peu
plus tranquille qu’en pleine saison, tellement agréable d’y rouler à son aise,
la vitre ouverte et le visage offert à ces presque vingt degrés. Soleil, nature
déjà bien éveillée, floraison printanière, ruisseaux joueurs et sonores, voici la
vie qui s’exprime, voici l’envie qui s’enivre. Il y a tout là-haut un endroit
que peuplent les sorcières, celles des légendes, celles des contes locaux,
celles qui savent rendre cette atmosphère si unique qu’elles vous accaparent
l’esprit et dévorent le temps. Il n’y a plus d’heure, on peut s’attabler et se
rassasier des trésors du cru puis repartir non sans regret, mais cette pause
hors du temps laisse des traces indélébiles, celles d’un bienfait, celle d’un
bien-être, celle d’être rafraichi, remis à jour et remonté à bloc. Tous les
sens ont été sollicités, les senteurs, les paysages, les bruits résonnent dans
la mémoire, ils la recyclent, ils l’enrichissent, ils la bâtissent, ils tissent
une toile qui n’est pas un piège, plutôt le hamac douillet où l’on souhaite
s’allonger et rêver dans la chaleur douce d’une journée de printemps bien loin
des tumultes du temps, des coups de la vie moderne et des pressions futiles
d’un monde en pleine dépression.
Comment ne pourrait-on pas être bien ici-bas ? La vie n’est
au fond que ce que nous ne faisons, nous en possédons les clés, sachons juste
prendre la clé des champs.