La vie, la mort, la vie

Saturation, ras le bol, incompréhension, plus que des mots, des maux véritables qui conduisent à commettre des folies, des gestes pouvant devenir irréparables, un long chemin d'agonie ou de quête de l'agonie, du genre d'un long parcours autoroutier de nuit aux travers des éléments déchainés, ruban de bitume loin d'être de tout repos lorsqu'il épouse les contours de nos belles montagnes, lorsque l'épaisseur des ténèbres limite la vision dont le besoin s'amplifie exponentiellement à la vitesse, cela après une journée démarrée de très bonne heure pour faire face aux objectifs multiples et pluriels, ceux de la vie professionnelle bien sûr mais aussi ceux de la vie personnelle. Une coupure espérée quasi rêvée depuis si longtemps, augmentée des coupures non eues par d'autres incompréhensions, d'autres ratés, situation semblant s'acharner depuis le mois de juillet, mise en exergue par la fatigue, ce grand coup de très mou, non biologique mais bel et bien psychologique, libération et intégration de ce qui est, la vie ayant conduit bien souvent à aller au-delà sans prendre le temps de ces pauses d’intégration pourtant nécessaire, pour digérer, pour récupérer, pour avancer, sereinement, entièrement. Étrange parcours, étrange détour, loi des séries ou simple exacerbation qui mène à lier ce qui n'est pas vraiment lié, qui focalise l'esprit sur une toute petite partie de la vie au point d'en faire par mauvaise approximation la vie. Qu'il est facile d'exprimer cela avec recul, qu'il est compliqué de se poser lorsque les œillères sont posées, lorsque l'aveuglement de la déraison est ancré.


Retour à la route, retour à domicile, deux heures du matin, fatigué, usé, vexé, que l'orgueil un mauvais allié lorsqu'il prend le commandement ! Voiture garée, non vidée, le noir de la nuit n'est encore que trop clair au vu des idées. C'est ainsi qu'après un parcours hagard dans des murs trop connus, malgré les sollicitations des chats sentant bien, sixième sens félin oblige, la noirceur du mental, je suis parti me coucher, avec pour m'endormir à jamais un double cocktail d'alcool et de médicaments. Il y eut d'abord la peur, celle de n'être plus, celle de quitter lâchement cette vie, il y a eut ensuite cette résolution, cette confiance dans l'acte, dans le choix, et cet endormissement, profond, lourd, irrémédiable. C'est ainsi que je suis mort, un jeudi matin, à l'heure où le jour ne blanchit pas encore la campagne. Mort, après avoir griffonné mes dernières volontés, mort dans mon lit, emporté dans mon sommeil, douce mort que beaucoup espère. Passage à l'acte. Je n'ai pas vu de chorales d'anges, ni de belle lumière blanche, ni même de flammes de l'enfer, non, rien de tout cela. Je me suis juste réveillé dans une autre vie, la vie après la vie, la vie après la mort, dans une enveloppe charnelle familière, mais peut-être bien parce qu'au fond notre regard regarde notre âme lorsque nous sommes devant le miroir. Quelle heure était-il ? Difficile à dire, la nuit était là, l'esprit relâché et relaxé, moment de quiétude et de paisible, instant hors du temps, hors norme, difficile d'évoquer la naissance, alors imaginez la renaissance. Le décor est familier, les couleurs, les odeurs, ce cocon protecteur est celui qui me convient. C'est ici et là que je m’éveille à la vie.


Un échec ? Non, une chance, une seconde chance, celle de mesurer par dessus tout l'importance de la vie, le rôle majeur qu'on se doit d'y jouer et non pas d'être jouet et subir. Faut-il aller toucher le fond de la piscine pour savoir qu'il y a assez d'eau pour nager ? L'avancée ne peut naitre de l’incompréhension, l'écoute, la discussion, la prise en compte des avis, l'expression des siens, sans haine, sans colère, reste un clé majeure. Le pardon ne sert à rien s'il est sans cesse nécessaire parce qu'on reste dans la non compréhension, par qu'on rejette avec véhémence et aveuglement colérique le discours des autres. L'isolement au monde, la méditation, la communion avec la nature me sont nécessaire, sur ces terres océanes où les énergies me sont instillées, dans chaque fait et geste, détente, repos, marche, promenade, courses, footing, rollers ou bien randonnées, je ne pourrais expliquer avec précision les bienfaits tellement indispensables que nécessaires, c'est une sorte de perfusion vitale, une alimentation dont je ressens les bienfaits jusque dans la chaleur de mes mains. C'est une évidence, je ne pourrais me passer de venir puiser ici les énergies disparues ailleurs. Même un simple footing devient un moment hors du temps, loin d'être une monotonie, et même sa durée se prolonge dans une aisance et une envie sans commune mesure avec les tours de lacs habituels. Qu'il est bon de se balader dans ses bords du monde désertés des cohortes de touristes estivaux, de retrouver la tranquillité qui permet d'observer la courses des lapins aux travers des emplacements ou bien comme hier, la promenade paisible de deux perdrix, donnant le loisir de les observer, de les photographier, de comprendre que nous ne sommes qu’éléments de cette mère nature, ni supérieurs, ni inférieurs, juste nous, juste retour aux choses, juste compréhension du devoir d'être juste, subtil équilibre entre le pour et le contre, entre ce que nous devons faire et ce que nous devrions faire, entre des réactions et des actions, temporisation et compréhension, intégrer et digérer pour retrouver son intégralité d'être, son intégrité d'être, être pour être prêt, la vie n'est pas une course, il n'y a pas de faux départ, juste des épisodes qui sont autant de marche pour s'élever et grandir. Il n'y a rien à attendre, juste vivre le moment présent, l'avenir est à venir, le passé est passé, penser au passé, imaginer l'avenir c'est ne pas s'occuper du présent. Comme un chatte ayant trois chatons, nommons les « passé », « present », « futur ». Elle joue avec eux, et puis son attention se porte sur « passé » et « futur » parce qu'ils sont différents, plus présent dans le jeu, plus peut-être aussi maitrisable ; « présent » s'en aperçoit immanquablement et s'éloigne inexorablement jusqu'à disparaître, parce que le présent reste quelque chose de volatil, qui mérite toute l'attention pour grandir en futur à venir sans sombrer dans l'oubli d'un passé. Soyons vivants, aujourd'hui. La mort peut attendre.