La fin des haricots


Et bien voilà, comme tout a une fin, nous y sommes rendus à la fin. La fin des haricots ? Non, il est trop tôt, ils ne sont même pas semés, d’ailleurs, mon grand-père qui s’y connaissait, en haricot comme en plein d’autres choses, normal d’ailleurs, c’est de famille, bref, mon grand-père qui s’y connaissait disait toujours qu’on ne sème pas d’haricot en mai, c’est vous dire quand même, il le savait lui, et puis même, lui, il partageait sa science, ce qui dans une époque de tradition orale valait son pesant de cacahuète. Euh non, là, faut pas exagérer, ce n’est pas aux vieux singes qu’on apprend à faire des grimaces, ne lisez pas ce que je n’ai pas écris, mon grand-père ne faisait pas dans l’arachide, bon, pour être franc, peut-être bien un peu, le temps des fêtes, non pas les fêtes religieuses qui décorent et rythme le calendrier tout comme elles peuplaient nos rendez-vous familiaux de ces repas interminables qui n’en finissaient plus, imaginez un peu dans la chronologie d’un enfant combien il peut-être long et pénible d’user le fond de son pantalon le cul sur ces maudites chaises en paille plutôt que de s’en aller s’écorcher les genoux aux bitumes des rues ; Non, les fêtes dont je parle, enfin, dont j’écris, ce sont ces balloches, ces fêtes foraines où la monnaie grand-paternelles se traduisait en sachet d’arachides, vous savez ces trucs difformes à éplucher pour en savourer les cacahuètes avec la dextérité d’un jeune singe qui ne s’en laisse pas compter mais doit faire face à deux phénomènes fort différents : celui de la gravité que ce cher Newton mis en exergue avec des pommes, tout en évitant de tomber dans les pommes, ça, je l’ai su bien plus tard sur les bancs non moins fastidieux des écoles et autres lycées qui ont eu la bienveillance de m’accueillir, et puis, le second phénomène, c’est la troupe de phénomènes dits adultes, qui par malin plaisir s’amusaient à me piquer les fameuses cacahuètes pour soi-disant m’amuser, jeu que je trouvais fort peu drôle et plutôt lassant, puisque trop répétitif et même, très peu nourrissant à mon encontre. Cela dit, une pensée me vient, une parmi d’autres, je me souviens avec tendresse et avec l’eau à la bouche et l’odeur au nez des ces cacahuètes d’hier, qui avaient plus de saveurs que les productions mécanisées d’aujourd’hui. Laissons de côté les madeleines et puis Proust, mais tout de même, quand j’y pense….

Mai je m’écarte du sujet premier, revenons à nos moutons et surtout à nos haricots, dans une époque révolue ou la liaison entre « nos » et « haricots » était prohibée, le « h » muet n’était pas respiré, heureux temps où nos drogues étaient plus sensuelles et plus nourrissantes, ah ! le haricot de mouton…. N’allons pas flageoler sous les coupes de la faim, même si de ce temps-là, les coupes faim ressemblaient bien plus à de savoureux casse-croutes aux belles tranches de pain ayant eut le temps de lever et de cuire avant de servir de divan à de belles tranches de fromage patiemment affiné, un vrai canapé aux parfums d’estives bien loin des verres de lait pasteurisé que l’on croque désormais si on oublie d’aller visiter le fromager. Ça, mon grand-père le savait, tout comme il savait jouer de l’opinel et trancher le jambon, rouge vif ceint de blanc immaculé, un jambon qui ne doutait même pas qu’un jour ses descendants étoufferaient dans le vide de couches de plastique, bref, l’art et l’artiste, humble, vrai, sincère et connaisseur, amateur des joies simples et des trésors de nos campagnes, jusque dans ces lichettes de vin aux reflets rubis, servi avec la modération de ces années passées, sans oublier cette façon de découper la pomme ou bien la poire, en tranche fine dans le sens de la hauteur….. Il s’y connaissait aussi en casse-croute, tout comme en haricot, ces fameux haricots qu’on ne sème pas en mai, mais qu’on sèmera en juin, parce que le haricot est ainsi, c’est en juin qu’il va en terre et germera, mai est trop tôt, trop frais, avec ces saints de glace et ces aléas du temps, avec tout un tas de choses qui concerne les lunes et mystifie celui qui ne sait pas tout cela, et ça, mon grand-père lui le savait, et puis même, il le disait et l’enseignait comme ça, sans qu’on s’en rende compte, le genre du truc qu’on entend un jour et qui s’en vient vous secouer la neurone quelques années plus tard, ce truc tout bête appris par hasard, sans le vouloir, et qui vient vous sortir une larme, parce que vous pensez d’un seul coup à ce vieil homme que vous n’avez presque jamais vu comme vieux, parce que les yeux de l’enfance sont les yeux de l’amour sans le voile imbécile de la pudeur adulte, parce que voir avec le cœur c’est voir au fond des choses sans s’arrêter à la superficialité des rides d’un visage, parce qu’aujourd’hui en pensant à planter dans mon jardin des pieds de tomates dont les semences sont issues des semences des tomates qu’il plantait, je ne peux qu’être ému et penser à cet homme dont le corps est en terre mais l’esprit libre de venir souvent nous visiter, parce que même fin mai, au fond, ce n’est pas la fin des haricots. Non.     

Vie et vérité


La vie est un tourbillon qui parfois nous entraine, parfois nous écume, parfois nous soulève et quelques fois nous noie, un ballotage dans ces eaux chaudes ou froides, chaudes et froides, une plongée sous ses rouleaux rageurs qui jouent de nous comme d’un fétu de paille avant de nous faire toucher le fond, ce fond de sable et de gravier, de bouts de coquillages et de bouts de rêves, ce fond gai et coloré qui transperce notre peau pour en faire jaillir des larmes de sang. Au bout des rêves qu’y a-t-il ? On rêve tous de surfer sur la vague, on rêve tous de soleil, d’odeurs iodées et sucrés comme une huile solaire, mais s’y on ne prend garde à la vie, on sort épuisé de ces combats perdus d’avances, le torse décoré de gouttelettes rosés puis rouge sang, transpirant par de fines écorchures, de fines ciselures, que le sel de l’océan vient aiguiser jusque dans des douleurs lancinantes. Pourtant, qu’il est beau cet océan, combien j’aime y puiser la vie, les forces et les énergies, celles qui me permettent de vivre et d’avancer, celles qui me permettent de soulager, d’apaiser et d’aider à la guérison. Pourtant, il peut-être doux comme un agneau, calme comme un lac de montagne bien à l’abri des vents dans son écrin de verdure, ici, ce sont les pins bordant les dunes qui lui servent d’écrin, c’est la forêt aux secrètes pistes, parcours où j’aime marcher, courir, faire mon footing à sentir cogner mon cœur dans ma poitrine, morceau de terre souple, plage de sable mou, piste de ciment souvenance de la seconde guerre mondiale et de ce fameux mur de l’atlantique aux infinis de blockhaus veillant l’horizon, guettant l’ennemi pour empêcher un débarquement allié, c’est là mon terrain de jeu. Humus, sable, ciment, et rebelote, parcours accidenté au sens agréable du terme, montées, descentes, plats, bien loin de l’ennui, surtout lorsque malgré les écouteurs et la douce voix d’Ayo, le sac et le ressac s’en viennent rythmer ma course, surtout lorsqu’au travers des arbres je perçois l’air plus frais ici, l’air plus chaud là, les odeurs de térébenthine ou bien celles plus sucrées de fleurs odorantes, surtout lorsque j’aperçois, un chevreuil qui hésite en son pas, une palombe se posant sur la piste roucoulant de sa voix grave avant de reprendre son envol.

Comment pourrais-je vivre autrement en ces lieux enchanteurs ? Les festivités qui s’en viennent noyer d’un flot de citadins en mal de festoyer les rues et les places si agréables à visiter hors saison n’ont pas mon intérêt, parce que trop tard, parce que ces fêtes hélas ont perdu de leurs charmes et leurs sens, dans des flots d’alcools, dans des générations trop pressées d’arriver à l’état second, qui choisissent les mélanges les plus hauts en degrés pour plonger dans l’ivresse sans comprendre l’essence même des liesses autrefois populaires. Pressés et supérieurs, le monde appartient à celui qui boit trop, rien ne sert de vomir, il faut se bourrer à point. Triste. Une à une les fêtes disparaissent, noyées dans les effluves des mauvais vins, seules les plus emblématiques gardent le cap, surfent sur la vague tout en déplorant que quelques hommes loin de tomber à la mer, sombrent à l’Adour, ou bien finissent au caniveau. Combien de traditions se perpétuent dans l’ignorance de leurs origines et de leurs raisons d’être ? Comme s’il s’agissait d’un manège, sur lequel on monte juste par jeu. Pourtant, ce qui fait notre richesses, ce sont les richesses du terroir, de nos terroirs, de nos régions, comprendre pourquoi ici on fait cela, pourquoi ici c’est ainsi, pourquoi ceci, pourquoi cela….. On fête Pâques sans savoir qu’aux origines, ces pâques-là étaient des fêtes de passages, et que si on y tuait l’agneau, c’était peut-être bien pour symboliser dans l’agneau qui meurt, l’enfance qui disparait au profit du passage au monde adulte. Notre ère chrétienne vint poser sur ces rythmes païens un autre passage tout aussi symbolique, celui de l’homme au divin, celui d’un monde à l’autre….

Ne pas savoir n’empêchent pas de profiter, bien heureusement, mais j’avoue avoir un penchant pour l’apprentissage, le long apprentissage de la vie, j’aime à connaitre ces choses cachées derrière de biens banales choses de nos vies, j’aime la vie par ces secrets savamment distillés, un peu comme une porte qui s’ouvre et conduit aux tréfonds d’une pyramide, révélant par ses hiéroglyphes l’histoire de ce Roi, de cette Reine, de ces princes, ou bien encore ces découvertes improbables et totalement inattendues, ce soc de charrue renversant des amphores de pièces romaines ou bien encore de mystérieux écrits vieux de près de deux mille ans. Il est temps pourtant que la connaissance soit partagée, il est temps aujourd’hui que ces secrets soient enfin révélés. Nul ne peut détenir la vérité sous clé, le monde ne pourra prendre sa vraie dimension que dans l’apprentissage, le partage, et la compréhension de cela. Il est temps, désormais. 

Répétition


La répétition des évènements traduit l’importance qu’ils ont et l’importance qui est d’en retenir le message. Parfois on y prête attention, parfois on oublie, parce que les choses s’enchainement sans qu’on y associe l’importance qu’il y convient, parce que l’attention est ailleurs voire même nulle part. Plus tard, on se souvient et on cueille le message, plus tard ou trop tard. C’est selon. Il est des routes qui tournent, comme tournent les roues, des virages ouverts vers le destin, des virages qui se referme sur la dernière page de la vie. Parce qu’un être assassin, parce qu’une inconscience, parce qu’on a oublié les règles, parce qu’à être trop supérieur on  en devient très inférieur. Il est des autoroutes qui somnolent, rectiligne ruban où l’on roule à l’envie, où l’on roule à l’ennui, où l’on roule et puis…. Il est des incidents si banals, si paradoxal entre leur nature et leurs conséquences, un peu comme le battement d’ailes du papillon qui s’en vient éveiller la tempête au bout du monde, un peu comme un peu trop usé ou mal gonflé qui rompt et transforme un banal poids-lourd en un bélier dévastateur, un pilier redoutable qui passe en écartant les poids plumes de sa route, emportant dans l’élan les trop frêles glissières, traversant l’autre chaussée ou par absence de miracle, un véhicule roule, à cet instant précis, être au mauvais endroit, au mauvais moment, un point perdu dans l’espace en trois dimensions, un point de chute, dure chute en contre bas et dure chute de ce mastodonte meurtrier sur une cage de mort. Par deux fois, deux pertes, innocentes, non provocante, cueilli sur cette intersection de trois axes, ce point devenu point de non-retour, juste parce qu’ils furent là, au mauvais endroit, au mauvais moment. Par deux fois leurs meurtriers s’en sont sortis. Par deux fois, le sang a coulé et la mort a fauché. Par deux fois. Répétition, mais pour quel message ? Celui de vivre, de profiter de la vie, parce qu’être prudent ne suffit plus, parce qu’il est tout plein de mauvais endroit et de mauvais moments, chacun d’entre nous trouvera en sa mémoire ce souvenir, cette fois où il s’en est fallu de peu, ce dépassement hasardeux qui se rabat juste avant qu’on arrive, ce choc juste derrière soi. On frémit, on pâlit, on souffle puis on oublie.

Il ne sert à rien de vivre dans la crainte, pas plus qu’il ne sert de scruter l’horizon à chaque déplacement. Non, par contre, il sert de se souvenir que notre vie est un souffle, une flamme de bougie, que nous ne sommes pas à l’abri d’un grand courant d’air, de ceux qui vous font vaciller avant de vous éteindre, alors mieux vaut étreindre qu’éteindre ou qu’être éteint, mieux vaut parler, rire, voir et profiter de ses amis, de ses proches, de ses connaissances plutôt que d’avoir froid dans le dos, d’avoir soudain le cœur étreint qui ne sait plus quel sein taper. Il ne sert à rien de pleurer l’injustice, d’attaquer les « si j’avais su » et autres bonnes intentions non appliquées et désormais plus applicables, il ne sert à rien de vouloir tout casser, non, ce qui est passé, est passé, bon comme mal, triste comme gai. C’est aujourd’hui qu’est le vivant, le présent, ce cadeau de notre présent. Et même si deux fois en si peu de temps c’est beaucoup, la vie appelle la vie, l’heure est venue de se relever, de prendre conscience et de se rappeler des vivants, des êtres perdus de vue parce qu’on n’a pas eu le temps, le temps de prendre le temps pour eux parce qu’il est plus important de le prendre ce foutu temps pour tant et tant d’autres choses, futiles, inutiles au fond. La colère est éteinte, le vide, le repli nécessaire un temps, il est deux mondes, celui des vivants et celui des ombres, et même si certains vivants vivent dans l’ombre, même si certaines ombres passent voir les vivants, chaque monde a besoin de vivre à l’écart de l’autre, c’est ainsi que va la vie. Détachons les rubans qui lient le soleil à l’ombre, l’ombre à la lumière, laissons chacun vaquer à ses occupations, prenons juste le temps de vivre parmi les vivants et de voir ses amis vivants.

« si l’aveugle conduit l’aveugle ils marchent vers la chute » [L’Evangile de Thomas]

Un tour autour du Verdon


Un petit tour autour des gorges du Verdon, l’occasion d’aller se dégourdir les jambes sur nos belles terres occitanes, au soleil de la Provence, enfin, ce soleil de Mai encore bien timide voire même parfois humide, mais il fait si bon marcher et profiter de ces trésors de nature aux couleurs si extraordinaires dans ce temps où pourtant l’ordinaire et le normal semble être la mode à suivre. Une eau verte, une verte eau qui semble avoir donné le nom au Verdon, cette rivière tumultueuse qui a su percer la roche pour y creuser un lit profond, un canyon nourrissant la joie d’une grande faune de sportifs et de visiteurs, grimpeurs, randonneurs, rafteurs, kayakistes ou même, pêcheurs. Suivant les guides et les explications, la couleur de l’eau est née des sédiments, du fluor contenu ou bien d’algues microscopiques, toujours est-il que là où la prose se trouve à sec pour traduire les choses, les eaux vives s’en viennent égayer les pupilles et donner un sens qu’il convient de vivre et de ressentir plus que de lire et d’imaginer. Dans ce paysage de roc et d’eau, en des altitudes plutôt plus élevées qu’on ne le penserait mais il est vrai qu’on est en département des Alpes de Haute-Provence, le climat favorise les plantes du maquis méditerranéen les plus résistantes. Ici, point de romarin mais par contre, des thyms et des serpolets aux senteurs puissantes qui me rappellent étrangement les pas accomplis en Crète, des aphyllantes frêles se groupant en bouquet violet, sans senteur particulière mais suffisamment farceuses pour ne révéler qu’avec parcimonie leurs belles couleurs mauves aux capteurs trop pointus de nos appareils photographiques numériques. Les lavandes botaniques ou lavande vraie côtoient les lavandins, les épis ne sont pas encore de sortie certes, mais les feuilles trahissent l’espèce, tandis que des anémones pulsatilles blanches éclairent le gris du sol, et si le regard perce encore, ce sont de toutes petites plantes carnivores qui jouxtent des joubardes renaissantes sous des genêts flamboyants.


Les éléments eux-aussi ont sculpté la roche, découpant les contours, donnant encore plus de profondeur au décor. Par une première balade, ce sont les Cadières de Brandis qui furent désignées comme premier objectif. Mais qu’es aco les Cadières ?  Le provençal dans son évolution régionale de la langue occitane a ainsi transformé nos « Cadièra » à moins que la francisation soit passée par là ? Bref, ce vocable traduit la forme de « chaise » des dits rochers, chaises qui, si elles n’ont pas besoin d’être rempaillées, ont perdu de leur splendeur et de leur forme dans les évolutions et les révolutions géologiques. Au passage, la montée par un chemin plutôt régulier nous permet de prendre contact avec ces paysages, notamment une vue plongeante sur Castellane, blotti au pied de son rocher au sommet duquel trône la chapelle Notre Dame du roc. Encore des pas, des montées à travers les rochers pour se sentir petit, très petit, fourmi surplombant le vide, et là, en bas, ce ruban vert turquoise qui serpente et dessine d’une inhabituelle couleur le fond du canyon. Après s’être délecté les yeux, le retour ravit les chevilles par la descente d’une rivière de rochers, plus proche d’un chaos que d’un fleuve tranquille. Un passage sous une énorme dalle posée en appuie contre la montagne de laquelle elle a dû se détacher rajoute un peu de piquant, avant de reprendre un cheminement de plus en plus régulier. Retour au col des Lecques puis direction notre hébergement.


Le lendemain, ce fut le point sublime le but de notre trajet routier et si Castellane héberge le citromuséum, ce fut un défilé de tractions, berline légère, familiale, 11 ou bien 15-6 sans oublier deux splendides cabriolets, qui vinrent nous rejoindre. Le temps d’aller admirer la vue du balcon, nous voilà à plonger parmi la falaise pour passer le pont et gravir l’autre rive, goûtant aux embruns dont à la réflexion je crois bien que le Verdon n’y était pour rien. Encore un balcon, plus naturel celui-ci, encore des paysages à couper le souffle puis retour par une petite variante.


Le jour suivant, ce fut Moustiers-Sainte-Marie qui eut notre dévolu. Pays de faïence dont l’histoire se lia à notre région, puisque pour répondre à la demande, ce furent des artisans de Martre-Tolosane, qui comme son nom le chante se situe en pays toulousain, qui se firent débaucher et enseignèrent l’art de peindre l’oiseau, certes dans un bleu différent, celui de Martre-Tolosane étant déposé. Côté randonnée, elle nous fit gravir le village perché avant de gagner le maquis puis tenter d’aller toucher le bout de la chaine qui suspend l’étoile d’or au dessus des maisons. Parcours comme j’aime, parmi ces plantes et ces sentes familières, un paysage à lire et à parcourir, et là, je reconnais que le nombre ne le permet pas comme cela le mériterait. Quelques pas en ville, de quoi écouter chanter l’accent et profiter de cette belle journée, se régaler aussi des ces énormes platanes qui colorent et ombragent la place de pierre ocre.


Voici qu’arrive le temps de conclure, et le voyage et la prose. Que dire ? Faire sa valise prend un sens qui clôt le chapitre, des tours de golfette pour rapporter au bercail es restes conséquents d’un bar ayant animé nos soirées, puis quelques pas à la rencontre des sirènes et la fin d’un rêve…. Non, elles n’ont rien d’enchanteur, bouts d’os enserrés dans la roche, vitrine d’aquarium, non, je ne comprends pas comment Ulysse eut pût être tenté de succomber à leurs charmes….. Certes, le temps a passé et il est l’heure de rentrer. Je passerai donc sur la pluie torrentielle, les bouchons à n’en plus finir, décidément, il est des retours moins gais que leurs départs.


                 

C'est pas sorcier


C’est quand même bizarre qu’en devenant soit disant évolué, on perd de plus en plus facilement le contact avec mère nature, la notion et les réflexes, l’écoute et l’échange, le don de soi qui devient si extraordinaire qu’on appelle soudain cela un don. Avoir un don, c’est considérer de nos jours comme exceptionnel, tant bien même ce don n’est qu’un sens pas tout à fait endormi chez un, tout à fait éteint chez d’autres. Peut-être parce que trop assisté, nous nous abandonnons au confort de s’en remettre à quelqu’un d’autre, nous refusons d’écouter notre propre corps, nos propres sens, nous ne prenons plus le pouls de nos énergies, mais pourquoi ? Est-ce le poids de nos éducations, religieusement ancrées dans une forme d’asservissement et de soumission, parce que le pouvoir s’exerce soit en s’élevant, soit en abaissant le peuple et que cette dernière solution reste la plus facile, et que cela dure depuis la nuit des temps : Les Rois de France, à peine assis sur le trône de leur défunt aïeul, les voilà capables de guérir les écrouelles ; Au premier temps de l’Eglise, seuls les prêtes et certains religieux pouvaient imposer leurs mains pour apaiser et soigner, tandis qu’ils menaient la chasse aux sorcières, qu’ils alimentaient le bucher de leur vanité pour y faire purifier l’âme des opposants et de ceux qui pensaient autrement. Une religion d’amour qui s’est abreuver de haine et de sang, sous prétextes de préceptes en textes, des écrits choisis, à quatre contre douze, ou treize, ou quatorze, ou vingt-quatre, ou plus, parce que si l’histoire écrite à mots choisis ne conserve que le masculin des sujets, rien ne dit que l’histoire fut ainsi, ni qu’au commencement n’était pas les femmes. Pourtant, aujourd’hui encore, nos gestes traduisent nos innés : Que nous ayons mal au ventre ou à la tête, c’est aussitôt notre main qui s’y colle, pourquoi ?  Etouffe-t-on de nos mains quelqu’un qui respire mal ? Non, la main se pose, en source d’apaisement, en source de chaleur, pour apaiser et reconduire les énergies dans leurs bons sens. Etonnant, non ?

Des gestes simples, encore pratiqués dans bien des sociétés, non assistées ou pas facilement accessibles à l’assistanat, qu’elles soient au fin fond de la forêt amazonienne, ou bien encore de la savane africaine, chez les Inuits comme dans nos campagnes soit disant reculées. C’est pas sorcier dit-on et pourtant, parfois les choses les plus simples ne sont comprises et traduites que par sorcellerie et les bienfaiteurs qui les produisent sont appelés sorciers, chamans, marabou, ou bien d’autres noms encore. Des gestes simples, qui intriguent et font peur, qui font railler, critiquer, mais qu’on aimera bien trouver et y trouver l’efficacité lorsqu’on sera soi-même blessé, meurtri, malade, tout comme souvent la fin de vie s’accompagne d’un retour vers le religieux. Folklore ? Tabous ? Formules secrètes et magiques ? S’il suffisait d’un « abracadabra » pour que le mal disparaisse, que n’aurions-nous chacun auprès de nous le livre des secrètes formules. Comprendre, c’est apprendre. Ecouter, c’est entendre. Il n’est pas besoin de croire pour recevoir l’amour, par contre il est besoin d’aimer pour donner, de s’aimer pour donner plus encore. Les énergies circulent en nous et autour de nous, parce que nous sommes poussière de notre cosmos, nous perturbons et sommes perturbés par ces flux et influx, ces reflux qui irriguent, polarisent, chargent ou décharger nos pôles les plus intimes. Etonnant ? Magique ? Non. Ecoutons-nous, mesurons combien nous sommes mieux ici que là, combien certains endroits nous apaisent et semblent nous recharger, tandis que d’autres nous oppressent et semblent nous miner. Prenons un moment pour nous poser, nous détendre. Allumons une flamme, bougie, feu de cheminée, parfumons notre espace des effluves qu’on aime, encens, huiles essentielles, mais aussi odeurs de la nature, fleurs, humus des sous-bois, embruns iodés d’océan, ou tout simplement son parfum préféré, l’essentiel est d’être soi, de se choyer, de se construire son propre cocon émotionnel, les bruits qu’on aime, les senteurs qu’on aime, le décor qu’on aime, les vêtements qu’on aime, les couleurs qu’on aime, la musique qu’on aime, le moment qu’on aime, aube naissante, coucher de soleil, ballet d’étoiles ou clair de lune, assis à regarder le monde tourner, faire son sport préféré, allongé la tête en l’air….. Se donner du temps à soi, s’offrir son plus beau cadeau, quelle belle source d’énergie, qui ne coute rien.  Sentir son corps s’alléger, le sentir pulser, le sentir se régénérer, comprendre, apprendre… 

C’est pas sorcier, non ? Non, juste se remettre en phase avec nos sens, nos énergies, notre planète, notre cosmos, écouter, s’écouter et puis un jour, donner…..

Sport et mouvement


Comment pourrait-on définir le sport si ce n’est pas le mouvement ?  Même les disciplines les plus posées sont posées sur l’art du mouvement, le geste précis, l’efficacité par ce savant dosage qui, lorsqu’il quitte la zone du « trop fort » tout en fuyant celle du « pas assez », fait du sportif un athlète et de l’athlète un champion.

Pourtant, il est un autre sportif qui bien trop souvent est ignoré, c’est l’homme de télévision. Oh non, je ne parle pas de ce cher Nelson Monfort, dont on ne sait jamais à ses interventions s’il imite ses imitateurs ou si ses imitateurs peinent à l’imiter tant la truculence et le verbe dans la double dialectique feraient pâlir d’envie un euro député, non, l’homme de télévision, homo spectatorus, celui qui sis de l’autre côté de l’écran se bat pour ne pas perdre une miette, sauf peut-être celles de son sandwich dans le meilleur des cas, de ses chips ou autres cacahuètes dans le pire des cas, bref, ce combattant de la zapette, au regard rivé sur le grand rectangle qu’il ne cesse de changer pour l'avoir encore plus grand, encore plus puissant, encore plus en 3D, se bat pour suivre les résultats de toutes ces disciplines de gens indisciplinés, courant à toute heure, sautant dans le même temps que tournent des chevaux non en bois, lui qui boit assis sinon vautré dans le fauteuil ou le grand canapé, et, principe bien connu des vases communiquant doit soudain dans un geste de désespoir quitter l’écran pour aller se soulager.

Et vous croyez que c’est facile ? C’est qui donc le sportif dans l’histoire ? Le petit jeune qui court à l’écran, où bien l’homme au grand savoir qui maîtrise parfaitement la grille des programmes durant ces phases ô combien chronophages de ces grands rendez-vous, jeux olympiques d’été, d’hiver, coupe du monde de football, de rugby, euro de football, mondiaux d’athlétisme et je passe sur le ski, les rendez-vous d’entrainement que sont les journées de championnat ou bien du grand manège de la formule 1, non, je vous assure la vie de spectateur est loin d’être de tout repos. Sans oublier la logistique, il faut bien gérer le remplissage du frigo, prévoir les temps libres pour s’adonner à fond à son sport favori de voyeur sportif patenté mais tenté quand même d’en oublier le sommeil parce que notre globe a la bonne idée de ne pas faire les mêmes horaires de jeux tout autour de la terre, avouez que quand-même, ce n’est pas simple ! D’ailleurs, même le tennis alterne les simples et les doubles, ce qui automatiquement double l’intérêt bien sûr, mais surtout le temps à y consacrer, double plaisir certes mais pas coup double.

Somme toute, à bien regardé, le sport est une activité en perpétuel mouvement, par le jeu des athlètes, par le jeu des spectateurs, par la mouvance et l’entrain qui se génèrent à ces fontaines de jouvence, le sport, c’est la santé, je terminerai en citant un sportif célèbre, Wiston Churchill, qui déclarait : "Des cigares, du whisky et surtout pas de sport." Sportif ? Enfin….. Perso, je dirai qu’il s’agit d’un contre exemple à ne pas suivre, alcool et tabac sont de trop et le sport de manque….pour moi ! Allez, sportez-vous bien !

      

Errance


Errance du monde moderne en mal de sensation, le plaisir n’est-il plus que dans le désir et l’attente ? Sentiment d’enfants trop gâtés qui ne sont heureux que dans le rêve d’avoir et se retrouve atone une fois qu’ils ont eu. Le rêve, l’espérance sont-ils devenus les seuls moteurs du plaisir ? Est-on devenu trop blasé pour ne plus jouir des jouissances et des réjouissances mais bien plus de leurs attentes ?

 Chaque jour, ce sont de nouveaux exemples qui viennent corroborer cette thèse à l’antithèse du plaisir réel. Un des dernier exemples en date, massif celui-là, je pourrais même écrire majoritaire, d’ailleurs je l’écris, puisqu’il fut majoritaire, ce sont bien les dernières élections : une attente, une espérance, mais point trop de clameur, point de liesse populaire comme au siècle dernier, en cet an mille neuf cent quatre vingt un, du temps où les mandats était de sept ans, durée au final bien plus adapté à la conduite d’actions  nécessaire pour diriger le grand navire qu’est notre beau pays, qui, s’il navigue par toutes les mers, se retrouve plutôt englué au port à changer de stratégie de commandement en si peu de temps. Devants les ors de la République, on a peine à voir la différence avec une monarchie aux principes vieillots et archaïque et les fastes d’une république démocratique et moderne. Il est vrai que feu Louis le seizième avait déjà mis en place les fondements de nos républiques, nommant premier ministre et seconds de rang, affichant les bases d’une constituante qui l’a raccourci à peu de voix près, mais le peu suffit à le raccourcir définitivement. Au bilan des années passées en cinquième, nous avons connu les monarques dont le premier ministre avait le plein pouvoir, mis en lumière par des cohabitations légiférées et commanditées par le peuple, des empereurs à poigne de fer dont le premier ministre apparu comme simple secrétaire pour ne pas dire marionnette de ventriloque, et surtout, les incohérences de rythme électoral faisant valser les couleurs des trois chambres au point de ne savoir comment trouver la formule magique permettant que le ballon circule mieux ou bien que le navire puisse croiser aisément. D’ailleurs aujourd’hui encore, nous venons d’élire un président dont la majorité n’est pas assurée, suite aux prochains épisodes électoraux de juin. Et si le système prenait un enchainement plus fonctionnel ? Du style, le peuple élit ses représentants, les représentants du peuple élisent les sénateurs, les sénateurs élisent le président, cela n’offrirait-il pas une cohérence d’ensemble et de fonctionnement permettant de gouverner d’un même bord de haut en bas et de bas en haut ? Et si la durée des mandats devenait synchronisée de ce fait et de durée suffisante pour que la sacro-sainte loi du court-moyen-long terme permette de bâtir et mettre en place les stratégies décisionnelles dont le pays, notre pays a besoin ?  Trois, cinq, neuf ans ? Et si, et si, et si…..

Mais où est donc le plaisir dans tout cela ? Sommes nous trop atteint de sinistrose pour devenir heureux, mesurer la joie et le bonheur et dans l’attente et dans l’atteinte ? Sommes-nous devenus trop riches pour ne plus apprécier ce que nous avons et désirer ce que nous n’avons pas encore ? Est-ce là le matraquage publicitaire, distillé par toutes les bouches de la communication possibles, papier, télévision, internet, radio, ces sources qui nous abreuvent d’envies et de désirs, génératrices de besoins dont on n’aurait même pas soupçonné l’intérêt quelques temps auparavant, il suffit de voir les tablettes numériques par exemple, devient-on cupide ou bien collectionneur ? Existe-t-on par la fausse normalité qu’essaie de nous vendre les publicitaires « si vous ne possédez pas ceci ou cela, vous n’êtes pas normal », « si à tel âge vous n’avez pas votre ….. » non, stop, pas de pub, nous ne sommes pas en Suisse, et il l’heure de clore le sujet, d’effectuer la passation et donc de passer à autre chose. Autre chose ? Un besoin de changement ? Une envie ? Un désir ? Quoi ? C’est fait ? Ah bon ? « Chérie fait tes valises, vive les vacances ! » Non je déconne, quoique…. A trop feuilleter les catalogues, on perd toute réalité, le consommateur devient conso mateur et consomme à tord, mais c’est la loi du commerce depuis la nuit des temps, acheter pas cher pour revendre très cher, faire naitre le désir pour ensuite le monnayer, les anciens, fussent-ils romains ou bien grecs avaient déjà un même dieu pour les commerçants et les voleurs, Mercure, Hermès….. Non, j’ai dit pas de marques ! Mais ce sont-là des dieux, ne soyez pas odieux ! Sophie, tel ! Non, pas de dérive, nous ne sommes pas à New York… Place au temps nouveau, celui qui suit l’ancien temps, les dieux ont vécu, l’Olympe pique du nez, autres temps, autres mœurs, Sodome et Gomorrhe aujourd’hui sont des lieux à la mode, il devient de bon ton d’y donner rendez-vous voire même d’en privatiser l’accès… Un peuple qui se cherche ou qui cherche son plaisir dans ce qu’il n’a pas ou ne connait pas ? Allez savoir….          

Why not?


Génération virtuelle, je prends, je clique, j’écris, je jette, j’éjecte… On se parle à l’écrit, on se cause en texto, on se connecte, on laisse un message, on se déconnecte, et l’autre viendra lire plus tard, ou jamais, parce qu’un jour, la connexion est rompue, faute d’accès, faute de matériel, faute de personne, parce qu’un jour personne n’est plus là, parce que la vie, parce que la mort. Alors vient le temps des regrets, les « si j’avais su », les pleurs, les peurs, les angoisses et les serrements de cœur. Il y a ce côté catalogue, page à page, écran par écran, profil par profil, un clic, un sourire, une humeur, et puis rien. La multitude tue le singulier, le pluriel incite à la surconsommation et comme chacun court après le temps, pour bien faire, on fait mal, on passe, on survole, on croit qu’on aura l’occasion de revenir, d’approfondir, parce qu’on reste forcément maitre du temps, de notre temps, celui qui nous fuit, celui qu’on fuit, valse à plusieurs temps, un pas en avant, un pas en arrière, un petit pas et puis plus rien. Est-ce cela la vie ? Est-ce là la vie qu’on se choisit ?  Une vie à prendre ? Une vie à jeter ? Une vie à réorienter ? Libre, chacun fait ses pas, ses chemins, son chemin. Pour aller où ? Ici ? Ailleurs ?

Que de questions !  Loin d’être que deux questions. Et oui, les mots volent, roulent, courent et noircissent la page sans oublier de jongler, de jouer, de répondre, de se répondre. C’est ainsi que l’écriture est, se meut mais ne se meurt pas, c’est ainsi que les textes sortent et se construisent sans construction, sans plan, sans blanc et pas semblant, chacun différent d’un autre, parce que la vie, parce que la mort, parce que …. Attention, la mort n’est pas mortelle et non tabou, il est plein de choses vivantes qui meurent sans que cela soit une fin en soi, sans tristesse, sans négatif. Une fleur meurt pour donner la vie à un fruit, et après avoir profiter du cerisier en fleur, ces fleurs si fragiles, si nombreuses, si temporelles, on se régale bien de ces cerises juteuses, sans regret pour les fleurs qui les ont fait naitre. La mort est une vie, différente, un autre temps, un autre espace temps, un temps qui attend son temps, même si parfois on aimerait bien que ce temps là soit lointain, parce que la vie. Alors, apprenons à vivre dans le temps des vivants, soyons nous ici et maintenant, oublions les miroirs aux alouettes, les faux réseaux, les faux profils, les fausses amitiés, celles qui s’arrêtent au premier carrefour, parce qu’elles n’ont plus l’essence de ce que vous y apportez, parce que donner leur coute plus que de recevoir, parce que c’est ainsi, point. Ainsi soit-il. On ne revient pas sur les choses, on apprend à en construire d’autres sur les bases des leçons apprises, sur les envies du moment, au temps d’aujourd’hui, parce que c’est ainsi qu’est la vie. Un battement de cœur suit le silence d’un autre battement de cœur, parfois dans un rythme différent, parce qu’on court, parce que les émotions, parce qu’on bouge, parce qu’on fait un effort, parfois dans la même régularité, métronome de notre vie, posons-nous, écoutons les battements de notre cœur, posons dessus notre respiration, de préférence au cœur de la nature, plage océane, paysage de montagne, désert sans fin, l’agitation a besoin du calme, le corps a besoin de se retrouver dans son propre tempo. Respirer, inspirer, souffler, lentement, tranquillement, au rythme du cœur, à son rythme, tout simplement. Ouvrir les yeux, voir ce qu’on se refuse à voir en temps dit normal, vous savez ce temps où vous n’avez pas le temps, paradoxe de la normalité de l’être humain. Un brin d’herbe, une coccinelle, une fleur, aujourd’hui là, demain fanée, un coquelicot, fragile, temporel et si éclatant de chaude couleur et de gaité. La fragilité est donc une force, à méditer….
Qu’il est bon de savoir descendre de notre train-train, de se poser sur son arrière-train et de trainer à parcourir la nature, le monde si inconnu de ces paysages si proches, si connus et tellement étonnant de diversités à découvrir. Savourer l’instant présent, apprendre à voir, à sentir, à ressentir. Lentement le corps de détresse et s’assouplit, se déstresse et nait à la vie. Devenir soi, pour soi, sentir cette force communicative, ces énergies puisées à la terre, aux décors, aux cieux pour irriguer et dénouer nos fibres depuis trop longtemps serrées. Limite enivrant mais c’est là une ivresse à laquelle on peut s’abandonner sans paresse, parce qu’être bien est bon, parce que se sentir fort est bon, parce qu’il est bon d’être en vie, et que même si autour les miroirs se brisent, parce que même si le vent est rafraichi par les absences, il reste toujours les messages délivrés, les confidences et les rires et qu’à travers eux, il y a la réponse à nos questions, celles d’aujourd’hui comme celles de demain. Encore faut-il vouloir les écouter….           

Mai


Le voilà ce mois de mai qu’on aime, lorsqu’il se pare de bleu, lorsqu’il s’habille de chaud, lorsque les fleurs sont belles et les tenues plus légères, lorsqu’on sent enfin ces envies de vitamines D à s’en  brûler la peau, lorsqu’on se dit qu’enfin hier est passé et avec lui le froid ; J’ai toujours aimé le mois de mai, cela dit, chaque mois m’apporte ses leçons de plaisirs, ses envies et ses désirs, mais mai et non pas mémé, a toujours un son, un couleur, des odeurs particulières. Serait-ce parce qu’autrefois c’était le moment de la grande foire de Toulouse, avec ce dépaysement, ces parfums gourmands, cette foule enivrante, ces  camelots aux discours ne pouvant qu’être vrai tant ils possédaient de la force dans l’accent, des intonations dans le verbe, de l’envie d’adhérer, d’acheter à ce besoin soudainement créé. Peut-être est-ce par la force du soleil, mon astre géniteur de force, même si en ces premiers jours chauds et donc trop chauds, on se trouve là soudain très las, des envies de sieste, de farniente, de prendre le temps de voir pousser les fleurs, de compter les jours qui nous séparent encore des rougissantes cerises, de se prendre à rêver d’une nouvelle cabane, de songer que bientôt l’été sera là.

Mais ce mois de mai fut souvent porteur de tristesse, je me souviens de ce jour très beau, très chaud, mon père en service à la foire, nous seuls à la maison avec ma mère et ma sœur, voyant surgir en trombe l’auto de mon oncle, et mon cousin descendre en larme pour nous annoncer le décès accidentel de son frère. Un voile sombre sur un jour doré, dans un temps pas si lointain où nous vivions sans téléphone, je parle du fixe, alors pensez pour les mobiles et autres internet…. 21 ans. C’est jeune pour mourir, la faute à pas de chance, à une époque où les autos étaient sûres mais bien moins qu’aujourd’hui, la faute à une allure un peu vive parce qu’il fait chaud et qu’il venait de quitter ses amis, sa fiancée à un pique-nique en forêt pour aller se changer chez lui et vite les retrouver. La faute à du gravillon dans un virage, parce que c’était comme cela en ce temps là pour permettre l’adhérence les jours plus gris, la faute à un pilier de portail parce qu’un portail a besoin de s’appuyer quelque part, la faute à des sièges sans appui-tête, parce que les autos d’alors naissaient et mourraient sans connaitre les crash-tests, l’ABS, l’ESP, les airbags et autres sièges dignes de ce nom, pas plus que de ceinture, en ce temps-là, nous étions en sécurité, nous étions fort, invincibles, à l’abri. Et mai pleura très fort, et l’enfant que j’étais découvrait l’horreur de la disparition même si cela amena des réconciliations dans une famille distendue. Et puis il y eut le vingt-et-unième siècle, ses moyens modernes de communications nous rendant chaque jour un peu plus muet, sourd, coupé de notre monde. C’est par un bel écran rétina que je reçus la terrible nouvelle. Encore la route, encore un accident, encore une disparition à l’aube de mai. Et je songe alors à ce mois sombre dans ses plus belles lumières, le rappel noir lorsqu’on cueille à peine l’insouciance d’un sortir de l’hiver et du froid printemps. C’est comme cela la vie, beau et chaud, avec soudain des lames de froids et de tristesses, des larmes d’émotion pour le bon comme le moins bons, une sorte de gâteau mystère, ou le fondant répond au croquant, ou le froid réveille le tiède, parce que nos vies ont du sens, parce qu’il y a toujours du sens à nos vies, parce qu’au fond, la vie n’est qu’une étape, et que même si nos cultures nous ont forgé une image sombre et détestable de la mort, elle n’est qu’une étape qui certes clôt notre vie, du moins celle-ci, mais il ne faut pas en avoir peur, pas plus qu’il ne faut avoir peur de vivre.

Bien sûr, il y a ces épisodes dont on ne connaitra pas la fin, bien sûr il y a ces mots restés en l’air, ces rendez-vous manqués parce que trop tard, mais il reste ces rires, ces joies, ces leçons reçues, ces moments partagés, ces bouts de vies venues croisées notre chemin pour nous accompagner sur un bout du chemin, mais on ne fait jamais le chemin qu’en marchant, notre but nous est personnel et c’est à nous de l’accomplir dans cette phase du temps attribuée que l’on nomme « vie ». Alors, le chemin est devant moi, je referme le tiroir des souvenirs, je sais aujourd’hui qu’il n’est pas de rencontre fortuite, d’instant innocent, j’ai reçu bien des forces d’êtres aujourd’hui envolés dans d’autres vies, dans un autre nuit, à vous tous, je vous dis merci, tout comme je remercie mes guides actuels et à venir, tout comme je serais heureux d’avoir guidé et de guider encore sur quelques pas d’autres chemins, tout comme je suis fier d’être un maillon dans la grande chaîne des êtres qui savent soulager et permettre de guérir, de s’ouvrir, de comprendre qu’il n’y a pas que la science et la restriction mathématique, notre monde est complexe mais non compliqué, c’est juste nous, simple unité, humble sujet qui nous le compliquons. L’empreinte de l’homme n’est pas celle que l’on dessine mais celle qu’on laisse au détour du chemin. On ne force pas sa vie, on la construit. 

Joli mois de mai. 

R.I.P.


Il est des jours comme ça où les nouvelles semblent irréelles, non pas qu’elles soient trop belles, non, bien au contraire, simplement parce qu’on ne veut pas de cette réalité-là. On ne veut pas mais on ne décide pas, et c’est là un vieux sujet de discussion entre nous, vieux sujet dans une relation pourtant fort jeune lorsque je cueille au calendrier du temps les épisodes de notre temps. Pour autant que je me souvienne, c’est une histoire de bulles qui réunit nos rires et nos plaisanteries, une pause-café d’un matin de randonnées, à Limoux et, en comité restreint de joyeux initiés à quitter la première boulangerie venue pour une place tranquille, tes origines champenoises taquinaient les bulles de notre blanquette. Humour, rires, taquineries, c’est en cela que se sont vécus randonnées à pied ou en raquettes, passions partagés mais non vécues ensemble de la course à pied, de la 2cv, de la chanson, des photos, des dessins et des écrits, sans cris, parfois tout de même quelques incompréhensions qui méritaient discussions parce qu’il était très dur de se fâcher avec toi et tout simplement de se passer de toi. Joviale, rigolote, un brin naïve mais pas du tout dans le sens négatif, je pencherai plutôt pour un rythme à contre temps dans un esprit très riche où fourmillaient milles idées, ce qui parfois peut faire passer pour rêveuse mais jamais pour endormie. Et ces 2CV dont tu voulais faire une monture quotidienne, croisant les annonces, me transmettant les faire-part pour en faire sortir les pièges, et quand les cours ont grimpés ce fut acadiane ou dyane mais pas pour tout de suite, plus tard, d’autres projets, d’autres achats, d’autres finances…. Ma mienne étant en chirurgie esthétique, j’ai patienté de long mois pour la récupérer enfin et depuis quelques jours elle se remonte, pièce après pièce, colis après colis pour qu’enfin je puisse t’amener à son bord et trouver le temps de poser la discussion. Là, la vie en a décidé autrement, sur une autre route, une autre rencontre, mortelle. Assourdissant, terrifiant.

De tout, je ne veux garder que les rires, les grands yeux étonnés, la fraicheur d’esprit et l’esprit tout court. Au travers de cela, je vous demande de ne pas attendre, de ne pas remettre à plus tard ces moments de convivialités, d’échanges, de levées de doutes, parce qu’il est parfois trop tard, parce qu’il est toujours trop tard.

Ce soir, mes pensées silencieuses voguent vers cette zone hors du temps, hors de nos vies, pour y trouver la connexion et les mots désormais silencieux.

 Au revoir Isabelle.