Le jour le plus long


Le jour le plus long, non, ce n’est pas le jour du débarquement, ce fameux six juin mille neuf cent quarante quatre, non, le jour le plus long sera bel et bien ce trente juin deux mille douze. Avouez que ça fait bizarre de lire ainsi les chiffres en lettres, rien à voir avec les chiffres et les lettres de l’ancien temps d’avant la dernière mouture sur laquelle je suis tombé sans me faire mal tout de même l’autre soir à la télé. Comment peut-on avoir ainsi dénaturé le mythe ? Me voilà perdu dans le décompte des points, bon, passe sur les consonnes et les voyelles, mon vocabulaire n’a pas trop perdu de son répertoire, mais zut ! Où est-ce qu’ils m’ont mis les bon vieux rouleaux qui affichaient la centaine, la dizaine et l’unité, chacun à l’unité tout en se retrouvant unis pour former ce nombre à trouver par le jeu des opérations complexes dignes des plus forts calculs d’une loi de dé fiscalisation pour qu’à travers des soixante-quinze parfois mus en septante-cinq, on se plait à produire un compte bon. J’espère que vous aurez intégré à cette lecture le degré d’auto dérision et de second degré qu’il y sied, mais je crains que les lois futures nous obligent à mettre en bas de nos proses, ou plutôt en haut, il vaut mieux en être prévenue avant, un message d’alerte qui dirait non pas « lire tue » mais plutôt « l’abus d’humour est dangereux pour la morosité ». En bas ou en haut ? Je pense qu’il va falloir constituer un groupe de parlementaires pour mener une étude d’opportunité, afin de décider si c’est à l’académie française d’en décider, ou bien encore à de puissant technocrate. Ne soyez donc pas pressés ! Allez, ceci rien que pour vous :

L’ABUS D’HUMOUR EST DANGEREUX POUR LA MOROSITE

Humour ? OUI ! Toujours. Le vivant inspire le vivant, sans quoi la vie serait mortelle. Cela n’est pas dit qu’elle ne le soit pas, mais je ne suis pas pressé de le vérifier, chaque chose en son temps, promis, on en reparlera ! Alors, oui, les chiffres et les lettres se sont modernisées, fort boyard aussi, les modes passent les sujets restent, tout comme un vêtement reste un vêtement tout en traversant les modes et le temps. Il est des classiques qu’on a beau revisités, remaniés, vous trouverez toujours des grincheux pour crier aux scandales, et non, ce n’est pas Georges Marchais reprit par l’inénarrable Pierre Douglas,  qui eut pu en dire le contraire, et d’autres facétieux criant au génie, sans que l’on sache si ce fut pour la beauté du geste, l’amour de la création ou bien tout simplement apporter non pas de l’eau au moulin mais de l’huile sur le feu des premiers cités, sans que je sache pourquoi on les cite toujours en premier ceux-là. Des ces classiques-là, je pense bien sûr, mais cela dit, en me relisant je comprends que je sois seul sûr de moi en cela, mais enfin, c’est mon droit et puis mon gauche de penser ainsi, n’est-ce-pas ? Et donc ? Ah oui, en matière de classique, je pense à la reprise de chant patriotique et belliqueux qui nous sert d’hymne national depuis plus de deux cent ans par Serge Gainsbourg en des accents reggae, ou bien encore, pour faire plus récent, en la version à peine mimé de nos célèbres footballeurs à qui beaucoup reprochent de ne point la chanter. C’est d’ailleurs à ce propos que j’ai beau fouillé ma mémoire, tout en étant un pur produit de la scolarité républicaine, je n’ai jamais appris ni chanté ce chant sacré, alors, moi qui balance entre deux âges, comme le chantait si bien mon maitre Georges Brassens, si je ne l’ai pas appris, comment ces jeunots à la scolarité plutôt courte eurent pu l’apprendre puisqu’ils ont même perdu (oui, je sais, ils sont habitués à perdre, c’est facile), je disais : ils ont même perdu de leur études les belles leçons de morales et d’instruction civique de notre enfance. Ah oui, tiens, j’ai du l’apprendre là la Marseillaise, mais si mes souvenirs sont bons, ce fut en ce2 dans une classe qui sentait bon la cire que l’on frottait sur les bureau le samedi matin avant de partir enfin en week-end, au plancher usé par d’autres galoches que les nôtres, et ce fut tout. Tout comme on apprend Prévert et son décompte des Louis bien avant les ors de la République, ou bien encore toute la magie du cancre, non, je ne parlais pas de moi, mais ce si joli poème de monsieur Jacques Prévert :

Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le coeur
Il dit oui à ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.

Et puis voilà, la Marseillaise est passée, jusqu’à ce qu’elle revienne à la télévision, chanté par nos fiers rugbymen, perdue par nos valeureux footballeurs, valeureux n’ayant pas la même valeur qu’au sens premier, je dirais plutôt en million d’euro même sortis de l’euro. Autres temps, autres mœurs. Le chant est guerrier ? Désuet ? Doit-on le reprendre, modifier les paroles, motiver les troupes en chantant un truc du style « Allons enfant de la patrie (ça, ça passe), le jour de gloire est arrivée (oui, ça passe aussi), Nous allons avancé tous unis, … Non, je n’ai pas la prétention d’écrire ce texte-là…. Allez, je livre ici les paroles premières :

Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie,
L'étendard sanglant est levé, (bis)
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque dans vos bras
Égorger vos fils, vos compagnes ! 

Aux armes, citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Que veut cette horde d'esclaves,
De traîtres, de rois conjurés ?
Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dès longtemps préparés ? (bis)
Français, pour nous, ah ! quel outrage !
Quels transports il doit exciter !
C'est nous qu'on ose méditer
De rendre à l'antique esclavage !

Aux armes, citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Quoi ! des cohortes étrangères
Feraient la loi dans nos foyers !
Quoi ! ces phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fiers guerriers ! (bis)
Grand Dieu ! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient
De vils despotes deviendraient
Les maîtres de nos destinées !

Aux armes, citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Tremblez, tyrans et vous perfides
L'opprobre de tous les partis,
Tremblez ! vos projets parricides
Vont enfin recevoir leurs prix ! (bis)
Tout est soldat pour vous combattre,
S'ils tombent, nos jeunes héros,
La terre en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêts à se battre !

Aux armes, citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Français, en guerriers magnanimes,
Portez ou retenez vos coups !
Épargnez ces tristes victimes,
À regret s'armant contre nous. (bis)
Mais ces despotes sanguinaires,
Mais ces complices de 
Bouillé,
Tous ces tigres qui, sans pitié,
Déchirent le sein de leur mère !

Aux armes, citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Amour sacré de la Patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs ! (bis)
Sous nos drapeaux que la victoire
Accoure à tes mâles accents,
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !

Aux armes, citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y seront plus,
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus (bis)
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil,
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre

Aux armes, citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Enfants, que l'Honneur, la Patrie
Fassent l'objet de tous nos vœux !
Ayons toujours l'âme nourrie
Des feux qu'ils inspirent tous deux. (Bis)
Soyons unis ! Tout est possible ;
Nos vils ennemis tomberont,
Alors les Français cesseront
De chanter ce refrain terrible :

Aux armes, citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Un peu long, non ? Allez, revenons au sujet, le 30 juin 2012 sera le jour le plus long : Il mesurera 24H et 1 seconde par décision du Service international de la rotation terrestre et des systèmes de référence, implanté à l'Observatoire de Paris, qui est chargé de mesurer les variations de l'orientation de la Terre et qui, selon les variations, décide ou non d'ajouter une seconde au Temps universel coordonné. Voilà, la terre ralentit, alors pour ne pas arriver en avance, on rajoute 1 seconde. C’est tout petit une seconde, mais cela suffit à dépasser les autres jours, et faire de ce 30/06/2012 le jour le plus long de l’année. Et ça, les Mayas ne l’avait pas prévu ! Serait-ce dons la fin du monde ? Mais non, pourquoi diantre ! Juste un sourire, et surtout, n’oubliez pas :

L’ABUS D’HUMOUR EST DANGEREUX POUR LA MOROSITE


Contes des bords de l'océan, l'ardoise


C’était un matin gris au cœur de l’automne gris. Le ciel, les brumes maritimes, tout se mélangeait au point d’y perdre ses repères, au point d’en avoir presque le vertige, un peu comme ce phénomène de jour blanc qui survient en montagne lorsque le brouillard estompe le relief et que la neige recouvrant le sol en finit le masquage. Le vent qui soufflait sur la falaise était plutôt mordant, pourtant, il faisait bon marcher, il faisait bon se perdre dans ses pensées, et même, cette atmosphère nébuleuse donnait un côté surréaliste à ces terres si familières. Parfois le concret sait s’envelopper d’abstrait tout comme l’abstrait sait devenir concret. Le soleil perçait péniblement ces couches épaisses, qui, telles des filtres, aidaient à visualiser l’astre à l’œil nu, disque parfait dans paysage brumeux. Les grondements de l’océan étaient comme des voix d’outres-tombes, audibles, puissants, étranges parce qu’invisibles, démontrant que les liens entre nos cinq sens sont bien réels. Avancer parmi cette lande, où les formes apparaissaient et disparaissaient à l’envie, buissons sauvages, sentiers bifurquant, clôture de piquets alignés, donnait le sentiment d’être encore dans un rêve, personnage d’un monde féérique, l’œil aux aguets, prêt à vivre ce moment où la chaleur devient la plus forte et disperse enfin les brumes du matin.

Etrange, que faisait-il là ? Rien d’autre que marcher, respirer, écouter, sentir, vivre, tout simplement. Chaque seconde est une seconde d’éternité, une communion avec la nature, une percussion des sens pour une symphonie en gris majeur. Ce voile d’humidité était le meilleur des alambics pour tirer de chaque plante la quintessence, pour abreuver d’effluves cet air frais et vif. Dans le repli stratégique des saisons, l’automne était le plus varié, le plus puissant, tantôt humide, tantôt froid, tantôt chaud et bouillant, il mordait la vie à pleines dents. Aujourd’hui, c’était gris, non pas gris tristesse, mais gris ardoise, l’ardoise des souvenirs qui viennent et qui remontent, l’ardoise de nos vies, celle sur laquelle on écrit, puis on efface d’un coup d’éponge , avant que l’humidité disparue, des traces à peine visibles sortent du temps et révèlent les mots d’hier. Qu’importe les craies, blanches ou colorées, qu’importe l’humeur, la fougue, la passion qu’on y a mis, u jour où l’autre, les mots ressortent et s’en viennent cogner à nos vies, comme des moucherons voletant à la lumière et qui s’en viennent frapper le visage du promeneur. Qui sont-ils ces mots-ci ? Des restes des maux d’au-delà ? Des vies passées dans une vie qui passe, mais on ne survit pas, on vit, tout simplement. Alors ces mots ? Ces mots ce sont nos rappels du passé, ce passé sans lequel nous ne serions pas nous-mêmes aujourd’hui, ni demain, l’évolution est permanente, et même si parfois on semble régresser, ce n’est qu’un recul pour mieux sauter la barrière, avancer encore plus loin, comprendre et apprendre, retenir la leçon, non dans sa dimension négative mais par la force qu’elle nous donne pour la dépasser. Le chemin se fait en plaçant un pas après l’autre, qu’il soit plat et facile ou bien tortueux et escarpé. Pour gravir des montagnes, les chemins sont en zigzag, on part dans une direction, puis on repart dans l’autre, mais en montant toujours, pas après pas, mètre après mètre, le sommet se gagne. Il n’y a pas lieu de se décourager, juste d’adapter son souffle, de trouver son rythme, de ne pas chercher à copier la personne devant, juste être soi, en phase avec soi, dans son propre tempo et vouloir gravir le sommet.

La brume épaisse de ce matin, tout en masquant le parcours, en masque les difficultés, l’esprit s’en trouve libéré, il ne focalise plus sur cette montée raide puisqu’elle n’est pas visible. Et la montée se fera, malgré cette pente qui en plein soleil aurait impressionné et serait devenue source de démotivation. C’est à nous d’accorder la liberté à nos pensées, de ne pas nous démotiver avant de n’avoir essayé. Nous sommes le moteur de nos vies, le personnage principal, celui qui décide, qui agit. Ne l’oublions jamais et agissons, soyons, vivons, respirons. Puis vient le temps où la brume disparait comme par enchantement et le plaisir de voir le chemin parcouru sera alors encore plus grand. Alors, n’hésitons plus, avançons !        

Contes des bords de l'océan, l'étiquette


A chaque fois que le regard se porte sur ce bout de côte, sur cette plage, sur ce bord d’océan, c’est un plaisir sans cesse renouveler. A la fois par ce côté familier de l’endroit, la limite entre forêt et dunes, entre dunes et plage, entre plage et océan, par les couleurs, uniques et tellement reconnaissables, mais surtout parce que c’est un paysage qui toujours diffère, par la force des vagues, par la luminosité variable, par le modelé de la plage, des dunes, par la végétation qui tente de s’y enraciner, par la forêt qui progresse dans une variabilité étonnante : le premier rempart  se sèche et se meurt sous les assauts des embruns, protégeant les rangs suivants qui épaississent et à leur tour protègent tout une végétation : arbousiers, genêts, fougères, et cette flore protège à son tour la faune, invisible mais présente. Chaque chose est le résultat d’une autre chose, d’autres choses, le produit d’une transformation qui multiplie les perceptions et font du lieu, un lieu unique, quand bien même on y revient chaque jour. Surprenant. Mais cela nécessite tout de même de savoir ouvrir les yeux, de voir l’évolution, parfois lente, parfois si discrète que trop d’esprits chagrins finiraient par conclure que c’est toujours la même chose.

Asseyons-nous, observons lentement de tout côté, dans un travelling panoramique, ce qui est. Là sur la droite, quel est ce bout de piquet et de grillage qui dépasse à peine du sable de la dune ? Mais oui, c’est vrai, il y a peu, il y avait un grillage bien visible qui séparait le domaine public du privé, il semblerait que la dune sous les coups d’Eole ait pris les devant et soit aller gravir et ravir cette barrière soit disant infranchissable, pour la franchir, la dévorer et la dissimuler sous son flot de sable. D’ailleurs, cette dune, maintenant que j’en vois l’effet dévastateur sur les clôtures, ne s’est elle pas creusée un peu plus dans son pied ? Je ne me souvenais pas de cette marche pour accéder à la plage, pas énorme, juste un talus d’un mètre de haut à descendre alors qu’hier tout était en pente douce.  C’est un peu comme la baignade, hier il fallait marcher des mètres et des mètres pour avoir un peu de profondeur d’eau et pouvoir nager, tandis qu’aujourd’hui, au bout de trois pas nous n’avons plus pied…. C’est aussi cela qui donne la profondeur de la couleur de l’eau. Que dire de ce sable ? Il vole aux vents, il se dépose et toujours enrichi sa couleur, unique, ocre, patinée d’humidité. Le courant le prend avec lui pour un voyage, ici la côte se ronge, là-bas elle s’épaissit, perpétuelle évolution. Et puis, ce sable, d’où vient-il ? Lente transformation des coquillages, affinage des rochers, c’est encore le produit d’une évolution. La nature nous donne bien des exemples : Tout n’est qu’évolution, pour le sable, pour les dunes, pour la forêt, pour tout cela ensemble qui construit le paysage ici, mais aussi pour nous, qui sans cesse évoluons, même si nous ne prenons pas toujours le temps de le voir et pire encore, même si nous ne prenons pas le temps de voir les autres évoluer autour de nous. Chacun se construit, à des rythmes qui diffèrent et font qu’une relation se défait et cela dans les deux sens : une relation nouée se défait et conduit à une inexorable conclusion, cela est l’exemple le plus courant, non pas hélas, cela est naturel et nécessaire à chacun de poursuivre sans entrave son parcours nécessaire, mais il est un autre exemple : celui d’une relation impossible, parce que pas sur la même longueur d’ondes, parce que trop différent, et puis un jour voilà que les liens se tissent parce que nous sommes sur un même plan d’évolution. Tout comme deux coquillages si différents viendront se mêler en un même sable lorsque leur processus d’évolution les aura transformés. Un exemple, parmi tant d’autre, que rien n’est jamais acquis, ni en bien, ni en mal, mais surtout qu’il ne sert à rien de coller une étiquette car elle empêchera toujours de voir l’autre évoluer réellement.  
   

L'air de rien


Lorsque la vie se pose enfin, c’est tout de même un sacré réconfort. L’état marital n’y est pour rien, vie de couple ou vie célibataire, chacun comporte ses illusions, ses désillusions, ses bonheurs et ses coups durs, et même s’il est toujours courant d’envier la situation qu’on n’a pas, vieille tradition humaine basée sur le principe que l’herbe est toujours plus verte dans le pré d’à côté, c’est plutôt d’être en phase avec sa vie qui porte le réconfort. Un peu comme de retour d’un trop long voyage, on rentre chez soi, on pose ses valises et on se pose un instant dans le fauteuil du salon en regardant ce décor pour tant si familier et qu’on redécouvre parce que sorti des yeux durant quelques temps. Il n’y a plus d’empressement, de sortes de fuites en avant. Non, on est bien là, ici et maintenant, un peu comme le musicien qui s’est emmêlé les doigts sur les cordes et souffle enfin lorsque la bonne note retrouve le bon tempo. Un soulagement, oui, peut-être, mais je dirai plutôt une harmonie, un rencontre dans le bon espace temps. Il n’y a plus de projections sur demain ni après-demain, il n’y a pas de regret sur hier ou avant-hier, il y a le temps qu’il est en ce moment, le temps qu’il fait en ce moment, et c’est tout. Bien sur, il y a toujours des contrariétés, des soucis, petits ou grands, mais c’est ainsi, bien ou mal, qu’y pouvons nous, à part traiter les conséquences, essayer d’en comprendre les causes pour éviter que pareils désagréments ne reviennent, rien ne sert de s’appesantir sur la raison première de cela, elle appartient au passé et le passé est un vieil agri qui déteste être tiré de son sommeil, alors silence, installons-nous confortablement, relâchons-nous et prenons encore de ces bouffées de présents qui illuminent et embaument si bien l’air de rien.

Parce que c’est cela en fait, l’air de rien, cet air de nulle part qui peut-être ne mènera nulle part, ce tout petit rien qui s’en vient donner du bonheur, ce bon air qui l’air de rien enivre et nous berce dans l’ivresse du moment présent. Laissons-nous porter par le courant de nos pensées, sérieuses ou plus légères, fantasques ou bien concrètes, le cerveau a besoin de nettoyage lui aussi. Apprenons à nous visiter de l’intérieur, alignons-nous sur ce marteau qui cogne au creux de la poitrine, tiens, il s’apaise, il semble désormais un tambourin sonnant d’une voix douce et charmante, à peine sonore mais avec on voyage par le sang au cœur de nos cellules. Il y a comme un tourbillon qui souffle puis aspire, désordonné lui-aussi. Intéressons-nous à lui, c’est bizarre, il a dû nous voir le bougre, le voilà qui se redresse, et se met à marcher droit. Jouons avec lui, apprenons lui une marche carré, un cycle à quatre temps loin des moteurs à explosion, voyons, comptons un, deux, trois à chaque mesure, lentement, c’est plutôt une valse, d’abord sur la première mesure, après avoir bien vidé ses poumons, on compte pour se mettre en rythme et on inspire, un, deux, trois, puis on bloque l’inspiration en déroulant la mesure, toujours sur le même rythme, le même tempo, un , deux, trois, et là, on expire, toujours régulièrement, toujours sur le même rythme, un, deux, trois, et puis on bloque, quoi donc ? Tout est rejeté, il n’y a rien à bloquer ! Mais si, l’inspiration, ce réflexe de naissance qui cherche à emplir les poumons d’air, mais là, non, pour l’heure, on bloque, pas une heure non, plutôt la même mesure, un, deux, trois et on inspire à nouveau, mais, vous l’avez compris, en rythme, un, deux, trois, et le cycle reprend : inspiration, blocage, expiration, blocage….un, deux, trois, un deux, trois, un deux, trois, un deux, trois…… Tiens tiens ! Il semble que ce diable de courant d’air désordonné se soit pris au jeu, le voilà qui danse en cadence, inspire, se pose, expire et se repose, et avec lui, c’est tout le corps qui se détend, se détache de son quotidien, c’est relâche, l’air de rien….De toute façon, le quotidien est passé, place à l’instant, au moment présent, et pour l’heure, me voilà détendu, juste par ce petit rituel qui vient apaiser les tensions de la journée. Ça n’a l’air de rien, mais essayez ! Puisque c’est rien, quel mal y aurait-il à le tenter ?

La formule est peut-être magique mais pas secrète, le plus dur est de vaincre ses réticences, on a toujours du mal à imaginer cesser de respirer, c’est vrai que cela ne manque pas d’air tout de même de demander cela, mais à chacun de trouver son rythme, cela peut-être un-deux, je me souviens d’un militaire qui se la jouait comme cela, ou bien un-deux-trois, comme au temps de la valse, ou bien encore un-deux-trois-quatre comme sur les bancs de mes cours de solfège, mais gare à l’asphyxie lors des temps morts, enfin, je veux dire des périodes de blocage, et puis, le carré dans le carré, j’ai peur que cela soit trop rigide, sans compter que l’air de rien, cela me priverait trop longtemps d’inspiration, et l’inspiration, lorsqu’on aime écrire, c’est quand même un minimum requis, non ?    

Contes des bords de l'océan, le phare


Il faisait nuit, non pas nuit noire mais nuit très étoilée, de ces plafonds de lumières scintillantes qui vous donne le vertige rien qu’à essayer d’y plonger les yeux. La lune, cercle entier, blanc lumineux à peine coloré d’un poudrée de jaune éclairait les flots apaisés, un modeste flux rivalisait avec le reflux pour donner le tempo aux pensées qui circulent ainsi librement le soir, assis sur le sable dans ce coin de nature, encore sauvage, encore préservée, proche de la civilisation pourtant dont on aperçoit les lumières artificielles et parmi toutes celle plus forte, qui dans une course cyclique balaye l’océan, le phare de chacun des ports. Un moment privilégié, un moment à contempler et une forme de méditation, le regard perdu entre villes et océans, phares et étoiles, sentir l’air iodé se rafraichir progressivement, assis sur le sable encore chaud, et libérer les tensions, se relâcher dans les flots  des mots, des idées, des pensées qui sortent elles-aussi prendre l’air. Tant de choses se sont passées en si peu de temps, même si le temps parfois a paru bien long, c’est très humain comme mesure cela. On trouve le temps long ou bien trop court, pourtant chaque seconde mesure le même temps que la première qui vit notre vie naitre, un peu comme si on ne mesurait pas le temps avec le bon instrument, ou peut-être parce qu’il n’y a pas d’instrument pour mesurer les émotions et que du coup, cela interfère. Les questions fusent, les unes après les autres, les unes parmi les autres, les unes avec les autres, solitaires ou par paquet, le temps de la méditation est le temps de l’ouverture des placards dans lesquelles elles étaient enfermées.

Qui suis-je ? Qu’ai-je fait de ma vie ? Où vais-je ? Quel âge ai-je ? Est-il encore temps ? Ai-je encore le temps ? Et si, et si, et si…… Il y a forcement des réponses aux questions, il y a même plusieurs réponses à chaque question, il y a même un grand silence, parce qu’on n’a pas la réponse, parce qu’on n’a pas envie de répondre, parce qu’on ne sait pas, parce qu’on n’ose pas répondre, c’est terrible ces murs qui emprisonnent, cette armure qui blinde et protège des attaques extérieures mais qui finit par étouffer celui ou celle qui la porte, un peu comme l’écorce trop solide du jeune cerisier qu’il faut entailler pour l’aider à exploser et libérer l’arbre, lui permettre de grandir, de poursuivre son évolution plutôt que de mourir étouffé, de dépérir dans une fin atroce, mort lancinante dans un fin programmée. Méditer, penser, évoluer, de tout temps les hommes ont bâti des concepts, des croyances, des religions, des écrits pour guider vers la spiritualité, focalisant vers des dieux qui un jour devinrent unique, afin de guider l’esprit dans une même élévation, parce que peut-être écrire et dire que notre dieu à chacun est nous-mêmes, que c’est sur nous que nous devons concentrer nos pensées, nos énergies, même s’il est besoin de formules magiques, incantations ou bien encore prières pour parvenir a se recentrer sur soi. Manque de confiance en l’autre ? Besoin de gouvernance et d’ingérence ? Besoin d’asservissement des peuples ? De mettre une marche entre la base et le commandement ? Encore une survie du règne animal, la meute a besoin de chef de clan.

Soi. Se replacer soi au centre de sa vie, apprendre à se parler et surtout, à s’écouter. Dialogue personnel, même si dialogue s’inscrit dans une étymologie de discours avec dieu, se parler, c’est se placer face à dieu, notre dieu, notre personne. Les réponses viennent toujours de nous, car nous seuls savons ce qui est bon pour nous, dès lors qu’on ôte ses verres soit disant correcteurs qui déforment et annihilent la vision et donc la pensée. Se donner du temps à soi, prendre se temps pour soi, s’asseoir sur un banc à contempler la vie, s’asseoir sur l’herbe ou comme ici sur le sable à prendre les énergies du sol et du ciel, les rassembler en soi, s’en irriguer, s’en apaiser, je dirais même , s’en rassasier bien qu’on n’est jamais trop plein de ces énergies-là. Un temps pour soi, un peu comme dans l’expression souvent mal transcrite « au temps pour moi » preuve que le temps et soi font bon ménage depuis la nuit….des temps ! Il n’est pas facile de trouver son emploi du temps, de s’accorder la pause, de se donner le temps, pourtant, peu à peu on y parvient, et surtout, peu à peu on y revient, parce que là sont les bienfaits, parce que par là passe la guérison, la réconciliation de soi avec soi, la plus belle qu’il soit, et que par-là on grandit, on se construit, on fait grandir la flamme qui brille en nous et cette flamme devient un feu qui nourrit, qui réchauffe l’estime de soi, qui attire aussi les autres flammes et fait grandir le cercle des belles relations. 

Ce  feu qui illumine sans brûler, qui réchauffe sans consumer, c’est un peu le phare qui éclaire l’entrée du port, qui guide les bateaux perdus au large en leur dessinant la côte en traits pointillés, ce rayon de lumière puissant qui tutoie les étoiles et caresse la lune, berce le cœur du passant assis sur la plage déserte.   

Contes des bords de l'océan, les méduses


Dans cette belle après-midi d’automne, où le soleil piquait encore de ses dards brulants, la plage semblait étrangement fréquentée. Des promeneurs par petits groupes regardant le sable comme réunis autour de trésors, je préfère de loin cela aux malheurs, mais qu’était-ce ? En s’approchant des flots, je remarquais ces petits amas gélatineux à la belle couleur vieux rose, oui, c’était cela, les méduses s’échouaient par centaines sur le sable, spectacle peu commun, suite des journées chaudes, de cet océan trop chaud et évocation de l’automne peut-être. Loin d’être l’échouage du radeau de la Méduse, ce spectacle était tout de même assez curieux, de quoi apporter un peu de plus de gaité mais aussi à mesurer notre grande ignorance face à la nature puissante. C’est étrange ces bouts de gelée si mollement répandue sur le sable, y gagnant presque notre sympathie alors que quelques jours plus tôt on les redoutait dans l’eau. Comme quoi, l’avantage du terrain fait quand même la force. Nous terriens et elles, peuple des océans, chacun à sa place, et si nous risquons de nous noyer dans les flots, elles s’asphyxient sur le sable sous nos yeux écarquillés devant le nombre de ces cadavres loin d’être exquis.

Toute la puissance est là, dans ces événements qui s’en viennent donner une autre dimension à nos vies, tristes ou gais, ils modifient le cours de nos choses, les nous donnent l’occasion d’apprendre et d’apprendre un peu plus sur nous, de sortir de notre zone de confort, d’affronter une réalité à laquelle nous n’avons pas eu le temps de nous préparer. Utiles, même si futile lorsque vu de loin mais au fond, y-a-t-il quelque chose de futile dans le déroulement du temps et de nos vies ? La vie, c’est comme un sentier de randonnée, il y a ceux qui gravissent les montagnes, tracés bien clairement, usés par les pas répétés aux mêmes endroits, bifurquant en virages bien dessinés. Il n’y a que peu d’hésitation, parfois une intersection, une fourche, mais souvent le détour pris ramène au même chemin, un peu plus loin, un peu plus rapidement. Il y a des sentiers plutôt buissonniers, comme ceux qui courent dans la lande, ou bien à travers les dunes, ou bien encore dans la forêt, quelques pas et puis une intersection, un autre sentier, une sente animale et là, hésitation, où va-t-on ? Ces chemins-là ne sont pas toujours redondants, on prend une autre direction, on fait un nouveau départ, parfois on rebrousse chemin, parfois on se perd….. Comme la vie….. Pourquoi ce choix plutôt que celui-ci ? Pourquoi pas ? Le libre arbitre commande toujours, mais le sait-on jamais en fait? 

Contes des bords de l'océan, la plume


Il faisait beau ce matin-là sur la plage, de ces journées de beau temps qui incitent plus au repos et à l’abandon qu’à d’autres choses. Même les montagnes au loin semblaient proches tant on pouvait en distinguer leurs reliefs, leurs zones de prairies, de forêts, toutes ces caractéristiques si fines et si précises qu’elles constituent en quelque sorte la même identification que nos empreintes digitales. Il faisait beau et déjà chaud jusqu’au cœur de la brise océane, même l’océan semblait revendiquer des envies de nonchalance, déroulant de molles vagues qui peinaient de plus en plus à conquérir la plage. Les oiseaux l’avaient bien compris, ils s’approchaient à chaque retrait pour détecter les fines bulles démasquant la présence de ces mollusques ou autres crabes tapis sous le sable humide. Et comme des garnements autour d’une boite de bonbons, ils se disputaient au point d’y laisser des plumes.

La jeune fille arrivait du petit matin sur son cheval bai, galopant dans cette bande de presque morte-eau, des nuages d’écumes s’élevaient à chaque envolée de sabot et l’écume des flots répondait à l’écume de la monture, aux muscles si puissant, si gonflés, si saillant qu’elle en devenait immense. Contraste étonnant de l’équipage, cette frêle jeune-fille perchée sur ce fier alezan, on aurait pu croire en un combat déloyal, mais pourtant c’était elle qui dirigeait le jeu dans le sens et le rythme qu’elle voulait. Lasse de galoper, elle imprima un geste sec aux flancs de l’animal qui ralentit sa course, remonta sur le sable avant de s’y arrêter. Sans en descendre, la cavalière après avoir flatter l’encolure du pur-sang, retira son tee-shirt qu’elle noua à sa taille, profitant du beau temps sur sa peau. Elle contemplait la plage, encore déserte, et le combat de ces oiseaux, s’amusait de voir une plume au sol. Une belle plume blanche sur le sable ocre, comment ne pas la fixer ? D’un geste du poignet elle imprima l’ordre d’avancer et se mit en quête de cette plume avant que son œil ne soit attiré par un fin duvet voletant au gré des alizés. Il balançait de droite à gauche, de gauche à droite, de bas en haut et de haut en bas, tantôt tourbillonnant et paresseux, tantôt rapide, et plutôt farceur car tandis que la cavalière s’en approchait, il semblait s’éloigner. Le jeu au départ anodin devint un but à atteindre, elle voulait cette plume, ce duvet d’ange ou bien d’oiseau, cette chose étrange qui se refusait à elle, ce qui, par la force de son caractère n’était pas du tout prévu de se dérouler ainsi. Le cheval aux ordres virevoltait, à gauche, à droite, en arrêt, quelques pas de galop, de trop, de marche, semblable à une corrida ou en de superbes véroniques, la plume échappait à la belle toréador.

Dans ces pas de danse, dans cette quête du pompon, lentement mais surement le chemin se fit, jusqu’à s’approcher des blockhaus, barrière de ciment et de moules accrochés que l’océan s’amusait à cacher puis à révéler, ruines entières d’une époque appartenant à nos manuels d’histoire, support de graffitis quand ce n’était pas d’autres déjections, parfois abri des vents, parfois cachette pour premier baiser. D’habitude, à cheval, elle ne venait jamais ici, pour ne pas blesser son fier alezan, il est encore dans le sable des morceaux de béton et de fer qui pourraient se révéler assassin, mais son insouciance et sa poursuite enfantine, lui avait gommé cet interdit. Les vents, même légers, au contact de ces parois  droites prennent parfois des courses surprenantes, la plume en suivit la direction imposée pour s’élever très haut à peine accrochée du regard juvénile, avant de retomber comme un plomb de l’autre côté du vestige. D’un bond la jeune cavalière fut à terre, escaladant les blocs épars pour enfin ramasser cette compagne de jeu. Mais de l’autre côté, ce n’est pas la plume qu’elle vit en premier, mais un reflet brillant. Surprise et méfiante elle n’osait s’approcher, mais la curiosité l’emporta, elle se baissa et dégageait le sable pour en sortir un papier doré, rectangle d’or froissé et à demi enfoui, s’amusant à renvoyer les rayons du soleil, voilà tout le trésor. Elle s’assit et rit de ce jeu qui soudain lui avait semblait long pour un si piètre résultat. Elle songea alors à la plume qu’elle avait vu tomber ici.  Mais les vents sont capricieux et les plumes bien plus encore, de plume il n’y avait point, de rires, de joies et de cette chaleur des bonheurs simples que nous offre la vie elle avait fait le plein.

C’est donc toute rayonnante, toute pleine de ces belles énergies, qu’elle rejoignit sa monture et repris le galop le long de la plage, en des gerbes d’écume, bouquet de perles d’océan, aux reflets changeant. Il suffit parfois de peu de chose, pour que la vie s’illumine, parfois même, moins d’un gramme de plume, il suffit de la voir et de vouloir… 

Contes des bords de l'océan, le voleur de temps


Il était une fois, sur ces terres océanes qui savent si bien unir la montagne à l’océan, un personnage étrange, mi fantôme, mi humain, qu’on apercevait parfois lorsque la nuit venait envelopper le jour de son manteau sombre, mi ombre, mi courant d’air, une impression de passage pour une impression de passé, un passage effacé pour une ombre passée. Oh bien sûr, les chasseurs d’âmes s’essayaient à le piéger, à le capturer, pire même, à le mettre en lumière grâce à des puissants projecteurs, qui, de chasse ne chasse, de traque en traque, se greffèrent aux murs des maisons, aux angles des rues, aux bords des chemins, tant et si bien qu’un beau jour, enfin plutôt même un beau soir, la nuit mourut dans une agonie de lumière, son drap de velours se déchirant sous les coups des éclairs trop blancs. Les maisons fermées se rouvrirent alors, leurs habitants venaient voir ce soir qui n’en était plus un, les chats y perdaient leur latin dans cette nuit trop claire, ne sachant s’il fallait dormir ou courir la souris, les chiens y trouvèrent de nombreux repères à marquer, courant dans ces ruelles et ces rues de plein jour, les papillons jouaient dans ces soleils artificiels avant d’en devenir fous et se s’écraser contre les verres trop chauds qui leurs brulaient les ailes, jusqu’aux hiboux qui ne trouvant pas chouette le vol de nuit en perdirent le sommeil et se mirent à hululer au retour de la nuit.

Et notre fantôme ? Aucun piège n’y fit, jamais on ne le captura, jamais on ne le vit, par contre, on continuait à le sentir nous frôler, respirer derrière nous, et bientôt, on l’affubla d’un autre mal : cet être était un voleur, un voleur de temps. Certes, il ne volait pas tous les temps, ni même le temps qu’il faisait quoiqu’à chaque jour de gris dans un mois normalement beau c’est lui qu’on accusait d’avoir subtilisé ce jour dû de chaleur. Non, plus sournois, plus vilain, plus méchant, il volait le temps des autres. Ses victimes ne s’en rendaient pas compte de suite, il faut dire qu’il était un maitre en son art. ce n’est qu’après de longues discussions entre voisins, dans ces repas de communion des hommes autour des fêtes païennes qui rythment les travaux des champs et de la ferme, dans ces veillées où les débats se mêlent aux tris des haricots, à écosser des petits pois, à égrainer le maïs que les langues se déliant, chacun fit le constat qu’il lui manquait du temps. Oh ! Pas énorme, mais quand même, désormais, les jours semblaient courts et d’ailleurs même les nuits étaient devenues insuffisantes. Il n’y avait pas de doute, c’est bien lui, ce fantôme qui venait leur prendre le temps, sournoisement, mais continuellement.

Il fallait agir, vite, sous peine de disparaitre par manque de temps pour être. Les hommes se réunirent un soir et décidèrent d’un commun accord de renforcer les pièges, de construire de plus grand projecteurs, sur des pylônes plus hauts. Si tôt votée, si tôt engagée, les voilà à réunir leurs économies, pour s’équiper de ce piège si efficace qui allait enfin les délivrer. Tout autour du village, de gros pylônes bien solides portant de très gros projecteurs s’hérissèrent, et le soir venu, la lumière fut pour ne plus jamais s’éteindre. Fini le fantôme voleur de temps. Pourtant, le temps continuait à disparaitre, c’était à ne rien y comprendre. Il faut dire, que sous cette forte lumière, on ne savait plus s’il faisait jour ou nuit, et personne n’osait quitter le village car le piège était si efficace que si le fantôme n’était pas dans le village, c’était bien qu’il rodait autour, là-bas, derrière ce halo qui empêchait de voir ses paysages autrefois connus. Personne ne savait plus s’il fallait dormir ou travailler, si bien qu’au bout de quelques temps, ceux qui travaillaient empêchaient de dormir ceux qui se croyaient en pleine nuit. Le manque de sommeil rendait les gens irascible, les querelles dévoraient ce village autrefois si pacifique, et le conseil des hommes se réunit un soir, ou un matin, allez donc avoir ! Les discussions ne trouvaient pas terrain d’entente, les partisans de la lumière assuraient que grâce à elle le fantôme était tenu à l’écart, les opposants opposèrent que la lumière avait aussi tué la nuit, ce qui leurs était tous préjudiciable. Le curé, qui était un brave homme et quand même un peu excédé de s'emmêler les heures dans les cordes des cloches proposa de faire une procession afin d’apaiser le courroux forcement céleste qui avait libéré cet ange du mal voleur de temps. Est-ce par résignation, par lassitude, par retour soudain de la foi, toujours est-il que le conseil finit par adopter la divine proposition et la procession fut décidée pour le lendemain. Me croirez-vous si je vous dit qu’après deux tours de village, la réponse du ciel arriva ?

Spectaculaire, c’est dans un grand fracas qu’un bel ange arriva. Oh, si vite qu’on ne le vit pas, juste un grand trait de lumière, un roulement assourdissant et la lumière se fit, ou plutôt, la nuit recouvrit le village, la foudre venait de frapper un pylône, et, solidarité technologique, l’un après l’autre, les projecteurs explosèrent, les pylônes s’effondrèrent et les villageois effrayés abandonnèrent le curé pour regagner à tâtons leur maison et s’y barricader. Il se passa quelques cycles de nuits et de jours avant que chacun retrouve la paix, le sommeil et l’énergie pour les travaux. Les hommes et les femmes retrouvèrent la gaité des jours apaisés des nuits de sommeil, aussi, d’un commun accord ils finirent par démonter ces vestiges du pièges qui au final s’était fermé sur eux. Les chiens retrouvèrent leurs marques, les chats tout heureux de pouvoir se déguiser à nouveau de gris lorsque la nuit fut venue miaulaient à l’envie, les papillons volaient de fleurs en fleurs, bref, tout ce petit monde se délectait des richesses que le retour aux cycles naturels offrait.

Et le fantôme voleur de temps me direz-vous ? Et bien, c’est assez délicat à dire, mais je crois bien qu’il est revenu lui aussi dans le village. Certes, on ne s’en plains plus, le remède fut pire que les maux, mais on s’aperçoit bien que de temps en temps, un souffle passe, qu’un peu de temps nous manque, vous savez, ce temps pour voir les amis, pour écrire, pour lire, pour se parler, de vive voix, par téléphone ou bien autour d’un verre. Et si le meilleur moyen de le combattre, c’était de se donner le temps ?

Les contes des bords de l'océan


C’était une petite maison, accrochée à la montagne, regardant l’océan. Une maison, pas un palais, ni même une chaumière, mais des chaumières ici, il n’y en a pas, du moins, pas dans le vocabulaire des gens d’ici. Une maison, presqu’une ferme, ça, ici, c’est plutôt la norme. Il faut dire que chacun de ses petits villages d’ici est né de la ruralité, ce peuple qui regarde fièrement l’océan se nourrissait des produits de la terre, l’élevage des moutons en premier, pour le lait qui donnait ces fromages aux saveurs d’herbes odorantes, pour la laine qui réchauffe, se carde et se file avant de se tricoter, pour la viande enfin, celle tendre et douce de l’agneau ou bien celle plus solide, plus forte en goût des vieilles brebis ; puis la terre, escarpée mais hérissée de ceps de vignes donnant un vin puissant, riche en tanin et en caractère, un vin d’ici ; Puis les arbres, ces cerisiers, courts sur pattes, plombés de fleurs blanches qui donnaient ces petites cerises noires si riches en goût dont on faisait de succulentes confitures. Et puis en rang bien droit, le long de fils tendus poussaient ses lucioles rougissant au soleil d’ici, se chargeant de chaleur pour mieux la délivrer, à peine épépiné dans ces plats du terroir, poulet basquaise ou si typique axoa. Et par-dessus tout cela, le soleil glissait en courbes de plus en plus hautes avant de redevenir de plus en plus plates, la chaleur puis la pluie, la pluie puis la neige parfois, le brouillard souvent, le froid qui hésitait entre vif et piquant ou doux et iodé. Et ces saisons marquées, de glissades en glissades ont patiné les pierres, les toitures, les champs et les vies, jusqu’à hier se retrouve aujourd’hui.

Cette petite maison accrochée à la montagne, sa façade blanchie de frais tandis que les modestes boiseries se sont orgueilleusement parées de rouge sang, cette maison était devenue un abri douillet, un repaire de voyeur, oh, pas de ces tristes hères avides de voir, d’observer, de disséquer les vies des autres, non, plutôt le genre voyeur contemplatif, amoureux de ce paysage sans cesse changeant, se régalant des flots tantôt rugissant et bondissant tels des fauves en combat, tantôt alanguis comme si le repos était nécessaire après les combats, avant les combats. Et puis, ces nuages, gonflés à bloc, entassés en couches épaisses, superposition de dégradés de ce gris bleu qui nait dans le presque noir pour finir dans l’éclatante blancheur histoire de mieux révéler ce coin de ciel bleu, fond de toile que la peinture céleste a oublié de recouvrir. Et puis ses prairies, pentues et dodues, grasses à l’excès, berceau de ces fleurs odorantes, de ces plantes riches qui donneront un foin puissant, à la fois dans les futurs nutriments du bétail mais aussi pas les odeurs si exhalées et exaltantes lorsque la nuit tombée, la fraicheur envahit l’espace et les distille pour le bonheur des veillées, assis sur la pierre, le nez dans les étoiles si nombreuses qu’elles se poussent presque pour gagner leur place, les oreilles bercées par ce concert unique des chants de grillons se mêlant aux feulements de l’océan qui roule. Comment ne pas succomber ? Comment ne pas avoir envie de poser l’encrier sur la table épaisse sous le auvent, de s’asseoir face à la page blanche qui vient contraster ces paysages hauts en couleurs ? C’est pourtant de là qu’il écrit, cet homme heureux d’être ici, de savourer chaque instant, parce que chaque instant est unique, tant il est la résultante de tant de paramètres changeant. Ecrire, ce que la nature lui dicte, noter ces idées qui viennent germer rapidement dans ses neurones en perpétuel éveil, dessiner par ces jeux de caractère, le caractère unique de la terre sur laquelle il vit.

Peut-on ne pas être heureux lorsqu’on pose ses valises, celle des souvenirs, celle des certitudes, celle de la course contre le temps, celle de sa vie ? Se débarrasser du superflu, se nourrir d’essentiel, simplement respirer, être là et être, tout simplement. Ce moment si idyllique, n’est pas un conte, non, plutôt un recueil de contes qu’on pourrait appeler « les contes du bord de l’océan ». Oui, voilà, c’est bien cela, les contes du bord de l’océan….. en avant !

Maudits mots dits


Maudit soit l’homme
Qui dans sa tête,
Garde ses vers

Maudit soit le poète
Qui dans sa tête
A peur de plaire

Maudit soit le père
Qui dans sa tête
Oublie sa mère

Maudit soit le frère
Qui dans sa tête
Est né sans frère

Maudit soit le prêtre
Qui dans sa tête
Néglige d’être

Maudit soit le ciel
Qui dans la tête
Nourrit le fiel

Maudit sois tu
Ma pauvre tête
D’où naissent
Ces mots dits
Qui l’eut cru ?


Contes des bords de l’océan, l’enfant sur la plage


En cette fin d’après-midi, le soleil brillait fort sur la plage plutôt déserte, l’océan s’était retiré et l’enfant s’amusait à chercher des coquillages. Ils étaient nombreux sur le sable mouillé, l’enfant pouvait choisir et il ne s’en privait pas. Il regardait partout, se baissait pour en prendre un puis après quelques pas de route  commune, il se rejetait à l’eau, se disant qu’il en trouverait un plus beau, un peu plus loin. Il reprenait sa marche le long de l’onde alanguie, et toujours ce même manège, cette même quête du plus beau, du mieux, du parfait, et toujours ces rejets parce que pas assez bien, parce que pas beau, parce qu’il y en aura un plus que parfait, là-bas, plus loin…. Et l’enfant parcourait la grève, et le soleil parcourait sa course jusqu’à venir caresser les flots, et l’océan sentant la force de l’astre gonflait son dos et reprenait sa place sur le sable, recouvrant peu à peu les coquillages, les pas assez beaux tout comme ceux qui peut-être aurait été considérés comme parfait. A chaque vague qui gravissait un peu plus la plage, l’enfant remontait de quelques pas vers les dunes, ces dunes de sables et d’herbes folles, ces zones sèches ou ne fleurissent que les morceaux de bois flottés et les plumes des oiseaux de mer. Il n’y avait plus de coquillages, plus de choix, pas même un moche, pas même un cassé, rien. Alors l’enfant tomba sur le sable, regarda son seau vide et se mit à pleurer tandis que le soleil rougissait l’océan.

C’est ainsi que passe nos vies, on marche tous sur une plage à la recherche de nos coquillages, ces êtres qui de leurs bras viennent nous accueillir, nous serrer, nous cajoler, nous rassurer, des amis sur qui ont peu compter, et qu’à vouloir trop parfait, on finit par délaisser, par oublier, en se disant que sur le chemin de la vie on trouvera d’autres, mieux, plus disponibles, plus libres, plus en phases, moins compliqués, amis, amants, relations, les mêmes règles, la même quête, celle du parfait, celle de l’impossible. Puis un soir, le soleil se couche sur notre vie, l’océan de larme est venu recouvrir ces images du passé tandis qu’on tombe, seul, épuisé. Dans ce jour qui s’achève, dans cette lumière qui rougit et disparait, on songe alors avec émotion aux flammes venues éclairer nos pas tout au long du chemin, ces flammes prises pour de trop pâles lueurs sans avoir jamais su vraiment si ce n’était pas au fond nos yeux qui étaient trop fermés.



Urban Aqua


Urban aqua, mais c’est de l’eau de ville ça ! Allez, allez, à vos pinceaux, à vos bons mots, à vos stylos, à vos fusains et à vos souhaits ! Si l’eau mouille, prenons garde de ne pas finir enrhumés dans les rues de la cité et si t’es pas mouillé, à quoi ça sert ? J’entends les mots du maitre troubadour «  Regarde là, ma ville. Elle s'appelle Bidon, Bidon, Bidon, Bidonville. Vivre là-dedans, c'est coton» Car si on a tous nos références, les miennes restent culturellement attachées au sang occitan, celui qui rouge comme un drapeau drapent un pays dont la Loire fut la frontière, dont l’Italie fut une limite, les Pyrénées une muraille et l’océan une bordure.

Urban aqua, mais à quoi rêve la ville ? Ma ville est rose, elle s’embrase lorsque le soleil couchant l’allume, faisant naitre des reflets de feu aux murs de briques et aux arches de pierre, elle rêve à son fleuve, l’eau en ville, l’aqua majeur, l’accord majeur celui qui donne le tempo, selon la hauteur de son dos, celui qui donne le la, lorsque sa prairie des filtres et ses berges se libèrent des flots, que l’herbe y verdit et s’assouplit pour que s’assoupissent locaux et vacanciers, union à l’unisson des flots, rêveries, musiques, causeries, lectures ou bien escalade, c’est tout cela à chaque pas, à chaque mètre, à chaque brique, à chaque goutte, ici le soleil brûle mais plus que tout, il réchauffe et irrigue les sens dans des plaisirs sans cesse renouvelés, dans des sens qui ne peuvent être interdits.

Urban aqua, mais aqua réelle, l’eau latine, l’eau divine, ce fleuve majeur, né en Espagne au trou del toro et peut-être même ailleurs, sur ce pla de Beret, car il est farceur, au dessus de Baqueira, Salardù ville royale en val d’Aran, c’est alors un modeste ruisseau, un « riù garonna » qui n’est pas encore « Garonne » mais pour de là nait la Garonne. Il coule de cailloux en cailloux, de pierre ne pierre, il fuit l’Espagne, comme d’autres l’ont fuit en des heures sombres d’un temps jadis et révolu, et ce fleuve qui quitte la montagne, non s’en y avoir pris sa force et peut-être même la tonalité de son accent comme le disait notre maitre troubadour, ce fleuve en descendant a choisit de s’en aller mêler ses eaux aux eaux fortes de l’océan, plutôt que de basculer, comme sa cousine Aude vers les eaux plus calmes de la méditerranée. Parler d’eaux fortes et d’aquarelle, cela reste artistique, non ?

Urban aqua, là ou d’autres voient la ville, moi j’y vois le fleuve, puissant ou nonchalant, nourricier, apportant sa fraicheur dans nos soirées d’été, coléreux ou paisible, tout comme le peuple d’ici, et si les façades sont belles ce n’est que parce que le miroir des eaux reflètent leurs beautés tout en y renvoyant les rayons d’un soleil brulant. Que seraient les quais de briques rouges sans le fleuve large qui coulent le long ? Que seraient le pont neuf, toujours jeune en son nom même si de tous il est le doyen sans ce spectacle offert, cette limite rive gauche – rive droite qui n’existe que par la frontière des flots ? Et puis, que serait l’aquarelle sans l’eau ? D’ailleurs, pourquoi n’y-a-t-il pas d »o » dans aquarelle ?

Urban aqua, c’est comme ça, il n’est pas de limite, pas de frontière, pas de combat, juste un défi, histoire de s’unir, de mélanger et de partager la vision d’un même thème, selon que t’aimes ou non ceci plutôt que cela, les murs de pierre plutôt que de brique, la version « Bidonville » de Claude Nougaro plutôt que la version « cité » ou bien encore « New-York avec toi » de Téléphone, c’est cela la richesse, le partage de ces visions différentes, le kaléidoscope aux multiples vues, les nombreuses facettes qui font briller le diamant du collectif.

Urban aqua, c’est aussi ne pas oublier qu’avant la ville fut le fleuve, celui qui abreuve, auprès duquel on vient se poser, palissade de bois, huttes plus que maisons, avant d’en tirer les pierres, ces moellons tout lisse, tout en courbe, d’avoir usé leurs arêtes en roulant et se polissant depuis la mère Pyrène, polis au point de venir policer la nation, bâtir les premiers mus en dur, ces murs dits « toulousain », enserrant deux rangées de galets posés en sens opposés, entre deux rangées de briques plates de ces briques dites « foraines » histoire de ne pas perdre son sens du voyage ni de la fête. Mélange, opposition, opposition dans l’opposition, terre de révolte, terre de culture, pourrait-il en être autrement ? Pourrait-on y naitre autrement ?

Urban aqua, une ode à ma ville, une ode à mon cœur, à mes racines, à mon terroir, peu importe la rime, la poésie est partout, dans les murs de briques comme dans les trous, il n’y a pas d’image infime, mais des couleurs partout, et si la marchande de bric-à-brac vent des brocs c’est aussi pour donner du tempo, de l’accent à ces mots. La prose se pose, les mots cognent et percutent, le soleil chauffe et la brique irradie jusqu’au cœur de la nuit cette chaleur reçue, ce trop plein d’énergie, on ne vit que dans le transfert, recevoir puis donner, donner sans recevoir, transmettre, offrir, surprendre, comme surprend ce vent chaud lorsqu’on traverse la ville en roller dans les premières soirées fraiches de l’automne, partout est la magie. Si je devais dessiner ma ville autrement qu’en mots, cela serait surement en émaux, tant la lumière et les reflets restitués en restent la clé, sorte de fécondation in vitraux, que les hommes du moyen âge savaient composer, que l’homme poético troubadour ennoblit dans ce qui reste pour nous autres de cette terre capitale un joyau, un résumé non réducteur de cette belle cité, et je ne pourrais quitter la page sans bien sûr m’y référer « ô Toulouse, ô moun païs », je ne peux que conclure aux accents forcement chantant de « Toulouse » évidement !


Mon cahier de rimes


Mon cahier de rimes
Est empli de courant d’air
Mais aussi de phrases orphelines
Qui désespèrent de se mettre au vers

Chaque fois que j’écoute mes maitres
Poètes non piètres, ils savent mettre
De belles images en de sombres mots
Erotiser des phrases non sexuées
Donner belle lumière aux maux

Brel, Brassens ou Léo Ferré

Pour ne parler que des plus anciens
Leurs poésies comme des drapeaux
Flottent aux vents, se jouent des modes
Sans chercher ni gloire ni ode
N’est-ce-là le plus beau ?
Peut-on écrire aussi bien ?

Là, ma prose est posée, me revoilà aux vers
Sans prétention, juste un plaisir offert
Combien mes maitres il me sied
D’avoir ainsi appris le vrai alphabet
L’art de la rime, coquine ou maline
L’art d’écrire des histoires divines

Amsterdam, C’est Extra, ou bien le gorille,
C’est du nectar, du grand art en guenille
Les diamants pour briller n’ont pas besoin d’écrin
C’est en vous écoutant, qu’ici, j’écris « fin »



Fleur de Lys


Le lys n’a pas encore fleuri, ce n’est pas une quelconque allusion a notre auguste monarchie sous prétexte de jubilé en perfide Albion, non, plus prosaïquement il s’agit de cette fleur étrange, renaissant chaque année de rien, quelques feuilles puis une tige gracile qui croit, chaque jour un peu plus, avant de porter ces boutons lourds, boules pendantes qui s’en viennent à éclore pour délivrer une fleur blanche, immaculée, aux senteurs puissantes au point qu’un seul pied suffit à embaumer l’air du soir comme du matin, parce que l’humidité plus dense s’en vient puiser les essences afin de mieux les disperser. Ce lys baptisé chez nous « lys de Marie » car fleurissant en Mai, le mois de Marie, redevient simplement « lis blanc, lilium candidum »dans la botanique nationale, un côté candide qui fait disparaitre la poésie mariale. Mais voilà, ce lys-là, et non ce lilas, la saison est passée, celle du lilas, essayez donc de suivre ce que vous lisez-là et que donc je lis-là aussi, ce lys-là n’a pas fleuri en Mai, encore une conséquence de cette année bizarre à l’hiver fort rigoureux. N’y voyons pas un quelconque présage de terribles malheurs, non, simplement un calendrier de la nature déphasé de celui des hommes pour cause de jours blancs, nombreux, serrés et congelés. Les anciens, vous savez ceux qui se servaient de leurs neurones, de leurs vécus, de leurs expériences, du partage des connaissances transmises par le long cycle des transmissions orales, de veillées en veillées, d’apprentissage en apprentissage, car à l’école de la terre c’est chaque jour qu’on s’en vient irriguer sa culture, défoncer le terrain de nos certitudes, laisser reposer pour mieux récolter plus tard ce savoir savamment testé d’aïeul en aïeul. Non, point de glaïeul, il s’agit bien du lys que nos aïeux utilisaient comme point de départ du lent décompte qui séparent le travail de la terre de la récolte de son sang, compte à rebours qui espace les labours du velours, du dressage des sarments à la vendange, c’est à compter de la fleur de lys cent jours pleins et ronds pour cueillir les grappes et emplir les tonneaux ronds. Cela parait étrange lorsque citadin on croit en la rigueur tout élémentaire du calendrier fut-il grégorien. Pourtant, à bien y réfléchir, le froid, l’humidité, la chaleur qui dicte la floraison du lys, sont les mêmes paramètres qui guident les premiers pas de la vigne puis lui lâche la grappe, un peu comme la main du père lentement lâche la selle du vélo de l’enfant qui fait ses premiers tours de roues sans l’aide des petites roues, et s’aperçoit cent mètres plus loin que la main qui le soutenait est celle qui de loin le félicite.

C’est étonnant et rassurant, de voir combien la nature sait guider l’homme qui prend la peine de l’observer, de la mesurer et de la comprendre. C’est un spectacle magique et une source d’énergie formidable pour celui ou celle qui sait voir, prendre le temps de s’aligner sur ces repères naturels qui sont nos repères fiables et réels dans un monde qui court, accélère et oublie, parce que sans prendre le temps, on ne peut comprendre, on ne peut apprendre, on ne peut retenir. Au fond, il n’y a rien d’étonnant, rien d’étrange, juste un spectacle remarquable offert chaque jour, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’il fasse chaud ou frais, chaque jour, chaque heure, c’est une leçon de chose offerte, qui renvoie aux leçons de choses de l’enfance, à ces cahiers fins aux pages remplies de textes, de feuilles séchées, d’expériences et de premières découvertes, peut-être même d’une introduction à ce qu’est la vie, ma vie aujourd’hui. Une fleur royale, loin des tulipes de Hollande….. Euh, non, quand même pas un raccourci trop étatique, les tulipes que je préfère sont botaniques et poussent dans certains coins de nos maquis, j’en connais quelques sites et c’est toujours plaisirs à voir cette fleur si belle dénuée de toutes ces transformations génétiques, rien ne vaudra jamais les beautés naturelles, la nature regorge de trésors, en chaque saison, de chaque couleur, sur chaque terrain, mais cela est une autre histoire, je retourne voir le lys de mon jardin….       

Bonne fête maman


Quelques mots pour souhaiter une très bonne fête à toutes les mamans, ainsi qu’aux mamans des mamans en leur souhaitant de passer ce jour dédié entourées de leurs enfants, dans la joie et les joies de la famille.

Quelques pensées aussi, pendant qu’une partie de notre beau pays sera en fête, pour ces mamans qui travailleront et ne retrouveront leurs progénitures et familles que le soir. C’est ainsi, pour que chaque service soit assuré, même le dimanche, même ce jour-là, elles travailleront, parfois elles subiront les paroles agressives de gens exténués qui oublient cette zone de vigilance qui permet de réaliser et de relativiser les choses.

Quelques souvenirs aussi, pour ces mères qui ne sont plus, pour diverses raisons, pour des destins parfois brisés trop tôt, toujours trop tôt. Il est facile d’écrire, de penser, de se souvenir, il est tout aussi facile d’agir, de faire, tant que tout le monde est là, bien vivant bien présent, même si le jour au calendrier n’est pas celui de la fête des mères, parce qu’il vaut mieux se dire « quel bon vécu avons-nous eu » plutôt que de se dire « si j’avais su ».

Et même si ma prose porte des émotions, grandes, belles, humides ou tristes, même si lire des choses tristes n’a rien de gai, l’important reste les émotions parce que sans émotion la vie n’est rien, froide, vide et sans saveur. Et oui, ce soir je pense aux femmes de ma vie, de mes vies, qui ont fêté ou qui fêteront demain ce jour dédié. Et oui, je pense à la plus belle de toute, à la plus importante de toute, celle sans qui je ne serais pas là, en paroles, en pensées comme en omission, cette femme importante à nos vies dans notre petite communauté appelée famille, cette femme qui passera ce jour de fête des mères dans le vase clos d’une chambre austère d’une clinique aux décors anonymes et aux senteurs trop connues. Les suites dans les évolutions d’une maladie ô combien trop fréquente dans nos discussions quotidiennes, traduite poétiquement par « le crabe » mais j’avoue avoir du mal à y trouver une vision poétique, non, là, c’est très dur. Maladie professionnelle ou plutôt, empoisonnement consenti mais à vrai dire sans son consentement, c’est quand même cool parfois d’être à la tête d’une grande entreprise, cela ramènerait presque aux temps féodaux où l’on avait droit de vie et de mort sur ses serfs. Mais peu importe le passé et les raisons du passé, c’est aujourd’hui que le vivant est, sans connaitre demain ni les demains de demain. Ce soir mes pensées voyagent par-delà les toits, les routes, pour se rapprocher d’elle, prolonger la discussion téléphonique à la voix fatiguée et usée endormie, assoupie par la lutte et les charmes pharmaceutiques.

Rien d’autre à rajouter, dans une période où chacun poursuit sa destinée, faisant que certains liens solides et intenses se sont défaits, parce qu’on aime ce qui brille et ce qui rit, parce qu’on n’aime pas cette enveloppe sombre et troublante qui enveloppe les êtres fussent-ils des amis, parce que les mots sont plus durs à trouver pour réconforter, quand bien les silences suffisent si la présence est là, parce que les bons mots ne font pas tous rires, sauf peut-être d’un rire intérieur qu’on appelle chaleur humaine. Je ne suis pas triste ni fataliste, ni résigné, je dirai plutôt que je suis soulagé de voir disparaitre de mon entourage ces fausses amitiés, fausses relations, parce que mieux vaut un que plusieurs, parce que les êtres humains, les vrais humains sont rares, très rares. Merci aux quelques doigts d’une même main, indéfectibles, inamovibles, présents jusqu’au fond des silences, des absences. Longue vie et bonne route à tous, même si nos chemins se séparent, je sais la lumière de nos parcours communs. Le reste m’est personnel, très personnel.

Bonne fête maman.