Fin d'année


C’est la période la plus ressentie dans l’année, qu’elle soit attendue avec impatience ou bien redoutée avec un désamour complet : les fêtes de fin d’année. Elles attisent les convoitises et les rêves les plus doux, elles deviennent un peu plus lourdes au fur et à mesure que les tours de table se rétrécissent, elles finissent par être  pesantes au fil des solitudes. Chacun porte son histoire, son ressenti, il n’y a rien à redire ni surtout à juger en cela, c’est au fond la richesse de l’Humain et de l’humanité.
Le temps est à la pluie, le feu crépite doucement et le voilà à sa table à mots et occasionnellement à maux pour reprendre le stylo et le papier blanc, et, dans cette période de fin d’année, ce sont quelques brumes qui s’en viennent troubler sa vue. Il songe aux Noëls d’avant, ceux de l’enfance empreints de magie, des réveils aux aurores pour des cris aux pieds des sapins successifs, petit cow-boys en plastique, patins à roulette et autre vélo, ce furent émerveillement et joies d’enfant. Puis le temps des enveloppes, des pulls et autres utilités dont on s’apprécie moins le cadeau en ce jour encore attaché au mot magie, et puis les tables moins garnies, les grands-parents partis, les oncles, les tantes, les cousins qui grandissent, petit à petit la famille se resserre autour de ses piliers parentaux, et tout en grandissant on retrouve une autre atmosphère à cette fin d’année. La vie et ses aléas, ses maux aussi qui s’en viennent croquer les chairs des proches, les combats que l’on espère toujours utiles et vainqueurs, et puis un jour, une année c’est l’entrée en clinique à quelques jours de noël du pilier central, l’âme du foyer, la mère. D’autant plus durement ressenti qu’elle intervient le jour de son anniversaire, mais bon, les docteurs sont confiants, elle ressortira pour passer Noël en famille. Alors on croit, on prie tout ce qu’on peut prier, parce que dans ces moments-là c’est la prière qui parait la solution, qui devient un bâton de soutien et de marche, comme une cotisation à un institut de recherche permet de croire que nos quelques billets s’en vont guérir l’être cher. Et puis ce ne fut pas Noël, tant pis, nous le fêterons plus tard, visons désormais le nouvel an, si la fête religieuse n’a pas cru bon de nous satisfaire, que la fête païenne le permette ! Et puis non, encore des inquiétudes, encore des soins, des mots terribles parlant de rayons, de chimiothérapie, et la nouvelle année et ses vœux de bonne santé arrive sans que la mère revienne au foyer. Amère période, tant pis, nous ferons mieux l’an prochain… Et puis après un dernier sursaut, elle a jeté les armes, abandonnée le combat et la sournoise maladie l’a emporté, un sombre jour de janvier. Période difficile dans la vie, la perte de sa maman reste une blessure, qu’elle que soit la vie vécue. Cette dernière période de fin d’année vécue dans l’absence physique aura à jamais gravé d’un sceau sombre les dates du calendrier. Chacun porte son histoire, la sienne est ainsi, désormais détaché des festivités, il les traverse en essayant de profiter et de choyer au mieux les êtres présents tout en restant relié aux êtres partis. A jamais dans nos vies.