Autres temps

Dans un monde où tout se passe très vite, où tout va de plus en plus vite, voilà notre été qui lui arrive en retard au point de s’en venir griller les plates bandes de l’automne. Bon, comme rien n’est jamais parfait (qui a dit moi ?) les jours eux, ont décidé de prendre leurs quartiers d’hiver, ce qui est bien dommage, par ce grand beau temps on gouterait bien volontiers à de longues soirées de lumière. L’été de la saint Martin dit-on mais en fait, la saint Martin se célèbre le 11 novembre, je veux bien qu’on aille vite, mais quand même, attendez donc un peu et profitez du bel automne. Certes, nos réserves d’eau sont au plus bas, les longues nuits n’apportent pas assez de rosée pour reverdir les pelouses mais il est bon qu’il nous reste encore une chose non maitrisée par des technocrates ou autres politiques prêts à décider de qui est bon ou non pour l’humanité. Il fait beau, même chaud, tout en ayant de fortes amplitudes thermiques entre jours et nuits, mais que cette saison est belle. Non pas une arrière-saison qui prendrait une connotation péjorative, non, une belle saison, aux reflets bien dorés, aux endroits dépeuplés quoique cette année il soit spectaculaire de voir le tourisme encore en activité sur le littoral, sans compter les nombreux actifs venant encore se ressourcer aux vents iodés. Il fait beau, il fait bon, alors profitons !

Qu’importe que le jour soit court, il suffit de reprendre le bon sens de nos aïeux, ces vies d’avant les heures fixées par la nation et validées par l’Europe, ces vies aux rythmes de la lumière de notre astre. Levé au jour naissant, rentré au jour baissant, la nature nous appelle, bon, entre deux coups de feu hélas pour le footing dans la forêt, mais là aussi, par la faute de l’homme, le gibier pullule comment veux-tu qu’on recule ? Trop de sangliers, trop de chevreuils, et puis désormais trop d’adversaires dans nos montagnes pour ces pauvres moutons. Désormais, en plus des ours, des loups et des chiens errants, voilà que les corbeaux attaquent, mais où va-t-on ! du jamais vu, c’est vrai, mais il est vrai aussi qu’autrefois, dans ce fameux temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre, pas plus que les moins de quarante, septante ou nonante voire plus, autrefois donc, du temps où les vrais ours parlant le pyrénéen couramment et sans accent autre que celui de la vallée originelle vivaient en nombre, de ce même temps, puisqu’il y a accord des temps, de ce temps-là disais-je, où les loups peuplaient les montagnes, et d’autres bêtes férocement féroces comme le lynx et même le dahu d’ailleurs, encore que le dahu, peu en avance la preuve donc j’emploierais plutôt un conditionnel même si je suis un inconditionnel de la vérité vraie, mais on s’écarte alors revenons à nos moutons. Imaginez donc la chose, dans un espace plus restreint, non, ne souriez-pas, nos montagnes (belles mais là n’est pas la question) n’ont pas grandit depuis ce temps, non, sauf à superposer la couche des déchets des urbains randonneurs soumis à l’excédent de poids et contraint de laisser les boites vides qu’ils montèrent pleines, le poids, tel est l’ennemi du randonneur, mais bon, revenons à nos moutons. Donc nos montagnes sont les mêmes, mais l’espace en ces temps-là était plus restreint. Comment se fait-ce ? Oh, pas de propos en dessous de la ceinture, juste qu’en ce temps d’avant tout ce tralala qui nous détraque la planète, le grand architecte pour décorer ces superbes rochers, goutant fort peu au sucre glace et à la chantilly, inventa la neige et la glace pour qu’au loin on puisse voir briller les montagnes, reflet d’argent dans l’horizon, c’est aussi pour cela qu’il mit la neige et la glace par-dessus sur les sommets et non point dans les vallées, n’en déplaisent aux stations de basse altitude. A toute fin utile, je préciserai dès lors que le mouton même emmitouflé de laine n’aime pas la neige ni la glace, quel que soit le parfum, lors de la grande distribution des rôle, ce rôle-là fut dévolu au mouflon. Un rhume ou une erreur dans le texte ? En tout cas, le mouflon est supérieur au mouton, du moins dans l’altitude, c’est un fait, qui sans rabaisser le mouton le cantonne à vivre en dessous, mais comme on aime bien les moutons, on a brisé la glace et rendu l’alpage aux ovins, enfin, là où l’herbe pousse, quant au mouflon c’est une autre paire de manches. Mais revenons aux temps anciens, les prairies moins vastes pour les nombreux moutons, les bois et les forêts pas aussi développées, les ours, les loups et les autres en pagaille, voilà qui peuplait bien plus la montagne. Comme le vide appelle le vide, et le plein appelle le plein, en ce temps-là on ajoutât aussi quelques bergers, non pas landais, les échasses ne sont pas pratiques en montagne, croyez-moi, mais plutôt des bergers du cru, parlant l’ours comme le loup, sachant reconnaitre un bélier d’une brebis (si, si) et apte à vivre dans une cahute pas encore refuge de montagne, avec comme frigo l’eau fraiche du ruisseau pas encore asséché ni pollué, avec comme distraction les soins, les traites, les tontes, les agnelages et même la fabrication de fromages, non, rangez votre smartphone ce ne sont pas des applications à télécharger mais de ce qu’on appelle la vie vraie. Bon, si malgré tout cela, il lui restait du temps, il pouvait jouer à saute-mouton mais pas d’allusions, juste réminiscence (non parfumée, comprendra qui pourra) des années scolaires. Pas d’emmerde de couverture réseau ou hertzienne, de toute façon de cabane en cabane les messages circulaient et la liaison avec la plaine se faisait aussi bien plus simplement. Et puis, comme il restait de la place on y mit aussi des chiens. Bref, tout ce petit monde cohabitait tranquillement, on mangeait gaiement de l’ours, du loup, du dahu, de l’agneau et du fromage, quoique le dahu je n’en sois pas sur. Les corbeaux, peu répandu et peureux ne s’approchaient pas de ces êtres vivants, la montagne recelait toujours des cadavres de choix.

Mais qu’est ce qui a donc changé ? Moins d’ours, en plus étrangers, moins de loups, étrangers en visite, plus de corbeaux, plus de moutons…. L’équation en est difficile. Ah si ! Et si on relâchait du berger ? Slovène, pour parler aux ours, nos bergers travaillent aujourd’hui à la ville pour joindre les deux bouts, italien pour parler aux loups, des chiens pour les accompagner et puis des trucs à télécharger parce que le ruisseau est mort ou asphyxié, le fromage interdit par Bruxelles qui préfère ses choux, et le saute mouton mal interprété. Et bien, il suffirait presque d’essayer, non ?

Corrida

La lente agonie du taureau, c'est à cela que je compare la vie. Des passes, bonnes et mauvaises, des coups reçus, des courses inutiles où l'on fonce et où l'on s'enfonce un peu plus dans le noir, des banderilles amèrement colorées plantées dans votre dos pour faire gicler un peu plus le sang de vos énergies, le regard qui devient vitreux, et soudain le coup fatal, vers lequel on plonge car au fond, il est bienvenu. Stop aux souffrances, assez d'errances, trop de mauvaises couleurs dans un drame en faux actes qu'on appelle la vie. Basta cosi. C’est si facile de choisir la sortie, les quatre fers en l’air, après tout, en ignorant s’il y a ou non une vie après la vie, on s’affranchit d’une dimension tragique pour ne visualiser que le positif de l’expérience, fut-il dans la fin, futile, d’un parcours inutile. Noir. Noir majuscule. Noir taureau.

Facile, dangereux et inutile. Imaginez un peu qu’il y ait une vie après la vie, et que cette vie nouvelle soit pire que la vie actuelle, sorte de spirale affligeante et descendante, mais discours provocateur, certes, pour éveiller la conscience que rien n’est pire que de ne pas clore un épisode par la vie, que de ne pas jouir de la leçon apprise, comprendre que les abattements ne sont pas des abatages, et surtout, que la vie est le bien le plus précieux qu’il nous soit donner. Partir ? Oui, mais pas comme ça, juste quitter la pièce en éteignant la lumière, s’en aller respirer et vivre ailleurs dans d’autres sphères, d’autres volumes, d’autres proses peut-être même, comment se priver des mots ? Un rapide coup d’œil vers le compteur anonyme, le cap des cinq cents est passé, le cas des cinq sens fut évoqué, et même plus, au vu des pages déchirées, des mots envolés, c’est tout de même marrant une vie. Il y a ces bougies qu’on allume, il y a ces diamants qui brillent au fond des yeux, il ya ces cœurs qui se serrent à presque éclater quant ils ne se brisent pas sous les flots des sanglots. Il y a hier, ou plutôt, il y a eu hier, il y aura demain, c’est certain, il y a surtout aujourd’hui, ce présent du présent. Tout est clair, calme, posé, les cartons sont fermés, les poubelles à vider, la paix retrouvé. C’est quoi une vie ? question sans réponse ou plutôt, question à multiples réponses, une par individu, le cachet de la poste faisant foi, le gros lot de la tombola fera de vous l’unique gagnant de cette pause introspective, c’est quoi votre vie ? Dans quel but ? Pourquoi ? comment ?

Pour moi, la vie c’est comme cet enfant qui essaie de prendre toutes ces billes dans ses petites mains, trop petites pour tant de trésors, alors il serre, mais des billes s’échappent et tombent, alors il les joint mais difficile d’y loger les billes au creux de ce nid, alors il explose et retente, prend son pull comme un panier qui, poignée après poignée devient trop lourd, la laine glisse d’entre les petits doigts crispés et dans un vacarme plein de rebondissements, les billes tombent et roulent vers d’autres horizons, dispersion des trésors convoités, les larmes qui roulent sur les joues sont aussi nombreuses que ces bouts de lumière qui jonchent le sol, qui l’occuperont jusqu’à derrière les meubles pour ne réapparaitre qu’aux jours des grands nettoyages ou de déménagement. J’ai perdu mes billes, ou plutôt, les billes, trop pressé, trop envieux, elles sont parties dans leurs directions et je suis tombé ici bas, puis, le jour du grand nettoyage, j’ai retrouvé de ces éclats de verre, des ces trésors perdus et avec les souvenirs se sont clos des pages, des blessures pas si enfouies que cela. Nostalgie ? Peut-être, mais pas négative, ni génératrice d’envie de retrouver ces passés, non, au contraire, content de retrouver ces poteaux de départ qui aident à mesurer le chemin parcouru, troublé par ces rappels et par le grand coup de balai. On ne peut avancer en s’accrochant aux branches de la forêt des souvenirs. A moins d’être archéologue ou historien, on n’avance pas par le passé, mais par la façon dont on l’a digéré. Evolution. J’ai souri à ces billes cachées puis les ai enfoui à jamais dans la poche non pas des souvenirs mais celles des trésors de l’enfance, quelques vieux lego, des petites autos cabossées, des billes, un vieux boulard en terre tout craquelé et porteur de cicatrices des nombreux coups reçus, comme il y a quelque part aussi, des cahiers, des carnets qui sommeillent de mots en vers enfantins, de poèmes dont les maitres littéraires n’ont rien à craindre, des dessins aussi naïfs que peuvent l’être ces formes d’hiéroglyphes dont les parents furent si fiers. On vit, on prend, on entasse, et on meurt de trop de ces désordres accumulés. C’est fini. La gomme reste magique, les éboueurs de fabuleux complices, les agendas s’animent de zébrures de tippex ou bien encore d’effacement électronique, le passé recule et s’enfuit à pas de loup, à l’heure pâle d’un jour pas encore tout à fait naissant, le ménage du printemps d’une vie n’est qu’un précieux moment de bonheur.

Les banderilles sont tombées, emportées par la chute de ceux qui les ont posées, le sang faible a finit par sécher et boucher les blessures, l’énergie bien trop faible pour ne pas s’auto protéger à lentement prospérer avant de gravir les échelons de la maximalité, le regard n’est plus baigné de larmes, n’est plus aveuglé de haine, inutile, toujours, non, le regard est fier, droit et intense, au point de dresser la tête pour mieux voir et voir plus loin, les passes sont de mieux en mieux assurées, les coups s’évitent, la porte va bientôt s’ouvrir vers les prairies ondoyantes sous un ciel d’azur. La lente agonie n’en fut pas une, le genou à terre n’est pas preuve d’allégeance mais de répit, l’échine fut courbée mais jamais rompue, trop tard même, elle est aujourd’hui fièrement dressée. Vade retro empêcheurs de tourner en rond, pantins de fausses lumières, personnages trop brillant pour être honnête, restez dans l’arène, vous n’en êtes pour autant pas roi.

Le peuple chat

Parmi nos animaux dits domestiques, s’il en est un qui évolue dans un statut à part, c’est bien le chat. Un sorte d’esclave affranchi de l’homme, libéré des chaines de la domestication il choisit plutôt que subit, car malgré tout, c’est bien lui qui commande. Question rythme de vie, quitte à se vouloir libre autant vivre à l’envers du logeur, cela dit, avec raison, puisque la nuit, tous les chats sont gris, même les gris d’ailleurs.

J’ai longtemps pris cette liberté féline pour une forme de désinvolture, mais au fil du temps, au fil des vies communes avec ces indépendants, j’ai appris à connaitre et à aimer les chats. Rien n’est simple lorsqu’on a été longtemps formaté par les relations hommes-chiens, il est bien peu de dire combien chien et chat sont différents. Si l’un est l’ombre de l’homme, l’autre en est davantage la lumière, non pas comparable au soleil, mais plutôt semblable à cette petite flamme qui brille à l’intérieur de tout un chacun dans une lueur parfois brillante et pleine d’énergies, parfois vacillante et fragile à souffrir d’une moindre brise. Belle leçon pour qui sait prendre le temps de voir, d’entendre, de guetter et de chercher à comprendre les mimiques, les miaulements, les feulements, les caresses du bout de la tête, de ces boules de poils qui n’habitent pas chez nous, c’est plutôt nous qui habitons au cœur de leurs territoires. La relation n’est pas comme on entend que de trop, qu’alimentaire, le chat est resté sauvage jusqu’au tréfonds de ses instincts, chasseur, cueilleur, chapardeur, profiteur, son territoire est vaste, l’ensemble des maisons qui le peuplent est sien, quel mal y a-t-il à troquer une caresse et un miaulement faussement plaintif contre un reste de nos repas, un peu de lait ou bien simplement une caresse, il suffit de le savoir, de replacer cela dans un contexte territorial pour comprendre le pourquoi du comment, et s’apercevoir qu’au final, c’est bien nous qui appartenons à notre chat.

On dit souvent que l’homme choisit un chien mais que le chat choisit son maitre. Je dirais même que le chat choisit, point, c'est-à-dire, qu’il choisit aussi et surtout d’être caressé ainsi que la durée des caresses, qu’il choisit ses horaires de repas, sa boisson et son bar préféré, il choisit même de vous faire plaisir en vous offrant ses plus belles proies, oiseaux, souris ou lézards, un sourire de fierté aux babines cadrant bien mal avec votre mine dégoutée. Voilà, vous êtes dégoutés, il est de gouttière, simple contexte à remettre dans le contexte. Il vit la nuit, vous le jour : serait-ce là une raison suffisante de lui en vouloir ? Dans notre espèce humaine dite évoluée, on a du mal à s’adapter à la vie de couple lorsque les deux protagonistes sont antagonistes dans leurs horaires de vies et de labeurs. Faible adaptation provoquant le fort taux de célibat dans les rangs des infirmières, des pompiers et des croque-morts, encore que dans ce dernier cas, je doute d’une étude particulièrement fiable sur le sujet précis. Oui, votre chat vit la nuit, et parfois, mais pas toujours, il vous le fait savoir. Doit-on lui en vouloir ? Après tout, cette mocheté de vase offerte par tante Irène finit au meilleur endroit qui lui sied, j’ai nommé la poubelle, après tout, ladite poubelle est au final bien mieux à sa place sous l’évier aux portes fermement accrochées, et puis, ces plantes vertes qui s’étiolaient depuis de trop longues années, ne sont-elles pas plus heureuses aujourd’hui à être broyées pour le compost ? Oui, on peut le dire sans se tromper, le chat est l’ami du ménage, sans jeu de mots (quoique). Rangement, dépoussiérage des dessous de meubles et même des dessus de meubles, rien n’échappe à la vigilance de cet animal intrépide qui saura calculer en deux bons, bien plus performants que les bons du trésor, comment on peut atteindre l’inatteignable, toutes griffes dehors, slalomant entre les pots et autres décors digne d’une œuvre temporelle à destin de devenir œuvre posthume, puis, l’exploit accompli, car c’en est un, ils se campent bien droit sur leur séant, vous regardent fixement et pissent en rient sur ces femmes infidèles euh non ! Je m’emporte là, nous ne sommes pas à Amsterdam, ce n’est là que de l’herbe à chat ! Non, ils s’assoient, les pattes avant bien droites, vous fixent et vous disent d’un sourire narquois : « tu as vu comment j’ai nettoyé l’araignée que tu as au plafond ? (toute ressemblance avec des personnes ayant « des araignées au plafond », même morte, ou bien encore avec des chats, même morts, ou bien encore avec d’autres armoires et bien d’autres griffes ne seraient que fortuites et pures coïncidences dont l’auteur décline la responsabilité, histoire de bien retomber sur ses pattes) »

Oui, c’est aussi cela un chat. Et deux chats ? Alors-là, la multiplication ne suffirait pas à décliner les bienfaits, ménages et rangements compris, avouez tout de même que jouer à « chat perché » tout seul relève du ridicule, mais à eux, que de rigolades, de démarrages à laisser sans voix les frêles statues, à redonner goûts aux puzzles, même et surtout si c’est une porcelaine ancienne et familiale, à imaginer dormir de concert lorsque vous êtes éveillés et bien sûr, courir aux doux sons des grelots de tous ces superbes jouets (merci messieurs les fabricants) lorsque votre sommeil se fait plus léger, et puis, d’un bond sauter sur la couette pour s’en aller sauter et mordre ces orteils à peine voilés, non, je vous assure, à deux, c’est mieux ! Que du bonheur ! Ne vous y trompez pas, si le ton (et non le thon, c’est un toxique pour les félins, d’ailleurs, avez-vous déjà vu un tigre manger du thon ?), si le ton disais-je, est badin, d’humeur joyeuse ce n’est qu’effet félin, ce n’est qu’à l’usage qu’on mesure si l’on est félin pour l’autre n’est-ce-pas ? De toute façon, avoir des chats pitres ne peut engendrer la mélancolie, et les chats pitres, lorsqu’on aime écrire, on connait…. Allez, je file, à vos croquettes et n’oubliez pas la sieste, sans quoi vous allez être d’humeur massacrante au réveil de demain…. Chat-lu !

Sortie

Sortie. Sortie de crise et pas sortie de route, sortie d’un tunnel où la vie nous plonge parfois, mais la lumière est là. Une période spéciale, que d’aucuns nommeraient « difficile », une sorte de raccourci qualificatif qui ne colle pas vraiment à ce qui est. C’est aussi cela l’étrangeté de nos discours, employer des mots, des adjectifs qui sonnent bien, qui percutent bien, mais qui ne correspondent à la réalité des choses. Bien sûr, dans notre époque qui oublie que de trop le réel, c’est monnaie courante et perçu sans trouble, belles années de tricheries, on ne se nomme que par pseudo, on s’invente des vies, des envies, on court vert le plus beau, le plus brillant en oubliant que les plus belles beautés demeurent cachées. Ainsi va le vingt et unième siècle, pas d’association d’idée trop rapide qui dirait qu’il court à sa perte car même si notre monde est devenu très informatique jusque dans les moindres de nos téléphones ou bien encore machine à laver, tous ces appareils disposent d’un bouton « marche-arrêt », non ?

Alors, le choix fut fait, en cette belle année d’appuyer sur certains boutons, et même pire, d’en ôter les fusibles. Pire ? Non, facile à faire, facile à vivre, enfin, après quelques temps dans le noir, comme quoi, on ne devient pas nyctalope du jour au lendemain, mais cela dit, nyctalope de jour ne sert à rien, qu’on se le dise. Pas facile de se réveiller, parce qu’il s’agit bien d’un réveil en fait, pas plus qu’il est facile de se retrouver soudain sans miroir, toutes ces images renvoyées qui font ou plutôt qui faisaient que l’on marche à l’envers, juste parce qu’on lève le bras gauche pour coller à l’image reçue qui lève son bras droit. A trop observer l’image on en oublie l’original. Voilà pour l’image, quant au son, là, il est vrai aussi qu’on s’habitue et qu’on s’entraine à être pour être appelé, qu’on se focalise sur l’aide qu’on apporte aux autres, solliciteurs existentiels, en oubliant de s’aider soi-même. On se transforme en « sos détresse amitié j’écoute » sans comprendre que même si cela est utile, ce n’est pas non plus un emploi à plein temps ni une fin en soi. Alors on court, on répond, on existe, oui, c’est si bon d’exister, mais en fait, non, on n’existe pas, on est un personnage et non soi, et ce personnage devient si captivant qu’il en étouffe l’être vrai, comme le lierre étouffe l’arbre, ce n’est que la couche superficielle qui devient visible en oubliant le cœur. Passe que les solliciteurs ne soient ou pas à sens unique, simples appels à l’aide et non appels pour l’échange, être soi ne passe par les autres, encore une fois, on a tous un bouton « marche-arrêt ».

Bien sûr, on a le choix de suivre ces sons et ces images, tout comme on a le choix d’aimer. Aimer, quel joli verbe, quel bon mot, mais aimer nécessite d’être aimé et mieux encore, d’être aimé pour soi, non pas pour ce qu’on représente. A vivre sous le masque, c’est le personnage qui est aimé, non l’acteur, mais encore, pour redevenir l’acteur de nos vies, il faut s’aimer soi, profondément, passionnément, au-delà des faux pas, au-delà des abimes, au-delà des couleurs de la vie, fussent-elles sombres et pires encore. Las, de guerre lasse, le combat commence et non finit. Place au tunnel, au retrait, à l’introspection, à la mise en garde de la petite lumière qui éclaire avec peine cet amas de chair et d’os qui compose le véhicule de cette vie-ci. Tombe des masques, au cimetière des faux espoirs, la carapace s’enterre et la lente chrysalide s’opère. Nettoyage intérieur, nettoyage extérieur, classement des choses, effacement des liens, on ne revit pas le passé, il n’y a pas de deuxième chance, l’esprit humain est puissant et sans bouton de remise à zéro. Pause n’est pas le mot, ou alors pause active, même si le mode est solitaire, il est quand même lecture, un peu écriture, ça vous le savez, il est aussi plongée et remontée, détente et arrêt, chantiers et perspectives, nettoyage et rangement. Tout cela est très simple en mettre en prose comme ça, quelques mots à l’encre noire sur le papier blanc. C’est pourtant un long chemin, sinueux, dérangeant, perturbant, angoissant même parfois, au point de secouer la vie comme ce magma en ébullition qui fait rompre la croute trop fragile de l’écorce terrestre pour jaillir en un puissant volcan, et cette étape-là, est brûlante d’énergie, elle éclaire la fin du parcours, tout en laissant tout de même une pointe de nostalgie, celle de savoir, de comprendre, que c’est là le dernier cursus, la dernière des évolutions, la clôture des derniers karmas après tant et tant de chemins parcourus, de destins vécus, d’échecs accomplis. Un sentiment bizarre aussi, celui de savoir et de voir ce qui n’est pas encore vu par le nombre, de ne pouvoir parler sous peine de rester incompris, tout en ayant la force et la facilité d’exprimer et d’illustrer ce qui est, ce qui sera.

Je ne connais pas le ressenti du papillon aux travers des stades de son développement, mais bigre que ça fait mal de traverser ce couloir, cette porte entre deux mondes. Je sais aujourd’hui bien plus qu’hier, je sais aussi pourquoi le parcours s’arrête ici, et ce qui sera, non pour moi, qu’est ce que le moi d’ailleurs ? Moi, je, il. Trois regards sur une même entité, pourquoi vouloir dire que celui-ci est plus vrai ou plus sincère que celui-là ? Pourquoi ne pas au contraire regarder par ces trois regards pour mieux voir qui on est et où on va ? Encore faut-il avoir envie d’aller…. Et comme vous me connaissez par les mots, vous comprendrez aisément qu’il y a double sens là-dedans. Non ?

Puisque le temps



Puisque le temps en son cours est venu s’immiscer dans le lent décompte initialement prévu en quatre actes sans entracte, je profite de l’entracte imposé pour glisser ici même quelques anodines pensées. Oh, ce n’est là qu’un entracte, point un demi tour, juste une pause dans l’écriture d’une conclusion, et même à vrai dire, juste qu’au final la conclusion n'est peut être pas courte quand bien même elle est éphémère. Dans la tragédie des hommes, ce ne sont pas les plus grandes qui sont les plus tristes, rien n’est simple dans nos vies. Une chance, si je puis dire, il serait triste en effet que les choses se bâtissent sur des règles somme toute très cartésiennes, logique implacable sans part de liberté. On peut dire que les grandes douleurs sont muettes, mais à l’écrire, c’est autre chose, à part peut-être pour les muets ? Peut-être bien aussi pour les malentendants ? sorte de doux euphémisme qui condamne les sourds à l’inexistence, ou peut-être une façon habile de se voiler la face et refuser de voir ce qui est vraiment ? diantre, que de « peut-être » dans tout cela ! Quant à se voiler la face, je vois déjà se brandir les poings rageurs des bien pensants pour qui le voile n’est que prétexte fallacieux à mieux se dévoiler dans une opposition aux règles forcément indiscutables. Une autre forme de douleur, une autre forme de couleur dans un monde trop uniforme au point de faire gerber l’originalité dans le caniveau des mauvaises pensées. Qu’est ce qu’une mauvaise pensée ? C’est penser ce que je ne pense pas conclurait la très haute autorité, alors zou ! Le doigt sur la couture du pantalon, on applique les bon vieux principes judéo-chrétiens, et surtout, on ne s’écarte pas du rang, qu’on se le dise !

Uniforme. Basique. Directif. Contraintes. Contours délimités, périmètre fermé à triple rangée de barbelés, vous pouvez penser, imaginer, créer mais à l’intérieur du cadre, dans le sens et dans le tempo bien défini, mais est-ce là la créativité ? Ne voyez pas d’images  sépias ni de couleurs kaki, ces contraintes-là, ces murs-là, ce sont nous-mêmes qui nous les érigeons, fières victimes de nos éducations, moutons de Panurge suivant en bellement la voir tracée par nos aïeux, qu’ils soient ou non de notre sang. Tiens d’ailleurs, pourquoi kaki ? Pourquoi appelle-t-on « kaki » ce vert hideux alors que le fruit du plaqueminier se pare d’un bel orange qui égaie les cieux d’automne ? Oups ! Me voilà sortit du cadre de ma prose, sans que je n’y prenne garde…. Des envies de liberté ? Non, une vie libre, d’homme libre, une vie à briser des chaines entravant les karmas successifs depuis déjà bien des rotations entre vies et après vies. Ainsi vont les cycles du temps, les résolutions de ces parcours initiatiques chargés d’épreuves, chaque pas est un pas plus loin dans la légende personnelle, rien n’est jamais anodin, les messages arrivent de partout mais peu arrivent à être lus. Je  reste pourtant persuadé qu’un jour viendra où les  yeux s’ouvriront sur les réalités du monde, un jour viendra où l’étroitesse d’esprit brisera les carcans serrés par nos éducations, un jour viendra où chacun comprendra qu’il a la clé, sa clé, de sa propre vie, le choix de ses limites, le choix de sa vie.

Utopiste ? Oui, si cela vous plait de le penser ainsi, non pour vous plaire, je n’en ai cure, je ne fonctionne pas aux flatteries, car ainsi que nous l’a écrit Jean de la Fontaine et que nous l’ont fait apprendre et réciter nos adorables maitresses, « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Maitresses ? Oui, dans le sens de nos jeunes années, bien avant qu’on inventât les professeurs des écoles, dans ce temps pas si ancien où l’instruction civique jouait de morale, où l’on savait la politesse, dans des classes décorées de ces cartes colorées, géographies ou bien chaine alimentaire, le visuel était peut-être vieillot mais ô combien enrichisseur de connaissances.

Optimiste ? Oui, si cela vous plait de voir le verre à moitié plein plutôt que de voir le verre à moitié vide, à vrai dire, ce sont les deux moitiés qui servent à la dégustation : le nez cueille les aromes dans la moitié vide pour aller titiller les papilles olfactives, comme quoi, le vide à du bon, et même je dirais que le vide est plein de bon sens ; la moitié pleine contient le nectar, celui qu’on boit doucement, qu’on fait rouler en bouche avant de le recracher, comme quoi cette moitié-là n’est pas de celles qui restent, juste un éphémère passage avant de filer à l’égout. Pour ma part, je m’alimente des deux, le  vide plein de sens et la matière à déguster sans jamais la recracher que par des voies plus naturelles que celles précitées. Encore une étrangeté de nos vies : on empêche nos enfants de cracher, on conseille de cracher le produit dégusté…. Tout comme on apprend le nouveau né à bien roter pour mieux l’interdire plus tard. Paradoxe. Comme quoi l’homme se cherche toujours et se cherchera toujours tout au long de ses vies.

Libre ? Oui, quel que soit le prix de la liberté, elle est la seule qui permette de grandir, de s’épanouir et de parcourir un maximum de sa vie. Libre ne veut pas dire opposé à tout, ni même hors norme, d’ailleurs, c’est quoi une norme, c’est quoi la normalité ? Libre ne veut pas dire non plus solitaire, ni asocial, ni forcément célibataire, erreur trop primaire et trop fréquente, les raccourcis ont la vie dure, sauf du temps de la révolution et des méthodes du brave docteur Guillotin, époque révolue où les raccourcis perdaient leurs têtes tombées au panier. Otez les œillères, regardez autour de vous, soyez enfant, apprenez à vous émerveiller, du temps qu’il fait plutôt que de celui qu’il a fait, du geste anodin plutôt que des gestes passés. Le passé est passé, certes, mais il est vous, ce que vous êtes n’est que façonnage lent et méthodique de leçons reçues, de coups pris, de parcours passés. Ce qui est géant, c’est de savoir qu’aujourd’hui est, que tout peut être géant si l’on prend le temps de voir les choses en grand, en prenant le temps. Ce qui est énorme, c’est de savoir qu’aujourd’hui enfantera demain et que demain sera plus grand encore, parce que poussé sur les cendres d’aujourd’hui, et surtout, parce que nous le voulons ainsi. Pourrait-il en être autrement ?        

Merci



Les chemins de la vie sont toujours peuplées d’étonnantes rencontres, de ces partages et de ces échanges qui vous marquent à jamais. Il y a longtemps déjà ou pas, selon les critères que chacun donne au temps, même si tout un chacun manque de temps, bref, dans ces années lumières où le peuple de France soulevait la coupe dorée, je démarrais une vie qui allait prendre le virage et la montée qui sied à la randonnée. Oui, randonneur, et non rang d’honneur, oui, je quittais mes pas de solitude et mes explorations solitaires pour goûter aux joies de marcher en groupe à la rencontre de ces nobles paysages, savamment relevé de ces pique-niques organisés dans les lois d’une logistique implacable, de l’apéro au dessert tout était fier. Ces chemins-là, pas à pas m’ont conduit vers ce qui reste aujourd’hui la plus belle partie de ma vie, de ces épisodes qui vous font mener la vie sur un pas de deux, un rythme étoilé aux accents associés, un départ… A la découverte d’un monde, de lieux, de personnages, à la découverte aussi de soi à travers tous les pas parcourus. C’est ainsi que j’ai découvert ce coin de terre accroché à la vie, ce coin inconnu mainte fois traversé par la trop fière autoroute qui le défigure. Ce coin de terre, c’est aussi un grand morceau de cœur, de ce qui est un vrai cœur, noble et puissant, de ces portes qui restent toujours ouvertes, de ces bras qui vous accueillent sans jamais vous repousser, un écrin extérieur pouvant sembler austère, une maison pleine de recoins, de coins, de souvenirs, de rires, de chants, de pleurs aussi, que serait la vie sans l’eau fut-elle des larmes? 

Cet écrin-là, c’était le territoire des grands-parents, deux immenses personnages bourrés de gentillesses, de plaisirs à partager, d’éducation à vous donner sans aucune fâcherie, l’avantage dans notre midi c’est que les éclats de voix ne sont pas colère, enfin, pas toujours. Hélas, trop vite la maison a perdu sa reine, son âme, la sournoise maladie a vaincu trop vite, trop facilement, mais au moins, la souffrance a perdu ; Maigre consolation. C’est après ce moment-là que nous avons pris nos quartiers d’été d’abord, pour apporter notre soutien à cette moitié sans moitié, puis nos quartiers d’automne, aux rythmes des vendanges, des balades ventées, et ceux d’hiver aux grillades de braises, aux flambées de platane, puis les quartiers de printemps, ceux de la sève qui monte, ceux des oliviers fraichement plantés, et le cycle immuable du temps ramena l’été. Les années succédèrent aux années, à chaque fois, le plaisir d’être là était un plaisir plus grand que le précédent.  De cet homme à la voix gravé à jamais dans mes neurones, des ces bons mots qui nous faisaient toujours sourire, comme « quand il pleut on s’en dégoutte » ou bien « la boue de Moux tâche », et surtout, de ses leçons d’homme de terre, de région, ces sentiers dans le noble Alaric, de ces noms si poétiques que les trop sérieux géographes de la noble institut géographique national n’ont pu qu’omettre de glisser sur les cartes, j’ai appris à aimer. Le lieu, les pas, les courses, reconnaitre les odeurs, deviner les rondeurs, jouer à explorer la combe du premier lièvre, celle des perdrix, mais aussi la bonne chère, les bonnes pièces de boucherie ou bien encore les gibiers gouteux des collines d’ici. Est-ce parce que mon grand-père s’en est trop tôt allé que j’ai adopté ce bonhomme si plein de gentillesse ? Difficile à dire, j’ai appris durant de très belles années, et j’ai connu ce qu’est le sens de l’accueil, la porte ouverte aux amis, ces week-end ou le luxe sentait bon l’onglet perlant sur la braise de cep de vieilles vignes, j’ai vécu ce qu’est le vrai chemin des écoliers, quand les images du tour de France à la télé par de chaudes après-midis d’été font naitre une folle idée de  s’en aller rejoindre l’océan en empruntant le chemin le plus court qui passe par tous nos col mythiques pyrénéens. Un MONSIEUR. Oui. Son baptême se fit par la voix d’un petit homme de 6 ans, venu là en ayant pris soin d’apporter des voitures pour jouer avec lui, cet homme s’appelait Pierre, il était déjà papy alors il devint à jamais papy Pierrot, dans cette voix cristalline qui l’appelait sans cesse, pour jouer, pour rire, pour lui montrer toutes ces joies qui émerveillent les enfants et dont on ne sait pas pourquoi elles désertent les adultes. Si mes racines lauragaises et audoises, si mon sang issu de la terre bouillonne aujourd’hui c’est parce que cet homme-là m’a appris les leçons de choses qu’on n’apprend jamais aussi bien qu’en école buissonnière. Si je parcours encore souvent ces montagnes, ces vignes, si j’aime à les faire découvrir, à les partager c’est à cet homme-là que je le dois. Si je sais aujourd’hui ce qu’est le travail du vin, ce qu’est la taille, ce que sont les oliviers, ce que sont surtout les joies, les rires, la passion, la famille, c’est à cet homme-là que je le dois. La vie d’adulte passe et défait des liens par inadvertance, par défi peut-être, par aveuglement surtout, mais même lorsque l’album se referme il reste des voix, des sons, des couleurs, des odeurs et par-dessus tout, des leçons. Pour tout cela, merci papy Pierrot.

A sa famille, celle du sang, celle du cœur, celle des boules, celles de la jeunesse, celle du labeur, à tous ceux qui ressentent le vide de l’orphelin, mes pensées et mes condoléances vous accompagnent. Ce jour, j’ai perdu un grand-père que la vie m’avait offert. Je ne le vole pas, je pleure en silence en repassant mes leçons aux lumières des souvenirs, c’est par là-même que nos défunts habillent toujours nos vies. Je sais aussi que de là-haut il veille sur les trésors de sa vie. 

Merci monsieur d’avoir illuminé ma vie et fait découvrir votre pays. 

Merci du fond des pleurs.   

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Compte et décompte, conte sans fin ou bien conte sans faim, les histoires sont toutes belles dès lors qu’on sait les comprendre, dès lors qu’on sait prendre le temps de mesurer le sens de l’histoire, comprendre le pourquoi des choses, la raison de ce pas, fut-il de travers, son rôle et son but dans la progression sur ce qui n’est au fond que notre chemin, notre légende vivante.

Trois, comme trois, deux, un partez !

Trois comme le début d’un nouveau départ, non pas comme Troie, ville légendaire ni même son célèbre cheval de Troie, cheval de bois, ancêtre moderne de nos manèges anciens, ni même sa version plus actuelle hélas de notre monde informatique.

Trois, comme l’état premier de la stabilité, même si nos mobiliers ont délaissé cette stabilité pour une distribution plus carré des rôles, les lois de la mécanique savent combien la triangulation assure la solidité de l’édifice. Mais alors, me direz-vous, cela veut-il dire qu’un couple n’est solide que dès qu’il est trois ? Raccourci vite pris pour une situation qui ne serait que trompeuse, non, le couple n’est solide que par la règle de trois, deux êtres et un couple, relation à trois certes mais à deux pour remplir les trois rôles, sans faillir dans la distribution, sans omettre un au détriment de l’autre.

Trois. Encore.

Trois, comme trois ans. Déjà ou enfin, qu’importe la qualification des adjectifs, surtout lorsqu’il s’agit d’adverbe, ce n’est jamais la durée du temps qui passe qui en fait la teneur, il est des avancées plus spectaculaires que d’autres, d’autres moins, ainsi va le temps, pourtant, on s’échine encore à le mesurer, et pire, de le graduer pour mieux s’y référer.

Trois, comme trois mois. Un délai, un parcours, une plage, non pas de sable fin et blanc, pas plus que grossier et ocre, non ce sable là coule en sablier et égrène inexorablement la lente agonie du temps que l’on veut bien mesurer, un piège de notre mortalité.

Trois, comme trois jours. Un long week-end en quelque sorte, peuplé de choses, toutes plus fragiles les unes que les autres, juste des choses. Curieux comme une chose peut être importante pour quelques uns et sans importance pour quelques autres voire même bien plus, mais ce sont là ces bien plus qui nous perdent, la loi sans doute dite de la majorité.

Trois, comme trois heures. C’est court, c’est long, selon que l’on compte, que l’on attende, que l’on espère, que l’on courre, que l’on gagne ou bien encore que l’on perde. Peut-être là, la démonstration que ce n’est pas le temps qui compte mais bel et bien ce qu’on ne fait, et que là est la mesure, si temps est qu’il soit mesurable. Cachet d’aspirine fourni en bas de cette plage.

Trois, comme trois minutes. Un chrono lent ou rapide selon la performance mesurée. C’est court trois minutes, sauf peut-être lorsqu’on les passe sans respirer. Ce n’est donc pas le temps qui compte, mais plutôt la respiration. Comme quoi, il faut prendre le temps de respirer. Oui, mais combien de temps ?

Trois, comme trois seconde. Vous attendez la suite ? Attendez donc trois seconde, elle vient. Tout comme toutes ces pauses, téléphoniques, de parloir, de caisse, de comptoir, on vous propose d’attendre trois seconde, parfois l’inflation grimpe en minute, mais là, allez lire plus haut, juste au dessus…..

Trois, comme…. Et puis zut ! Trois, parce que trois, parce que moi, parce que je, parce qu’il, trois visions d’une même entité, trois façons d’aborder les situations, de decorréler les choses, d’oublier le temps et d’apparaitre ainsi au cours de la disparition.

Trois, comme Trois, Deux, Un…. Prêt pour le départ….      

Le retour de la rentrée

Le retour de la rentrée, ou la rentrée est de retour ? Eternel mouvement de nos vies, cycles qui marquent et rythment nos saisons d’enfance, nos saisons scolaires et nos saisons professionnelles, un départ pour un retour, logique implacable, trajet d’un point A vers un point B, équation arithmétique et géométrique à la fois, parcours en plusieurs dimensions aussi et surtout, je ne connais pas de départ ou de retour sans émotion. D’ailleurs, que serait la vie sans émotion ? En fait, la vie n’est qu’un transfert perpétuel de vies vécues dans des lieux, des espaces différents, de ces mondes où l’horloge ne tourne pas à la même cadence, il est toujours remarquable de mesurer combien les moments agréables tournent plus vite que les moments autres, une diablerie du temps sans doute, puisque ce genre de chose ne peut être considérée que comme mauvaise et donc acte de diablerie. Hélas, les graines de temps qui s’élancent et volent au vent emportent avec elles les jours d’un calendrier qui vacille, maigrissant à vue d’œil, de jour en jour pourrait-on dire, au point de ne compter que quelques mois d’ici la fin, sa fin. Un fin programmée donc ? Oui, une forme de suicide, n’en déplaise à la faculté, certains remèdes sont pire dévastateurs que les maux. Certains mots aussi sont pire que les maux, mais cela est une autre prose qu’il conviendra peut-être de tracer en d’autres temps, en d’autres lieux, d’autres écritures.

Pour le moment, l’heure est à la rentrée, le nouveau départ après une mauvaise fin, mais au fond, y a-t-il de bonnes fins ? Quitter, partir mais pas s’enfuir, non, trop de bonheurs d’être en ces lieux, d’être hors du temps, non pas le vertige de l’immortalité, non, celui d’une vie plus en phase avec sa chronicité. Un éloignement aussi, salutaire, bienfaisant, d’une réalité quotidienne, d’une vie qui n’est au fond pas une vie puisque la joie est d’être ailleurs. Déséquilibre d’un monde, écart d’un autre, déphasage ou simple vérité, la plume se dresse, court, se cambre, s’adoucit en pleins et en déliés pour dire par écrit combien de choses encore ? Ces pauses hors du temps sont aussi des pauses de lectures à plein temps, de vagabondage d’esprits libérés, de songes, appelez-les rêveries ou bien encore méditation, les neurones aussi ont droit à leur gymnastique de remise en forme. Ah ! Le sport, combien il me manque et combien il est dur de ne pas exercer. Non pour les records, les médailles et ou les coupes, non, pour cette alchimie qui réveille nos sens et les aiguise, ces hormones qui irradient notre corps jusqu’au bout des ses zygomatiques, cet air insufflé à haute dose d’oxygène, ivresse du bien-être détente par l’exercice, le tout amplifié par ces décors aimés, ces jeux de cache-cache entre lumière et ombre, soleil brulant et fraicheur forestière. Courir pour être bien et non courir pour courir, ce que me rappelle que de trop hélas cette piste fade autour du lac et du frêle cours d’eau qui m’accueille ici. Tout a une fin. Mais j’ai quand même faim d’autres fins que celle-ci. Ainsi va notre grande horloge biologique, notre grande horloge de vie active, vivement la rente ou la fin, programmée ou non, avancée ou non, hésitation perpétuelle entre deux rives, le Styx ne se traverse qu’en un sens, nous ne sommes pas meneur de la barque.

La rentrée donc, l’époque des résolutions, celle d’abord de ne pas en prendre, ou si peu, celle de clore aussi bon nombre de liens somme toute très virtuels et plutôt phagocytant, à commencer par ce modeste recueil de quelques idioties, un bon début n’est pas ? Comme quoi, toute fin n’est qu’un début, ou bien le début marque la fin….

Portez-vous bien et bonnes routes !