Alaric, il y a bien de quoi en faire toute une montagne!

Lorsqu’on prend l’autoroute de Toulouse vers Narbonne, juste après Carcassonne il est un panneau marron avec écrit dessus « Montagne d’Alaric ». Longtemps ces mots m’ont fait sourire : « une montagne ? Ils exagèrent, c’est plutôt un tas de cailloux désertique ». Mes paroles ont dû être entendues en très haut lieux puisqu’un beau jour, les chemins de l’amour et forcément du hasard qui n’existe pas m’ont conduit à faire mon mea culpa. Là, plus question d’autoroute, plutôt à partir de Carcassonne, la nationale cent  treize, avant de bifurquer sur une départementales qui n’est pas autre chose que l’ancienne nationale du temps où elle prenait encore le temps de s’en aller visiter les petits pays… Ah, oui, j’oubliais, nous avons tous notre propre langage, aussi je vais essayer de traduire au mieux les locutions logiques de nos contrées. Un pays, c’est un village avec ses terres autour, parfois d’autres villages s’en viennent faire aussi parti du pays, j’ai même entendu dire que parfois les villages finissaient par faire des départements, puis des régions et enfin un pays…. On voit bien que c’est là une mauvaise interprétation d’une règle simple : un pays, ici, c’est tout un monde partageant la même culture.


Mais revenons à notre petite route, joliment dessinée en courbes délicates, épousant le relief du piémont de cette montagne d’Alaric, les anciens eurent la bonne idée d’y planter quelques platanes sur les bords, aussi il fait bon y rouler en été et à défaut de klaxon, ce sont les cigales qui vous y accueillent. Deux villages à traverser, c’est pas le bout du monde mais tout de même… Autrefois, il y avait très peu de conducteur et, je ne sais pas si cela en était la cause ou la conséquence, très peu de voitures. L’avantage, c’est que ça roulait bien, tant mieux parce que ce premier village était vite traversé, en fait, ce n’est pas tout à fait le même pays et du coup, ces gens qui habitaient là, c’était pas tout à fait des gens à fréquenter…. Une ou deux constructions isolées entre les deux villages, surement des indécis, ne sachant ou ne voulant pas prendre parti pour l’un ou l’autre des deux pays, puis enfin, le pays, le seul, l’unique, le plus beau. J’y passe encore parfois avec émotion, mais il est vrai que c’est là la vision qui m’en a été inculquée et que j’ai bien volontairement acquise après  de longues années d’assidues fréquentations. Bizarrement, ce village réparti autour de son axe routier, semblait être loin de ladite montagne, mais après quelques pas, une rue à la pente plus prononcée puis enfin, le passage sous la cicatrice de béton de l’autoroute, les vignes se mettent à danser sur des reliefs plus ou moins prononcés trahissant une troisième dimension du genre à vous mettre les fourmis dans les jambes.  A partir de là, il y a deux chemins et j’allais dire deux écoles. Le premier, on va l’écarter très vite et vous aller comprendre : c’est une piste, d’abord goudronnée puis en gravier qui de lacet en montée vous conduit au sommet… L’autre….ah l’’autre ! Un petit chemin qui prend son départ devant un ancien four à chaux, puis se raidit histoire de jouer les durs avant d’atteindre les ruines des bergeries. Vous soufflez, j’en suis fort aise, et bien respirez maintenant !  Ecoutez les cigales, regardez les fourmis courir sur la piste ocre rouge, mais quelle est donc cette fleur qu’on croirait faite de papier crépon ? Un ciste cotonneux vous dites ? Magnifique ! Hum que ce thym embaume les doigts qui le caresse ! Les coronilles jaunes éclatant rivalisent avec le vert métallique des lavandes sans fleur, et ce qui ressemble aux genévriers ne sont en fait que des cades. Le regard se dresse, il parcourt les rangées de vignes dont les pieds bien noueux et épais traduisent les années, au loin, Foncouverte et la plaine, c’est beau, c’est grand, on y respire. Oui, c’est vrai, il y a un peu de vent aujourd’hui, Cers ou Marin, il est souvent présent et c’est tant mieux.


Mais reprenons le sentier. Il s’allonge, s’aplatit puis sans crier garde, en deux virages il se cabre et vous cambre les mollets, une vieille tuyauterie en terre cuite vernissée sort d’une crevasse, trace laissée des derniers violents orages, car ici tout est intense, les chaleurs comme les pluies, les parfums comme les pourcentage de certaines montées. Voici le vieux mur du château Saint Pierre, je ne sais si c’est là le paradis, mais il fait bon s’y poser, boire, contempler et respirer. Le plus dur est passé, oh, le chemin montera bien encore, mais les mollets ne se souviendront que de ce dernier rampaillon gravi. Au-delà de ce paradis, le sentier s’alanguit, vous offrant des vignes et des anciennes prairies à la vue, puis il s’enfonce timide dans les chênes kermès et les buis, devenant plus étroit, longeant un ancien ruisseau hélas à sec, et retrouvant les ruines d’une ancienne métairie. Une vielle borne sera un vestige d’un temps passé, peut-être une limite officielle entre templiers et cisterciens. Le sentier se rétrécit, il se redresse et rejoint la lumière… Serait-ce les cieux ? Non, la piste de tout à l’heure et ses graviers. Nous la traversons bien vite pour rejoindre le dernier morceau, le fameux cercle berceau de tant d’espèces rares : tulipes botaniques, fritillaires, orchidées, ail Moly, sans oublier thym, romarin, cistes cotonneux, lavandes, pistachiers, chèvrefeuilles et autres trésors….  Un dernier effort et nous voilà sur le toit du monde ! Oui, le monde d’ici, le sommet, appelé « le signal », six cent mètres tour rond, vous voyez bien que les choses sont bien faites ici !



Le retour ? Comment ? Vous voulez vous en retourner ?  Prenez le temps, regardez, observez, respirez, vous n’êtes pas bien ici ? Quant à moi, je fais avec plaisir souvent mon mea culpa, et même si les pas de la vie ont pris des chemins différents, les miens me réclament souvent d’aller visiter ces trésors d’Alaric dont on fait bien d’en faire toute une montagne…..     


Ailleurs

D’où suis-je ? Toujours cette manie des humains de vouloir coller des étiquettes sur chaque chose…. Mon pot de confiture à moi serait plutôt un mélange tous fruits, alors, s’il vous plait d’en rédiger l’étiquette exhaustive, de grâce cherchez un peu à le faire bien et laissez-moi en sourire. Taquin ? Oui, si cela vous sied de l’entendre ainsi. Pour vous aider un peu, je suis une âme venu habiter quelques temps un corps d’homme, né ici, habitant la planète terre, marchant et découvrant le monde toujours avec émerveillement. Le monde est vaste, il faudrait trop de colle pour vos étiquettes, resserrons le champ de vision, prenons la loupe et observons….


La randonnée pédestre comme passion. Voilà que déjà se profile els habituels clichés : chaussures lourdes, sac à dos énorme, sommets à escalader, marches sur plusieurs semaines, presque un baroudeur de l’extrême, là, je dis oui, si l’extrême est une glace au cœur tendre, sinon, non, la randonnée pédestre est une expression hautement commerciale pour traduire une forme de marche à pied sur des itinéraires plus ou moins balisés. Balisé ne veut pas dire avoir peur mais simplement que pour éviter les érosions liées à de fréquents passages, il a été pris l’habitude de marquer de quelques repères, souvent des traits de couleurs, le sentier à emprunter, laissant ainsi à la nature le droit de pousser librement et sans piétinement. On peut certes marcher pour marcher, tout comme on peut aussi courir tous les jours sur un même parcours voire en faisant plusieurs fois le tour d’un même parcours, un stade, un lac, un bout de rue… A chacun ses plaisirs, personnellement, ce sont les grands espaces qui ont toujours ma préférence et si mes premiers pas se firent en montagne du côté de Cauterets, mes premières randonnées et balades eurent pour champs d’application les prairies, les sous-bois et les chemins communaux d’un coin d’Ariège. De quoi forger les mollets, le caractère et hésiter entre une grande carrière de spéléologue éternellement débutant et celle plus prometteuse de lecture des mille et une richesses de notre mère nature. Chemin faisant, l’enfance grandit et s’enfuit dans les méandres de l’adulte terre, ainsi s’en vient les premiers boulots, le temps d’être mono enfin non, animateur de centre de vacances expatrié en terres audoises, le massif de la clape comme nid. Massif ? Oui, trois cent onze mètres d’altitude sous la toise tout de même. La Clape, un nom qui veut dire « tas de cailloux », une ancienne ile de l’ancienne méditerranée du temps où elle habitait encore Narbonne. De ce temps-là j’ai appris deux choses essentielles : La première, c’est l’échange. La seconde c’est qu’on n’apprend jamais que par soi-même.


L’échange, c’est d’abord une phase d’apprivoisement, il faut oublier et faire oublier la méfiance. Dire bonjour, merci et au revoir, mes parents me l’ont appris et je les en remercie, ce sont des clés importantes dans la vie. Une fois ces premiers mots magiques échangés, il y a le mélange des accents, le tutoiement facile de notre midi, et l’envie d’écouter, d’apprendre, de découvrir ce monde nouveau où nous sommes appelés à vivre tous ensemble durant de longues semaines. Mot à mot, jour après jour ce sont des complicités qui se sont installées, puis la découverte d’un lieu, d’un village, d’un endroit magique et j’allais dire magnétique tant l’attirance sur ces collines odorantes où ce ne sont pas les sirènes mais les cigales qui chantent pour finir par vous faire chavirer. Gardien et homme à tout faire du château, cuisinière, femmes de ménage, lingère c’est toute une petite famille dont je me souviens encore avec émotion aujourd’hui, peut-être bien aussi parce que mes origines et mes racines sont populaires et hautement rurales, le terroir parle au terroir, quel qu’il soit. Intéressez-vous et  sachez écoutez, vous apprendrez toujours.


Apprendre, ça on est sensé savoir. Depuis tant d’année de bourrage de crâne, de livres engloutis, de leçons apprises par cœur, comment ne pas avoir le réflexe quasi inné de lire pour savoir ? Pas si simple, on apprend parce qu’on veut apprendre, c’est là le départ, ensuite, la faim suggérant les moyens, on construit brique après brique les couches de sa propre connaissance. C’est ainsi que j’ai connu les souterrains du château et la puissante chaufferie qui y était construite, des étiquettes aux lettres tracées à la plume d’un autre siècle indiquaient les clés à tourner pour diriger l’air chaud vers telle ou telle partie de la demeure. C’est ainsi que j’ai appris à lire les sentiers dans la pinède et à contourner les ruines de deux vieux moulins pour en quelques pas rejoindre le village voisin, c’est comme ça que j’ai su que prendre telle ruelle conduisait directement à l’ancienne carrière et sa collection de fossile caché dans presque chaque pierre, autant de futures idées de balades pour des enfants avides de se dégourdir les gambettes et de jouer les explorateurs.


Echanger et apprendre, ce sont les deux leviers de la construction. Donner sa vision, son expérience des choses et entendre un autre point de vue, accueillir une meilleure façon de faire, un chemin plus court, le nom latin et surtout le truculent nom populaire d’une herbe, sans oublier les recettes qui vont avec…. Comment voulez-vous que je ne sois pas gourmand de ces belles et bonnes choses ?

       



Autrement

Qui suis-je ? Longtemps j’ai cru être extraterrestre tant je ne me retrouvais pas dans mes semblables, les limites du clonage sans doute. On peut très bien être d’apparence semblable et être semblablement différent, non ? La facilité de pensée, l’art du chemin le plus court conduit à penser simple « je ne suis pas comme eux, je donc différent et si j’étais extraterrestre, oui, c’est bien ça ». Simpliste. Pas si simple mais au fond, juste retour des choses d’un passé simple. Mais au fond, qui sommes-nous, nous tous ? Des âmes en transit voyageant dans des corps d’humains, poursuivant leurs études et traversant les épreuves qui les élèveront jusqu’au niveau supérieur afin d’atteindre l’ultime, celui qui ne requiert plus de voyages hors du monde premier, celui qui ne nécessite plus d’épreuve pour franchir un palier. Ainsi les choses s’expliquent, chaque être court vers son propre but, traverse ses propres épreuves et avance selon son propre rythme. Ce n’est pas une scolarité de masse imposant à une classe entière un même enseignement pour une même progression, c’est au contraire un enseignement personnalisé pour chacun parmi la multitude. Inutile de copier, il n’y a pas de triche possible, personne ne peut griller ses étapes, au risque de recommencer le parcours.


Parmi tout ce jolie monde d’éternels apprentis, il y en a qui reviennent pour un dernier passage, pour voir avec leur expérience ce que sont ces épreuves et ces modes d’apprentissages ou d’autres qui reviennent chercher une compétence égarée lors des précédents chemins malgré la fin de leur cycle. Ces êtres-ci ne peuvent pas vraiment communiquer avec les autres car les longueurs d’ondes sont différentes, les visions plus globales et lointaines, ils ne peuvent que tendre la main et l’oreille, apporter de la lumière sur certaines zones d’ombres mais ils sont destinés à errer sans jamais se fixer vraiment. Ce n’est pas le plus facile à vivre, du moins tant qu’on ne le sait pas, et surtout, lorsqu’on le sait, lorsqu’on le réalise, faut-il encore le comprendre et l’accepter. Lorsque ce jour arrive, on ne cherche plus la différence sur un plan opposant les terriens des extraterrestres, on se réveille âme dans son costume d’humain et on comprend notre rôle et notre quête. Le temps n’est plus le même, la vision de ce monde non plus. C’est assez étrange comme la vision de la vie peut-être dictée par la façon dont on vit.


Il y a comme un bonheur considérable de savoir ne rien attendre, de vivre sans peur, de se focaliser sur sa propre mission, au fond très humaniste. Retrouver ses anciens acquis, reprendre ses propres pouvoirs en main, agir pour le bien et mieux, agir pour le mieux. Inutile de chercher pourquoi, les « pourquoi » sont des questions imbéciles, elles renvoient à l’antériorité des choses au lieu d’aider et de diriger l’esprit vers le « comment », vers la mise en pratique et donc la succession des choses. Inutile d’attendre. Inutile de chercher. Marcher. Avancer. Croire et croitre. Dire « je crois » et penser les deux, n’est-ce pas là la puissance ultime de la vie ? Hélas, ce qui devient bonheur pour soi, reste méfiance pour les autres, nous ne partageons jamais les mêmes visions, nous ne sommes pas dans les mêmes parcours, comment comprendre dès lors ce qui est loin devant soi ? Il faudrait être extra lucide ou bien communicant avec des entités plus éclairées mais cela est une autre histoire… Ce n’est pas un rejet, c’est une méconnaissance et donc un refus. Il n’est guère plus confortable d’être refusé que rejeté, c’est ainsi mais au moins le sait-on. Pourquoi écrire alors ? Parce que nous ne sommes plus loin d’un terme équivalent à une sortie de tunnel. De l’obscurité naitra la lumière et cette lumière aveuglera les apprentis, elle les terrassera et lorsque les premiers se relèveront, ils auront soif de recherches, de savoirs, de comprendre et de connaissances, alors ces mots aujourd’hui incompris prendront tout leur sens.


L’Homme cherche le sens de la vie jusqu’aux tréfonds des planètes extérieures à notre système solaire, il n’est pas encore prêt à chercher en lui. De tous les voyages que l’on fait, on passe souvent à côté des plus près, parfois les plus beaux. Inutile de se sentir étranger, encore moins extraterrestre. La différence s’exprime par les absences de points communs et de partage. On vit très bien lorsqu’on est différent, on vit encore mieux lorsqu’on accepte les différences. Vraiment. Il y a toujours matière à échanger, non ?           





Partir sur les chemins de traverse

Partir sur les chemins de traverse, traverser mille paysages en quelques kilomètres, rouler sur les petites routes de campagnes à allure réduite, se garer puis chausser les chaussures de marche et partir à l’encontre des sentiers et des populations, c’est un plaisir sans cesse renouvelé, un plaisir à vivre, sans limite. Il existe partout autour de nous des endroits non pas secrets mais délaissés, des lieux non à la mode, et c’est tant mieux, il est si bon d’arpenter la nature sans y rencontrer la foule ni les fruits de la foule. Un coin de garrigue, l’espace d’un maquis, des champs de vignes plantées selon les contours d’un relief, un chemin serpentant aux travers des parcelles, bien loin de la rectitude froide des remembrements, des rejetons des vieux oliviers détruits par le terrible gel de mille neuf cent cinquante-six, des amandiers aux amandes amères car non greffées et toute la richesse des plantes locale. Comment ne pas s’y intéresser ?  Comment ne pas avoir l’envie de connaitre le nom des frêles cistes cotonneux, la délicatesse d’un pistachier, le parfum puissant d’un chèvrefeuille sauvage, les thyms aux fleurs mauves ou blanches, les romarins de bleu ou de blanc parés, le jaune éclatant des coronilles, le mauve délicat des aphyllanthes de Montpellier, autant de raison d’en vouloir savoir plus… La tranquillité du sentier ensoleillé nous permet d’y rencontrer le long des pierres chauffées le grand lézard vert et sa gorge bleue, un animal toujours spectaculaire à voir. Plus loin ce sont les premiers papillons et les parade d’autres insectes butinant, la course des fourmis en travers du sentier, tandis que des chenilles entament leur procession pour rejoindre un pin à épuiser. Il n’y a pas de raison de presser le pas, il y a toujours matière à s’émerveiller.


Mais où sont ces endroits ?

Il en existe des tas, et rien que par la mémoire des pas je citerai bien volontiers ceux en corse, dans le Gard, le Lubéron, autour des gorges du Verdon, dans les calanques de Cassis, dans le massif de la Clape, aux travers de la montagne Alaric, entre Minervois et Corbières, bref, partout dans un grand midi qui irait de l’océan aux Alpes, là où le climat favorise la pousse de bon nombre d’espèces si nombreuses et si belles. Des sentiers, il en existe partout, cette saison est propice aux balades et randonnées pour en découvrir les couleurs de la flore tout comme les couleurs de rares espèces endémiques de chaque coin, fritillaires, tulipes et jonquilles botaniques, orchidées, ail mauve, blanc ou jaune, l’appareil photo en bandoulière ne cesse de crépiter pour en constituer un bel herbier sans prédation autres qu’un cliché numérique. Les endroits les plus fréquentés subissent la dégradation des groupes, arrachage des thyms, bris des romarins, tentative d’extorsion des iris sauvages ou autres lavandes papillons…. Stop ! Ouvrez vos yeux, regardez ces plantes en symbiose dans leur environnement, prenez conscience qu’ici elles poussent bien et exhalent de mille senteurs parce que le terroir leur est propice, et non, vous ne reconstituerez jamais pareil sol dans vos jardinières ou vos plates-bandes. Et puis, si chacun s’en vient arracher une plante, couper une tige, quel sera à votre avis le résultat pour la flore et la faune demain ? Sachez qu’il existe des pépinières spécialisées pour retrouver certaines plantes du maquis, sachez aussi que les températures, l’hygrométrie, le type de sol d’ici ne sont pas identiques ailleurs. En résumé, cueillez-les en photos, en peintures ou d’un simple regard, passez délicatement votre main sur ces plantes et ainsi, d’une caresse douce vous en cueillerez les essences dont vous aurez plaisirs à éveiller vos sens olfactifs. Prenez le temps de voir, sentir et reconnaitre les plantes, pas beaucoup, une ou deux à la fois. Lentement, lettre après lettre, l’alphabet des trésors de la garrigue s’offrira à vous. Attention aux connaisseurs, ils sont parfois trop prolixes dans les détails et la richesse de choses de leurs connaissances. Parfois, c’est plus ennuyeux, ils en mélangent les noms, confusion pénible puisqu’ainsi, elle se perpétue !  Un exemple frappant : combien de gens, surement peu habitués du pourtour méditerranéen confondent allégrement « asperges sauvages » et « respountchous ». Les deux se consomment. La première, fine et délicate, pousse dans la garrigue ensoleillée des régions proches de la mer. Elle est de la famille des « Asparagus » tout comme ses cousines de table, blanches, vertes ou violettes dont elle reprend le goût mais en beaucoup plus prononcé. Elle disparait hélas du fait des prédations mercantiles et viles et l’évocation de sauvages omelettes en cours de randonnées met immanquablement l’eau à la bouche… L’autre pousse dans les haies, les talus tout autour du pays toulousain, Tarn, Aveyron, Ariège, Gers, Haute-Garonne et autres, c’est en fait une liane, cousine du liseron dont le nom français est « tamier commun » ou « herbe aux femmes battues » de la famille des « ignames Dioscoreaceae ». Un goût forcément différent, plus amer et nécessitant d’autres préparations avant de le consommer. Le nom local de « respountchous » vient en fait du patois désormais appelé « occitan »…. Autant confondre le thym et le romarin ! Pourquoi cette confusion ? Peut-être bien parce qu’au moment de la cueillette, la partie tendre à prélever se ressemble : une tige verte aux bourgeons encore plaqués contre elle, une forme d’asperge en réduction, mais si l’asperge sauvage pousse depuis le sol, issue de sa matte aux feuillages très similaire à l’asparagus de nos appartements, le tamier lui, sera en port retombant, la tige à cueillir au bout d’une liane au bois déjà dur. Les feuilles sont en forme de cœur, mieux proportionné que celles de la salsepareille, qui elle se reconnait à ses feuilles en forme de cœur très allongé ! Une attention de tous les instants, chaque plante est unique si on prend le temps de bien les observer…



Quelques pas dans ces garrigues, quelques photos, un bon livre ou bien un peu de recherche sur internet et l’appui de quelques amoureux des lieux et des plantes, vous trouverez bien vite une nouvelle façon de marcher mais surtout, d’y prendre du plaisir….. Ne boudons pas notre plaisir !


Puisque tout va trop vite....

Dans une époque superlative, où tout va plus vite, où tout est plus puissant, où tout doit être plus grand, comment ne pas être ravi de cet engouement pour le tout opposé, le minimalisme et le dépouillement symbolisé en matière d’automobile par la Citroën 2CV par exemple. Ni un bolide, ni un objet de design, rien d’électronique ou presque, des pneus semblant ridicules au vu des modèles actuels, mais l’essentiel et son superflu, un vrai toit ouvrant digne d’un cabriolet, quatre portes, quatre places, du plaisir à l’état pur, encore faut-il savoir goûter aux plaisirs simples… Mais la 2CV c’est aussi et surtout des trésors d’ingéniosité, le minimalisme est un art, et à l’heure où la mode est au Feng shui et autres zen attitudes, cette voiture dont les premiers tours de roues remontent aux années trente, a su et sait encore développer l’art de la transformation et de l’utilisation de l’espace. Jusqu’à sa forme rondouillarde, ses lignes courbes que les penchants cocooning ne renieraient pas, elle habille avec légèreté ses passagers. Côté technique, sous des airs de ne pas y toucher, malgré un aspect simpliste qui fait penser qu’on peut se dépanner avec un bout de fil de fer, un tournevis et un peu d’adhésif,  elle utilise des techniques assez poussées en matière de suspension notamment, pour le bien du confort et de la tenue de route. C’est peut-être bien pour cela que cette auto à la longue carrière fait encore partie intégrante de nos paysages routiers, même si hélas, la hausse des prix en change l’usage et la clientèle….


Une grand-mère, oui, depuis les années trente, la 2CV type A a eu une belle et noble descendance déclinée selon l’alphabet secret d’un constructeur habitué aux génies dignes d’un Da Vinci code : AZ, AZL, AZLP, AZAM, AZKA, AZKB, AU, AZU, AKB, AKAK, …. Les gènes de la 2CV se multiplient en versions, en portes de malle en tôle, en phares carrés, en motorisation de plus forte cylindrée, en utilitaires, en charge acceptables puis, mutation suprême de la 2CV nait la diversité d’une gamme d’un constructeur :  AMI 6, 8 et super, Dyane 4 et 6, Méhari, Acadiane pour ne rester que dans un contexte « chassis et technique »…. Si l’on s’en tient à la seule motorisation, c’est les LN, LNA, VISA, Tangara, Katar Pony, FAP, Baby Brousse, et d’autres encore jusqu’aux militaires fardier de Lohr, la liste est longue et difficilement exhaustive selon les degrés de purisme. Comme quoi, la simplicité ça a du bon, non ?


Alors, oui, prenons le temps, roulons au rythme palpitant du deux cylindres, bien lancé dans les descentes pour gravir les montées qui suivent, prenons du plaisir à sentir vivre une auto, rien ici n’est aseptisé, et puis, une camionnette, 2cv ou Acadiane, quelques affaires dedans et vogue l’aventure, vous voilà dans un camping-car de luxe, le luxe de rouler différent, de prendre son temps, de lire les sourires et les gestes de sympathies le long des routes, certes, un peu moins dans les visages renfrognés des conducteurs qui vous collent aux basques comme si cela pouvait par simple magie vous faire aller plus vite…. Et puis quoi ! Pourquoi d’abord ? Soyons fous, roulons autrement, vivons la route au grand air, à petite vitesse et en profitant pleinement des paysages, parfois hélas aussi des rampes d’arrosage d’agriculteurs trop zélés voulant sans doute que pousse un peu mieux le goudron… Mais ça, c’est aussi le cas avec votre splendide coupé-cabriolet dernier cri tout électrique, à moins que la vitesse pourtant inadaptée à certains de ces itinéraires ne vous en dispense ?


Allez, ouvrez l’œil et soyez sympa, un geste, un sourire, ces bolides tout comme pas mal d’anciennes (auto, vous avez bien compris) roulent bien plus lentement que le commun des quadricycles mortels de nos jours, un peu de patience et partageons la route, autrement… Et puis, les freinages aussi en sont différent, évitons les dépassements hasardeux et les insertions à l’arrache grâce à vos puissants ABS, comprendre les différences c’est apprendre à se conduire et à conduire différemment….

  

Lucie

Je ne sais plus quel âge tu aurais, au fond, je n’ai jamais vraiment calculé, ni même oublié. Il ‘y a pas eu de cris, il n’y a plus que des silences, et au fil du temps, les années passent et alignent les silences dans un bruit assourdissant. Petite fille aux cheveux blonds, l’enfance ne s’imagine qu’avec des cheveux blonds, douceur d’une couleur pour douceur de mémoire, mais tu eues été brune que je t’aurai quand même bien aimé, qui sait même davantage en regard de mes ex cheveux noirs. Il y a toujours un côté noir dans les histoires, je n’y peux rien, ce sont mes cheveux d’après naissance. Tu serais un soir d’été ou d’hiver, le printemps et l’automne m’auraient ravi tout autant, un jour de pluie, un jour de gris, un jour de beau temps, et quand bien même ce fut une nuit, elle aurait été la plus belle de mes nuits. De cette nuit serait née la lumière, Lucie. Mais de toi, je ne sais rien, tandis que je sais si bien tout ce que nous aurions fait. Tes frères et tes sœurs seraient-ils venus bousculer notre monde ? Certainement, mais comme toute construction, un mur ne démarre jamais que sur sa première pierre. Là, les fondations sont restées de marbre et les herbes folles ont recouvert les traces d’un début d’histoire, d’un début de vie, de départs de vies.


Je ne sais pas pourquoi, ces jours-ci c’est à toi que je pense, peut-être le blanc des cheveux qui s’en vient mettre son grain de sel, peut-être les moments où l’on se force à se poser, puis le regard dans le rétroviseur sur cette autoroute où tout va décidément trop vite, je ne saurais pas dire. C’est ainsi. J’ai aimé, j’ai désiré, mais tous les amours ne sont pas parents, mais tous les désirs ne sont pas féconds. De cette vie stérile aujourd’hui, il pleure des images, des tourbillons d’immobilismes, des étapes, des choix et des non choix, c’est ainsi que la vie s’écrit chez les humains. Il est facile d’imaginer ce qui aurait pu être, il est facile d’en disserter, il est moins évident d’en être serein. L’heure est peut-être bien au spleen, sans qu’il soit l’heure des longues nuits d’été, c’est comme ça, je suis désolé si je déboule comme cela, si je viens te déranger dans le cours de ta vie, si l’ombre de nos chemins un instant se sont croisées, au fond, nous vivons tous les deux dans notre propre ombre. C’est bizarre l’âge adulte, ça vous arrive sur la pointe des pieds et d’un coup votre parcours bascule de l’enfance à plus grand, plus vieux voire même plus encore. On ne choisit pas, les expériences de vie en dresse le tableau, certains sont adultes à l’âge d’enfant, d’autres sont enfants à l’âge d’adultes.


Je ne sais jamais dire l’âge des gens, peut-être bien parce que j’ai perdu mon âge en chemin mais je crois bien être en train de recroiser mon chemin. Une boucle de l’histoire qui vient éveiller une boucle de cheveux blonds, une randonnée en plusieurs tours, voilà qui forcément joue des tours. Peut-être est-ce ce parcours sur des pas déjà posés qui impose ce sentiment de déjà vu, qui génère de la lassitude et un mal être de cette vie dans son impression d’en avoir déjà fait le tour. La pause s’impose, c’est nécessaire et salutaire, aussi je te regarde partir, dans ces moments fragiles où les départs ne sonnent jamais comme des adieux et pourtant… Le constat est simple : tu es partie avant même d’être arrivée, tout comme tes frères et sœurs, nous nous sommes croisés qu’en rêves, en désirs non partagés et aujourd’hui la plage reste vide, le frigo sans dessins et les murs ne résonnent pas de ces rires d’enfants. Il est temps de refermer l’album, le sourire se ferme, les yeux brillent un peu, il n’est jamais évident de poser les points en bout de phase.



Je ne sais que dire d’autre, les mots ne saignent plus, les lettres se travestissent et disparaissent dans ces boites à sens où chacun lit ce qu’il veut bien y lire. Liberté ultime, nous avons beau partager les mêmes codes, nous ne pensons jamais tous à l’identique, et c’est tant mieux, n’en déplaisent aux dirigeants et aux dictateurs, parfois les mêmes, parfois différents. Et si en refermant le livre, les ondes se mettent à diffuser un Pascal Obispo chantant « Lucie » il se pourrait bien qu’il n’y ait point de hasard à ce que les paroles m’en soient sensibles…    

   

Au clair de la lune...

Se lever à l’aube pas encore née, avancer le pas mal assuré et encore endormi à la lueur de la lampe frontale, sentir sur la peau l’air vif et gaillard d’une nuit vivant ses dernières heures, gravir lentement cette masse sombre se détachant de ce ciel bleu nuit. Un moment hors du temps, un envie, un besoin, choisir une nuit dégagée, sans nuage, se sentir minuscule, écrasé par la voute étoilée,  goûter cet air frais qui vous glace les poumons tandis que les muscles se réchauffent dans l’effort de la montée. Le cerveau se réveille à grand coup d’oxygène, la vision s’habitue à la faible lumière, la mémoire s’en vient compenser les zones d’ombres, peu à peu le sentier renait dans la lumière de l’esprit. Combien de fois a-t’ il été emprunté ? Courses folles, rapides ou bien lentes, selon les clients, selon les amitiés, selon les groupes, être guide n’est pas toujours une sinécure et si le bonheur est de pouvoir faire partager sa passion de la montagne, il est des fois où cela revient à parler dans le vide, les mots heurtent un mur sans y trouver un écho. Il se souvient de ses débuts, ces attitudes le peinaient et le révoltaient, puis au fil du temps, au fil des pas, il est passé outre, quel que soit le groupe, il y a toujours une barrière, un mur invisible qui sépare le guide des clients. C’est ainsi et s’il passe pour un ours, tant pis, ceux qui sont ici aujourd’hui ne seront plus là demain, les randonnées sont comme la vie, elles ont un début, une fin, elles franchissent des marches, des obstacles mais elles ont pour objectif un but à atteindre, fut-il un pic, un col, un lac, et le rythme à y donner est celui qui permettra d’atteindre ce but, d’accomplir son objectif.


Il marchait seul dans cette nuit étoilée et fraiche, l’odeur de suint des troupeaux agglutinés pour le repos venait lui titiller les narines. Son pas venait perturber le silence des lieux, quelques sonnailles trahissaient les mouvements de tête des bêtes. La montagne vit par tous ces sons, ces odeurs, par ses habitants, sauvages ou bien parqués, jusqu’aux vols de chauves-souris cherchant dans l’air quelques insectes à croquer… Voici le premier col, de là, il basculait sur un autre versant, les sensations en devenaient différentes, désormais la pleine lune éclairait les rochers, le sentier plus lisible et le pas plus reposé. D’abord un faux plat, puis la montée, quelques lacets jusqu’à un autre petit col, un point de bascule vers une autre vallée, un point de rupture vers le pic, c’est là qu’il voulait aller. Une marche rapide, arriver trop tard serait dommage et puis aujourd’hui, il pouvait marcher à sa guise, autant en profiter. Les anciens bâtiments en ruines marquaient le col, leurs formes jouant à la lumière lunaire donnaient des ombres fantastiques à cette course en solitaire. Encore quelques pas et il pourrait toucher leurs pierres, oser le sac et grignoter quelques fruits secs, une gorgée d’eau avant de gravir le mythique sommet. Les vieux bâtiments servaient autrefois d’abris pour les premiers astronomes, bien avant que ne se construise là-haut le grand observatoire et ses télescopes dont les coupoles luisaient à présent sous la lune.


La pente plus raide, les muscles refroidis par la pause mais le cœur chaud par la réussite de sa  course, le sommet est là, tout proche, encore quelques centaines de mètres à gravir mais la nuit est toujours là, tant mieux. Bien sûr, il y a les structures de bétons et d’acier qui dénature un peu, mais c’est surtout cette grande plateforme qui désormais lui tend les grilles, vaste point dégagé sur trois cent soixante degrés, des sommets tout autour aux neiges brillantes sous la lune faiblissante. Là, poser le sac, revêtir la veste polaire et bien ouvrir les yeux. Attendre encore un peu, mais voilà qui déjà se profile à l’horizon une larme jaune orangé du jour qui nait. C’est là la magie du moment, la récompense des efforts accomplis, la victoire sur le regret de quitter sa couette, là, devant soi, voir le jour se lever, puis peu à peu, le soleil prendre de l’assurance et faire briller de mille feux les pointes encore blanches de tous ces pics amis de mille et une courses. Voir cela, puis la nature frissonner, les brouillards sortir de terre et se condenser en s’étirant dans les creux de vallée, voir tout cela d’en haut, voir, il n’y a rien de plus beau. Magie du spectacle offert, récompense ultime de cette communion, chaque jour en ces lieux il y a mille aventures, mille départs à prendre, mille plaisirs à cueillir…


Tout est toujours à porter de nos doigts, mais pourquoi ne les desserrons-nous pas ? Il n’y a aucun plaisir à serrer les poings, aucune joie à se dire « demain je … » Demain est aujourd’hui, car aujourd’hui lui, vit. Le présent est un présent du présent, le futur sera toujours bien futur, le passé lui est dépassé. C’est aujourd’hui qu’il faut vivre. Ici, comme ailleurs. Tout est toujours à porter de nos doigts.



      

Repos, en paix

Y-a-t’ il eut un cri ? Y-a-t’ il eut un bruit ? Une détonation ? Personne ne sait mais tout le monde parle, la foule se presse devant cet océan glouton où l’homme est tombé. Les foules, ça a soif de sang, surtout du sang des autres, de ces autres lointains qui ne sont pas de leur monde. La foule, c’est un vampire qui vous suce le sang jusqu’à la moelle, elle s’agite, elle cri, elle s’indigne, après tout elle a raison, pourquoi n’y-a-t’ il pas de garde-corps devant l’océan ? Et puis, c’est qui, c’est quoi cet homme au juste, personne ne le connait, mais tout le monde l’a déjà vu, marchant ici, assis là, pas bouger, coucher, au pied, un quidam sans âme, un étranger de leur monde, un oubli du temps qu’on oublie de voir, question d’habitude.

L’homme a plongé, seul, il parait, de son plein gré, ça, c’est que cherche à élucider les enquêteurs…. Son corps n’est pas là, on a bien cherché, enfin, on a regardé, ici, là, vers les rochers, mais rien, ce n’est pas grave, l’océan le recrachera d’ici quelques jours, c’est toujours comme ça qu’il fait. Au fond, l’océan, ça vous avale un homme mais ça ne le digère pas bien, alors il le recrache un peu plus loin. On verra bien. Il n’a pas laissé de chaussures, il n’a pas laissé de ceinture, il n’a pas laissé ses blessures, non, rien, pas même une lettre, pas même un mot pour dire quoi ? A qui ? Bizarre quand même… Personne n’a rien vu, tout le monde sait, il était grand, il était moyen, il était blanc, il était noir, il portait un manteau, il était torse nu, il était comme il fut.

Quel homme étrange. Un être comme il en existe plein, parfait inconnu aux yeux des gens trop connus, parfait quidam pour les êtres d’un monde à la dérive. Un homme seul, comme un clown qui a fini de faire rire, d’ailleurs, faire rire ne le faisait plus vraiment rire, il avait fait le tour de ses tours, quant aux tours de piste, il avait l’impression d’y tourner en rond. Ce soir la tête était plus grise, plus lourde, c’était un jour comme un jour de trop. Ce soir, c’était un samedi comme un lundi, un dimanche comme un mardi, les jours n’avaient plus d’importance depuis longtemps, les semaines ressemblaient aux semaines, paires, impaires et manque à chaque coup. Les mois pesaient les mêmes poids lourds que les poids de l’ennui. Ce soir il a ouvert les cages, il a regardé s’envoler les poissons dorés, il a regardé s’éloigner les deux fauves comme s’ils partaient faire un simple tour, puis il a fermé à double tour la roulotte de bois, les volets clos sur l’armoire aux maigres souvenirs, la perruque aux cheveux rouges, le miroir aux maquillages, le nez rouge posé dans le vieux cendrier. Pas même un baluchon, pas même un bouquin, juste lui et ses blessures, juste lui et puis rien….

Quelques pas malhabiles et nonchalants vers l’océan noir et froid. Les dernières images, les draps que l’on tire sur un lit froid le matin lorsque la nuit vous a happé sur le vieux canapé, quelques pas qui ne se froissent plus de plaisirs, quelques draps qui ne saignent plus, des objets à histoires, encore faudrait-il qu’ils parlent pour vous raconter, quelques joies, quelques soupirs, et le froid déjà froid. Il avance sûr de lui, sur le sable humide et tremblant, il n’entend que les vagues qui lui disent : « allez viens ! » …. La suite, personne ne sait, un coup de feu, un plouf sourd, un cri, un silence, l’océan efface les marges du temps, les marges d’un monde qui n’aime pas ceux qui écrivent dans la marge. Peut-être a-t’ il écrit sur le sable, peut-être a-t’ il laissé un message aux coquillages « je n’ai rien à déclarer, laisser-moi disparaitre de vos frêles mémoires, ne cherchez pas à comprendre, ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut commencer, on ne lit jamais une histoire en commençant par la fin, fut-elle une vie… » Y-a-t’ il eut un cri ? Y-a-t’ il eut un bruit ? Une détonation ? Personne ne sait mais tout le monde parle, la foule se presse devant cet océan glouton où l’homme est tombé.




« Elle n’est pas drôle ton histoire ! » « Je sais, la vie vois-tu, ce n’est pas toujours drôle, de temps en temps, elle aime bien se faire oublier, disparaitre dans le grand océan des anonymes, tout comme on sait l’oublier certains soir de rire, alors oui, c’est pas drôle mais elle aimerait qu’on lui foute la paix….. Un jour mon grand, tu comprendras… »


Il n'y a pas là de quoi en faire tout un pastis !

Qui n’a jamais visité le département des Landes sans avoir vu ou touché, peut-être même emporté de ces pots de terre cuite servant à recueillir les gouttes de résine ? Pratique ancestrale, d’un geste sûr et ferme la petite hache ôte l’écorce et révèle une large balafre blanche sur le tronc gris des pins maritimes, puis un clou est planté dans le bois pour y poser le pot, parfois quelques lames de métal s’en viennent diriger les perles de résine vers le réceptacle. Lent travail de la nature, l’arbre saigne et le pot peu à peu se rempli. C’est là le gemmage.


Le pot plein, le résinier le vide dans une barrique et le remet en place, profitant pour nettoyer la plaie, parfois la scarifier un peu plus, les gouttes de résine sont émises par l’arbre pour se protéger et cicatriser sa blessure, en coulant, la résine se durcit et fera peu à peu un masque protecteur, mais c’est là sans compter avec le résinier, dont le travail consiste, bien au contraire, à faire pleurer le plus possible l’arbre pour en obtenir de plus en plus de résine… Jeu cruel, c’est une façon de voir les choses, mais le résinier, comme tout être vivant de la nature, sait prélever sans épuiser les ressources, il veillera à ne point trop extraire de matière pour ne pas faire dépérir l’arbre. Un arbre ne se gemme qu’à partir de ses trente ans et la forêt reste une ressource importante par le bois, la résine et bien d’autres produits.


Cette résine mis en tonneau sera ensuite travaillée durant les mois d’hiver, fournissant deux matières : l’essence de térébenthine et la colophane. Ces deux produits seront vendus pour devenir matière première de bien des produits allant des vernis aux peintures, des pneus aux chewing-gums pour ne citer que quelques principaux. C’est aussi par ses débouchés que la filière c’est épuisée : selon les grandes lois du commerce mondial, il revient moins cher de faire venir des hectolitres d’essence de térébenthine ou bien des tonnes de colophane de l’autre bout du globe, il est bien des endroits où la main d’œuvre coûte bien moins et le prix du produit final réduit. On a beau dire que le prix s’oublie mais que la qualité reste, nos pins des Landes ne sont plus gemmés qu’en quelques occasion du devoir de mémoire, dans l’espace  d’un musée, d’une commune veillant à l’entretien de ses racines ou bien à la farouche volonté de quelques irréductibles surement descendants d’Astérix, Obélix mais surtout à idées fixes.


Les pots me direz-vous…. Et bien si vous pouvez en trouver sur quelques piquets de clôture dans les campagnes éloignées des plages à touristes, ceux que vous verrez sur les marchés auront de fortes chances de sentir tout autant la Chine que la cire qui les remplissent, histoire d’y ajouter une fonction éclairante et amusante. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Bien sûr, vous trouverez mille cartes postales représentant le doux folklore landais, ces bergers habillés en peaux de moutons et haut perchés sur les « tchanques », ces bouts de bois que la France nomme échasses; Un bon nombre de personnes se plaisent à contempler sur le bassin d’Arcachon "les cabanes tchanquées", maison sur pilotis posées au-dessus des flots sans en faire le rapprochement.... Ces "tchanques", les anciens bergers s’en servaient pour traverser à pied sec les marécages des landes d’alors, situation idéale pour surveiller le troupeau des moutons qui paissaient en sous-bois. Bien sûr vous verrez encore des cartes postales montrant ces pots accrochés aux troncs, la symbolique et les traditions ont du bon dès lors que le sens du commerce les rejoint. Et bien sûr, je vous invite à aller visiter ces espaces de mémoire, ces lieux où le temps fut posé pour laisser voir ses images du passé trop vite disparues sous le voile du temps. Le voile est un intrus à combattre, il met un masque sur les plus belles des choses, il est bon de temps en temps savoir le soulever, l’ôter et lui demander de mettre les voiles….


Pour terminer, que dire, si ce n’est qu’il est bon de marcher, courir ou farnienter sous les pins. Les odeurs en deviennent senteurs, véritables huiles essentielles non passées par des distillations industrielles qu’une étiquette belle et bio ne saurait faire disparaitre des esprits rompus aux volumes vendus, et pour peu que les embruns de l’océan tout proche s’en viennent renforcer vos sens, vous ne pourrez que garder un souvenir tendre et gourmand de votre séjour landais…. Et si en plus, vous vous prenez aux jeux des gourmandises, les pastis, tourtières et autres trésors sauront caresser vos papilles pour un plaisir des sens… Prenons garde aux faux-amis : ici, le pastis ne se boit pas, il se mange ; Vieux mot dérivé de « pâtisserie » il est un gâteau différent en chaque région occitane qui se nomme « pastis », le pastis landais n’est pas le pastis du Quercy pour ne citer que deux de mes préférés et pour corser le tout, la tourtière sur la côte ressemble fort à un pastis du Quercy ! Comme quoi, il ne sert à rien de lire un mot pour en déduire le sens, ici, chaque mot prend son sens et non pas celui du voisin….


A bon entendeur….. Il n’y a pas là de quoi en faire tout un pastis !           


Silence et respiration....

Silence et respiration, se taire et laisser se calmer le rythme cardiaque, respirer calmement et écouter sa respiration, le monde s’agite sans cesse, qu’il s’agite tout seul, l’heure est à la pause, sortir de ce temps qui n’a plus le temps, s’enfuir sur les rives d’un océan, source de bienfaits. Bien fait. Il y a toujours des périodes clés, des moments précis, véritables charnières de nos vies où il est bon de s’asseoir, de prendre le temps de se donner le temps, de regarder avec recul tout ce qu’il nous arrive, tout ce qu’il nous est arrivé, tout, non pas dans le détail mais dans la globalité, un peu comme on regarde une toile d’un peintre impressionniste, ce n’est pas le détail de chaque point qui compte de prime abord mais le rendu que chacun des petits points mis côte à côte donne. Chacun juge la couleur de sa toile à ses propres goûts en matière de couleur, rien n’est jamais ni tout à fait noir, ni tout à fait blanc sans quoi le monde sera d’un ennui monochrome. Heureux Hommes qui de chaque variation de couleur interprète un vocabulaire de coloriste. Mais silence, le regard s’évade sur un long ruban de vie…


Une vie dans un ruban, comme c’est charmant vu de loin. Pourtant le ruban n’est pas régulier, ni lisse, à bien y regarder, il porte même les traces de quelques accrocs, des déchirures, des trous, des tâches plus ou moins sombre. Il n’en reste pas moins ruban et mieux encore, ruban de vie, c’est à cela qu’il faut s’attacher, même si parfois, la vie ne tient qu’à un fil. A regarder de si près, on en oublie la couleur du ruban, la largeur et même la longueur, peut-être bien liée à quelques langueurs. Un ruban c’est si léger qu’un souffle suffit à le faire virevolter, c’est bien cela, le souffle de la vie soulève et envole la vie tout entière, on oublie les tâches, les torus, les accrocs, on ne voit plus que ce ruban coloré s’envolant dans le ciel, mais minute papillon, laisse-moi donc le temps d’en voir les reliefs, et si certaines colorations me sont familières, parfois même douloureuses, il n’est reste pas moins qu’elles donnent aujourd’hui un sens à ma vie….


La vie a un sens, ne vous en déplaise, c’est en premier le sens naturel qui veut qu’on naisse et qu’on meure avant de revivre ailleurs, c’est ensuite le sens qu’on lui donne, selon son bon vouloir et là est la clé. Sommes-nous Don Quichotte grand pourfendeur de moulins à vent ? Sommes-nous des rebelles éternels d’un monde que l’on rejette sans s’être vraiment offert le luxe de le côtoyer de plus près ? Sommes-nous donc ces êtres inférieurs, parias parmi les parias, se voulant persécutés sans voir que nous dirigeons nous-mêmes nos propres flèches vers notre cœur ? Sommes-nous de ces êtres supérieurs qui s’exercent sans cesse à gravir un piédestal toujours plus haut pour ne voir du monde que des calvities regroupées ? Sommes-nous nous, êtres complexes à la palette ouverte sur mille nuances, aux émotions aussi nombreuses que les cordes d’une harpe ? Qui sommes-nous vraiment ? La question tombe sous le sens, le sens de la vie… Notre vie.


La vie, notre vie. Silence. Respiration. Introspection. Dérision, autodérision, guérissons des raisons imbéciles que nous nous donnons toujours pour accomplir la traversée dans des pas qui ne sont pas à notre pointure, nous n’avons qu’une vie à la fois, vivons-la à fond, marchons sans calculer ou poser nos pas, nos pas se poseront de toute façon, à leur place, et si nous tombons, nous nous relèverons, nous apprendrons de nos chutes, nous garderons d’elles des marques, des accrocs pour ne pas oublier le pourquoi de la chute, mais chut ! Avançons, marchons, sourions et respirons, le monde tourne avec ou sans nous, il n’est ni nous, ni autre, il est monde comme notre vie est vie, comme nous sommes nous, parce que l’essentiel est ailleurs, toujours.


L’océan apprend ces choses-là…


Silence et respiration, se taire et laisser se calmer le rythme cardiaque, respirer calmement et écouter sa respiration, le monde s’agite sans cesse, qu’il s’agite tout seul, l’heure est à la pause, sortir de ce temps qui n’a plus le temps, s’enfuir sur les rives de cet océan source de bienfaits.      

  

lune, comme l'autre

Décadence de nos temps, les êtres dansent à contretemps. Contretemps tout le temps, tout le temps à l’encontre des autres, la danse balance en mode solitaire, je te plais, tu me plais enfin non, juste il me plait ce que j’y trouve. La vision est trouble, plus personne ne cherche à connaitre, plus personne ne veut savoir qui est l’autre, il est si facile de s’arrêter en chemin, de se contenter de l’image qu’on se donne de l’autre et pire, de lui donner une image sans jamais comprendre que cette image, il ne l’a pas, que cette image n’est que notre propre vision et jamais la réalité de ce que nous aurions dû voir. Au revoir.


Au revoir mes frères, compagnons semblables lors des jours les plus gais, l’humour au fond se partage bien plus facilement qu’on ne croit, faut-il être capable de rire et de vouloir sourire. Au revoir parce que le cœur saigne les jours où il a froid, le clown sans nez rouge n’est plus qu’un auguste quelconque de vos quelconques rencontres en un quelconque jour. Le compagnon devient quidam et vogue la galère sur des flots tellement différents, il y aurait bien de quoi en avoir des hauts le cœur, mais cela serait encore vous faire trop d’honneur et pire, s’attarder sur des passés dépassés. D’autres pas, d’autres danses et d’autres dansent, on s’y perd facilement dans les faux sourires, les belles choses que l’on croit pleinement partager jusqu’au jour au fond où on ne partage plus rien….


Au revoir, au fond, non, ce mot résonne comme un espoir et l’espoir lui résonne comme une cloche fêlée. L’espoir luit à la lumière des faibles, êtres affables contant leurs fables à qui veut bien prendre le temps de les écouter. Au revoir, non, mais comment peut-on dire « adieu » sans y entendre une divine connotation ? Voilà qui complique la chose…. De toute façon, il n’y a plus rien à dire et tant à dire à la fois. Comme toujours, comme souvent, comme maintenant. Mais non, rien à dire, rien de plus à écrire, et comme l’a si joliment dit Benjamin Biolay, « le plus est une croix ». Qu’importe le sens de l’histoire, le sens que l’on met à la croix, faisons plutôt une croix là-dessus et courons vers les vertes prairies prendre un bon bol d’air, l’air d’ici étouffe et ronge, comment peut-on vivre dans pareille décadence ?


Au revoir mes sœurs, âmes admirables croisées sur les longs chemins de nos errances, ces petits points où nos routes se croisèrent sont bien loin des croisades utopiques et furent des belles leçons de vie. On gagne toujours à échanger et n’oublions jamais que les rencontres sont toujours belles et font toujours plaisirs, si ce n’est pas pendant, c’est après… C’est étrange comme les mots volent aux mots leur propre sens. Lorsqu’on parle de sœur on se voile le regard d’une cornette blanche et la religion ancrée depuis trop de génération dans nos gênes nous gêne aux entournures pour n’y voir autre chose. Autant « frère » renvoie l’image des frères d’armes, des amitiés et autres humanités, autant « sœur » résonnent en couvent ou bien, exquise image d’un passé lointain, ces douces personnes sans âge nous dispensant l’histoire d’une religion aux si belles images…


Au revoir, oui, au revoir, parce que je n’ai jamais su fermer une porte, comment le pourrais-je, je vis déjà sans mur, où diable voudriez-vous que je mis une porte ? La vie est ainsi faite que nos pas nous portent vers les routes d’autres et d’autres encore, parfois connus, parfois inconnus, parfait inconnus c’est toujours l’idéal, mais comme la vie est farceuse, voilà que d’autres pas connus croisent nos pas nouveaux…ou pas, là n’est pas l’important, le monde tourne rond et nous nous tournons en rond, sachons briser les chaines fussent-elles audiovisuelles pour que naissent l’aube dans l’aurore de nos mauvais jours. Il n’y a pas de raison de parler, pas de raison d’écrire, ni même de sourire, et non, on n’a pas tout le temps raison, parfois la folie nous pousse dans des retranchements d’où l’on n’ose plus sortir, pas plus les pieds devant que debout, de quoi être débouté ou bien dégoûté, c’est selon.


Au revoir sans nom, faut-il donc que l’on nomme chaque chose en son nom pour vivre enfin rassuré d’avoir su mettre une étiquette sur cette étrangeté ? Je n’ai plus de nom, je n’ai qu’une carapace de vos étiquettes si indélébilement collées que ma seule envie aujourd’hui est de vous léguer ma mue, elle ressemble à une vielle valise avachie qui a trop bourlingué, je n’en ai plus besoin…. Au fond, peu importe qui je fus tout autant que qui je suis, je serai déjà loin lorsque vous lirez ces étiquettes jaunies de leurs propres fiels, ainsi s’en vont les temps et je m’en vais de ce pas leurs rendre visite… 

    
         



Il est toujours temps

Il est toujours féerique de voir la nature s’éveiller et par là-même, célébrer le printemps. Bien sûr, les fleurs en sont les signes les plus éclatants, mais il suffit de prendre le temps, d’observer, c’est une explosion de jeunes pousses, un épaississement de la prairie qui s’en viennent aussi participer à la fête. En ces premiers jours, c’est un plaisir sans cesse renouvelé, voir la terre se vêtir de ses plus beaux attraits, quand bien même ils ne sont pas pleinement installés. Sur un plan symphonique, comment ne pas penser à Vivaldi ? Une note, puis deux, puis des envolées de notes, mille couleurs pour tellement d’harmoniques formant l’harmonie, encore plus lorsque le soleil et la douceur sont là. Profiter des beaux jours pour au jardin descendre, prendre le temps de l’escapade et rouler sur les petites routes de campagne, gravir le piémont et voir la magie du vert tendre tandis que les sommets gardent leurs nez poudrés. Mille plantes, mille noms, un grand abécédaire pour les gens du coin, et comme les noms en français de France assortis de noms plus savamment exprimés en latin, les dialectes locaux ont su y associer de plus belles appellations. Voilà qui se transforme en vaste théorie du complot : « mais c’est sûr, ils font exprès pour nous perdre et ne pas dévoiler leurs secrets…. »


Bas les masques ! L’hiver est un farceur, on ne sait jamais quand il vient ni quand il s’en va, il peut être doux comme mordant, parfois glaçant, parfois invisible, parfois ennuyeux comme un jour sans pain, comme un jour sans fin, comme un jour sans lune, il pleure comme il neige, il brûle de froid ou d’effroi, et officiellement, il n’est plus là. Le printemps le remplace, arrivé en retard sans doute, il continue de se vêtir, enfilant ses habits de vert tendre, se trompant parfois au point de revêtir les beaux jours de l’été, c’est qu’il manque de temps le printemps, aussi, il allonge les jours, changent les heures et nous voilà tout autant déboussolés que réconfortés par ces lumières du soir sur notre petit jardin où éclosent les fleurs par vagues successives. Les vagues, elles manquent au spectacle, bizarrement le printemps s’y présente différemment, certes il y a les jours longs, il y a les jours bons, il y a les jours doux, il y a les verts tendres mais il y manque un peu plus chaque jour l’intimité des espaces. Inexorablement, chaque jour un peu plus, les plages attirent un peu plus de monde, et sans être l’été, on commence à chercher son coin de solitude, de béatitude, son espace de méditation ouvert aux seuls embruns, aux seules musiques des vagues et des oiseaux. Les cris, les musiques compressées se décompressant les haut-parleurs, les beaux parleurs parlant haut, un peu plus chaque jour la plage s’habille de ces futures modes. Heureusement, il reste quelques coins perdus, parce trop loin du parking, parce qu’inaccessible à l’urbain fatigué, des coins à vivre, à aimer, à sentir ses pieds s’enraciner chaque jour un peu plus, parce que tout de même, la nature sera toujours notre mère.



Quelques pas ici, c’est la vie qui s’en vient, c’est l’ennui qui s’en fuit, c’est la fatigue et la lassitude qui partent vers d’autres cieux. Entre marche et repos, ce sont les méditations d’une âme ayant trouvé le son de ses racines, il ne peut y avoir meilleure régénération. Cette douce chaleur, cet influx de vie, cet alignement de nos temps dans des vies ayant appris à dévorer le chronomètre, c’est mieux qu’être bien, c’est être vivant. On peut se balader, contempler les ajoncs fleuris, les verts déjà francs des hortensias, voir tout plein de parterres fleuris, il n’y a jamais trop de fleurs, car si les fleurs ont un langage, le premier vient du cœur, un simple bouquet devient un merci, un doux mot de tendresse et d’amour, ce diable d’amour qui prend mille visages sans changer de nom. On redevient enfant, on se prend à rêver de souffler sur les fleurs muries des pissenlits pour voir s’envoler mille parachutes portant loin les graines de la vie, on se revoit cueillir des bouquets de fragiles pâquerettes pour offrir à sa maman, c’est peut-être là le plus touchant mais aussi la plus grande sagesse des hommes, celles qu’ils ont tant qu’ils sont enfants : un enfant n’a pas la pudeur de dire j’aime tout comme je n’aime pas. La pudeur, c’est cette chose imbécile qui grandit plus vite que l’homme au point qu’un beau jour elle le couvre et l’étouffe, lui ôtant tout usage des mots et des gestes, plus de « j’aime » ou « j’aime pas », plus de bouquets de coucous ou bien de pâquerettes, et c’est cela qui est bien dommage. On ne dit jamais aux gens qu’on les aime, un beau jour vient où on ne dit plus à ses parents qu’on les aime, on ne cueille plus de violettes ni de pâquerettes pour offrir à sa maman. Cet âge-là devient triste, il faudrait toujours rester enfant. On ne dit jamais assez aux mamans qu’on les aime… Un beau jour vient où on le regrette amèrement.     


Paradoxal extrême

Un break qui n’est pas commercial, et non, ce n’est pas une voiture… Un break, une pause, une cassure dans l’espace temporel de l’écriture, un arrêt sur image ici pour d’autres étapes, d’autres écritures ailleurs… D’ailleurs, s’arrête-t ’on vraiment ? Les mots filent, imbéciles et pressés vers d’autres envolées, ils partent sans traces, ne laissent pas leurs empreintes dans la page, il n’y a rien à publier. Exit la muse s’amuse ailleurs elle aussi, même les idées de défi ne relèvent pas la plume de son transat aux tons d’encre. Et l’encre sèche, et la seiche jette son encre, partir pour ne jamais revenir.


Break. Fracture de temps, cassure profonde ou le corps disparait sous l’onde. Il n’y a plus rien à lire, plus grand-chose à écrire, plus rien à voir, au revoir. De tous ces moments j’ai aimé, j’ai aimé bien des moments, un instant. Sommes-nous donc si fragile, si stérile au point que nos peurs et nos joies ne sachent plus engendrer des contours en lettres dessinées ? Le sol a tremblé et s’est ouvert sous mes pieds, c’est dans cette crevasse que j’ai plongé et par elle que j’ai quitté la terre. Disparition. Lorsqu’aimer ne suffit plus, suffit-il d’aimer ? Il est trop tôt ou trop tard pour écrire s’il m’est interdit d’aimer écrire, trop tard ou trop tôt pour en tirer des sanglots, mais sommes-nous jamais vraiment à l’heure ? Celui qui dort cette nuit se réveillera demain, si ce n’est dans ce costume-ci, cela sera dans l’autre, nos plans, nos modes, no mondes sont de vastes tiroirs parallèles. Je n’ai plus envie.


Break. Le break peut-être long et sans fin, pourtant il a toujours une fin, après tout, on ne meurt jamais que deux fois, j’ai eu si mal déjà la première fois. Faut-il souffrir pour vivre, faut-il vivre pour souffrir ? Eternelle diatribe de notre monde moderne depuis au moins cinq mille ans, au fond tout cela ne sont que des mots, des verbes, des adjectifs à deux balles, le prix d’un tube de gouache dont on tire les couleurs pour traduire l’existence. Sont-elles bleues ? Cyan, indigo, seront-ce des noms poétiques donnant aux bleus des notes rêveuses ou le céleste se réveille horizon, ou le nuage côtoie la nuit ? Les bleus de l’âme sont pareils aux tubes de gouache, ils résonnent de mille noms poétiques traduisant au fond fort mal leurs intensités. Parfois les bleus de l’âme deviennent des bleus aux corps, parfois les bleus du corps deviennent des bleus de l’âme et l’âme nuit, et l’âme s’ennuie, et l’âme s’enfuit aux pays des rêves, rêvant sans doute d’un autre corps à épouser, lasse sans doute de ce corps aux contours devenus trop gras. L’âme lasse est une menace pour l’existence, quel qu’en soit le costume. Errance. Encore.


Break. Stop ou encore ? Toujours la même question qui brille et vacille, toujours les mêmes chaines d’un monde massacrant, toujours les mêmes rêves pris en défaut, il y a du mou dans le dur et du dur dans le mou, rien n’est jamais intègre ni intégral, le parfait n’existe pas, il n’a jamais existé. Quand le monde aura compris cette simple réalité, alors la perfection sera de ce monde. En attendant, il préfère s’entredéchirer,  l’odeur du sang, des viscères, la violence en technicolor, en 3D, le moindre bout d’écran regorge de sang, d’horreur devenue nourriture d’un monde affamé. Le sang attire le sang, l’horreur se banalise et tout devient tellement évident lorsqu’on s’abonne aux rouges champs. Basta. Le break s’impose, comme une pause à la vie, comme une pause à l’envie. Assez. AC comme Alternate Current, courant alternatif, celui sur lequel se branche de plus en plus d’âme, monde en bipolarité qui blesse et agresse les âmes bien nées.


Break. Il n’y a plus rien à casser, passez votre chemin, faucheurs de l’extrême perturbation, vos maquillages et vos candeurs ne sont que pièges pour mieux casser, détruire et faucher ce qui poussent à votre protée. Puis un jour, fatigué, l’homme tombe et rend, il vomit ses tripes et crache son sang, il blêmit de n’avoir plus de sang dans ce monde sans sens, dieu qu’il est facile de faucher à terre celui que ne peut se relever. Trop facile, vous n’aurez pas ce futile plaisir, ce soir la terre comme un linceul viendra couvrir le corps d’hier et demain de la fumure renaitra la verdure, tu vois, au fond, il n’y a jamais rien qui dure vraiment…