Adieux

La mort est silencieuse, elle s’immisce sombre et efficace dans vos vies, elle fauche à tour de draps les êtres auxquels on vit. La mort est sournoise, avec elle pas de répit, la liste s’allonge, froide et raide comme un jour trop gris. La mort n’est jamais rassasiée, elle mord, elle dévore, elle consomme et vous n’êtes que son garde-manger. Hécatombe. Combien de temps ? Combien de jours ? Les mots seront à jamais trop court, les larmes ne seront jamais trop salées ou trop amères pour effacer notre inefficacité face à cette immonde faucheuse. Année après année, les rangs se clairsèment, année après année, ils sont moins nombreux dans le triste cortège, et ces pages que l’on arrache font mal, et ces pages que l’on arrache ne font que mettre en lumière d’autres pages qu’on voudrait être protégées. Il n’y a pas de beaux discours, il n’y a pas de pensées sombres, il n’y a rien que le silence des larmes, le silence des drames de nos quotidiens, il y a les cris, les pleurs, les rires aussi, par ces yeux que l’on croise, par ces yeux que l’on découvre, par ces enfants que l’on rencontre, un peu comme si l’arbre qui vient de tomber révélait de jeunes arbres d’une forêt perdue dans nos propres racines.

Un arbre. Un arbre est tombé. Non pas un de ces chênes orgueilleux à la fronde frondeuse, cherchant à faire de l’ombre à tout un chacun, non, un arbre simple, ordinaire, un de ces arbres qui ne met pas e avant sa force  mais sait l’offrir à qui en a besoin. Un arbre à l’ombre bienveillante, qui sait offrir les fruits de la bonté, de la gentillesse, qui sait aussi montrer que la culture et la richesse sont des valeurs qui naissent de la différence. Un arbre qui a donné et porté ses fruits dans la sagesse et la tendresse, tenant par des fils invisibles ce beau panier de fruits que je découvre aujourd’hui jusqu’en des ventres bien ronds prêt à éclore en un printemps qui sera à jamais différent. Un arbre, oui, un arbre dont le bois au fond n’a peu d’importance, ce ne sont pas ses veines ni sa couleur différente qui en ont fait le charme, non, c’est là une bien belle victoire, le bois à terre n’est plus, de ce bois-là, on ne fait que les larmes, ces larmes amères qui engendreront les rires et les souvenirs de demain.

Va falloir vous serrer là-bas, sur l’autre rive, toute ma tribu partie trop tôt, trop vite… Je vous imagine en éclat de rire, en chaleurs des accents de voix, ces mêmes accents qui désertent à présents nos oreilles, je vous dessine dans les contours d’Amour que vos seules vies ont instillé à nos propres vies. Je vous espère de n’être point trop pressé d’appeler les autres pages de notre grand livre, prenez votre temps, il parait qu’il est éternel et nous ne sommes pas pressés, s’il vous plait, laissez-nous respirer, laissez-nous vivre, laissez-nous aimer. C’est quand même bizarre une famille, ça se perd, ça s’oublie, ça se fige dans un coin de mémoire jusqu’en ces terribles instants où le corps devient cierge et où nous jouons les harengs, raides et froids dans nos cœur, se serrant derrière le cortège qui emporte vers d’autres mémoires nos proches devenus si lointain. A qui la faute ? A quoi bon épiloguer, disserter, chercher à comprendre, ce passé est mort, ces vies sont présentes dans nos têtes, alors on sourit, on échange, des mots, une adresse, des espoirs de se revoir autrement, des espérances de s’appeler… Et puis on se souvient des autres départs, des larmes à jamais amères, d’une main qui se serre comme un cœur, et puis….rien.


Un arbre est tombé et j’ai vu la forêt. A ces arbres que je ne connaissais pas, j’ai donné mon sourire, à cet arbre tombé je n’aurai jamais assez de larmes pour noyer les sourires reçus, alors ne m’en veut pas tonton, tout ce que je pourrais dire ne serait qu’un si petit ‘merci’ en regard de temps et temps de vécus….