La
peur fait peur, c’est sûr, on a beau s’amuser à se faire peur, il est des fois
où la peur se prend au jeu, elle joue, s’amuse puis finit par prendre le dessus
sur le jeu, la peur gagne et là, on en perd ses moyens. Boule au ventre. Peur.
C’est qu’elle est maline la peur, elle ne s’affiche pas tout de go, non, elle
arrive pas à pas, degré par degré elle gravit les marches de votre inconscient,
elle s’insinue lentement. D’abord simple frisson, elle s’en vient d’une
décharge d’adrénaline vous réveiller, puis elle augmente les doses jusqu’à la
presque overdose, le grand frisson juste avant la paralysie, le dernier souffle
avant la mort, de quoi se révéler mort de peur. Mort de peur mais bien vivant,
diantre que notre vocabulaire est haletant et fort bien constitué, des tas de
mots à multiples contresens et comme de bien entendu, tout ceci reste à
manipuler avec modération.
Modération.
Le mot est lâché, faut-il en abuser ? Où mènerait un abus de
modération ? Cela rappelle une vieille histoire : « c’est un
type malade qui s’en va voir son toubib » jusque-là, rien de bien
palpitant, sans jeu de mot, ni même de très original, c’est souvent des types
qu’on rencontre dans les histoires, et si en plus le mec est malade, ça parait
tenir la route qu’il s’en aille voir son toubib…. Reprenons. « Donc ce
type malade s’en va voir son toubib qui du reste était là, sinon, fin de
l’histoire et en même temps, ce n’est pas drôle. Le toubib le reçoit, le fait
asseoir après l’avoir ausculté, puis regarde les résultats des analyses et lui
dit : mon cher ami, votre état est sérieux, il va falloir dès à présent
revoir toute votre vie avec modération : plus d’alcool, plus de grandes
bouffes, plus de femmes ». Là le type fait grise mine, ce qui semble
cohérent pour un type malade, et demande au toubib : « Mais docteur,
si je ne bois plus, si je ne fais plus d’excès de chère et de chair, vivrais-je
plus vieux (comme le temps ce jour-là, il pleuvait des cordes mais des cordes
humides en fait) ? » et le docteur, solennel de répondre « Pas
nécessairement mon ami, mais la vie vous paraitra plus longue ».
La
modération rallonge donc la vie. Enfin, elle rajoute des longueurs et des
langueurs à la vie ce qui est différent et à vrai dire peu excitant aussi il ne
semple pas anormal que certains s’amusent à se faire peur, histoire de secouer
un peu le train-train de leur existence, de sentir son corps frissonner à
petits coups d’adrénaline pour au fond, se sentir vivant. Modération et vivant
ne sont pas nécessairement opposés ni opposable d’ailleurs, pas plus qu’ils ne
sont alliés voire aliénés. En fait, comme en toute chose, toute l’alchimie
réside dans le dosage et il ne faut jamais forcer la dose sous peine
d’overdose. De toute façon, il n’y a pas de règles ni d’échelle de la peur,
chacun est en mesure de se connaitre et de vouloir connaitre le grand frisson
ou pas. Il existe de courageux téméraires qui ne nageront pas plus loin que
leurs orteils, tout comme ils existent des farfelus cherchant à traverser
l’océan à la nage. Pourquoi vouloir comparer ce qui n’est pas comparable ?
Certains auront peur à peine juché sur une chaise tandis que d’autres graviront
des pics et des sommets très aériens sans même sourciller. C’est ainsi, mais
alors, pourquoi vouloir les ranger dans la même catégorie ? Il y a une
montagne à vaches (selon l’expression consacrée et sacrement con) tout comme
une montagne des sommets, les deux se parcourent ou non, suivant la volonté de
chacun. A chacun sa modération.
La
peur ne se commande pas, c’est du moins ce qu’on dit, mais tout de même,
lorsqu’on joue à se faire peur, ne cherche-t-on pas à la commander ? On
peut très bien avoir soif d’aventures sans être forcément un buveur patenté. On
peut très bien être mort de faim tout en étant bien vivant, il y a toujours des
règles et chaque règle possède un contrexemple, du coup, est-ce l’exemple ou le
contrexemple qui fait la règle ? Peut-on
dire à celui qui cherche l’exceptionnel qu’il fait figure d’exception ?
Bigre, voilà qui n’est pas simple, je vous laisse donc là-dessus méditer mais
de grâce, n’oubliez jamais de méditer avec modération…. Du moins, avec la
modération qu’il y sied. A pied, oui, mais à pied d’œuvre, c’est parfait et
tant mieux, parce que là, j’ai eu peur….