Page blanche

Page blanche.
Froide, vide, vide de sens.
Terrain de jeux pour les mots,
Jeux de mots en dérisions
Sans raison.

Sans raison ou à tort,
Angoissante page blanche,
Il est temps de te graver
Du sceau de l’encrier
De ces mots tracés.

A raison ou à tort,
Les mots glissent et garnissent
Ton blanc linceul.
Tu succombes et tu tombes
A jamais ton deuil.

Ligne à ligne, les mots viennent
L’angoisse pourtant demeure

Exercice de style
Où le stylo pose
Mot à mot sa prose
A l’encre indélébile
Que rien n’oppose
Pas même un cil

Texte libre et non ustensile
De cours ou de détour
Tant que viendront les idées
Les mots seront pleins et liés
La feuille blanche sera velours
Une page dans la pile

Que n’ai-je aimé souffrir de cette angoisse
Dans ces heures où vierge tu demeuras
Heures longues de point d’inspiration, la poisse,
De toi me serais-je éloigné, toi restant sur le tas

Mais non, le mal ronge et découpe
Le blanc livide de ta face, face à moi
Y poser mes mots est une entourloupe
Effacer ta pâleur, à mots couverts, soit.

Page blanche, froide, vide, si vide de sens
Page blanche, vide, bientôt tu ne l’est plus,
Quelques mots t’ont comblée avec bon sens
Ni griffure, ni rature, rien de superflu

Lorsqu’arrive le fameux point à la ligne
Lorsque ce point ne peut plus en appeler
A une nouvelle ligne pour s’y associer
L’angoisse s’en va avec cette dernière ligne

Vite, une autre feuille !










A tout à l'heure....

J’ai deux heures à tuer…
Tue-t-on les heures ?
Non, ce sont elles
Qui nous tuent

A la bonne heure !


C’est fragile une heure,
Cela vit peu de temps
Soixante minutes tout au plus,

Parfois moins ?
Non jamais,
Une heure va toujours
Au bout de son heure.

Mais qui y-a-t-il au bout d’une heure ?
Un certain temps…
Je dirais même, une autre heure….

Depuis toujours ?
En tout cas,  depuis un certain temps….

Mais à quoi sert de compter les heures
Si elles meurent au bout d’un certain temps ?

Peut-être pour se rappeler qu’elles furent
Qu’elles eurent leurs temps, qu’elles vécurent
Après tout, nous comptons bien nos ans !

C’est vrai, nous comptons aussi nos gens !

Tic, tac fait la pendule,
Compte-t-elle
Ou décompte-t-elle
Le temps qui vient
Ou le temps qui recule ?

C’est là un des mystères du temps
Tout comme le verre
A moitié vide, à moitié plein
Une question qui erre
Depuis la nuit des temps

Ce qui importe au fond
Ce n’est pas tant le niveau
Mais plutôt le breuvage
Aussi sans ambages
Buvons et apprécions
Et viendra le fond

A tout à l’heure…




Océan

Océan. Le début d’une nouvelle journée. L’air est frais, vivifiant, la plage déserte, le jour se lève à peine, l’occasion est trop belle pour ne pas profiter de quelques foulées sur le sable rafraichi. Ces moments sont magiques, ce sont des pauses dans la vie, dans l’été, dans ces moments trop peuplés parfois. Il n’aimait pas vraiment cette foule et ses bruits aussi il savourait avec bonheur de s’être levé tôt pour profiter de cette belle parenthèse. Quelques étoiles résistaient au jour naissant, les flots s’étiraient lentement, tout juste au loin l’ombre d’un cargo pour répondre aux appels intermittents des phares positionnant sur la côte les noms des ports. Ambiance.


Ce n’était pas une course, juste un peu de sport et tellement de détente à courir ici. Courir n’est même pas le mot le plus approprié tellement il porte des notions de vitesse qui ne sont pas de mise, surtout ce matin-ci. Faire de l’exercice, prendre du bon temps, respirer mais respirer pleinement, se charger aux énergies océanes, profiter de ces moments entre chiens et loups, loups de mer sans doute et malheureusement chiens de plage trop souvent détachés…. Le partage des espaces ne se fait pas sans heurts, la mode est bien trop aux libertés sans qu’elles trouvent leur place dans l’ensemble des libertés, « pousse-toi de là que je m’y mette », « vacances, j’oublie tout…. » Certaines journées sont plus pesantes, mais quel qu’en soit le poids, peut-on laisser ces ombres noircir le tableau ? Sûrement pas, les couleurs sont bien trop belles pour les laisser s’estomper au profit d’un brouillard d’incivisme et d’intolérance. Savoir sortir du cercle, savoir s’accorder du temps et savoir accorder sa propre fréquence sur celle de notre planète, là est le plus important. Les couleurs, c’est magique, elles donnent un sens aux choses, elles se parent de mille teintes selon une palette d’éclats dont elles seules savent utiliser les vibrations. Il n’y a jamais de monochromie pas plus que de monotonie, ou bien c’est parce que le focus est trop poussé, qu’il convient de le refermer, de se reculer, de voir les choses dans leur globalité, s’élever, sortir du champ, sortir du cadre, quitter le tableau et voir, apprendre à voir, apprendre à ressentir mais à vraiment ressentir, non pas le piquant de la situation trop tendue mais son côté négligeable dans la réalité du moment. La piqûre de l’abeille n’effacera jamais la douceur du miel, il ne sert à rien de bouder notre plaisir. Le plaisir, c’est bien cela qu’il vivait en étant ici et maintenant, et bien sûr voir cette plage vide n’appelait d’aucune manière des souvenirs de plages colorées et peuplées, tout simplement parce qu’il n’y avait pas de lien, juste un lieu, un lieu identique mais aux couleurs différentes. Nous sommes tous différents.


Par petites foulées le voilà arrivé proche des blockhaus, formes sombres et massives appelant la mémoire adulte à des images plus tristes, preuve que les plages peuvent écrire des pages aux tonalités tellement différentes. Les soldats allemands d’hier ont laissé place à d’autres régiments de touristes en tenues certes plus légères et bien plus colorées sur la même plage. Souffrances hier, sourires aujourd’hui, peut-on ne retenir qu’une seule image, qu’une seule étiquette à accrocher sur ces lieux ? Encore quelques pas et bientôt viendra le béton de l’ancienne piste, puis le goudron et enfin le pavé du fier bord de mer. Ici sont tombées de vieilles pierres, ici se sont élevées de modernes constructions de béton et de verre, d’autres éclats face au même océan, soumis aux mêmes airs mais au fond, ce qui fait l’identité des lieux, n’est pas tout simplement ces parts de naturels plus que la bordure d’artificiel ? Il court, il court et le jour sourd aux appels de la nuit s’ennuie et se lève prestement. Le soleil d’abord pâle prend bien vite de l’ardeur, il écrase les ombres et blanchit les façades, réveillant au passage ce bel endormi d’océan qui proteste en rouleaux continus. Les premiers cafés regarnissent leurs terrasses de tables et de chaises bien rangés, un chien perdu mais pas vraiment s’en vient renifler les bordures de trottoir tandis que les pêcheurs sortent du port. Les odeurs chaudes des viennoiseries et du pain s’en viennent titiller les narines déjà excitées par l’amertume du café, pile-poil le moment ! Il en sourit d’aise, s’assied en terrasse pour jouir encore de ce jour qui se lève puis commande un café. Le journal lui tend les bras, les nouvelles fraichement imprimées dans la nuit cherchent à prendre un sens dans cet environnement tellement enivrant. Détachement absolu ou bien manque d’envie de se raccrocher à tant et tant de chroniques tellement construites à coup d’effets digne d’un vrai serial thriller de journaliste qu’elles-mêmes ne semblent pas y croire… A quoi bon s’attarder sur ailleurs dans le monde, il vit ici et aujourd’hui, il respire ce mélange d’air iodé et de café chaud, il savoure ce bain de matin, et puis, il se remettra en chemin pour rejoindre son gite, les idées bien propres et bien fraiches, l’esprit détendu prêt à vivre une belle et nouvelle journée…             

Crise en solde

L’été est là, la saison est lancée, pourtant cette année, il y a peu de monde, à peine quelques habitués mais peu de vacanciers… Météo ? Crise ? La limite du trop cher a-t-elle fini par s’inscrire en rouge vif sur les livres de comptes ? A force de ponctionner taxes et impôts en tout genre, à force de geler les revenus et salaires, la croisée des chemins devient un gouffre où les plaisirs disparaissent, à corps défendant. Triste époque. Un œil sur la météo des actualités, bigre, c’est de pire en pire ! Agressions, meurtres, viols, faux viols, fausses agressions mais réelle agressivité, morts en fin de vies et mort aux espoirs, putain, que cet été saigne fort…. Mais où va-t-on ?

Un coin de nature, un coin de forêt, un espace où marcher, où courir, mais ciel, que fait donc cette valise et ce corps en pièces détachées dans ce coin de bosquet ? Sordide affaire sortant de l’anonymat ce coin de terre en bord d’océan. Lassitude de tout ceci, le step de la morosité est passé, c’est plutôt une forme d’abattement général, une sorte de battue aux seconds souffles. Le vent souffle. Surprenant par ici, mais il est vrai que les dernières tempêtes ont brisé bien des remparts naturels aux assauts d’Eole, il faut à la fois vivre sans ses espaces d’air pur et avec ses coups de vents parfois trop rafraichissant, surtout dans un été qui peine à installer ses chaleurs. Puis il y a la frénésie du déboisement, les parcelles qui tombent pour laisser place à des constructions, d’autres arrivées à maturité de production et dont leurs semis ne prendront de la hauteur qu’aux prochaines générations. Que t’arrive-t-il ma terre ?


Un grain de sable dans la marche en avant, voilà l’horizon qui déraille. A trop avoir usé des libertés, nous voici désormais en cage, contenus entre deux grillages pour accéder à la plage, des pieux enfoncés de deux mètres dans le sol pour empêcher les stationnements sauvages, des rondes policières pour endiguer les outrepassants, comment se souvenir des espaces libres et vierges de tout fil de fer ? A quand l’océan mis en bouteille dans un vaste aquarium, pire, à quand le péage à l’entrée de la plage, le rabotage définitif de ces plages obsolètes car non surveillées, à quand les heures d’ouvertures pour aller courir ou simplement flâner….  A quand le nettoyage des amas de bois que les tempêtes ont vomis sur le sable ocre d’ici ? Et toujours personne sur la dune. Et toujours personne malgré le classique d’un quatorze juillet, on a beau y être habitué pour vivre ici en toute saison, cela jette un froid sur une saison qui ne grandit pas.



Quelques tours de roues plus loin, le paysage est le même, vidé de son sens sans ses vacanciers, un littoral ainsi à poil ne s’affiche pas en été, étrange mélange d’un trop tôt et d’un trop tard, étrange pouvoir d’un monde sans le sou comptant ses sous et cherchant à vendre les cabanes des anciens plaisirs, il suffit de lire les étiquettes aux papiers et aux lettrages différents, affichant parfois des prix devenus hors du temps pour comprendre combien il semble urgent de se débarrasser de ces sweethomes devenues fardeaux et lests pour banquiers irascibles. Les prix s’affolent et dégringolent, le marché se sature de biens et manque d’acheteur, la balance du commerce est fortement déséquilibrée qui plus est sur des marchés sommes toutes de niche et difficilement lisible dans l’avenir. Ce qu’il y a de bon dans une crise, c’est justement lorsqu’elle fait sa propre crise, qu’elle en implose et finisse par disparaitre. Désormais c’est notre seul horizon. Courber l’échine et abandonner hier dans les lumières de demain. Tiens, le vent s’est posé et en quelques foulée la chaleur est de sortie, le ciel est bleu pur, l’océan plutôt débonnaire affichant ses vingt-et-un degrés. Il est temps de faire plouf, d’oublier dans les vagues tous les grains de sable de ces derniers temps. Ne faites pas la tête et venez plutôt en piquer une, profitez-en, il n’y a personne et la mode est aux soldes, les locations aiment les modes, voilà qui parait bien profitables, non ? Et vous ?        


Avec modération...

La peur fait peur, c’est sûr, on a beau s’amuser à se faire peur, il est des fois où la peur se prend au jeu, elle joue, s’amuse puis finit par prendre le dessus sur le jeu, la peur gagne et là, on en perd ses moyens. Boule au ventre. Peur. C’est qu’elle est maline la peur, elle ne s’affiche pas tout de go, non, elle arrive pas à pas, degré par degré elle gravit les marches de votre inconscient, elle s’insinue lentement. D’abord simple frisson, elle s’en vient d’une décharge d’adrénaline vous réveiller, puis elle augmente les doses jusqu’à la presque overdose, le grand frisson juste avant la paralysie, le dernier souffle avant la mort, de quoi se révéler mort de peur. Mort de peur mais bien vivant, diantre que notre vocabulaire est haletant et fort bien constitué, des tas de mots à multiples contresens et comme de bien entendu, tout ceci reste à manipuler avec modération.

Modération. Le mot est lâché, faut-il en abuser ? Où mènerait un abus de modération ? Cela rappelle une vieille histoire : « c’est un type malade qui s’en va voir son toubib » jusque-là, rien de bien palpitant, sans jeu de mot, ni même de très original, c’est souvent des types qu’on rencontre dans les histoires, et si en plus le mec est malade, ça parait tenir la route qu’il s’en aille voir son toubib…. Reprenons. « Donc ce type malade s’en va voir son toubib qui du reste était là, sinon, fin de l’histoire et en même temps, ce n’est pas drôle. Le toubib le reçoit, le fait asseoir après l’avoir ausculté, puis regarde les résultats des analyses et lui dit : mon cher ami, votre état est sérieux, il va falloir dès à présent revoir toute votre vie avec modération : plus d’alcool, plus de grandes bouffes, plus de femmes ». Là le type fait grise mine, ce qui semble cohérent pour un type malade, et demande au toubib : « Mais docteur, si je ne bois plus, si je ne fais plus d’excès de chère et de chair, vivrais-je plus vieux (comme le temps ce jour-là, il pleuvait des cordes mais des cordes humides en fait) ? » et le docteur, solennel de répondre « Pas nécessairement mon ami, mais la vie vous paraitra plus longue ».


La modération rallonge donc la vie. Enfin, elle rajoute des longueurs et des langueurs à la vie ce qui est différent et à vrai dire peu excitant aussi il ne semple pas anormal que certains s’amusent à se faire peur, histoire de secouer un peu le train-train de leur existence, de sentir son corps frissonner à petits coups d’adrénaline pour au fond, se sentir vivant. Modération et vivant ne sont pas nécessairement opposés ni opposable d’ailleurs, pas plus qu’ils ne sont alliés voire aliénés. En fait, comme en toute chose, toute l’alchimie réside dans le dosage et il ne faut jamais forcer la dose sous peine d’overdose. De toute façon, il n’y a pas de règles ni d’échelle de la peur, chacun est en mesure de se connaitre et de vouloir connaitre le grand frisson ou pas. Il existe de courageux téméraires qui ne nageront pas plus loin que leurs orteils, tout comme ils existent des farfelus cherchant à traverser l’océan à la nage. Pourquoi vouloir comparer ce qui n’est pas comparable ? Certains auront peur à peine juché sur une chaise tandis que d’autres graviront des pics et des sommets très aériens sans même sourciller. C’est ainsi, mais alors, pourquoi vouloir les ranger dans la même catégorie ? Il y a une montagne à vaches (selon l’expression consacrée et sacrement con) tout comme une montagne des sommets, les deux se parcourent ou non, suivant la volonté de chacun. A chacun sa modération.


La peur ne se commande pas, c’est du moins ce qu’on dit, mais tout de même, lorsqu’on joue à se faire peur, ne cherche-t-on pas à la commander ? On peut très bien avoir soif d’aventures sans être forcément un buveur patenté. On peut très bien être mort de faim tout en étant bien vivant, il y a toujours des règles et chaque règle possède un contrexemple, du coup, est-ce l’exemple ou le contrexemple qui fait la règle ?  Peut-on dire à celui qui cherche l’exceptionnel qu’il fait figure d’exception ? Bigre, voilà qui n’est pas simple, je vous laisse donc là-dessus méditer mais de grâce, n’oubliez jamais de méditer avec modération…. Du moins, avec la modération qu’il y sied. A pied, oui, mais à pied d’œuvre, c’est parfait et tant mieux, parce que là, j’ai eu peur….