Lettre à ....

Putain, deux ans déjà que tu sèches ton propre anniversaire ! Deux ans à se retrouver tout con ce jour-là et bien d’autres d’ailleurs, juste parce que prendre le téléphone ne sert à rien, juste parce que pour te parler il suffit de lever les yeux vers le vide que tu as laissé, parce que merde, le temps passe. Ce foutu temps qui emporte avec lui tant de souvenirs et grave sur nos peaux les sillons des âges et d’autres tracas que l’on nomme soucis, mais surtout parce que ce con de temps n’est même pas capable d’effacer nos chagrins comme il efface les aspérités des rochers. Tu peux te marrer de nous voir ainsi tâtonner,  expérimenter, chercher les logiques dans l’irrationnel, tu dois sourire en nous entendant évoquer les mille et une péripéties que nous avons tous vécu avec toi, parce qu’au fond, c’est cela qui reste et restera : chaque éclat de soleil dans chaque fragment de vies partagés, qu’elles fussent bonnes ou moins bonnes, on a tous nos moments de tristesses, nos peines, mais surtout nos rires et nos déconades. Elle est là la fragilité de nos vies d’Homme : croire en l’éternité sans savoir qu’au fond, l’éternité tient dans une seconde, la seconde partagée et vécue, à fond, dans les rires, les joies comme dans la gravité, à condition de ne vivre chacune de ses secondes que dans la vérité. Là est la clé.


On part tous trop tôt, trop loin, trop vite… La nature a horreur du vide et l’Homme n’est qu’un enfant de la nature. Putain que c’est vide sans toi. J’ai longtemps cherché un terme pour qualifier cette relation, et j’avoue qu’en langage humain c’est assez difficile. Je pensais pourtant connaitre quelques mots mais non, impossible de formuler à l’oral comme à l’écrit ce qu’est ce trait d’union entre deux êtres. Le mot ami est faible, et, tristement pour lui, il s’est tellement galvaudé, il a été si souillé qu’il est devenu, hélas, un mot commun, sans utilité dans l’extraordinaire. La notion de « meilleur ami » échappe elle aussi au bon sens, cela voudrait dire que dans une collection d’amis on établit un classement des meilleurs et des moins bons. Trop peu pour moi. Nous n’avions pas le même sang, nous n’étions pas de la même fratrie, de la même lignée, nous n’étions donc pas frères dans ce sens-là. Nous étions. Oui, voilà, nous étions. Un ‘nous’ unique en deux éléments, et le demi ‘nous’ reste finalement assez nu dans son orphelinat. Durant toutes ces années passées dans le nous, j’ai appris, j’ai écouté, j’ai reçu mille bienfaits, des milliers de cadeaux, des milliards de secondes de soleil jusque dans les jours les plus sombres où l’appel du vide demeure comme la seule lumière évidente. Je ne sais pas si je t’ai dit merci à chaque fois mais ce que je sais c’est que je ne te dirai jamais assez merci pour toutes les lignes écrites durant ces instants et sur lesquelles se bâtisse et se bâtiront mes secondes de vies. Seconde vie. Oui, nous avons tous plusieurs vies, et cela commence lorsque nous réalisons que nous n’en avons qu’une, cabossée ou belle, c’est la nôtre, elle nous appartient, et notre devoir est de la faire vivre. Etonnant non de faire vivre sa vie ?


Une date sur le calendrier, un moment particulier qui éveille d’autres moments, qui rappelle des souvenirs, bien qu’il ne soit nul besoin d’une date particulière sur un calendrier pour cela. Depuis j’ai eu cette occasion particulière d’avoir ton point de vue et de comprendre que notre vie ne se limite pas à cet épisode terrien, il y a de la compréhension mais elle n’efface pas le vide, alors de tout cela, on se fait non pas une raison, ce mot est trop facile, non, on se fait un bâton de marche pour affronter encore plus fort les secondes à venir, et ce bâton n’est pas une arme, les lâches se servent des armes, il n’est pas un drame, pas une larme, il est un tuteur pour grandir, parce qu’au fond, nous ne sommes que des enfants, des enfants qui doivent grandir et s’épanouir, des enfants qui se doivent de grandir, encore et toujours…


Peut-être qu’au fond, notre monde n’a besoin que de cela : des enfants qui grandissent et qui aiment, de l’écoute et de la compréhension, de l’Amour, oui, de l’Amour, avec un grand A.



Merci pour tout cela et pour tout ce qui viendra.         

Il nous restera ça

Il nous restera ça…

Parce que le temps passe, parce que le temps file
Parce que tout s’efface avec plus ou moins de style
Parce le temps gomme tout autant qu’il grave
Parce que tout cela s’aggrave au fil du temps

Il nous restera ça

D’abord il y a l’absence, le vide, le silence
Enfin pas tout à fait, des mots sans présence
Des voix dans la tête, des mots dans le silence

Quelques écritures et leurs quelques ratures
Une feuille de papier qui perdure,
Une étiquette sur un pot de confiture,

Des traces d’une vie en survie

Il nous restera ça

Peu à peu reviennent les forces, le réveil et ses douleurs
Puis peu à peu les vides autour des bonheurs

Alors se construisent des mondes parallèles
Une vie avec, une vie sans, des bouts de vies
Et ces bouts de vies ne se rejoindront jamais
Vertiges isolés de parcours parallèles
Mais ils offrent à penser, à songer,
Se souvenir, se rappeler, en survie

Il nous restera ça

Puis demain viendra, demain oui, sûrement
Après tout l’hiver laisse place au printemps
La neige fond et emporte ses traces
Elle laisse place à d’autres couleurs
Elle laisse grandir d’autres fleurs

Faut-il en avoir peur ?

Hier s’est enfui, ne nous laissant que le manque
Parti comme un voleur, courant en Salamanque
Mais de tous ces gommages, ces estompages
C’est leurs mémoires qui noirciront la page

Il nous restera ça

La force de l’écrit bien plus que les cris
Les mots tracés vivent par écrit

Nos vécus en phrases sobres
Ne deviendront jamais des mots sombres
Car ils dresseront toujours le portrait
Sans omettre la douceur des traits
De nos vies parties dans l’ombre

Sans oublier jamais qu’elles demeurent
Les ombres de nos vies, présences discrètes
Accrochées à nos basques, maigres silhouettes
Elles suivent nos pas et dansent à nos rythmes
Silencieuses et malicieuses elles sourient,
Comme nous leurs sourions heureux
Après tout, nous savons…

Il nous restera ça