Aimez, aimez vraiment

 

Voilà, le couperet est tombé, les dernières évolutions des dernières règles du jeu : un couvre-feu pour une nuit de feu. La fin du monde pour beaucoup. L’enfermement, la prison, la désolation… Dieu que cette société humaine est désolante. Vaut-il mieux être contraint en bonne santé qu’ailleurs en sursis voire en fin de vie ? Personnellement, tout cela me ramène quelques années en arrière. Voir sa maman rejoindre la clinique en décembre, pour quelques jours, « elle sera sortie avant Noël » puis voir les dates défiler, celle de l’anniversaire, solitaire, puis celle de Noël, sans remise de peine, les nôtres, la sienne sur un petit lit blanc. Puis d’autres jours, un nouvel an, sans fête, forcément, puis du mieux, de celui qui annonce la fin, comme un sursaut de vie avec des mots, des échanges tellement vrais entre quatre murs décrépis de la même chambre dans la même clinique puis le divorce d’une âme belle et d’un corps aux poumons troués par l’amiante… Puis plus rien, pas même l’injustice, non, juste la reconstruction et des mois de décembre qui ne sentiront plus jamais bons, des dates imbéciles sur le calendrier, des dates imbéciles où saignent nos cœurs. La vie. Douce vie, chienne de vie mais la vie tout de même. Plus la même.

Alors, oui, c’est vrai, on ne va pas pouvoir sortir le 31 au soir, et oui, on ne va pas pouvoir se retrouver parmi des dizaines, à fêter ce changement d’année où l’on est aussi con à minuit une qu’à minuit moins une…. Et ça, c’est la fin du monde, le bout de la vie selon les littéraires à la mode. Soyez heureux et fiers d’avoir vos proches encore aujourd’hui, prenez ce temps confiné pour prendre des nouvelles, des vraies, de celles qui parlent dans le cellulaire, de celles où s’entendent les rires tout autant que les larmes, pas des mots à l’orthographe improbable à faire rougir la phonétique, des sms volés à la volée, des pouces levés sur des images fanées, … Prenez le temps de dire « je t’aime » et pire, risquez-vous à le penser, prenez conscience de la fugacité du moment présent, gardez votre énergie pour lui, ni pour hier, ni pour demain, soyez vivant et humain aujourd’hui. Oui, nous sommes contraints, par le mal invisible, par les moyens mis à disposition pour isoler et sauver malgré eux des imbéciles heureux aux poumons bien sains, et oui, le 31 c’est sacré. Enfin, avant on fêtait la renaissance des cycles au printemps, parce que peut-être qu’aussi, en ces temps-là, on prenait conscience de la planète et de ses rythmes comme d’une amie, une indispensable amie qui nous héberge. Les différents pouvoirs ont gommé tout cela, au fil des histoires, oubliant les solstices, venant imposer la nativité et l’an civil au 1er janvier. Et si, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous nous moquions de ces dates futiles en 2020 pour laisser passer l’orage, reprendre espoir et courage et fêter la renaissance de la vie ? Et si nous faisions comme tant d’autres membres des autres règnes, végétal et animal, et si nous nous replions dans notre antre, en hivernation pour mieux sortir aux premiers jours du printemps, heureux de se retrouver tous et de fêter tout cela ensemble ? Pourquoi ne peut-on être humain, conscient et en conscience ? Oublions les fêtes mercantiles, regardons où nous vivons, prenons soin de notre vaisseau mère et célébrons le temps de l’éveil de la nature, plutôt qu’un froid jour de décembre. Chacun est libre. N’oublions jamais que nous ne sommes que temporels, loin d’être immortels, juste en sursis. Non, cette année n’est pas plus triste, elle est juste différente. Prenez soin de vous et vos proches, prenez conscience de vos proches surtout.

Aimez.