On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs...


Dans la tradition de Pâques, à côté des chocolats, il est celle de l’omelette. Je ne sais pas si cela est de mise dans toutes les régions, mais par chez nous, la fin du carême se traduit par ces omelettes faites des œufs pondus en nombre durant la période d’abstinence et qu’il convient d’utiliser pour ne pas les perdre. Au menu, gâteaux merveilles, sortes d’oreillettes plus épaisses, et puis bien sûr, l’omelette. Du côté de Bessieres, elle bat des records de gigantisme, en taille, en nombre d’œuf, et donc de convives venus gouter à la fameuse baveuse. Dans ma famille, c’est plutôt une omelette dessert, non, nous ne sommes pas norvégiens, ou alors, il y a des détails qui m’échappent…. Non, l’omelette de ma maman est faite d’œufs, jusque-là c’est normal, mais au moment de la rouler dans la poêle, elle est saupoudrée de sucre, puis en fin de cuisson, c’est une casserole d’eau de vie de ferme, précédemment réchauffée par le fiston qui est embrasée et versée en larmes de feu sur la préparation… Ce jus, recueilli et reversé sur l’omelette à coup de cuillère perd ses alcools et nourrit de parfum et de flammes oranges et bleues un fabuleux dessert qu’aucun lundi de pâques au soir ne saurait manquer…. Du moins, tant que la cuisinière experte était parmi nous pour nous en régaler.

Cette année, c’est en pensant à ces trésors de gourmandises patiemment distillés, parfois cachés, toujours appréciés que nous clôturerons notre week-end pascal. Et même si nous tenons la recette et les ingrédients, même si nos souvenirs gourmands revoient les tours de mains, ça sera une année sans, un vide dans le cœur, autour de la table, mais une présence toujours aimante et discrète pour son petit monde. On a beau savoir que les choses ne sont pas éternelles, pas plus que nos vies, on reste quand même cueillis à froid lorsque le vent emporte nos amours d’éternels enfants. Ainsi s’en va les vies, celles qui changent de monde, de lumière, celles qui restent et se souviennent, et si les larmes font quelques fois souvent briller nos yeux, ce n’est qu’après tout la fierté d’avoir vécu, partagé et connu ces trop bons moments. Il n’est nulle tristesse qui l’emportera sur l’amour, le respect, la dévotion et la filiation. Il n’est nul regret, inutile, imbécile de nous retenir dans un passé à jamais figé. C’est par les épreuves que nous vivons, ce sont par elles que nous nous transformons et évoluons. Cela ne veut pas dire « oublier ». Cela veut dire « aimer ». La plus belle des récompenses à offrir à celle qui vous a donné la vie, c’est de lui montrer que vous en êtes digne, fier, prêt à prendre votre place et non pas la sienne, on ne marche pas dans les traces des autres, on se sert du sillon tracé pour grandir, s’épanouir et à son tour briller. Donner est une belle chose, le faire sans retour est un langage d’amour.

On a tous notre parcours, nos souvenirs, madeleines de Proust ou bien omelettes flambées, merveilles ou bien terrible mousse aux chocolats en après pâques, interprétation culinaire tout comme conseils reçus en des époques où les oreilles étaient bouchées de trop de certitudes, je ne sais plus tout ce dont j’ai pu bénéficier, je sais juste aujourd’hui que tu n’es plus là maman, combien de sacrifices ont coutés ces amours maternels et parentaux. Cruauté de l’enfance qui distribue l’insouciance et nous apporte la réflexion avec retard, mais serions-nous autrement si les choses étaient autrement ? Adissias maman, avec toi s’en va la branche occitane et chantante de mon sang. Par toi j’ai appris à aimer ces terroirs, cette langue, ce monde et ô combien de façon de cuisiner les ingrédients les plus basiques, car le monde paysan est d’abord un monde de la terre, un peuple de terrien qui mesure son labeur sans décompte des heures, qui sait se nourrir des produits d’un terroir, légumes ou ces fameux mousserons, volailles galopantes et œufs du jour, l’omelette au fond est un bel exemple et si désormais le cassoulet porte des lettres de noblesses, combien se souvienne qu’il est né sans haricot mais plutôt garni de ces douces fèves d’à peine printemps ?

Joyeuses pâques et rappelez-vous qu’on ne fait d’omelette sans casser des œufs….  

Ma boite à gribouillles


Avec ma boite à gribouilles, je chasse les idées, je pêche les situations, j’observe les traditions, toutes ainsi finiront images en poésie, sortes de mots en couleurs. Marcher ainsi, voir, regarder, flâner, suivre le vol lent d’un papillon, la course rapide d’une hirondelle, viser, presser, clic-clac, c’est dans la boite ! Le numérique permet de jouir rapidement de l’instant prisonnier, l’œil revit les détails dans le calme, valide ou jette, avant que cette prison de temps ne s’en aille grossir les rangs d’un disque dur étouffant de fichiers.  Et puis un jour, sortie de l’ombre, l’image parait agrandie au rythme d’un économiseur fouillant dans les tiroirs du pc…. Où était-ce ? Quand était-ce ?  Instant échappé au temps qui bien vite s’en vient comme il est venu, en silence et par hasard, le papillon s’est enfui emportant avec lui jusqu’au décor qui l’accompagnait. Marcher, se promener, se balader, autant de prétextes à immortaliser comme on dit si bien ces choses vivantes en les tuant dans leur dernière position. L’œil voit, commande, décide, le capteur prend alors toute sa dimension pour transformer en pixel ce champ visuel si magique.

Ma boite à gribouille, c’est aussi ce grand cahier et son stylo bleu, bleu ciel, bleu outremer, bleu nuit, bleu comme des rêves bleus. Des pauses au cours de pauses, des poses de mots qui se déposent et s’enlacent, construisent des phrases, des bouts de textes, des traces tout droit sorties d’un jour, un instant, une idée. Ecrire est un exercice, une passion, une détente, et comme toute passion, elle est capricieuse, prenante dévorante parfois, parfois délaissante, oubliée, chavirée, vide. Des idées qui passent au travers des neurones, beaucoup sont volages et ne s’attachent pas, elles arrivent, elles traversent l’esprit mais ne s’y attardent pas, elles ne seront que pensées sans mise par écrits, pourtant, le moment qu’elles procurent, la vision qu’elles donnent, le sourire ou les larmes qui les traduisent ne sont pas vains, loin d’être inutiles, c’est un éclairage différent sur un jour différent, c’est la lumière en plein soleil, c’est une étoile dans un ciel étoilé : on la voit furtivement, puis le temps de tourner la tête, le rendez-vous est manqué, plus moyen de s’y reconnecter.

Ma boite à gribouille, c’est une vie, plutôt des vies dans une vie, des périodes, des épisodes, des émotions qui colorent l’instant, qui murissent plus tard et donnent au présent des reflets métalliques, des acides et des mordorés, des pastels et des sépias, des ombres profondes, un clair-obscur sur la toile de la vie. Faut-il s’en plaindre ? Non, bien sûr. Serions-nous nous-mêmes si nous n’avions pas vécu ces accents de vies ? Quel plaisir y aurait-il à rester monocorde, monotone jusqu’à l’automne de sa vie ? Bien sûr les accents sont parfois aigus, parfois grave, et l’on peut rester circonspect devant le circonflexe, mais il ne faudrait pas se déséquilibrer à ne voir que les ombres, que les sombres, la vie s’exprime aussi en rires, en humour et en poésie, qu’elle soit touchante ou non, ça, c’est question de sensibilité, une sensibilité qui hélas de nos jours à du mal à transpercer les tours d’ivoires et les armures dont les êtres se parent. Retrouver l’enfant, l’âme d’enfant, c’est revenir au temps d’avant les armures, c’est oser jouer sur toute la gamme des émotions, oser mélanger les couleurs, oser traverser les octaves, oser vivre, tout simplement. Et si cela ne plait pas, tant pis, vit-on pour plaire, non, je ne le pense pas.

Ma boite à gribouille est riche de choses et de petits trésors accumulés, tantôt partagés, tantôt privés, tantôt en attente de la mise en lumière ; Elle est riche aussi de ses pages blanches, de ses espaces de liberté, parce qu’une vie n’est jamais trop remplie, ni trop pleine, ni vide de sens, juste qu’il faut parfois savoir se remettre les yeux en face des trous, voir, observer, rêver….vivre !         

Et le vieux sage s'enfuit


Il était une fois, quelque part entre les grains de sable d’une plage océane, ou bien encore entre les sommets de ces jolies montagnes qui dessinent la frontière entre Espagne et France, un vieux sage ou plutôt un vieux pris pour un sage dont chacun ignorait l’existence jusqu’à ce que le besoin de consulter ce vieil ermite se fasse raison plus que loi. Qu’importe l’oubli dont il fait preuve, l’important est de s’en aller consulter, soutirer quelques pensées, peut-être même chiper quelques clés lorsque la lumière s’éteint sur une vie jusque-là trop prenante. Un peu comme on passe devant un stand de foire pour soudain s’y arrêter, la lumière grise incite à pousser la porte menant à ce soutien soudainement devenu utile. Toujours disponible puisque solitaire, toujours conciliant puisque aimant, toujours sage puisque l’écoute se fait en mode désemparé, pourtant, qui était-il vraiment, ça, personne ne l’a jamais su. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il vit ici, entre deux mondes, entre deux brin d’herbes chatouillés par les vents des sommets, entre deux coquillages sur cette plage déserte, invisible parce qu’on ne voit qu’avec le cœur et que le cœur ne voit jamais tel qu’il devrait voir mais plutôt par besoin de voir. Patatras ! Sans amour, le regard ne perce pas, la volonté n’est pas, l’avancée ne peut être. Aimer est une des clés pour vivre, la première personne à aimer est et sera toujours soi, car sans amour de soi, point d’envie de se mettre en avant, de se faire confiance, et sans se faire confiance, le regard en eut s’élever et élever l’âme. Alors les yeux fouillent le sol, cherchent entre les grains de sables, entre les pierres d’un sentier et dès lors ne peuvent trouver que le vieux sage sans âge qui se partage entre les mondes, qui soigne et guérit, qui apaise, parle et apporte des mots sur les maux, ceux des autres, sans que jamais personne ne s’attarde sur ces maux, si tant est qu’il en eut.

Un jour pourtant, ou peut-être une nuit, entre vents et marées, entre sable et pierre, nul ne sait où il s’est enfui, il fallait se rendre à l’évidence, il n’était plus. Disparu. Les âmes en peine avaient beau faire les cents pas, tout le long des crêtes, tout au long des dunes, elles avaient beau envoyer des messages, bouteilles à la mer, ruban de prière aux vents légers, nulle réponse ne vint plus, nulle sagesse n’apaisa plus les maux. Le vide, le froid, l’effroi d’être ainsi lâchées seules face aux vents mauvais, des paroles mauvaises vers le vieux fou sans savoir s’il était parti à jamais, si ses maux l’avaient emporté. Il est plus facile de puiser à la source des réconforts que de donner de son temps pour l’entretenir. Petit à petit, les âmes en peine ont cherché d’autres sources, d’autres réconforts, sans jamais réalisé le sens unique de la chose, ni même que les clés ne sont jamais cachées qu’au fond des coffres qu’elles ouvrent. Petit à petit, les âmes en peine ont perdu la mémoire du vieux sage qui courait dans les vagues et nageait aux sommets, il n’est pas facile de s’être trompé. Petit à petit, l’oubli a remplacé l’oubli, et seuls les vents qui voyagent des montagnes sauvages aux gerbes d’écumes des rouleaux océaniques viennent caresser les cheveux blancs d’un vieux dément perdu au milieu des pas perdus, un ermite errant libre et mesurant combien il est important pour chacun de trouver son propre chemin, ses propres clés.

Ainsi s’enfuient les vents, les vagues, les peines, les maux, ainsi s’enfuit l’homme solitaire, laissé et délaissé parmi ses éléments chéris. Nul n’est jamais prophète en son pays, encore moins dans celui des autres.

Sincérement


Une pause dans l’écriture et le temps qui s’immisce dans l’intervalle, que dalle, pas de mots sur les maux, pas de texte en prose ni de semblant de poème sans poésie, vide, sans mot, sans sens, ainsi se vit la fin d’un hiver, meurtrier, le début d’un printemps qu’on espère porteur d’espoir. Enfin. Enfin, l’espoir, c’est quoi ? Des épisodes d’hier, rien ne se rejoue, que des souvenirs, des regrets, et surtout un vide, terrible. Un vide qui aspire, et aspire avec lui tellement de contact, de relations, d’amitiés, soi-disant amitiés, vide de sens, pleine d’oubli, de manque, c’est si facile de s’esquiver lorsque l’autre est dans le vide sidéral, si pratique dans notre époque épique pleine de tic, de lien, de message et de virtuel. Alors oui, après ce terrible début d’année qui d’un fait de vie fait un orphelin, s’en vient février, mars, des dates qui rappellent, elles aussi, la vie d’un cran supérieur dans la généalogie, née en mars, décédée en février… Alors la vie s’agite, alors la vie transpire, alors la vie tremble, alors la vie se cherche, dans des cases désormais vide, trop vide, le cordon  ombilical même si coupé depuis longtemps saigne aujourd’hui. Pire, la solitude du père induit des réflexions, des pensées qui ne font qu’appesantir une situation déjà lourde. Bizarre, vide et lourde…

Alors oui, vide d’idée, d’inspiration, vide de sens. Pas de mots, pas de phrase, pas de texte. Vide.

Quelques lignes ce soir pour combler un silence qui ne peut-être en aucun cas une communication. Lourd, pesant, tellement facile de couper des ponts, des liens, juste parce qu’on n’a ni le temps, ni l’envie. Je comprends, aucun souci, au contraire, cela libère, après tout, quel luxe de pouvoir mettre à jour son répertoire, d’effacer d’un coup de tippex des années d’errances, des années où l’on a l’impression d’avoir le temps pour soi, la vie pour soi, les amis pour soi, la famille à vie…. Balayé, nettoyé, vidé, page blanche et autre errance, ainsi va la vie…. Ni colère, ni amertume, ni regret, passée la surprise, il est la vie, celle qui est face à soi, celle qu’on écrit, alors, hier est mort, lui-aussi, aujourd’hui se vit, pas forcément facile, demain sera un autre jour. Dans ce rituel du temps, il y a des personnages d’hier qui sont et seront là demain, d’autres qui descendent du train, malgré eux ou malgré nous, mais mesure-t-on la longueur d’un train à la somme de ses passagers éparpillés le long des différents quais de gares desservies ?

Exit hier, trop tôt pour un demain qui ne viendra peut-être pas, aujourd’hui se vit selon ses codes et ses règles, il n’y a rien à mesurer ni à chercher d’équilibrer. Ainsi va la vie, on descend d’un manège, parfois le manège s’en va sans nous, mais ce qui compte, c’est notre place, notre vie, aujourd’hui et le temps d’aujourd’hui. Mesurer cela est une des clés. Je ne prétends toujours pas avoir les clés, ni même les miennes, par contre j’assume ma vie, mes choix, mes errances et j’apprécie la réalité de la lumière mise sur mes relations. Merci la vie. Sincérement.

8 mars


8 mars, journée internationale des droits des femmes… Un peu bizarre comme titre, mais c’est ainsi que cela est, dans un monde à la traine, dans un monde qui peine à comprendre que la vie nait d’une femme et d’un homme, que donc tout homme sur terre est né d’une femme, quelle que soit sa couleur de peau, quelle que soit sa religion, quelles que soient ses préférences sexuelles, quelles que soient ses croyances, sa philosophie, sa politique. Devoir instituer un jour sur le calendrier pour mettre sur le devant de la scène que les femmes aussi ont des droits démontrent un caractère phallocrate et discriminatoire. Fermons la parenthèse, coup de gueule, non parce que cette journée existe, mais par cette espèce de cérémonial arrivant chaque année à la même date pour dire : « les salaires des femmes sont plus faibles », « les droits sont bafoués » …. Mais merde, qu’est ce qui se passe les trois cent soixante quatre autres jours ? Rien ? On a exposé le problème et cela suffit, merci, au revoir et à l’année prochaine…. Drôle de monde, bien que dans ce cas-là, le « drôle » n’a rien de drôle.

En dehors de toute considération politique et géopolitique, le huit mars, c’est une date entre fin d’hiver et pas tout à fait printemps, c’est une date anniversaire aussi, pour tant de gens qui sont nés un huit mars, c’est un jour comme un autre dans la longue continuité de la vie où pourtant, chaque jour est différent, chaque jour porte ses joies et ses peines, ses rires et ses larmes, ses drames, ses bonheurs, parce que la vie n’est pas lisse, parce que la vie n’est pas prévisible, qu’il faut vraiment la vivre pleinement pour le réaliser au plus près de chacun de ses jours. Un jour ici, demain…. Nul ne sait. Doit-on en avoir peur ? Plutôt peur de n’avoir pas vécu chaque seconde de chaque jour, n’ayez pas peur d’user la vie, la vie est inusable et elle seule vous usera. Alors oui, il fait beau, même à travers les gouttes de pluies, même à travers les lames de froid, il fait beau parce qu’on vit, il fait beau parce qu’on est bien, à vivre cette vie-ci. Nous sommes des privilégiés, libre de nos mouvements, sans tuyaux, sans chaines autres que celles qu’on se complait à  porter, en les serrant, en les cadenassant à double tour, par on ne sait quelle peur, peur de l’autre sans doute, plutôt peur de soi. Etre vivant passe par être soi, être humain, fragile, délébile mais non débile, commettant des erreurs, apprenant par là-même à se construire, à se dépasser. Encore faut-il vouloir se dépasser, quitter sa zone de confort, risquer de prendre goût à la nouveauté, risquer d’être plus vivant que pas tout à fait mort. « Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » dit la maxime, mais alors, à quoi servent donc les maximes si nous gardons la peur en nous ?

Chaque jour décompte ses heures, chaque heures décompte ses minutes, chaque minute décompte ses secondes, un lent chapelet de perle de temps s’égrenant ainsi jusqu’au dernier grain, jusqu’à la dernière seconde, celle du trop tard, celle du « si j’avais su », pourtant, bien avant celle-ci, il s’en sera passé des secondes où on ne cherche pas à savoir, où l’on croit le temps éternel, où on repousse, on remet, on gaspille parce que sans voir le bout on l’imagine loin, très loin. Oubliez le futur, oubliez le passé, concentrez-vous sur votre présent, apportez votre sourire, votre joie et tout le panel de vos émotions aux vôtres, ceux que vous connaissez comme ceux que vous ne connaissez pas…encore, tout comme aussi, ceux que vous ne connaissez plus…. Ça en fait du monde ! N’ayez crainte, profitez de chaque seconde, vivez au présent, dès maintenant. L’eau de la vague qui mouille le sable de la plage ne le fera plus, parce que cette eau-là n’est plus, une autre arrive, la pousse, gronde et se jette encore plus loin sur le sable, c’est la loi de la vie. L’instant n’est pas le même que son prédécesseur, ni le même que son successeur, tout comme pour l’eau, tout comme pour nous…. Unique, délébile, lié mais non relié, soyez indépendant, soyez libre, soyez vivant, avancez, allez plus loin, marquez votre empreinte sur le sable, ce n’est pas la trace qui importe, c’est votre chemin parcouru, pour vous, et si d’aventure, vous vous sentez mieux assis, immobile à regarder le monde s’agiter, ne vous en privez pas, faites-le, mais faites le sciemment, sans le remettre en cause plus tard dans d’inutiles regrets.

Croyez. Croyez, mais par-dessus tout, croyez en vous, pleinement, entièrement. Soyez vous.    

Brumes en prose


Brumes magiques dorment dans la vallée, d’un sommet font une île perdue au milieu de nulle part. Il est des matins ou le plafond est si bas, si gris, que l’envie est plus encline à rester enfermé qu’à courir la montagne, pourtant, quelques fois, la récompense est au bout, l’ascension dans les nuages offre un paysage unique de sommets voguant sur une mer de nuage que n’aurait sûrement pas renié Magritte.

Brumes uniques qui savent si bien voiler les flots de cet océan sauvage, tout en s’entre déchirant pour laisser voir les contours si familiers de cette emblématique montagne, repère immuable dans le paysage qu’il est bon d’ainsi estomper pour mieux comprendre le vide qui serait en son absence.

Brumes célestes, un soir de pleine lune et même de lune bleue, s’en viennent masquer l’objectif qu’un tout autre objectif tente d’immortaliser. Un clic pris, une image figée, c’est le temps suspendu, c’est le temps immortalisé, c’est l’effet pris, l’éphémère qui son effet perd, l’image a gelé le mouvement, la lune a jeté son regard perçant, et la lumière fut.

Brumes, compagnes de voyages, jusqu’au bout des plus immobiles, qu’ils soient sur un banc de pierre face à l’océan, assis sur un tronc d’arbre au cœur de la nature, le cul sur une pierre instable au milieu de ces montagnes ou bien encore debout à chercher son souffle dans une longue montée. S’arrêter et vous voir défiler, belles fées toutes de gris vêtues, vos longues traines glissent sans s’accrocher aux rochers, effleurent sans abimer les espèces les plus fragiles, amusent le regard du voyageur devenu spectateur.

Brumes romantiques glissant sur le plan d’eau, effet irréel délicieusement sensuel, soudain le décor fuit, disparait, laissant aux acteurs la seule dimension, moment magique, féérique, seuls au monde, peut-être pas aux mondes car il est toujours des mondes pour venir accentuer ou atténuer la lumière à porter sur ces tranches de vies. Visages, vies sages, une lente promenade sans repère pesant, juste marcher, converser, s’abandonner à l’autre, à soi, vivre mais pleinement.

Brumes océanes, que serait ce bout du monde sans vous ? Combien de fois, la dune est franchie en plein soleil pour qu’une fois de l’autre côté, c’est une nuée ténue offerte aux regards ? Combien de matins, le visiteur non habitué se désespère de s’éveiller sous un ciel gris, avant que par magie, la marée s’en vient changer l’ordre des choses, et d’un coup, le soleil fleurit ?

Brumes…. Comment peut-on traduire des « pensées brumeuses » en des pensées vides de sens alors que vous portez justement un masque sur les choses trop faciles à voir pour mieux nous démontrer combien il faut apprendre à voir, à observer, à jouir de ces peu de spectacles offerts, éphémères mais jamais austères ?        


Brumes en acrostiches


Brumes et brouillard de quelques pas sont distants
Raccords estompés, fondues enchainées, captivant
Unique, chaque seconde révèle un paysage différent
Magique, faire d’un lieu connu des décors changeants
Electrique, la lumière s’y perd, s’emmêle, éblouissant
Symptomatiques de ce temps qui change tout le temps

Brumes de fin d’hiver
Réveil du printemps
Ultimatum sensoriel
Mélange des sens
Essences d’un jour
Sensationnel !

Brumes réelles donnent le ton irréel aux paysages familiers
Réalité estompée, voilée, où l’œil cherche ses repères
Un matin comme un autre mais pas tout à fait
Matin diffus, où la lumière s’accroche et résiste
Etonnant spectacle des nébulosités
Singulier moment à observer

Brumes océanes


Des brumes buissonnantes sur les bruyères brunes, c’est le printemps qui se cherche encore en hiver. La douce chaleur d’un matin naissant condense cette transpiration nocturne des sous-bois où les bruyères ont encore la part belle sur les fougères tout juste sorties de terre. Ce halo nébuleux filtrant les rayons de soleil donne une atmosphère si particulière que les pas du matin s’en viennent observer. La longue allée pénétrant les pins se trouve bien vite  peuplée de tout un tas de chemins et de sentiers, plus étroits, plus intimes, plus propices à faire communion avec la nature. Loin des routes, loin des habitations, loin des bruits et des fumées des hommes, c’est ici que se mesure pleinement l’essence de ce coin de terre, les sens en éveil, tour à tour aux aguets, se laisser perdre dans l’immensité relative de ce monde sauvage. Une bifurcation, du sable, une montée, de quoi quitter la brume et prendre un peu de hauteur pour observer ces nappes cotonneuses s’étirant entre les arbres. Des oiseaux chantent, un jeune daguet reprend sa course, étonné sans doute de rencontrer par ici une de ces drôles de bestioles qui se tiennent debout sur leurs pattes arrières, bien que celle-ci semble avoir oublié de revêtir sa tenue de camouflage…

L’océan se fait entendre, il rugit de bon matin, et bien qu’il soit caché par la dune, on le devine tumultueux, ruant dans les brancards de rochers et de sables, transpirant d’écumes et soufflant bruyamment comme un jeune taurillon tout droit échappé de la proche Espagne. Quel décor féerique, les repères mis à mal par ces déchirés de brumes, le son puissant des flots sauvages, le soleil glissant ses rayons au travers des frondaisons, quel bonheur d’ici marcher. Bien que le terroir soit familier, connu et reconnu, chaque pas grâce à la nature est un pas différent, une vue différente, des parfums différents, des rencontres différentes. On peut profiter de ce vieil arbre mort pour s’asseoir sur son tronc atterré et de là observer les évolutions d’un combat amical, comme la bagarre de deux frères chats, sans savoir vraiment qui du soleil ou de la brume triomphera à moins que ce ne soit victoire par abandon ? Peu importe, c’est un ballet magique en trois dimensions, les filins nébuleux grimpant aux arbres avant de mollement retomber, les têtes encore roussies des bruyères jouant à cache-cache avec ces écharpes grises qui volent au presque vent du matin. Que serait la vie sans ces bouts infimes de vies sans cesse changeantes, sans cesse renouvelées ? Une vie sans surprise n’est pas une vie, le voyageur assis ici, voyage immobile certes, mais il vogue loin par les grâces d’une nature si fragilement préservée. Un frisson s’en vient réveiller le promeneur de l’aube, serait-ce la fraicheur matinale ou bien les tourbillons d’humidité ? Il est temps de quitter le siège et de reprendre le sentier, un peu plus raide, un peu plus de sable mou, les rugissements se renforcent, l’océan n’est plus très loin.

C’est toujours un instant unique celui où les yeux quittent la barre de sable pour découvrir l’horizon et ses reflets verts changeants. On sait où l’on va, on ne sait pas comment il sera aujourd’hui, ce chenapan d’océan, tantôt bas, tantôt haut, tantôt plat, tantôt fougueux, tantôt vert infini, tantôt chargé de sables, tantôt transpirant d’écume, tantôt gris de froid. Il est des matins où l’œil embrasse la côte jusqu’en distinguer très nettement les reliefs des sommets en des sommes de détails. Ce matin par contre, tout est fantomatique, les brumes océanes gomment tous les reliefs jusqu’au plus basiques. Exit les dunes, exit l’entrée du port, exit les blockhaus avachis, même les vagues semblent sortir de nulle part. Pourtant, il suffit d’un sourire du soleil pour que se déchirent en un presque clin d’œil ces chapelets de nuages venus voir de beaucoup trop près la majesté de l’océan. Encore un de ces moments uniques qu’il est bon de voir et de vivre…