Ecouter le silence, c’est entendre les bruits de la vie, se
réveiller et prendre conscience de la maison qui vit. Le feu qui crépite, le
tic-tac de l’horloge, les craquements de la charpente au sortir de la nuit sous
les premiers rayons du soleil. Peu à peu, il écoute, il entend, il s’installe
dans ce monde auquel jusque-là il n’avait pas prêté attention. Peu à peu il
chemine avec moins d’hésitations dans ces lieux pas encore tout à fait
familier. La pièce est petite et encore trop meublée, elle vit dans ces
instants de transitions où deux vies s’entrechoquent, celle de la possession
limite collectionneuse à en friser la correctionnelle et celle plus dénudée,
plus simple et tellement plus essentielle. A quoi servent les piles d’assiettes
aux décors variés si l’on oublie de les sortir de leur cercueil de bois sentant
la cire pour les aérer ? L’essentiel est dans la vie, l’usage, non dans la
possession. Quelques verres pour les amis de passages, les amis de naufrage,
les coups perdus et les soifs d’écouter, quelques ustensiles pour une cuisine
simple et utilisant les produits du coin, quelques chaises mais pas trop, un
table pas trop grande, un coin pour se détendre et lire en écoutant la musique
des bruits d’ici. Un fond musical pour parfois se plonger dans des rêveries
dont les brumes ne tiennent en rien des fumées toxiques, un abri, un refuge,
des murs de pierres, austères pour qui ne sait lire dans leurs rides les vies
passées, des bout de rochers égratignés par des éclats de rire et des travaux
d’antan. Un cocon, essentiel.
Il fait grincer la fenêtre et repousse le vieux volet au bleu
éclatant qu’un valet tout rouillé mais fidèle au poste s’acharne à retenir sous
les coups de vents et parfois les vagues de pluies, de celles à faire fuir les
touristes qui ont du mal à comprendre qu’elles ne durent jamais très longtemps,
ici le temps change au gré des marées et selon ses propres envies, le ciel a
toujours la bougeotte, il se pare de bleu et le mélange sans cesse de gris.
C’est peut-être pour cela que les volets sont souvent bleu éclatant, c’est
peut-être pour cela que les pierres paraissent austères, c’est grâce à cela que
le monde passe avec bruit et repart aux jours raccourcis. Le temps est clair,
le ciel est gris, l’air puissant et iodé, la fumée retombe et le chat peine à
s’aventurer au dehors. Il referme la fenêtre sans rideau, découvre la pièce
baigner d’un peu plus de lumière et s’en va faire couler son café. Un coup de
tisonnier, la flamme se redresse et envoi un gerbe d’étincelle aussitôt aspirée
par la cheminée, le feu s’exprime, s’étire et se contorsionne comme au saut de
son lit. La vie s’installe, les oiseaux pépient, une voiture passe, des bouts
de conversations s’accrochent aux murs, bientôt rugira la corne du vieux
roulier qui emporte les iliens vers là-bas et d’autres bruits. A chacun son
rythme de vie et d’envies. Pour l’heure, cela sera petit-déjeuner et lecture
avant d’aller se dégourdir les jambes sur des chemins improbables en un
parcours non encore décidés, l’avantage d’ici est de pouvoir marcher à l’envie,
un bout de route, un chemin, un sentier, un vieux lavoir, une falaise, un bout
de mer, une colère d’océan, un bosquet, quelques perdreaux, des faisans, des
parcages, quelques vaches et moutons, une auto qui passe et salue, un ciel gris
qui ne l’est plus, une simple vie qui retrouve un essentiel. Son essentiel.