Vortex cérebral

Compte à rebours ou compte ailleurs, compte à Lleures, charmant village de Cerdagne, compte toujours, compte à jour, contes et légendes, décidément ça jongle fort sur les mots ce jour…. Que voulez-vous, on ne se refait pas et à vrai dire c’est tant mieux ! Se refaire pourquoi ? Comment ? En grand blond, musclé, pectoraux d’acier, la peau bronzée par le soleil… non-merci ! Je suis comme je suis et je suis très bien comme ça ! A quoi sert l’apparence s’il n’y a rien derrière ? Décor de théâtre, peinture en trompe l’œil, paraître plutôt qu’être, tout ceci ne me ressemble pas. Je suis comme je suis, un point c’est tout. Cela ne traduit pas l’immobilisme, non, si l’enveloppe charnelle qui nous sert de représentation aux yeux des autres est une chose, le contenu est tout autre, un contenu ayant droit et je dirais même devoir, d’évolution. Evoluer non pas simplement par adaptation, ce serait triste, facile et servile, non, évoluer parce que la vie nous donne des leçons, tous les jours, tout le temps, des leçons qu’il convient d’apprendre, de comprendre, d’analyser, d’en tirer les leçons pour en déduire les évolutions, sous réserve, bien entendu, de vouloir évoluer. Rien n’est décorrélé, tout est lié. Sans aller jusqu’à dire qu’un battement d’ailes de papillons au japon déclenche une tempête en Europe, les événements de nos vies ne sortent pas d’un chapeau de magicien ni ne tombent du ciel. Nous sommes acteurs de nos vies et de nos choix. Partie prenante des résultats comme des actions qui y ont conduit. Comprendre cela, c’est déjà avoir fait un bon bout du chemin. Tirer les leçons des leçons reçues, nous voilà en plein cœur de l’enseignement. Un enseignement qui doit se faire sans saigner, sans signer feuille blanche, un enseignement à l’enseigne pas toujours visible, de quoi passer par la case renseignements. Jonglerie encore et encore, humeur taquine et badine, humeur rieuse et heureuse. Plaisir des mots.

Les mots sont des parties de phrases. Sortir un mot du contexte, de sa phrase enveloppe, c’est l’exposé nu, aux quatre vents qui en fait sont bien plus nombreux que quatre, les laisser s’envoler dans les brumes de la mauvaise compréhension. Un mot parti de la phrase c’est un mot orphelin. Un mot, partie de la phrase, c’est du sens apporté, des indications supplémentaires, un aiguillage dans la compréhension… Le poids des mots, le rôle des mots, le choix des mots par l’auteur, le sens donné par le lecteur, toute cette magie qui repose sur cet amas de lettres plus ou moins ordonnées, tout a son importance. Mais et amis sont de même composition, certes, le sens n’est pas le même. Un mot arrive, tout neuf, où très vieux, sorti dont on ne sait quel dictionnaire, peut-être même d’un grimoire tant les lettres semblent usées, et les esprits en éveils en saisissent des sens différents, selon la culture, selon le cadre de référence. Une clé, même à usage unique, prend un sens différent selon que l’on soit serrurier, musicien ou bien en corps mécanicien. Certaines sont à double sens, elles ouvrent ou ferment des portes, elles vissent ou dévissent les écrous et des boulons, d’autres encore dorment en première ligne de partitions à la lecture semblant compliquée pour qui n’est pas familier du solfège…. Et encore, des clés, il y en tout plein, que ce soit des clés de codages, des clés de bras ou de jambes au judo…. Imaginez un peu quand comme moi vous êtes éclectiques : lorsque le son du mot vient frapper au pavillon de l’oreille, voilà que les neurones s’agitent (oui, oui, j’ai bien dit les neurones, cesser de sourire !) pour chercher dans les vieux fonds des cellules grises le sens qui convient en fonction du vécu, des connaissances (tiens, double sens….), de l’émotion, de l’environnement, et du mental. Sans compter la touche personnelle, jongleur de mots, grand pratiquant du double sens récurrent, des degrés supérieurs de l’université du rire, et voilà qu’explose en la voute crânienne des images, des sens associés aux sons perçus, et le film démarre, et la vie s’ensoleille de ses rires cérébraux, avec, tout de même, en fonction de contrôle qui permet de saisir en mode accélérer, le bon sens, du moins j’espère, du mot entendu, lorsque l’actualité du moment exige de mettre en action la rapidité et l’acuité nécessaire à la prise de bonnes décisions.

Voilà en d’autres termes que j’ai parlé compte et mots. Des chiffres et des lettres ? Emission culturelle non par le contenu, encore que certains mots sont tirés des tranches de certaines pages peu usitées du dictionnaire, non, émission culturelle car elle fait partie de ma culture, de mon histoire, et quelle fait remonter les souvenirs embués de mes jeunes années. La culture dit-on, est ce qui reste lorsqu’on a tout oublié. Aujourd’hui, je peux dire que je n’ai rien oublié, mais est-ce pour autant que je n’ai pas de culture ? Encore des mots, encore des sens, encore des mots dans tous les sens et sans dessus-dessous, encore du délire d’auteur et non de hauteur, encore des jongleries en prose, des bouts de choses, des phrases alignées, des bouts de pensées…. Tout ça ne tient qu’à un fil, et comme chacun sait, en avril, ne te découvre pas d’un fil ! Justement, nous y voilà en cette fin d’avril, de quoi raccrocher le fil et poursuivre la mise à nu, la mise en avant, l’évolution, permanente, pas toujours lente, pas toujours rapide, des rythmes collant à la vie, des pauses, des prises de conscience, des éveils et des réveils, des joies, toujours, si ce n’est au cours des leçons prises, c’est dans leur digestion, car, évoluer c’est s’accorder cette satisfaction-là de mesurer le chemin parcouru, de s’arrêter quelques instants sur le bord de la route et regarder dans le rétroviseur, les longueurs parcourues. S’arrêter ? Oui, mais pas trop longtemps, car à ce jeu-là, on n’est jamais arrivé, et sans cesse il nous faut évoluer…

Le fleuve est la ville

Encore une dernière longueur et voici le joli mois de mai qui pointera son nez. Le mois où il nous vient l’idée d’aller jouer les vagabonds, à se prélasser de pont en pont, profiter de beau temps revenu, enfin, venu parce que là, que d’eau, que d’eau comme dirait ce brave Mac Mahon, dont du reste, je ne sais s’il fut brave ! Petit rappel d’histoire, ce Mac Mahon, Maréchal de son état fut président de la république, dans sa version troisième du nom, et d’ailleurs, le premier à inaugurer le septennat de 1873 à 1879. Ces mots magiques et terriblement réalistes, voire même pathétiques, furent prononcer sur notre belle région toulousaine à l’occasion d’une présidentielle visite lors de la crue de la Garonne de 1875. Bon, voilà qui est dit, et l’histoire est en marche. Un fleuve, et quel fleuve ! Un président, et des mots. Bon, le président eut ces mots, le préfet, pour compléter l’histoire lui aurait répondu «et encore vous n’en voyez que le dessus ! » ce qui pour un préfet dénote son humour et rajoute, non sans jeu de mot, de la profondeur au débat. La force et la puissance de notre fleuve chéri, provoquèrent ainsi en cette année-là, des mots présidentiels et des maux locaux, tant les flots dévastèrent les quartiers riverains alors non protégés par la magnifique digue de béton gris que nous voyons aujourd’hui et eurent raison du pont Saint Pierre, comme quoi, on ne sait jamais à quel saint se vouer….

L’eau, la vie. Le Fleuve, notre fleuve, la Garonne, fière et rebelle, au cours sans cesse changeant, qu’en quelques kilomètres à peine, on peut voir de l’état de ruisseau sauvage en fleuve placide sinuant dans la ville, sa ville, car je ne peux, toulousain je suis, toulousain je reste, dissocier l’une de l’autre, imaginer même une autre association. Au fil de l’eau, au cours des jours, au fil des jours, le débit, le volume varie, caprice de fille de Pyrène, descendant de sa montagne tantôt guillerette, tantôt en furie, toujours sauvage, ne prêtant son dos aux navires qu’en peu d’endroit, jouant des fonds irréguliers et plutôt rocheux de son lit, elle glisse, rebondit, créée des remous, agite au gré de ses humeurs les esprits et le verbe. Est-ce pour cela qu’ici le verbe est haut ? Haut en couleurs, haut en puissance, aux accents fluctuant comme le fleuve, rocailleux comme son berceau, nos voix s’accordent et se mêlent aux eaux de cette artère nourricière, s’emportent dans des glissades effrénées, se rassemblent contre l’obstacle qu’elles repoussent de leurs forces ainsi unies. Bien d’autres troubadours l’ont raconté ou bien même chanté, sur eux tous je ne peux renchérir, je n’en aurai ni l’audace et n’en ai point le talent. Tout ce que je sais, c’est l’étroit lien qui unit ma ville à mon fleuve, ce lien inévitable et tellement évident qui se tisse et enserre mon cœur à jamais. Ville exceptionnelle, rose sous le feu du soleil couchant, ou du matin déjà flamboyant, le fleuve se parant dès lors de mille éclats, et, telle une rivière de diamant soulignant la beauté d’une élégante, il s’en vient souligner de ces traits de feu la majesté des façades vers lui orientées. Quel que soit le temps, l’époque, l’heure, le moment où j’arpente ma ville, quel qu’en soit l’endroit, pont, boulevard, jardins ou ruelles, j’y trouve toujours un attrait, je suis à chaque fois émerveillé. Un détail, une cour, un balcon, une façade, une vieille porte, des briques et des pierres remises à neuf, un portail ouvert sur une cour cachée, c’est sans cesse plaisir de découverte, de redécouverte. Une ville bruyante, à dimension humaine, une ville brillante par sa dimension humaine. Bruyante ? Oh ! Pas de ces bruits sans cesse dérangeant, non une ville du sud aux accents de gouailles cosmopolites, des rires, des cris de joies, des apostrophées lyriques et envolées, des têtes qui se tournent, des regards qui s’effacent, des pas qui se pressent quand d’autres ralentissent, des parfums croisés au hasard des pas, sucrés, épicés, des couleurs, des odeurs, c’est tout cela une ville qui vit, qui bouge et remue. Telle la Garonne, Toulouse n’est pas ville endormie, mais ville de vie. Quel que soit le moment de l’année, mois d’hiver comme mois d’été, printemps ou automne, c’est toujours du monde dans les rues, aux terrasses des cafés, des portes ouvertes sur le jazz à l’angle d’une place, d’autres entrouvertes sur des guitares rageuses sur les boulevards, musiques, chants et danses, rires et cris, partout la ville donne des signes de vie à presque toute heure du jour comme de la nuit. Et le fleuve dans tout ça ? Et bien, il coule, non pas des jours paisibles, non, des jours, paisible et d’autre non, il vit lui aussi. Il se gonfle de neige à peine fondue, il brunit ses eaux, les gonfle de tumulte, charrie des troncs ici et là déracinés, il vient laver les berges avant de s’apaiser, redescendre au creux de son lit, pour que sous un soleil de plomb, les âmes en peines comme celle en joies, viennent taquiner la muse ou l’élixir de houblon, assis sur l’ancienne chaussée. Des accents de guitare, des égoïstes mp3, des joueurs de carte, des réviseurs de leçons, des donneurs de leçons aux esprits embrumés par on ne sait quelle fée chimique, des grimpeurs de l’absolu tentant de gravir la paroi de brique, des baigneurs de soleil comme de simple touriste en pause de visite, c’est tout cela aussi, ma ville et mon fleuve en leur lieu de rencontre, d’échange et de partage.

L’approche de mai réveille bien de belles images. Des photographies prises à l’appareil neuronique, les plus belles, celles qui ne connaissent jamais le sépia…. Des envies de chaleurs, des envies de printemps mûr à en faire éclater l’été…. Rien ne sert de courir, il faut partir en juin….
- Dis, c’est encore loin juin ?
- Non, plus très, il suffit de passer par les ponts de mai et nous y serons vite !
- ça raccourcit, c’est vrai !
- oui, mais rien ne sert de se presser, l’important est aujourd’hui bien avant demain….

Au gré des humeurs

Humeur à la lecture retrouvée, envie de canapé au coin du feu, à défaut de plage sauvage et déserte, mon livre sous le bras, biographie de Louis XVI, ce roi version raccourci sauf dans les écrits, là, il y a de quoi lire ! La pluie, la fraicheur ambiante, inspirent au calme et à la douce chaleur du foyer. Détente dans la lecture comme détente dans l’écriture. Laisser son esprit voguer et divaguer, plonger entre les lignes serrées, se laissant porter par les vagues des idées et des mots rythmant le récit, racontant la vie de ce brave roi, visionnaire bien plus que ces contemporains, prêt à laisser place à une république monarchique sans que cela fut compris par les esprits réducteurs armés de la toute tranchante guillotine. Un modèle de gouvernance qui semble très semblable à ce qui se pratique de nos jours, comme durant les jours précédents, tout les jours en fait qui ont ponctué notre vénérable république, cinquième du nom. Un roi, certes élu de dieu et de ses droits de naissance, mais ensuite, un Premier ministre et son carré de ministres, sans quoi, il ne servirait à rien d’être le premier d’entre eux…. Je ne fais pas d’apologie de ces gouvernances-là, pas plus que d’envie de faire de la politique, non, simplement, l’esprit technique qui m’anime, ne fait pas de réelles différences entre les deux époques, à la durée de mandat du souverain en chef près…. Pour l’heure, je ne touche pas le bout encore de cette biographie plutôt épaisse, mais je ne veux pas qu’on me raconte la fin, je préfère en maitriser le suspens. Pause lecture donc. Mode réel, papier de qualité, lettres imprimées, ouvrage relié, c’est bel et bien du concret que j’ai entre les doigts. Dans un grand mouvement de bonnes actions pour la planète, je vais donc éteindre dès ce soir mon pc, ma télé, ces gros dévoreurs d’énergie et de vies qui gangrènent quelque peu nos univers quotidiens, nos vies et modifient le cours de nos envies. Une bonne flambée aux bûches crépitantes, le canapé douillet dans sa blancheur immaculé près à m’accueillir, des coussins confortables pour bien m’y caler, un thé aromatique servi, voilà le programme d’un moment propice à la détente et au bien-être. Plus de bip, pas d’appel, pas de sms, juste le tic-tac du vieux carillon, ainsi que le bruit du feu pour, tel un métronome frappé le rythme du temps qui passe, des pages qui se tournent, d’une soirée douce et calme, d’un moment à soi, une pause dans la vie, une envie de pause.

Humeur à la découverte, de soi, des autres, des vérités cachées sur des actualités cuisantes encore présentes dans les mémoires. Inlassablement, les avions défilent sur l’écran des neurones, heurtent le verre et l’acier et finissent par ébranler les bâtiments dans un drôle d’affaissement. Troublant. Percutant. Qu’y a t-il réellement derrière ses images trop banalisées par tant de passages répétés ? Discuter, en discuter, débattre, en débattre, essayer de voir la lumière dans ses ténèbres poussiéreux. Se donner le droit de douter, exprimer son opinion, ne pas systématiquement adhérer aux discours trop policés de notre belle société, c’est autre soi, tel qu’on est, et échapper un peu au formatage réducteur de pensée. Evolution de notre société, il y a deux cents ans, on réduisait les corps de la longueur d’une tête pour détruire mes pensées et conduire l’opinion. Aujourd’hui, en bon pacifiste, on lobotomise par la voie des ondes, sans opérations, sans douleurs, en toute impunité, dans la froideur des actualités, dans tous ces messages prédigérés dont on nous abreuve à longueur de temps. Certes, l’avantage du système actuel, est d’être réversible, à condition bien sûr de le vouloir. Moins sanguinaire qu’une tête tombant sous le poids de la lame, mais tellement plus destructrice, la méthode coupe toute forme de pensée personnelle par rabâchement d’idées sans perte de temps à les démontrer, la méthode est toujours la même, dire les choses avec aplomb et véhémence, conduit à les faire passer pour bonnes et certifiées. Nos esprits fatigués du vingt et unième siècle toujours à la recherche de temps et allant au plus pressé, ne demande pas autre chose que l’information non pas distillée mais vomie sur les réseaux divers et variés qu’elle sature de son formatage à la lobotomisation bien calculée. Le tragique, est que contrairement à la guillotine, elle est héréditaire et contamine les branches inférieures de la généalogie.

Il suffirait de presque rien pourtant…. Du temps, du doute, du temps de prendre en doute les messages trop facilement délivrés, du temps de s’assurer des choses, de mesurer leurs démonstrations, du temps de débattre, du temps…. Etre soi, savoir écouter, vouloir comprendre, le comment des choses, le pourquoi des choses, discuter, lire, se poser, réfléchir, analyser, se donner les moyens de le faire, ne pas croire ces dieux des temps modernes qui trônent dans nos salons, nos bureaux et jusque dans nos chambres à coucher. Débrancher les machines, descendre dans la rue, croiser des gens, discuter, échanger, mesurer les pour et les contres, se faire son opinion, apprendre, réapprendre à être, plutôt que subir, volontairement ou involontairement.
Il suffirait de presque rien, une coupure dans la vie, une coupure de la machine, tout simplement. Au lieu de l’attendre et de la vivre comme une fatalité, sachons trouver nous-mêmes le bouton, sachons le presser pour nous dépressuriser, nous retrouver. Alors, on le fait ?

Bienvenue chez moi

Du nouveau dans la vie…. On en rêve tous, non ? Des rencontres, des envies, des manques, et puis un jour, la rencontre, celle qu’on fait, au hasard d’un rayon de la vie, celle qu’on sait que c’est elle, celle dont on rêvait, celle dont on a besoin, celle qu’on a envie d’installer chez soi, dans une soudaineté qu’on ne soupçonnait pas…. Et c’est ainsi, après une rencontre par une soirée pluvieuse, qu’elle a débarqué chez moi, en un pluvieux dimanche matin. La pluie a succédé à la pluie, le soleil s’est gentiment caché derrière de vilains nuages, mais il brillait de toute façon, même si ce fut par son absence…. Matin de pluie n’est pas pour autant matin sans envie, et question d’envie, l’envie et même les envies étaient là et bien là…. Quelques pas dans des flaques de ces gouttes de vie que ce ciel nous avait dispensé sans parcimonie, et dont la terre nourricière était repue au point de presque les refouler, bain de pied obligatoire à moins, soit de savoir marcher sur les mains, soit de savoir marcher sur l’eau, et ça, j’avoue ne pas y arriver tout à fait, ou plutôt, ne pas tout à fait y arriver, encore que cela dépend fortement de la profondeur de l’eau, du moins, de ce que j’en ai noté au gré de mes expériences. Bon, il est clair que dans mes jeunes années, mes expériences de traversées de flaques d’eau en solitaire n’ont pas toujours reçues l’approbation parentale escomptée, et même ont pu être gratifiées de douces claques, point celles qu’on nomme amicales, mais de celles qui font partie de ce qu’on appelle, bien plus tard, l’éducation, une fois la sensation de cuiseur disparue du rouge des joues ou des fesses…. Oh ! Pas de propos sous la ceinture là-dedans, juste des remémorations plutôt que des commémorations et ma vie, mes ressentis sur ma vie et mon mode d’éducation n’appartiennent qu’à moi, homme libre des temps modernes, libre, dans sa tête, dans sa vie, dans ses pensées, libre et libéré, heureux d’aller et venir, de sauter à pieds joints dans les flaques de mes envies, heureux d’avoir envie d’avoir envie. C’est donc d’un pas léger que j’ai franchi le gué, ou, d’un pas gai que j’ai franchi l’onde, propos bateau, canoë plutôt même, puisqu'à coup de pagaies on franchit l’onde.... Mais revenons à nos moutons, même s’ils sont rentrés s'abriter sûrement de cette eau divine, encore que je n’en ai point chez moi, à part peu être de ces moutons de poussières dont on ne sait quel berger les sème sous nos lits et qui attendent placides qu'un loup vert (ou une autre marque, mais ça marche moins bien avec moulinex ou dyson, textuellement parlant, car aspirateurement parlant, tout est question de préférences et ce n'est pas le sujet premier du sujet en cours) viennent les aspirer, mais bon.... Oublions ces moutons-là et laissons-nous rejoindre cette belle rencontre, prenons là à bras le corps pour l’amener dans mon humble logis…..

Nous y voilà donc, entre ces murs, à l’abri de la pluie. Je dois dire que je l’ai trouvé fort emballée. Etait-ce la pluie, la fraîcheur des lieux qui faisait luire ce rouge ? Avec beaucoup d’envie je dois dire, et même avec excitation, je l’ai lentement déshabillé avant de l’installer confortablement, de lui offrir à boire et apprendre à faire connaissance, avec, mon côté technicien, qui aime à comprendre comment fonctionne les choses plutôt que pourquoi. Le pourquoi est une chose, le comment une autre, bien plus intense, bien plus profonde, bien plus génératrice d’évolution. Comprendre, apprendre, presque une seconde nature, trouver l’ordre optimum des choses, le bon bouton, ce fameux bouton qui enfin cède et libère les choses, faisant basculer dans un degré supérieur l’excitation.

Expérience, quand tu nous tiens, excitante expectation, encore un instant, encore des bruits émis, des gémissements ou des râles, et bientôt dans une libération attendue, commençait à couler le liquide opaque, jaillissant dans un cri sourd et terminant dans son flot d’écume. Voilà, ça y était, nous y étions, le nectar était offert, et, de la coupe aux lèvres, il n'y avait qu'un pas que je franchis, troublante envie d'y goûter à ce divin breuvage odorant et si agréablement parfumé que m’offrait à son corps non défendu ma tout nouvelle conquête, ma jolie cafetière….

Rien qu'une minute...

Retour sur image…. La fameuse minute où tout bascule, celle qui débute l’autre période, scellant définitivement les portes de la précédente. Embarquement terminé, l’avion s’en va, sans vous…. Bye-bye un destin, un bout de vie, place à un autre segment de l’espace temps, un autre chemin de la vie. Une minute. Soixante secondes, un temps qui peut être long pour certaines occasions et court dans d’autres, et pourtant, le même temps, la même incompressibilité, le métronome battant régulièrement la cadence qui régit le monde, les pas des piétons, les maigres tours de roues dans les bouchons d’un périphérique englué sous la pluie, le top chrono de la fin d’embarquement. Soit! Retour sur le quai, sans passion, sans émotion. On ne peut rien contre le temps, on ne peut que contre soi. Savoir interpréter correctement les données, savoir se positionner sur le bon segment, analyser les parts d’impondérables, faire en sorte d’être en cadence avec le planning établi. Notre destin est soumis à deux forces qui peuvent s’associer comme s’opposer. La première, ce sont les impondérables, les événements non maitrisables. La seconde, c’est nous, et nous seul qui la possédons, qui la dirigeons, par nos choix, pars nos envies, par nos actions. A la fois acteur et spectateur de nos vies, dans un mode d’écoute active, prêt à agir, à rebondir, acteur toujours, même en étant spectateur. Chaque événement de nos vies est résultat de ces deux forces, et à chaque fois, il y a une portion de responsabilité qui nous incombe. Est-ce par démission ou par facilité que l’esprit humain focalise sur les causes qui ne sont pas de sa responsabilité en premier ? A quoi bon s’en prendre aux impondérables, alors qu’il est si utile d’analyser sa part de responsabilité, d’en tirer les leçons, non pour cet événement là, passé et révolu, mais pour le suivant ? J’ai l’habitude de dire que le passé est passé, que le futur est bien futur et que seul le présent est un présent présent. C’est vrai. Hier est mort, demain pas encore là, et aujourd’hui à vivre pleinement, mais cela n’empêche pas de tenir compte qu’aujourd’hui constitue les fondations de demain. Les jours succèdent aux jours sans être dissociables. Hier n’est hier que par l’arrivée d’aujourd’hui. Demain ne sera qu’après aujourd’hui. Personnage central du temps, cet aujourd’hui est la résultante des leçons apprises du passé qui donnent les enseignements de vie d’aujourd’hui et des jours à venir, jusqu’à ce que d’autres leçons viennent éclairer les précédentes ou même les contredire. Le temps est un long ruban dont on ne sépare pas les jours, les dates, que ce soit au cours d’une vie, d’une période ou d’une ère. Nous sommes là aujourd’hui parce qu’hier d’autres se sont battus ou ont développé des compétences qui ont influé le cours de notre évolution. Sans revenir au temps des singes et des arbres, des poissons et des reptiliens marins, si nous revenons à notre échelle, notre modeste espace temps, nous sommes aujourd’hui les victimes de nos vies d’hier, les lauréats des leçons savamment distillées sur nos routes plus ou moins encombrées.

A quoi bon perdre son temps à râler contre hier, et même, à s’aigrir contre la minute précédente ? Celui qui vit dans la rancœur ne vit pas, ne libère pas son cœur pour le bonheur d’aujourd’hui et à venir. Insulter son passé, gaspiller son énergie à noircir hier n’éclaircit pas aujourd’hui. Ce qui est vécu est vécu. Point. Si nous ramenons ce passé dans un espace présent, nous y étions acteur aussi, et la séparation des pouvoirs que l’on fait aujourd’hui, n’était pas de mise hier. C’était alors qu’il fallait agir et prendre ses responsabilités. Aujourd’hui est un autre jour, rien ne sert de sortir le passé si les données n’ont pas été analysées dans leur contexte hier. Refuser de tourner la page, c’est se refuser de progresser et d’avancer. Autre temps, autre vie, autres vies, autre tome à écrire. Ni tout à fait la suite, ni dissociable, l’évolution s’inscrit dans l’histoire, comme les histoires s’inscrivent dans l’évolution. Une minute. Soixante seconde. La porte s’est fermée. Retour sur mes pas, ou plutôt, d’autres pas, d’autres directions que celles prévues, d’autres choix, non calculés, non prévus, et d’un seul coup c’est la vie qui s’éclaire de ces impondérables devenant acteurs de changement. Une minute. Soixante secondes. Une voie plutôt qu’une autre. Une voie terrestre, plutôt qu’une voie aérienne. Ici plutôt que là. Une vie plutôt qu’une autre. Et si la voie des airs avait brutalement rejoint la terre dans un impact destructeur ? Et si j’avais échappé à cela pour cette même minute de rupture entre ces deux mondes ? Et si d’avoir raté la voie des airs, j’avais plongé dans une terreur terrestre et brutale ? Et si, et si…. Avec des si, on mettrait Paris en bouteille dit-on…. Sans les si, les embouteillages bloquent l’accès à la capitale…. Comprenne qui pourra ! Les choses furent ainsi, et parfois, quand les choses ne veulent se mettre en place correctement, elles ne se font pas. Soit ! En une minute, voire même en soixante secondes, le déroulement de la journée a basculé, d’une visite royale en place royale il n’y a qu’un pas, ou plutôt quelques tours de roues, mais ce fut une magnifique journée, un grand bol de ciel bleu dans la grisaille ambiante.
Une minute. Soixante secondes. Il y a toujours une limite au chose, peu importe qu’elle nous paraisse juste ou injuste, l’épaisseur du trait reste l’épaisseur du trait, quel qu’en soit le côté où l’on se situe. Se focaliser sur ce qui devrait être, empêche de profiter pleinement de la minute actuelle, et, au rythme où défile les minutes, mieux vaut profiter, mieux vaut en profiter, plutôt que de gaspiller ce bien si précieux qu’est le temps. Le temps et la vie ! Allez, je file, je n’ai plus une minute à moi…..

Un rôle absolu

Que le temps passe vite ! Les jours défilent, un à un puis par paquet de sept, puis par bottes irrégulières de tantôt trente et un, tantôt trente, parfois même vingt huit, il parait même qu’il y en eut à vingt-neuf….. Et ça s’empile par palette de trois cent soixante cinq ou six, toujours à cause de cette fameuse botte de vingt-neuf, comme quoi, ce sont les quantités les plus infimes qui déséquilibre la pile…. En attendant, ça finit par peser lorsqu’on s’amuse à compter les palettes, voire même gêner, au point que certains parlent de balais pour quelque part, s’en débarrasser alors qu’au final, on les accumule ces balais, sans pouvoir les stocker correctement, ce qui fait grincer les dents de ceux qui trouvent en avoir trop. Allez, hop, du balai ! Balayez donc ces outrages du temps qui passent bien plus dans vos têtes que sur vos corps, cessez de ne voir que le chiffre hésitant puis d’un seul coup s’affichant fièrement comme pour mieux narguer les infériorités numériques, complexe de supériorité bien ancré depuis nos leçons d’arithmétiques. Que vous comptiez les bougies ou les balais pour mieux les redouter, ce ne sont pas là, la raison des griffures qui embellissent vos visages, non, la vraie raison en est les soucis, les plis serrés pris pour essayer de contenir les ans dont on ne veut se parer et qui au final vous parent de par votre omission. En dehors de nos chers principes républicains, nous ne sommes pas tous égaux devant l’adversité du temps. Certains visages resteront lisses très longtemps quand d’autres plus jeunes se couvriront de ces sillons creusés inlassablement au gré des années. Il en est ainsi, en avoir peur n’y fait rien, avoir peur de vieillir, c’est quelque part visualiser la fin sans se donner la peine de laisser s’installer l’histoire. Imaginez un peu, si au début de la pièce, les acteurs venaient vous saluer le que vous n’ayez qu’à regarder le rideau tomber…. La seule différence entre nos vies et le théâtre, c’est que nous n’en connaissons pas le nombre d’acte ni la fréquence des rebondissements. Pour le reste, nous en somme le seul metteur en scène, c’est nous qui choisissons les décors bleu plutôt que les noirs, les lumières aveuglantes plutôt que la pénombre étouffante. La pièce dure et durera tant que nous la ferons durer, tant que nous serons tenir en haleine les spectateurs, passifs ou actifs, tant que les effets seront présents, tant que l’envie de jouer sera là.

Fin d’acte. Le premier ? Je ne sais pas, tout dépend où on introduit la césure, les épisodes précédents m’ont paru si liés qu’il m’est difficile de les dissocier. Certes, il y eut des ruptures, des rebondissements, des intrigues et des fausses pistes, mais tout cela semblait tenir du même corps, d’un même corps. Le rideau est tombé, lourdement sur l’acte. Dans la pénombre de la scène cachée du public, changement de décor ou presque, démaquillage ou presque, retour à l’essence même du personnage dans le rôle principal de sa vie. Le rôle de sa vie, pour un acteur, quoi de plus beau, quoi de plus grand ? Etre acteur du rôle de sa vie, de son propre rôle est tout aussi beau, tout aussi grand, alors, prenons le rôle à bras le corps, laissons de côté les bruits du public, ce ne sont qu’éternuements, chuchotements, rires ou larmes, parfois applaudissement, parfois mise en garde, mais ne soyons pas cabotin, ne jouons pas pour les autres, ni par les autres, jouons pour l’auteur, dans son respect, et, comme nous sommes aussi l’auteur de notre vie, jouons notre partition avec toute la sérénité, toute la légèreté et la profondeur qu’il y convient. Jouons sans jeu trouble, sans se servir des autres, sans être collectionneur de seconds rôles comme on aligne les meubles le long des murs pour en déshabiller la froideur de la pièce, respectons chaque acteur comme on se respecte soi, entièrement, totalement, justement. Difficile ? Déviance ordinaire d’une simulation établie, à trop jouer derrière des masques, on oublie la pureté des visages. Réapprentissage de nos vies, apprendre à être soi, un paradoxe, non ? Encore quelques instant avant que le velours épais ne libère le regard, offrant ses visages attentifs et attentistes aux jeux des acteurs. Le rythme martèle plus fort sans réellement s’accélérer, la gorge se noue, se serre, mais voilà la lumière et le texte s’échappe haut et limpide, posé et non solennel. L’acte suivant est parti, dans la tranquille assurance d’être enfin dans son rôle, d’être enfin soi, les pieds bien ancrés au sol, la tête dressée vers les étoiles et surtout, vers l’horizon, ce bel horizon qui se dégage au fur et à mesure de l’avancé des textes et de la mise en place du rôle. Des phrases, des paroles, des actes, des gestes, bien coordonnés, bien établis, bien sentis et surtout, enfin bien ressentis. Rien n’est hasard, tout est normalité, équilibre et justesse.

Tôt ou tard les masques tombent, et il ne sert à rien d’attendre de voir les autres tomber si le sien reste sur la tête vissé. Jouer à découvert, jouer à découvrir, jouer à être découvert, jouer, dans toute la moralité du jeu, car la vie n’est qu’un jeu mortel, où chaque étape prolonge le suspens et abroge l’idée de la fin, où chaque étape mérite de la vivre pleinement. Se contenir, mesurer son jeu ne prolonge pas les débats mais les alourdit au point de les rendre pesant, triste et vide, usant, creusant un peu plus les visages au point de compter avec une certaine tristesse les balais alignés…. Des balais en scène ou des ballets en scène ? Déballer en scène, s’approprier l’espace, le rôle, vivre pleinement, vivre à s’en étouffer de ce bonheur tout neuf et pourtant à disposition depuis le début, mais, comme chaque chose belle et si proche, on oublie de les voir à trop scruter l’horizon à leur encontre. Qu’importe l’âge, la durée ou le nombre de représentation, être là, présent et acteur, est ce qu’il y a de plus fort et de plus bénéfique. En attendant la rechute, du rideau j’entends, vivons, à fond, entiers et entièrement, vivons !

Satanée nuit blanche

Nuit blanche ou presque… Mon corps craque, ou plutôt, mes corps craquent. Le corps physique comme le corps psychique. Le corps physique craque, se morcelle et fait mal, me fait mal. Blessures anodines, coups reçus, égratignures ou ampoules, tout se réveille cette nuit, rappels non indolores qui empêchent de trouver le sommeil, de sombrer dans ce coma régénérateur si délicieux où on s’abandonne le temps d’une nuit, à explorer les songes, ces films très personnels qui nettoient nos cellules grises en en extirpant des désirs inavoués comme des peurs refoulées. Le corps psychique craque, comme atteint par l’âge limite, comme devenu trop étroit pour contenir celui que je suis vraiment. Les dernieres étapes d’une vie, de ma vie, d’autres vies croisées le long du chemin parcouru jusque là, les épreuves accomplies, les éveils provoqués sont autant de coups de piques, sont autant de développements personnels qui ont fait enfler l’âme au point qu’elle ne contienne plus dans le corps. Serrée, étouffée, la voila contrainte de n’avoir plus que deux choix, se résigner ou rompre d’avec cette enveloppe. Deux choix, comme nous avons en permanence, tout au long de nos vies. Vivre ou mourir, être ou ne pas être, exprimer ou se taire. Comme dirait mon vieux professeur sétois, « mon âme et mon corps ne sont plus d’accord, que sur un seul point la rupture…. » Mais où Georges Brassens évoque la mort, moi au contraire j’y vois la vie, la nouvelle vie, la renaissance. En cette période de Pâques, j’allais parler de résurrection, comme quoi, les religions et leurs jolies histoires, ont englué nos cerveaux juvéniles au point d’en déformer le mode de penser.

Nuit blanche ou presque, car on ne veille jamais tout à fait, navigateur solitaire sur les flots de la vie, nous effectuons de courtes pauses de sommeil pour maintenir la machine en mode acceptable, pour tenir, dans un cycle de survie, bien loin d’un cycle de vie. Mes corps me font mal cette nuit, comme rarement ressenti, et même, comme jamais ressenti. Le physique a déjà été secoué, que cela soit par des maladies diverses et pas toujours avariées, ou par l’utilisation trop prolongée de pratiques sportives, à la recherche de limite, à la recherche des limites, dans des courses effrénées, dans des épreuves servant à se prouver qu’on peut le faire, qu’on sait le faire…. Crampes et lassitudes, douleurs sourdes et lancinantes, éléments fleurtant avec le point de rupture, blessures sanguinolentes picotantes et s’agaçant au contact du drap, tout gêne, tout fait mal. Cerveau en ébullition, cogitations multiples, matière cérébrale en état de fracture, les images défilent, s’empilent, les pièces d’un puzzle s’avancent et se positionnent, une à une, se groupent, s’enclenchent pour former des bouts d’images, puis des images….

Nuit blanche ou presque, les heures ont défilé sur les chiffres rouge sang de l’horloge de chevet. Des chiffres quasi inconnus, qui d’habitude profitent de mon sommeil pour s’en venir danser sur l’afficheur et qui, en cette nuit blanche, viennent ponctuer l’obscurité de leur signification bien peu ésotérique. Ils comptent inlassablement les rides qui tout à l’heure habilleront mon visage de mal dormeur. A force de tourner et retourner, de secouer les pièces du puzzle comme de gratter les blessures, je me lève et je viens écrire. Pause. Je ne sais pas ce que ressent la chenille lorsqu’elle rompt le cocon pour déployer ses ailes d‘à présent papillon, mais c’est l’image que j’ai de ma vie. Je viens en peu de temps encore, de gravir des escaliers, d’emprunter des échelles, de prendre des mains amies qui m’ont amenées vers ce que les hommes appellent la destinée. Des mains que je croyais solides, que je ne voulais plus lâcher, des mains oubliées désormais, des mains à oublier, d’autres mains amies sont là, le long du chemin, par je ne sais quelle magie, par je ne sais quelle force. On les quitte en bas de l’escalier, et les voilà qui vous attendent en haut pour vous encourager, pour vous insuffler la force d’aller encore plus haut. Il y a des inconnus qui deviennent connus, reconnus, trop connus. Il y a le regard qui change, le sien d’abord, sa façon de lire le monde, sa façon d’accrocher plutôt telle courbe que telle aspérité. Il y a le regard des autres, différent. Les incrédules qui ne voient pas les progrès mais cherchent désespérément les écueils du passé dans les succès présents. Les esprits plus ouverts qui mesurent à votre place, la progression et vous en informent, vous en réconfortent. Il y a tout ceux qui arrivent sur ce nouveau chemin, s’accrochent à votre sourire et viennent faire des bouts de routes à vos côtés.

Nuit blanche ou presque, la vielle enveloppe craque car elle ne peut plus ni cacher, ni contenir la personnalité retrouvée. Derniers instants à vivre dans cette vieille peau, mais je sens que bientôt je vais faire place nette, balayer bien des choses, démolir bien des murs, sortir du couloir et m’en aller bien au-delà des chemins parcourus, non plus à ma rencontre, là, cette nuit, je sais que c’est fait, non, à la rencontre des autres, à la rencontre de l’autre, dans mon costume de chair et de sang tout neuf, enfin prêt, je dirai même enfin retrouvé, comme au sortir des décombres, le temps d’épousseter d’un revers de main mes épaules, je prendrai la route d’un pas assuré, comme si je le connaissais bien ce chemin à faire, mais après tout, c’est normal, je l’ai tant rêvé.

Nuit blanche ou presque, les derniers mots glissent sur la feuille, les derniers maux glissent à jamais, non par dérobade, simplement par parcours différents entre eux et moi, chacun sa route, chacun son chemin, et à l’heure ou l’encre noircit la page, l’aube blanchit la campagne et je m’en irai…. Le compte des heures ou plutôt le décompte touche au but fixé, celui qui réveille fatidique la crécelle moderne qui vient sonner le glas de la nuit, de ce qui aurait du être ma nuit…. Tant pis pour cette nuit-ci, cela sera pour la prochaine, en attendant d’aller goûter aux joies des cycles naturels et bien marqués des marées qui savent si bien apaiser et stabiliser nos cycles si perturbés. Pas de réveil ce matin, je suis déjà debout, les odeurs enivrantes et prenantes du café chaud et frais (allez comprendre !) excitent déjà les neurones non embrumés malgré leurs courses incessantes de la nuit. Les pièces du puzzle sont presque toutes en place, les images de ma vie dans toute l’épaisseur de ses liens sont enchaînées. Ma vie ? Non, ma nouvelle vie, toute neuve et toute forte, bien plus forte qu’hier, bien plus belle aussi….

Sur le chemin

Fin d’un trimestre déjà sur cette année qui semble encore nouvelle. Premier trimestre, premier bilan, l’heure des comptes, non pour un dépôt de bilan, non, juste pour vérifier la trajectoire prise, s’assurer des jalons passés ou non, voir s’il faut redresser la barre. Trois mois passés sans les voir réellement passer, des mois peuplés de jours différents dans leurs contenus, avec toutefois un dénominateur commun, le positif. Depuis les dernières longueurs de 2008, la positive attitude s’est installée, le sourire affiché et bien ancré, la vision des choses bien différentes, les attentes aussi, la vie appelle la vie. Plus d’à peu près, de causes désespérées, terminé de jouer les éponges, de voler au secours de la veuve et de l’orphelin, le temps est venu de marcher et d’avancer, à deux, ça, ça serait le top et cela viendra, j’en suis convaincu, le tout est de faire LA rencontre, avancer main dans la main, d’un pas égal, sur un pied d’égalité, l’un avec l’autre, l’un pour l’autre, sans que jamais ce soit le même ou la même qui tire cette belle équipée. Profiter de chaque instant dans ce qu’il a de plus simple et de plus différent, moment de folie, moment de répit, partage d’envies, activités sportives ou culturelles, bricolages ou activités domestiques, peu importe la chose si elle est partagée, le plus intéressant réside dans l’échange, la discussion, sans jugement, sans trahison, juste être soi, chacun, juste comprendre et aimer l’autre, simplement être compris et être aimé, sans suspicion, sans voir le temps passer et peser sur la relation…. Vision idyllique ? Non, je ne crois pas, je suis même sûr du contraire, il s’agit juste de l’expression de ce que je veux, de mes attentes. Ce n’est pas cela qui est idyllique, ça serait plutôt l’atteindre qui le serait. Question de temps, question de jours, bientôt, très bientôt, j’en suis sûr.

Pour en arriver là, il a fallu cheminer sur les sentiers pas toujours roses de la vie, déjouer les pièges, contourner les obstacles, sortir des fausses pistes menant vers l’abime, analyser et réfléchir, même si je n’aime pas trop le terme d’analyse tant son usage clinique peut en fausser le sens, se pencher sur soi au cœur des épreuves, savoir faire les bons choix, prendre les bonnes routes, à chaque intersection choisir la piste qui nous fait s’élever un peu plus, même si elle ne fait que quelques mètres, quelques pas. Ce n’est pas toujours la longueur qui compte, comme en randonnée, il est de petit raccourci qui aide à gagner du temps et économiser de grands détours…. Parallèle entre la vie et la randonnée, entre ma vie et mes passions, toujours, mais j’approche de l’infini et les parallèles se rejoignent bientôt, la vie devient plus passionnante et me passionne de plus en plus, je sens que j’approche de la grande piste, que j’épuise les derniers raccourcis, le regard est fixé sur l’horizon, non sur le chemin parcouru, c’est un trajet à sens unique, surtout pas un aller–retour, le but est de découvrir de nouveaux paysages, d’aller de l’avant, de forcer le pas, non dans l’allure mais dans la conviction, dans la façon de le poser, de plus en plus assuré, de plus en plus certains aussi de le poser au bon endroit, au bon moment. Depuis tant d’années, depuis tant de temps pris et passés à marcher, parfois reculer, parfois survoler des creux et des bosses, des pleins et des pointillés, parfois rebrousser chemin, repartir à l’aventure sur d’autres sentiers sans prendre le temps nécessaire et au demeurant précieux de se poser et de lire la carte de son cœur. L’expérience vient en marchant.

Est-ce la sagesse ou bien l’âge grandissant, je ne sais pas, toujours est-il qu’on découvre le bienfait de la pause lecture de carte pour souffler un peu et récupérer, et du coup, on se plait à cette introspection, cette lecture qui aide à rejoindre l’évidence du bienfait d’un trajet au long cours, qui aide à choisir le tracé le plus large, le moins sinueux, celui qui rendra la route plus belle…. Le droit à l’erreur existe toujours, il reste une composante essentielle de la vie d’ailleurs, les impondérables et les aléas de la vie aussi, aucun chemin n’est couru d’avance, et bien malin qui peut en prétendre le contraire. Ce n’est pas au début de la piste qu’on en devine la longueur ou la pente, quant à la perception de la fatigue engendrée elle n’est que subjective et surtout propre à chacun, selon la forme et l’envie, selon l’énergie mise en œuvre pour avancer au long cours. Autant de paramètres qui ne permettent pas, à moins d’être devin, ce qui n’est pas encore que je sache une discipline olympique, de connaître à l’avance l’état du chemin, ni la longueur de l’étape. Alors, de grâce, respectons les droits à l’erreur de chaque protagoniste, appuyons-nous sur nos perceptions premières, et, sixième sens en alerte, mettons toutes les forces dans la bataille, pour s’en aller gaiement sur le chemin de la vie. L’euphorie régnante aidera sans nul doute à lever les obstacles qui peuvent encombrer les premiers mètres du chemin, pour, trouvant le bon rythme et la foulée commune, s’en aller longuement, la main dans la main, dérouler la grande randonnée de notre vie.

Quoi qu’il en soit, le sac est prêt, les cartes à jour, lues et parcourues, toujours à portée de main, la boussole bien en main, cap au sud (ben oui, où avez-vous vu que j’allais partir au nord !), la fleur au dent, et en avant marche ! La vie est belle, le ciel super bleu, aucun nuage à l’horizon, de toute façon aucun nuage ne pourrait stopper la progression, car, c’est bien connu, la pluie qui tombe n’arrête pas le pèlerin ; Heureux pèlerin qui a sa pèlerine…..
Zut, encore un double sens qui m’a échappé !

Evolution et révolution

La saison hivernale s’est terminée, dernières sorties raquettes sous le soleil ariégeois, dernières sensations avant de ranger le matériel, vide le sac et préparer la saison de randonnées. Premier week-end d’avril, dernier de la saison, week-end passion, plaisir partagé en ouverture, dès le vendredi soir, plaisir éteint le dimanche, la vie et ses mystères, les personnalités et leurs mystères, les personnages et leurs mystères…. Mystère, célèbre dessert ou le croquant se cache sous le fondant, à croire que la douceur renferme toujours un os….. Nouvelle étape, nouvelle marche vers le haut, l’histoire est en marche, le ciel pur, les rendez-vous pas au rendez-vous, les discussions absentes, les faux-semblants sont très ressemblants, la nature humaine reste dans son fonctionnement antinaturel. Ce qui freine la progression, c’est la peur, la peur de se tromper, la peur d’avoir mal, la peur de souffrir, la peur qui finit par engendrer la peur. Avoir peur est au contraire rassurant, car la peur maintient les sens en éveil plutôt que de les assoupir dans un laisser-aller qui se révélera tôt ou tard néfaste. Avoir peur de perdre, c’est s’empêcher de gagner, choisir l’état stable du présent plutôt que de risquer d’aller mieux, d’avoir plus, et même beaucoup plus. Certes, on peut y perdre, mais alors ? Les pertes et les échecs forment l’expérience, celle qui construit, rester sur la première marche du grand escalier ne mène nulle part, il faut oser grimper, gravir une à une ces marches-là pour tutoyer le ciel et décrocher les étoiles. Ne pas se donner le droit à l’échec, c’est fermer la porte à la réussite. Ce n’est qu’à la fin de l’histoire qu’on connaît l’histoire…. Tenter de déduire une vision de déroulement de l’histoire alors qu’on n’en a même pas encore franchi le palier, c’est lire dans son passé ses propres erreurs en n’imaginant pas autre chose que leurs reproductions quasi obligatoires dans le futur, ce qui conduirait à se refuser soi-même toute évolution, plutôt que d’accepter la feuille blanche, et surtout, accepter de prendre le temps d’y dessiner les contours d’un futur sans écho du passé. Croire cela difficile c’est se chercher l’excuse de ne pas se mettre en danger de réussite, de se complaire dans un univers certes calé et bien douillet, mais duquel au final, on cherche à fuir. Se donner le droit de rêver c’est bien, se donner les moyens de ses rêves, c’est mieux. Rien n’est trop beau, rien n’est inaccessible, surtout pas le bonheur. Aucun être n’est supérieur, aucune personne n’est trop belle pour qu’on ose être son égal. « Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve » écrivait le poète, c’est hélas la démarche de beaucoup, démarche qui fait rater la marche, peut-être est-ce de là que vient le nom de dé-marche, non ?

Et oui, humour toujours, la vie reste la vie, belle, rebelle, éprouvante parfois, certes, mais dans le sens d’épreuves, de tests, de points de passage et de passages obligés. Pour ma part, mon permis de vie arrive à point nommé, le total des points est au maximum, bientôt l’extra-life, le bonus maxi ! Place donc à la vie, on va laisser de côté les tracas, d’ailleurs, ils s’épuisent peu à peu, quelques derniers soubresauts à gérer, mais l’envie d’avoir envie, l’envie surtout de réaliser les envies, mes envies, entières et pures, des envies de ciel bleu permanent, des envies de vies à deux ou plus suivant affinités, mais pour éviter toutes malencontreuses compréhensions d’esprits égrillards, on va dire à plusieurs mais limité à deux adultes consentants, et merci de ne point imaginer d’autres sexualités qu’une sexualité adulte… D’ailleurs, la vie ne se résume pas à un lit, sans l’exclure non plus, la vie est un long ruban étalé sur les vingt-quatre heures de chaque journée de plusieurs vies assemblées, ce qui peut la rendre mortelle surtout vers la fin. Et oui, la vie est mortelle, c’est bien là la seule certitude de départ, mais là encore, doit-on avoir peur de la mort, ou doit-on avoir peur de la mort sans avoir bâti quelque chose avant ? Bâtir…. Entre matérialité et spiritualité, il y a des mondes différents mais des mondes nécessaires pour s’y construire et être accompli. Je ne redoute pas la mort, je n’ai plus cette hantise-là, de partir trop tôt d’ici-bas, et cela ne veut pas dire que je souhaite partir prochainement non plus ! Je vis, je sais le chemin parcouru, les portes franchies, les escaliers gravis, certaines marches quatre à quatre, avec la soif et l’envie d’aller plus haut, plus loin, d’aboutir à ce palier où je suis aujourd’hui, d’où je préside à ma destinée, seul et sans impatience, sans peurs, ni de l’inconnu, ni de l’inconnue, sans attendre autre chose que la poursuite de mes rêves et leur réalisation, dans une quiétude absolue, tournant le dos aux vents mauvais, offrant mon meilleur profil aux plus doux rayons. Des erreurs de parcours, nous en faisons tous, mais plus que des échecs, ce sont autant de ces petits cailloux qui dans le lit du ruisseau, dévient le cours de l’eau, en font jaillir l’écume et chanter le ressaut. L’eau ainsi déviée, poursuit son parcours vers d’autres pentes, usant un autre lit, avant de buter sur une autre pierre, de se gonfler de force pour la faire rouler, la contourner ou bien, la camoufler sous le sable patiemment accumulé, pour poursuivre son cours. Nos vies sont ainsi. Elles suivent leurs cours, en changeant leur lit, en gravissant ou contournant les obstacles, en camouflant sous le sable du temps les écueils d’hier. L’eau source de vie, l’eau et la vie dans un combat similaire, l’eau, celle-là même sur laquelle j’ai posé mes raquettes pour la dernière fois de la saison en sa forme blanche et gelée, destins superposés le temps d’un week-end, destins unis dans une même transformation, celle de la neige en eau, celle de l’homme en autre homme. Nous sommes tous des êtres vivants, des êtres de cette planète, comme elle, comme chacun d’entre nous, nous poursuivons notre révolution et notre évolution, notre seule différence est d’user pour cela d’un cycle variable et propre à chacun, du moins, à la seule condition d’avoir entamer la révolution et d’avoir envie de l’évolution, son évolution…

Le soleil se lève à l'Est

Lumières d’ailleurs, atterrissage en douceur, retour à la normalité d’une vie, nouvelle vie, autre tome pour autre homme, nouveau tome pour nouvel homme… Le soleil se lève à l’Est, aube d’un nouveau jour, cette aube pure et brillante qui efface l’obscurité qui jusque là régnait. Sensation d’ouvrir les yeux pour la première fois, de voir pour la première fois, avancer dans ces paysages nouveaux et en même temps si connus de la mémoire, sentiment d’être après avoir été, de connaître sans avoir connu, d’avancer pour la première fois sur des chemins déjà parcourus. L’esprit est léger, vidé de tous ces désordres qui jusque là l’ont troublé, et cette légèreté donne par moment le vertige, mais fait tellement de bien que ce tournis en devient grisant. Un esprit sain dans un corps sain, sourire affiché, intérieurement et extérieurement, le plus intéressant est de voir l’effet contagieux de la chose : les sourires appellent les sourires, du coup, la vie s’éclaire encore plus ! Du plus vers le plus, dans une spirale aspirante qui balaie tout sur son passage, ôte du chemin les moindres aspérités pour transformer le sentier en voie royale. Après un vol en toute quiétude, cheminement inverse de l’embarquement, sorti du long cigare d’aluminium pour le tunnel opaque et les premiers pas dans un aéroport anonyme situé de l’autre côté de la terre, revoilà le contact du sol, de cette terre, nouvelle, retour des sensations, des automatismes, des pas, plus légers, plus naturels, des sourires en voyant ces endroits distants et si similaires, ces tables alignées aux chaises serrées, ces odeurs de café, attirante, possédante, entêtante, attrait inévitable pour le voyageur fraichement débarqué. Café, stylo, cahier hier, café, boitier de plastique aux touches alignées aujourd’hui, peu importe les outils, la moelle se synthétise en phrases aux mots liés. Ecrire, encore et toujours, écrire partout, écrire sur tout et surtout écrire. Les corps s’animent, les voix perçantes se réveillent, les mots incompréhensibles se déplient dans ce hall vaste et froid, dans des mélodies aux accents inconnus, dans des vocabulaires set surtout un dialecte nouveau. Dehors, la nuit noire laisse sans regret sa place à une lumière orange, dégageant autant de chaleur déjà que de couleurs, réveillant la vie, les vies, tourbillons anonymes dans ces décors si vides jusque là. Au cœur de cet inconnu, je me tourne vers la première personne amie, la mienne, je la visite, fait l’état des lieux en l’état, visite ces neurones vides et propre, je sors lentement de l’état léthargique pour m’ouvrir à ces vies, ces lieux, pour aspirer la vie, la respirer et expirer la nuit. Check-up matinal, bilan cérébral, encéphalogramme aux courbes fort sympathiques ponctuées de supers bonnes humeurs, tous les paramètres sont au vert pour le décollage immédiat dans cette nouvelle ère. Décollage ? Mais je viens juste d’atterrir ! Que voulez-vous, il fait si beau là-haut !

Retour au monde réel, celui des belles réalités, celui des progrès, des joyeusetés, celui du ciel toujours bleu même si parfois on le voit gris, celui qui sourit comme je souris à la vie. Sorti du labyrinthe éreintant, des bouts de murs, des cloisons qui viennent de façon inattendue boucher un horizon qu’on croyait dégagé à perte de vue, place à la vaste étendue du vaste monde, place à la vie ! Quel bonheur, quelle joie d’être en vie, de respirer normalement, de marcher, de courir, de rouler sur ces roulettes amplifiant le plaisir par huit, de parler, d’échanger, d’avancer sans composer, de n’avoir pas de contrainte, de se laisser aller de se laisser porter par cette vague de sourires, et même, d’aller les chercher, les provoquer, jusque dans des endroits confinés. Des nombreux et récents séjours à l’hôpital, j’ai reçu tellement de décharge de lassitudes, de tristesses, de désarrois que le seul moyen d’y répondre, d’insuffler la gagne et le courage d’aller au-delà des propres limites de notre propre corps, c’est d’envoyer une rasade de positif, d’irriguer ces terres desséchées de bonne humeur, de plaisanter de rire et de sourire. Envoler le débat parle haut, soulever les regards qui trainent au sol, engendrer la joie, l’espérance, l’envie de voir ce qu’il y aura demain, de se battre même quand les forces abandonnent cette enveloppe terrestre, quand la vie ne s’alimente plus que par ces fins tuyaux transparents, descendant de souples bocaux où les poissons rouges ne tournent jamais. Etre ne serait-ce qu’un sourire, qu’une pale lueur dans l’obscurité d’une vie, est déjà énorme et si cela peut amener suffisamment de chaleur pour aider à franchir un palier, une marche, ce n’est que bonheur supplémentaire, mais ce n’est pas pour cela que je le fais. Voltaire disait : « J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé » Sage et belle phrase, joli et joyeux principe de vie, qu’il convient d’appliquer et de s’appliquer. Comment en tout, il n’y a que les premiers pas qui comptent, et même, juste le premier… Après, on se prend au jeu, on joue suivant ces règles si élémentaires et si simples à mettre en place, on jaillit dans un tourbillon de sourires qui ne laisse plus de place à la monotonie, à la mauvaise humeur, aux sourires inversés….

C’est là ma vie, mon mode de vie, mon fonctionnement désormais, et surtout, mes réelles envies, de ma réelle vie. Passager anonyme des affres de la vie, me voilà arrivé au terminal, dans ce cocon rassurant de béton et de fer, à profiter des derniers instants de répit devant la tasse fumante, devant cet écran fidèle retranscrivant sous forme alphabétique mes pensées. Encore un instant avant de franchir le seuil, d’aller me frotter aux joies de ce monde, d’aller respirer ces odeurs si familières, d’aller découvrir ces nouvelles couleurs que mes yeux trop obscurcis n’avaient pu voir alors. Ça y est, le soleil a dégagé son disque de derrière la terre, il poursuit son ascension vers le zénith, irradiant de ses rayons chauds nos vies et nos envies. Les envies ? Toujours, car les envies dirigent la vie. Toujours. Ayons envie, ayons soif d’envies !

La dernière marche

Et voilà, plus quelques pas, plus que quelques instants avant de franchir cette dernière marche, quitter ce sol natal pour un bon bout de temps, je ne peux dire à jamais, car les choses sont rarement prévisibles, mais la destination est lointaine, le billet sans retour… Autre monde, autre civilisation, autre vie, autant de clé pour ouvrir la porte d’une nouvelle vie, autant de clé pour fermer la porte sur cette vie-ci. Encore quelques instants dans ce hall d’aéroport si familier, celui qui m’a vu en de nombreuses fois, spectateur assidu des destins qui se croisent sans même se voir dans des courses folles, vers des destinations différentes, assis une dernière fois, à ces tables de bar, le café fumant devant moi, le texte en marche vers son exil bloguien. Le blog, ce compagnon fidèle des derniers mois, où se sont empilés des humeurs, des messages, des notes, des histoires, mon histoire, jusqu’à ce jour…. Encore quelques attentes et je ne serais plus de ce monde, je pars au-delà, au-delà de l’occident et de ces folies dont on ne maitrise plus guère les conséquences, dont on se demande s’il existe seulement un traitement qui à défaut d’être curatif, arriverait au moins à ralentir, voir à faire sommeiller la terrible gangrène qui corrode les esprits les plus anodins, transforme en bête les belles, encore un symptôme de notre monde dégénéré, ce n’est plus la belle et la bête, mais la bête dans la belle…. Histoires maudites. Non pas dans leurs contenus, très beau, très fort, mais dans des conclusions ravageuses et ravagées. Histoires conclues, et dans quelques instants, histoires définitivement enfermées dans le coffre du passé.

Tout s’est enchainé rapidement, les décisions se sont prises brutalement, provoquées par le hasard, les résultats enfin, après tant d’années d’assiduité à ces jeux de hasard justement bien nommés, enfin des chiffres alignés correctement sur une grille, enfin des chiffres qui s’alignent correctement sur un compte, enfin une libération, une occasion unique de changer d’air pour de bon et pour longtemps. Bye-bye le boulot d’ici, bye-bye les contraintes, en avant marche à l’envie vers les envies, la première, la plus grande, partir, loin d’ici…. Pour l’heure, c’est une drôle d’impression, un départ, certes, en avion, oui, mais il n’y a pas de notion de durée encore, pas de différence avec ces voyages à la journée sur Paris, pas de différence avec ces voyages sur deux ou trois jours sur Hambourg, sur Londres ou Madrid. Peu de bagage, à quoi bon s’encombrer qui plus est de choses d’ici, on verra bien sur place, ce dont on a besoin, ce dont on a envie…. Maitre mot que l’envie, l’envie est maitresse tout comme la maitresse peut faire envie…. Peut-être un peu moins en période scolaire…. Partir, laisser dériver pour l’heure mon esprit, dans ce hall si familier de l’aéroport, mon joujou tout neuf sur la table devant moi. Très sympa ce bout de plastique aux touches bien alignées, qui me permet d’écrire et de surfer sur le net depuis n’importe quel endroit du globe, ou presque, il faut tout de même que les ondes transitent pour aller transférer les mots et les émotions à coup de zéro et de uns….. Achat compulsif, lien vers les autres, encore quelques temps, peut-être juste le temps d’écrire même, car je pense qu’à changer de monde, à fermer ce coffre, je vais aussi fermer bien des comptes, oublier bien des adresses, virtuelles et réelles, fermer mon compagnon le blog, après ces dernières lignes, ces derniers mots, là, tout près de cette dernière marche qui me fera définitivement quitter cette vie-là, ce sol natal et enfoui dans mon cœur. Je songe pour l’heure à cette voix douce qui va bientôt nous appeler pour embarquer, ce sourire accueillant qui va plonger nos corps dans le tunnel, nous propulser vers ce cigare d’aluminium qui se mouvra dans des tressautements irréguliers avant de cracher la puissance de ses réacteurs et nous arracher enfin de ce sol pesant. A cet instant précis de mes pensées, je me demande où situe-t-on le repère du sol ? Dans ce tube qui mène à l’avion, dans cet aéroport trop familier ? J’ai envie de courir, de fuir les murs gris pour m’en aller fouler une dernière fois peut-être cette terre qu’on qualifie ici d’envol….

Les choses avancent, une nouvelle hôtesse vient d’arriver, les listes à la main, nous approchons du moment fatidique, de cette dernière heure enfin arrivée, celle que l’on mesure dans sa dernière seconde…. Résumé d’une vie, une seconde pour une heure, dernière longueur, dernière phase, dernières phrases….

Pourquoi attendre le moment fatidique pour appuyer sur la touche envoi ?
Où que l’on soit, la vie reste la vie, et surtout ce que nous en faisons….
Il est toujours des cieux plus beaux, plus bleus….
Suffit de les voir, de savoir les voir, vouloir les voir
Savoir les voir, savoir les mesurer et les comprendre
On est toujours en attente de nous-mêmes au final
N’importe où qu’on aille, on ne se retrouve jamais qu’en face soi

D’ailleurs, que fuit-on si ce n’est que nous-mêmes ?
A peine arriver au-delà de cette limite fixée,
Vouloir trouver autre chose n’est que supercherie
Réaliser qui on est, ce fait ici ou là, sans tricherie
Il n’est pas d’endroit plus favorable qu’un autre
Le but du voyage n’est que son propre soi…