A jamais

Equilibre, état fragile pris sur le vif, dans l’instant
Instant, période de temps, ni passée, ni à venir
Avenir, lui est à venir, pourtant il n’est pas temps
Pas temps, peut-être mais partant sûrement. Rire.

Equilibre, subtil pas de deux entre deux états,
Libre d’aller vers l’un, vers l’autre, entre eux, entre autre
Libre de tomber mais alors tomber en déséquilibre
Libre d’aller et d’avancer, un juste équilibre, c’est ça.


Instant. Arrêt sur image, ni trop tôt, ni trop tard.
A l’heure, mais cela ne veut rien dire pour l’instant
Il est des instants dans chaque temps, tôt comme tard
Il est des moments, hors du temps à chaque instant


Mais si tout bouge,
Mais si tout change,
Monde étrange,
Ni bleu, ni rouge
Un fragile équilibre
Enfermé dans l’instant
Sommes-nous vivants ?


Il est des instants d’éternité, il est des moments de gloire
Il est des trésors comme des reflets de nos vies de moire
Il est ici et maintenant, il sera bien un ailleurs, plus tard
Il est une vie en équilibre qui s’en va entre d’autres vies

Parce que vivre est un subtil équilibre
Parce que chaque instant est fragile
Parce que nous sommes vivants
Profitons vite de chaque instant

Et si tout bouge
Et si tout change
Ce monde étrange
Est bleu comme rouge
Un fragile équilibre
Dans chaque instant
Nous fait vivants

A jamais.



Précipitations...

La pluie est tombée, cela a duré peu de temps, mais elle est tombé drue, si drue qu’il est impossible sans l’avoir vécu d’imaginer pareil spectacle : des murs d’eaux mêlées de grêles, des coups de vents et l’obscurité en plein jour. Terrible spectacle digne d’une fin du monde, tellement surnaturel que le regard scrute sans fin les cieux pour tenter d’y voir une éclaircie d’accalmie, mais non, rien, que du gris dans ses tons les plus sombres. Et puis soudain, le regard se baisse, et là horreur, il n’y a plus de relief au sol, tout n’est qu’un vaste lac dont la surface se ride sous les impacts des gouttes qui tombent et martèlent sans cesse. Du jamais vu ou presque. Presque. Il y a quelques années pareil spectacle fut pareillement programmé, et si les conséquences paraissent aujourd’hui absolument démesurées, ce n’est que parce qu’entre temps, les constructions, le béton, le goudron n’ont fait que progresser et dévorer les espaces arables. L’eau n’est plus bue par la terre, elle glisse sur son linceul. La terre se meurt et l’Homme est à la fois son bourreau et son fossoyeur.


Parkings et caves inondés, appartements construits en rez-de-chaussée qui ne sont plus des rez-de-chaussée mais des niveaux inférieurs aux niveaux des sols rapportés, comment le bon sens peut-il avoir ainsi disparu ? Quelques parpaings d’économisé, c’est autant d’argent gagné pour le constructeur, c’est autant de danger pour les occupants.  Routes et déroutes, automobiles dans le décor, automobilistes en panique, les précipitations apportent la précipitation et chacun plonge dans le précipice. L’eau est tombée, elle s’est enrichie de terre au gré des talus, la boue rend plus glissante les chaussées et les trottoirs camouflés, regards marron sur la ville, nous nous retrouvons marron devant pareille activité somme toute naturelle, nos technologies nous sont d’une inconsidérable inutilité. Rappel efficace de notre fragilité dans notre supériorité toute de façade, rappel de notre infériorité devant les forces de la nature. Coup de foudre et puis plus rien, l’électricité n’aime pas celle venue du ciel, tout a disjoncté, noir c’est noir, il n’y a plus de soir. Quelques jours plus tôt, la chaleur suffocante de ces jours qui n’en finissent pas nous imposait des coups de fatigue à répétition et une nonchalance extraordinaire. Ce soir, voilà qu’on respire mieux même si étrangement, l’eau n’a pas rafraichi les températures.



Comme elle est venue, la pluie s’est enfuie sans même jeter un regard à ses vastes étendues nées de ses larmes. Désolation sur morne plaine, les yeux cherchent à deviner les reliefs du sol, puis scrutent sans fins ces cieux sombres. Heureusement, ce coin de terre n’a pas un coeur d’argile, lentement mais surement elle boit et draine ces eaux rendant enfin à l’herbe la primeur des regards. Bien sûr, il restera des traces indélébiles, des traits, des rides, des chamboulements. Les heures qui suivent seront particulière, dame météo annonce encore des jours de furies pluvieuses, l’Homme est un chien qui aboie, la pluie une caravane qui passe. Il y a tant de malheurs, de victimes innocentes des promoteurs peu scrupuleux, mais quand donc cesseront de raisonner sur des moyennes saisonnières pour enfin se protéger face aux maximales fussent-elles rarissimes ? Faut-il donc être des éternels rêveurs ou bien un jour, retrouver le bon sens paysan de nos anciens ? La pluie est tombée, drue, épaisse et mal fardée. La pluie est tombée et nous ne n’avons que nos yeux pour pleurer. Amère désolation. Après la pluie, vient le beau temps dit-on mais pour l’heure, il pleut, il mouille et ce n’est pas vraiment la fête à la grenouille…..         


C'était mieux avant....

Lorsque s’en vient le temps des souvenirs, lorsque ces souvenirs prennent une saveur sucrée, lorsque les pensées genre « c’était mieux avant » s’en viennent chanter leur refrain, là, on mesure le vécu et surtout la descente du train. Tant qu’on est dans le train, tout va bien, on vit dans le même rythme, on traverse les mêmes gares, on franchit les mêmes évolutions et tout roule….comme sur des rails. Par contre, lorsqu’on voit passer les évènements sans  forcément les comprendre et pire, en cherchant la comparaison dans notre seul référentiel connu c'est-à-dire notre passé, là bien sûr, on reste à quai. Histoire de vies, histoire de temps, histoires de générations, mais putain, que c’était bien avant…


Difficile de comparer pourtant, le fameux référentiel n’est pas une référence surtout lorsqu’on le sort de son contexte, un évènement hors de son contexte n’est plus un évènement mais une interprétation, et puis, ce diable de cerveau n’est pas extensible à l’infini, il commence à saturer de classer dans des tiroirs et des cartons des tonnes de souvenirs jusqu’au point d’en devoir faire le tri et balancer aux archives closes du temps les souvenirs les plus quelconques et les moins plaisants. C’est comme le grenier d’une vieille demeure dans lequel ne se trouveraient que les belles choses. Quelle image des anciens occupants des lieux en déduirez-vous ? Que le grenier soit empli de livres, de vieilles dentelles, de bibelots et autres rideaux et vous focaliserez sur l’habitat, la quiétude du foyer, le confort et la connaissance mais après tous, stocke-t-on les vieux outils, les mains calleuses, les ampoules sur la peau tannée, les suées, les sueurs, les éreintements et les douleurs dans un grenier où les emporte-t-on dans la tombe ? Bizarrement, ces trucs-là ne font pas partis du « c’était mieux avant »...


Il peut y avoir de la nostalgie aux vieilles évocations, il peut y avoir aussi la tromperie des images d’Epinal, la tendresse envers ses parents et donc par extension une tendresse particulière envers la période de temps dans lequel ils vécurent mais cette buée aux yeux ne doit pas empêcher d’y voir clair : hier est hier tout comme aujourd’hui est aujourd’hui et tout aussi assurément que demain sera demain. C’est une forme de déni que de refuser de voir hier comme il était vraiment, et pire, de le regarder avec les yeux d’aujourd’hui. Prenons par exemple les musées et écomusées qui fleurissent ici et là, et tant mieux car il est important d’entretenir le devoir de mémoire mais cela nécessite malheureusement aussi d’avoir le recul nécessaire pour saisir la totalité du message. Voir un mobilier bien trop restauré, clinquant de brillant, des murs si blancs qu’on les croirait à peine repeint de la veille, c’est déjà un prisme déformant. Visiter une de ces vieilles demeures lorsqu’il fait trente degrés dehors, c’est d’abord apprécier la fraicheur des lieux, mais cela empêche sans doute ce que « pas d’isolation ni de carreaux aux fenêtres » signifient au cœur de l’hiver. Sans compter que de moins en moins de monde a connu le confort d’une vaste cheminée ouverte comme seul moyen de chauffage pour une pièce ouverte aux courants d’air. Et puis, il faut oublier l’art de l’empilage que réalisent les musées : à trop vouloir faire « d’époque » ils accumulent tant et tant d’objets et de biens offerts à l’exposition qu’il aurait fallu plusieurs générations d’habitants pour parvenir à cela.


Alors oui, c’était mieux avant, mais vu d’ici et de maintenant, en refusant de s’y coller et puis parce qu’à cette simple évocation des temps passées, ce sont autant de bougies qui disparaissent du gâteau d’anniversaire, un sorte de prime à l’éternelle jeunesse. Au fond, ce qui fait chier, c’est de vieillir et de ne rien plus comprendre aux mondes de nos remplaçants, aussi jeunes et plein de bonnes volontés que nous l’étions à leur âge, et ce qui passe pour nonchalance ou paresse ne trouve-t-il pas écho dans la même paresse ou nonchalance de nos jeunes années ? Le temps a passé tout comme il passe encore, et si hier fut bel et bien, demain le sera tout autant voire peut-être même plus, de toute façon, il n’est pas de comparaison possible, et puis de toute façon, aujourd’hui, il y a bien mieux à faire…


                 


L'heure des choix

L’heure des choix, c’est ce carrefour de nos vies où s’emmêlent les routes de nos destinées et quel que soit le choix que nous ferons, il y aura toujours un chemin à prendre, des routes laissées de côté, des questionnements, des hésitations, peut-être bien même des tours de ronds-points… Il y aura aussi du temps passé à lire et relire les panneaux, les flèches indicatrices, les choses qu’on a cru lire et celle qu’on ne lit pas, les réponses que l’on n’attend pas, les questions que l’on ne pose pas. Ne pas poser la question c’est sabrer le champagne à la victoire du non, car c’est toujours le non qui s’impose lorsqu’on ne fait rien d’autre que subir.


L’heure des choix, c’est ici et maintenant, c’était hier, mais si souviens-toi, ce sera demain, tout à l’heure, plus tard, car la seule certitude c’est de toujours avoir des choix à faire. Seul. Peut-être passe-t-on trop de temps à être une marionnette dont les fils de la décision sont en d’autres mains ? Peut-être que la peur n’est qu’une mauvaise conseillère s’amusant à nous faire peur de ce qui n’est au fond qu’un cheminement naturel sur le chemin de nos existences ? Peut-être au fond que nous ne sommes pas préparés à choisir et pire encore, à agir ?


L’heure des choix, c’est le grand miroir devant lequel tu te figes en te regardant, ce grand miroir porteur de tant de confidences qui te connait toi, tel que tu es sans maquillage, celui qui a appris par cœur toutes tes mimiques, tes grimaces et j’en passe sur l’album des têtes des mauvais jours. Tu es là, debout, le regard planté dans le vide de ton image à lui demander « bon alors, qu’est-ce qu’on fait ? » Mais le miroir ne te répond pas, un miroir ça ne parle pas, ça réfléchit. En silence. Rien de plus énervant. Alors tu t’énerves, et tu exprimes tout ton mal-être en le traduisant par des flots de critiques, à l’encontre de ceux qui font rien, à l’égard de ceux qui ne font pas bien, parce que c’est tellement plus facile de voir combien « ils » sont incapables, et puis parce qu’au fond si toi tu n’es pas bien c’est uniquement à cause d’eux.


L’heure des choix… Subir. Agir. A cause d’eux. Mais bordel, c’est quoi ce monde qui geint, qui pleure, qui crie, qui hurle, qui conspue ? C’est quand qu’on va commencer à comprendre que le monde n’est pas une offre devant répondre à toutes nos demandes ? Et puis, c’est quand qu’on va penser que ce monde n’est que ce que nous en faisons ? Subir, non, agir, oui. A cause d’eux, non, grâce à soi, oui. Là est le choix mais pour ça, il y a pas mal de boulot : d’abord désapprendre, oublier la facilité de tout rejeter sur les autres, ensuite apprendre, les vieux principes en premier : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Ensuite apprendre, apprendre à agir, apprendre à formuler sa critique par l’émission d’une contreproposition mûrement réfléchie, dûment pesée, bref, cesser de parler pour contrer, parler pour parler, cesser de jouer les grains de sables pour enfin apporter sa pierre à l’édifice et son étincelle à la lumière des nations. Encore faut-il pour cela bien vouloir se donner la peine de vouloir comprendre et là, cela requiert du temps, cela nécessite de la prise de recul, cela impose de voir les choses dans leur globalité et leur contexte, chose rendue de plus en plus difficile par le travail de réduction et d’extraction effectué par bon nombre de journalistes. La faute à pas de temps, la faute à la concurrence, la faute à la captation d’un pouvoir si désirable. Publier vite, mettre un titre choc, vendre de l’évènement même là où il n’y en a pas. C’est de la poudre aux yeux, de la poudre à canon capable d’exploser à tout moment, que ces artificiers de l’artificiels manipulent sans précaution. C’est de la poudre de perlimpinpin, le peuple croit savoir mais il ne sait rien, un grain de sable tout seul ne donnera jamais l’image de la plage dont il a été extrait.


L’heure des choix, c’est de choisir. Facile. Facile de faire des choix, facile de se planter, facile de recommencer parce que la vie a un grand principe : toujours répéter la leçon jusqu’à ce qu’elle soit apprise. On peut dès lors se planter, pas de soucis, il y aura un rappel, par contre, lorsqu’on se plante plusieurs fois au même endroit, il faut aussi prendre cela comme un rappel et se rappeler que cet endroit est le mauvais endroit, que ce chemin est le mauvais chemin, que ce qui nous semble une autoroute n’est qu’une impasse pour soi. De là nait un ultime choix : choisir d’évoluer ou bien choisir de stagner. Dis, c’est quoi ton choix ?   

       

Les promesses de juin

Les promesses de juin sont d’étranges maitresses, elles s’en viennent brillant de mille feux au point de vous faire fermer les yeux puis lorsque vous les rouvrez, d’elles ne subsiste qu’une poussière d’étoiles aux accents de lune. Ce diable de mois de juin ne sait sur quel pied danser, il balance entre un mai de printemps et un juillet estival, il rêve et fait rêver aux grandes chaleurs mais ses jours trop longs à porter ne sont que pleurs d’ennuis. C’est d’autant plus dommage, qu’on se plait à profiter des longues heures de luminosités, de ces soirées longues appelant à la paresse ou à l’ivresse de mille senteurs du jardin, la table, les chaises, le hamac sont de sortie, il ne reste plus qu’une douce température pour que s’y berce d’agréables lectures. Hélas, juin est aussi un assassin, il tue dans l’œuf nos envies de douces quiétudes, il déverse ses flots sur nos jardins à peine repeuplés, il nous fait douter de nos plants de tomates pourtant mis en terre avec l’eau à la bouche des futures salades. Non, franchement, juin, rien ne va plus.


L’hiver et ses frimas, le printemps et ses allers retours, le manque de lumière, le rythme de nos vies, l’approche de l’été et certainement la tête un peu aux vacances, tout se conjugue pour ne plus avoir envie que de chaleur et de détente, de goûter enfin aux bienfaits de passer du temps dehors. Le mois de mai est vite traversé, il faut dire qu’il est peuplé de ponts à emprunter, et puisque nous voici déjà en juin aux portes de l’été, et bien ciel ! Donnez-nous donc cet été tant réclamé ! De la chaleur ailleurs que devant la cheminée, des couleurs, des odeurs, de la lumière autrement qu’en ciel gris-noir, et s’il pleut, qu’il pleuve vite et fort comme ces orages d’été qui sont si bons à caresser sans parapluie. Les éternels insatisfaits que nous sommes n’en peuvent plus d’attendre, et même si nous ne revêtons pas encore le masque et les palmes, le besoin de trainailler dehors sans couverture se fait bel et bien sentir. Ce n’est pas tout de promettre, il faut aujourd’hui satisfaire, tout de même, ce n’est pas demander la lune….


Soyons clair, ceci n’est pas un chant à l’été, ni même une pétition contre la pluie, chaque chose en son temps et un temps pour chaque chose, laissons juin prendre ses aises entre pluie et été, non, ce qu’il serait bon, c’est d’avoir juste un peu de chaleur le soir, histoire de profiter de ces jours qui chaque jour trainent un peu plus en longueur. Ecchymose. La nuit se pare en jour jusqu’à des heures indues, pourtant elle nous retient chaque matin dans les griffes de l’aube, nos corps se distendent à ne plus pouvoir résister mais hésitent entre le trop tard et le trop tôt. Paresse et fatigue, étrange duel d’un duo se trouvant dos à dos. Cernes. Le trop court d’une nuit se dessine chaque jour un peu plus sur nos visages pâles de futurs estivants sans savoir si ces plis sont les creux du jour qui se lève ou bien les pleins de nos envies de saison. On se retrouve cernés par ces deux opposés pas si contraires et du coup, nous voici concernés. Il est un usage bien établi qui veuille que l’été s’en vient à l’heure du solstice et que ce solstice soit purificateur, peut-être est-ce là les raisons de nos impatiences, oui, notre envie de régime ultime, enfin se débarrasser de nos mauvaises ondes, s’alléger et renouveler nos énergies par la grâce de cette bascule, le jour cesse de battre, peu à peu il s’en ira décliner pour laisser chaque jour un peu plus la place à la nuit. Qu’elles que soient nos croyances, étatiques ou religieuses, spirituelles ou rebelles, nous sommes tous enfants de la terre et du cosmos, et si comme des enfants rebelles nous courons dans tous les sens, il est ainsi quelques dates qui nous offrent les occasions uniques de fortifier nos liens.


Quoi qu’il en soit, il n’est nul besoin de hamac, de chaise longue pas plus que de banc. L’herbe tendre et odorante se révèle un siège douillet pour venir s’y asseoir quand vient le soir. Sentir ce monde végétal entre ses doigts, oser planter ses racines dans cette terre, se laisser aller à la méditation parmi ces sensations premières, puis, quand vient la nuit, lever la tête vers le ciel et voir peu à peu la voute s’éclairer, une à une les bougies se plantent dans le plafond puis allument un point, certaines vont même jusqu’à s’aligner et suggérer les traits des constellations très connues de notre enfance, qu’elles soient chariots ou petite et grande ourse, ce sont les étoiles qui tissent nos antennes entre nous et le ciel. Nous voilà résultante et trait d’union entre ciel et terre. Nous voilà raccorder à nos domaines d’énergies. Nous voilà tout petit à l’échelle du monde, et de cela, nous pouvons tirer la relativité de la faiblesse de nos problèmes. Les impatients que nous sommes deviennent des patients qui apprennent à se soigner, n’est-ce pas là notre essentiel et la magie de la vie ? Alors, les promesses de juin…..            



Forêt

Les tempêtes de l’hiver ont parsemé la côte et les plages de mille débris, déchets en tout genre que les hommes ramassent chaque jour pour bien préparer l’été, bois flottés de toutes tailles jusqu’au modèle tronc entier. C’est sur cet étonnant banc déposé sur le sable qu’il vînt s’asseoir en cette fin d’après-midi bien ensoleillé, un bouquin entre les mains, une lecture intimiste qui convenait parfaitement à ce boudoir personnel qu’est ce bout de plage… Avant de disparaitre dans les brumes des souvenirs, il leva la tête du côté des montagnes dont les contours étaient presque tous estompés dans les nuages tassés dans ce coin de France et il en sourit : il rentrait juste de quatre jours de marche là-bas, quatre jours à marcher au gré des nuages, au rythme des pluies, au son des parapluies… quatre jours à mesurer combien la nature et surtout la nature de ces endroits-là prenait le pas sur l’humain et sur la nature des humains. Qu’ils sont étranges ces humains, peu à peu ils s’éloignent de ce qualificatif homonyme, les humains sont de moins en moins humains, de plus en plus égoïstes, il devient de plus en plus difficile de vivre en groupe tant ces égoïsmes s’expriment de plus en plus en des vocabulaires agressifs et des actes provocateurs. Il est également difficile de constater combien bon nombre de ces marcheurs seraient tout aussi bien à marcher autour d’un stade ou d’un quelconque lac puisqu’ils ne s’intéressent en rien aux lieux, à la flore ou à la faune des lieux, et surtout, parce qu’ils ne cherchent pas à comprendre l’Histoire et les traditions de ces lieux. C’est une forme d’inquisition que de refuser les mots, les idées des autres et des hôtes de ces lieux en croyant que notre seule lecture et nos seules traditions sont à prendre en considération. Devait-il s’en offusquer ? Non, mieux vaut en rire et passer outre, continuer de marcher, de gravir des contrées inconnues tout en cherchant à apprendre et surtout, à partager, une seule paire d’oreille attentive c’est déjà une belle victoire et une transmission assurée.

Retour à la lecture. Les pages se lisent facilement, un style clair, des mots faciles, des idées bien réelles qui s’en viennent réveiller de cruels souvenirs, il avait donc eu un bon pressentiment de venir les lire ici, sur cette plage qui était une page de leurs vies. Amères lectures, le soleil chauffait la peau mais les frissons n’étaient pas feints. La dernière page digérée, il remisa le livre dans son sac puis parti retrouver la forêt qu’il aimait. Un petit sentier et la magie des lieux opérait : les mains se détendaient et s’alignaient pour en cueillir les énergies du ciel et de la terre, les parfums des fougères, la térébenthine des pins, la saveur suave du chèvrefeuille qui s’en vient vous sucrer les narines, tout cela contribuait à une véritable communion. Pourtant devant lui le spectacle s’affichait désolant : le guerrier aux dents d’acier était encore venu prélever sa dîme dans la forêt mais pire encore, la nature était venue à son tour jouer aux échecs avec lui : c’était une entrelacs de branches laisses sur place et d’arbres entiers déracinées par les grands coups de vents s’en venant même obstruer la piste. Il dû la quitter pour un autre sentier, mais très vite, il perdit le fil de la forêt, sa forêt. Comment cela était-il possible ? Il refit le parcours dans sa tête, reprit chacun des virages et constata qu’il ne tournait pas en rond mais progressait bien dans la bonne direction, pourtant, il ne reconnaissait pas les lieux. Les arbousiers affichaient des longues pousses vert clair, les chênes de nouvelles feuilles bien plus grandes et bien plus épaisses, les fougères semblaient bien plus hautes qu'à l'accoutumée, le sentier se faufilait entre branches et souches laissées au sol mais non, rien de familier. Fallait-il courir en voyant la luminosité décliner ? Non, il n’y avait pas de raison de paniquer, la marche allait dans le bon sens, c’est sûr, les travaux l’avaient juste éloigné de ses passages habituels.


Bientôt l’éclaircie d’une sortie du tunnel, un alignement d’herbes familier, le canal était là puis il vit la piste et son cœur reprit un rythme habituel. La forêt l’avait recraché, il reprit connaissance et tenta d’effacer ses émotions, puis il remonta la piste et sourit en reconnaissant la pierre blanche qu’un petit Poucet avait dû semer ici pour marquer l’entrée du sentier. Là ! Il pénétra doucement, la végétation avait grandi et elle resserrait le passage. Lentement il s’enfonçait, ondulant pour mieux lécher les contours des parois, puis se sentant plus fort, plus grand, il poussa plus loin et enfin la forêt lui offrit le plaisir, il retrouvait ses marques et la course devenait plus puissante, plus exaltante. Le chemin du retour devint vite plus familier et il sourit devant une telle évidence : il y a toujours une sortie de tunnel, il y a toujours la lumière au bout, il ne fallait jamais désespérer, ni s’affoler. La patience demeure une arme redoutable. Toujours.


mémé

Ce n’est pas une couverture qui attire, il n’y pas de top-modèle en photo, il n’y a pas de ces images ayant à la fois le côté chic et sensuel un rien sexy qui happent l’œil, non, c’est une simple couverture blanche avec écrit « Mémé » et en haut « Philippe Torreton ». Non, il n’y a rien de glamour là-dedans. C’est un livre somme toute anodin mais ce livre anodin ne peut rester un livre anonyme, et comme il n’est pas anonyme, il ne peut être véritablement discuté. Pourquoi ? Peut-être parce que derrière la prose fine d’un véritable acteur et donc joueur des mots, il y a la prose intimiste d’un petit-fils racontant sa mémé et là où le texte prend toute sa force, c’est dans la façon dont on le lit, dans la façon dont il trouve écho dans nos propres vécus. Je vous l’accorde, cela est vrai pour beaucoup de textes, les mots prennent le sens que l’on veut bien leur donner, les mots ne sont que des tiroirs à idées dans lesquels chacun range ce qu’il veut bien y ranger…. Aussi, ce livre-ci, je ne peux que vous conseiller de le lire, sans vous promettre d’y retrouver mes émotions, parce que si nous partageons le même âge, si nous sommes de la même génération, ce livre au fil des mots m’interpelle et interpelle l’histoire de ma mémé tout autant que celle de ma maman.

Deux femmes de ma vie. Maman, tu ne fus pas mémé mais tu fus mamie. Mémé, tu ne fus pas mamie parce que tu étais mémé, c’est ainsi que nous appelions nos grands-parents en ce temps-là. Ce qui est à la fois tendre, émouvant et remarquable, c’est les similitudes entre cette mémé de Normandie et ma mémé du Lauragais. Remarquable, mais pas tant que ça, lorsqu’on y pense, il y a dans ces parallèles et ces similitudes qu’une même naissance : le bon sens paysan. Ces gens de peu devaient utiliser de mille trésors d’ingéniosité, il y a ce temps des ingénieux, bien avant le temps des ingénieurs… Ce sont mille clichés qui viennent mouiller les yeux, une vieille meule à aiguiser les couteaux devant laquelle mon grand-père s’asseyait et que ma grand-mère faisait tourner au moyen d’une manivelle de fer et dont l’arrosage régulier était assuré par une boite de conserve suspendue au-dessus remplie d’eau s’écoulant au travers d’un trou fait au moyen d’un clou et d’un coup de marteau sec. Et il y a en a d’autres et d’autres à lire, à relire, à trouver. C’est un livre qui ne se lit pas d’un trait, non pas parce que la lecture en est difficile, non, c’est superbement bien écrit, ce qui complique la lecture, c’est l’appel aux souvenirs, le réveil aux personnages de sa vie, c’est la justesse de ton et de situation qui vient éveiller deux femmes aujourd’hui envolées à jamais.

Il n’y a pas grand-chose à ajouter, si ce n’est que je suis heureux d’avoir pu conclure la lecture des dernières page sur ce coin de sable, d’air iodé et d’océan qui est cher à mon cœur et qui fut cher à ma maman. Les larmes qui tombent sur le sable ne meurent pas tout simplement mais tout simplement elles dessinent des petits reliefs sur le sable qui n’ont d’égal que les reliefs de nos vies auxquelles nous ne donnons que la fragilité du sable par nos manques perpétuels de temps, de confiance tout en croyant toujours avoir le temps jusqu’au fatal « trop tard ».

Comment conclure autrement que par dire « merci » de m’avoir offert cette précieuse lecture, il est des larmes bien précieuses car elles aident à retrouver le sens des choses. C’est donc un livre « à lire », selon votre propre rythme, mais je gage pourtant, qu’il ne vous laisse point indifférent….