Encore...

Encore une image, encore un visage qui s’efface… Encore une voix qui ne résonnera plus que dans le vide de la mémoire… Encore un combat perdu face au triste sire crabe… Hécatombe, c’est le mot qui vient en premier, comme un cri de silences, comme un ras-le-bol d’une famille perdant peu à peu les membres de sa petite troupe. Une famille, c’est une somme d’être qu’importe le sang, qu’importe la couleur, qu’importe le nom, le prénom, une famille n’a pas besoin de liste, pas besoin de porter le même nom pour se trouver, se connaitre, se reconnaitre. Une somme d’être où le seul avoir c’est d’être ensemble, de retrouver ces moments où les accents se croisent, s’emmêlent, se mélangent et chantent leurs régions : il y a le sud, la Dordogne, le Lot, le Lauragais, le Toulousain, bref, le midi, notre midi entre rocailles et senteurs, entres pluies et soleil, entre gastronomie et autres douceurs. Ces derniers soirs, ce sont ces sons qui sont venus siffler dans ma tête, ce sont ces rires qui m’ont arraché les larmes, ce sont ces lumières parties qui ont enfui ma propre énergie. Las.

Lorsqu’on grandit, on grandit dans la vie, on ignore la mort, même si elle fauche quelques potes dans une glissade de moto, dans un virage mal placé, dans un imbécile de platane se mettant à traverser sans regarder. Ça cogne, on hurle mais on avance. Les nôtres, nos êtres de chair, nos êtres chers eux sont immortels, cela, on le sait bien, jusqu’au jour….. Merde ! Ok, nous sommes mortels, et ça fait mal de perdre les uns après les autres les tours de table de nos enfances, les parents de nos cousins, les enfants d’autres fratries, la famille à l’infini. Le crabe lui vit, il ronge, il gravite autour de nous, il arrache des lambeaux de vies en permanence sans se soucier des coups radioactifs, des attaques de rayons, de tout l’arsenal d’une chimie à jamais expérimentale. Usant.

Ce soir c’est aux vivants que je pense, aux orphelins, aux esseulés, comment imaginer la vie sans ces intonations, sans cette bonhomie ? La vie ne s’imagine pas, elle se vit ; Ok, tu es parti, tu as pris une autre voie en nous laissant sans voix. Les larmes, nos larmes sont nos drames face à notre peur de se retrouver seul. Tu es à jamais libéré et sur les chemins qui désormais sont les tiens, je connais quelques personnages partis à ton devant pour éclairer ton chemin et te guider vers ces rivages où ton rire pourra à jamais rouler sa rocaille contre les nuages d’un temps infini. Là est notre réconfort, ta mort a tué tes souffrances, te revoilà toi, tel que tu es, et je gage que ça va bien rigoler là-bas, en quelques volutes de fumée bleue, en quelques senteurs anisés,  aux parfums de truffe et tant d’autres simplicités de nos terroirs. Demain, je te connais, tu auras la larme à l’œil devant les visages fermés et humides des tiens, c’est certain, souvent les hommes sont timides, trop timides pour dire les choses, trop timides pour s’avouer l’amour, l’amitié, ces mille formes de l’Amour qui n’existent qu’en un seul nid : la famille.

Va, avance sur ton chemin et ne t’inquiète pas pour nous, nous serons tristes mais nous saurons aussi rire et nous souvenir, embrasse juste pour nous cette partie de notre famille que tu es parti visiter…


R.I.P.


Le miroir des mots

Le silence ne s’exprime pas en pages blanches alignées dans une farandole de dates somme toute éphémères, non, le blanc d’une page n’est pas le linceul des mots qu’elle aurait pu porter mais à contrario le blanc des nimbes où se couchent les muses. Pourquoi donc chercher à comprendre ce qui n’est que pur hasard ? Faut-il donc vraiment trouver une raison, une explication tout aussi illogique à tout ? Si les textes ne s’affichent plus ici c’est qu’ils volent ailleurs, au gré des idées, au cours des étapes de mille vies vécues dans une même enveloppe de vie. Ce sont des papillons que l’on emprisonne dans une cage vitrée, celle du petit écran, des êtres éphémères qui se posent soudain sous tant de regards pour disparaitre dans un clic de fin. Envolés. Epuisés, les ailes se détachent et l’être se meurt, combien de bravos autour de ce halo d’artificialité ? Je cris, tu lis, il meurt… Simple trilogie d’une errance prosaïque, un pâle reflet de tant de nos vies, qui sait ce qui luit au fond de son puits ?


Les passions sont des maitresses dévorantes, épuisantes, nombreuses et fallacieuses, elles vous dévorent par leurs feux, elles vous consument par leurs ardeurs, elles vous consomment par leurs besoins, nymphomanie scripturale, que dalle… Il fait jour au fond de ses nuits, tout comme il a fait nuit au fonds de ses jours, les eaux profondes sont froides, noires et dépeuplées, le temps de refaire surface est venu, il fait si beau aujourd’hui. Ballet étrange des regards croisés sur ses mots alignés, mais qui donc peut comprendre autre chose que sa propre réflexion devant le miroir des mots ? Il est plus facile de rire et de chanter lorsqu’on a l’esprit gai, il est si facile d’imaginer ce que l’on connait déjà. Le temps est immuable, il n’accélère pas, nous nous empressons juste de vite oublier, de vite changer, de fuir ces présents qui nous dépassent, sans jamais se retourner. La vie empile ces bouts de vécus, elle écrit son expérience par ces bouts de vies, morceaux choisis. Ou pas. Les pas résonnent dans l’aube de la mémoire. Ils sonnent les hésitations, pour d’autres les regrets, comment pourrait-on regretter ce que nous n’avons pas vécu ? Pas à pas, les chemins se dessinent, étranges ramifications traçant comme un arbre de vie, une vie qui porte ses fruits. Ou pas. Fait-il toujours nuit ? La nuit nuit-elle au jour ou bien est-elle à jour née ?



Les mots glissent, les reliefs s’effacent, le galet se poli, tout glisse, tout passe même si rien ne s’efface. Un portrait ne se construit pas en un seul trait, l’esquisse se peaufine puis devient une base pour les traits, avant qu’eux-mêmes ne supportent la couleur, les couleurs, tout est ensemble, on n’ôte pas une pierre du mur à moins de vouloir voir le mur à terre. Il est un ordre en toute chose, même le désordre n’est qu’une expression différente de l’ordre, un ordre différent mais un ordre tout de même. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas de logique qu’il n’y en a pas, c’est logique non ? Même un profil lisse révèle ses aspérités dès lors que l’on prend la peine de s’y attarder. Encore faut-il s’y attarder… Au fond, le seul levier n’est autre que notre propre volonté. « Vouloir c’est pouvoir » dit le proverbe, sage maxime qui résume bien combien nous avons nos cartes en main, encore faut-il les utiliser, à bon escient. Alors oui, les textes sont des miroirs qui renvoient nos pensées mais au fond, sont-ils bien si polis que cela ? Polissons donc nos mots, nos phrases, nos pensées, il existera toujours des aspérités auxquelles s’accrocher, y trouver un appui, un instant de répit avant un nouveau départ, un autre départ…       



Lettre à un gamin de vingt ans….

Putain, ça passe tout de même ! J’ai vraiment l’impression que c’était à peine hier, ce jour de mai, quelques jours de repos, quelques jours parti là-bas, dans nos chères montagnes, dans notre vieux vaisseau de pierre qui sentait bon cette odeur unique, quelques jours à pédaler, faire du VTT à travers la montagne, jusqu’à ce coup de téléphone annonçant ton arrivée dans notre monde…. Il a fallu peu de temps pour redescendre en plaine et venir te voir, bébé bien brun et sa chaussette sur la tête, oui, te voilà, me voilà, nous voilà présentés… Et puis tant de choses, tant de secrets, tant d’intimités de notre famille, des années qui passent, des accidents de la vie, des familles brisées, des familles recomposées, mais toujours un même lien. Quel lien ? bien au-delà des mots, oncle, neveu, parrain, filleul, toi, moi, nous. Toujours.

Je ne me pince pas, tu as vingt ans, après tout, c’est dans la normalité des choses, tu as eu d’autres chiffres avant et je revois ces bougies à numéro bien alignées dans une vitrine chez tes grands-parents. Vingt-ans. Que n’a-t ‘on pas déjà dit ou écrit sur ce bel âge ? Que pourrais-je te dire ? Que je me souviens de mes vingt-ans ? Te raconter les miens ne t’apporterait rien. Nous avons bâti notre complicité, nous l’avons tissé, renforcé, nous l’avons éprouvé et nous nous y sommes toujours réfugiés dedans, mais depuis quelques temps, ce nid douillet tu l’as quitté, et tu voles vers d’autres routes, l’écoute que tu avais, tu ne l’as plus, rien de grave. Tu vois mon grand, c’est cela la vie, des êtres unis qui peu à peu testent l’union dans la désunion, non pas par rébellion, juste qu’il est des âges de la vie où tout nous parait tellement possible, tellement solide qu’on croit les choses éternelles. Hélas, rien n’est éternel, les êtres vont et viennent, d’autres disparaissent, de là naissent nos peurs, nos désarrois, mais non, rien de grave, juste la vie qui s’exprime et nous forge à travers tout cela. Alors oui, te raconter mes vingt ans n’aurait aucun sens, car tes vingt ans je les ai eu, ces vingt ans où les adultes nous saoulent avec leurs expériences, leurs leçons, leurs façons de voir les choses, parce qu’à vingt ans, on est soi, on est sûr de soi et non, nous on ne va pas faire les erreurs des anciens. On en reparlera. Oui, on en reparlera parce que je serais toujours là, même si nous nous perdons de vue et d’oreille, même si nos complicités à deux sont rangées dans les albums souvenirs, tu sais très bien au fond de toi que quoi qu’il arrive, il y aura toujours un phare au bout de ta nuit, quoi qu’il advienne il y aura toujours des larmes pour sécher tes larmes, des mots comme des silences pour répondre à tes hésitations, tout cela, au fond de toi, tu le sais tout comme je le sais.

Vingt ans. Ça fait quand même drôle parce que ton âge renvoie tout un tas d’autres âges, parce que ce jour nous renvoie des sourires, des voix parties dans nos oublis, parce que vingt ans, on a beau dire, même si ça passe vite, au final, ça nous aura tous construits. Oui, tu as ce nombre magique, tout rond, tout neuf, tout souriant, aussi brillant qu’un vingt sur vingt et c’est là la note de ta vie. Ils seront nombreux à te dire qu’ils aimeraient avoir ton âge, cette phrase trop facile que l’on entend que trop lorsqu’on est dans ces âges, en pensant trop souvent qu’ils sont fous, qu’ils ignorent les galères du lycée, les accrocs de la vie, ces souffrances d’aujourd’hui…. Prends les tes vingt ans, vis les tes vingt ans, sois fier de toi comme nous sommes tous fier de toi, mais par-dessus reste toi, et avance en oubliant les âges parce que nos vies étouffent sous des calendriers imbéciles en oubliant que vivre c’est oublier le temps, les chiffres et les années, vivre c’est aimer, aimer ceux qui t’entourent, être vrai avec ces êtres vrais, et puis mon grand, aimer, parce que l’Amour sera toujours la seule vraie richesse dans ta vie. Nous, on t’aime, depuis tout ce temps, dans les présents comme dans les absences, Dans les rires comme dans les autres moments, alors oui, crois-moi, aime et aime ce que tu aimes et puis au fond, quand on aime, on a toujours vingt ans, non ?


Bon anniversaire mon grand