Tous au tableau!

Une année qui s’achève, c’est toujours un an de plus au compteur du vécu, trois cent soixante-cinq jours qui s’empilent à d’autres calendaires, las, des dates de plus sur les pages poussiéreuses des temps passés. Il y a comme un immobilisme dans ce rituel du temps, une lente répétition des faits et gestes qui s’accumulent au fil des ans. Pourtant, dans notre monde pressé et presseur, tout s’accélère et cherche à sortir des méandres du temps : on vend des cartables en plein été, des jouets à la rentrée, du blanc à Noël, des chocolats de Pâques à la chandeleur et des maillots de bain en avril… Courses à l’argent, le vrai, le seul nerf de la guerre, course aux faux départs, ceux qui laissent sur place la concurrence… Course… Course ! Que n’aimerais-je être anglais pour pouvoir me déclarer définitivement off course ! Hors course, oui.

Hélas, cette gangrène se répand comme la misère sur le pauvre monde, ne voilà-t-il pas que désormais on vous souhaite vos anniversaires bien à l’avance un joyeux Noël dès le début décembre et une bonne année sans attendre la fin d’agonie de celle qui précède. ‘Le Roi est mort, vive le roi !’ criait-on naguère, et c’est là juste titre et parfaite concordance des temps, un événement arrive lorsque le précèdent est clos, alors, de grâce, ne soyez pas trop pressés, tout vient à point à celui qui sait attendre, prenez le temps de vivre, de respirer, ne vous précipitez pas dans une course contre la montre dont les aiguilles sont encore figées à l’ancien temps, vous n’y avez rien à gagner et tout à perdre. Le temps reste et restera toujours le vainqueur, chaque heure, chaque minute, chaque seconde est une porte ouverte sur mille attitudes, mille exactitudes, mille choix possibles, prenez le temps de les vivre, laissez le temps au temps, demain, tout à l’heure, viendra le temps de fêter, de se souhaiter tant de belles et bonnes choses. Non, pour l’heure, profitez de cette fin d’année, allez respirer les parfums des fleurs de printemps insouciamment sorties, sentez le vent frais sur vos joues découvertes, c’est l’hiver qui est encore lionceau et essaye de mordre comme un lion… Patience, cela viendra bientôt, et ce bientôt venu vous regretterez de n’avoir pas plus profité des douceurs de décembre. Vous voyez, au fond, il y a un temps pour tout.

Alors oui, l’année s’achève, elle aura été ce qu’elle aura été, nous en aurons chacun une lecture différente, la persistance mémorielle faisant que les événements récents sont les premiers lus, cela peut aussi en fausser la lecture. Prenons le temps de relire notre temps, notre vécu depuis le 1er janvier jusqu’à aujourd’hui, classons nos souvenirs dans notre ordre, revivons tous ces instants de vies, drôles, touchants, sincères, tristes, heureux, joyeux, délirants, car c’est là l’éventail de nos vécus, et c’est sur chaque partie de cet éventail que c’est inscrit 2015. Prenez vos pinceaux, écrivez, dessinez, coloriez votre année, la vôtre, personnelle, pas celle des journalistes, trempez vos plumes dans les encres d’antan, amenez vos touches de couleurs sur toutes les dates qui vous ont touché, balayez du regard cette belle carte, c’est la vôtre, c’est votre 2015. Unique, personnel et forcément touchant. Soyez sincère, il y a toujours du ciel bleu, toujours des couleurs vives même si quelquefois les heures parurent grises. Prenez du recul, observez votre tableau, plissez les yeux et regardez les tons dominants, puis sur une belle page blanche, apposez des touches de couleurs, celles que vous voudriez avoir vécu cette année, celles que vous allez mettre en avant pour l’an prochain, cet an prochain qui viendra bientôt…

Allez, tous au tableau !


plusieurs côtés

Vertige des dernières heures, une année meurt en silence, le silence qui retombe après les cris. Toujours les mêmes questions : ‘Quoi ? Déjà la fin de l’année ?’ Et toujours les mêmes constats, des constats constants sur toutes ces choses que l’on n’a pas pu ou pas su faire, parce que oui, bordel, un an ça passe vite, surtout dans nos mondes hyper matérialistes et tellement abreuvés de choses futiles et d’occupations chronophages, loin du cas lisse, nous buvons notre calice jusqu’à la lie. Cadeaux, grosses bouffes, alcools et cotillons, la fin de l’année s’enterre à grande pelletée de désordres, en fausses retrouvailles et en vraies solitudes, c’est ainsi. Côté ville.


Le ciel bleu transparait aux travers des branches trop nues pour ces drôles de presque chaleurs nous appelant au dehors. Il n’y a que la fraicheur d’un soir arrivant à l’heure du goûter pour se rappeler que nous sommes bel et bien en hiver. Tant mieux pour les marches en campagnes, tant pis pour les amoureux de la neige, la leçon est plus profonde : c’est à nous de nous adapter à dame nature, elle sait si bien nous le rappeler à coup de mercure. L’autre belle leçon, c’est d’apprendre à vivre avec le temps, savoir cueillir les bonheurs de chaque jour dans les pages naturelles de notre monde. C’est ainsi. Côté campagne.


Quelques tours de roues sur des petites routes, quelques vieilles pierres poussant du crépi, un village tranquille où il fait bon s’évader, puis un accotement un peu plus large, un presque parking où les roues glissent naturellement, le moteur s’éteint et voici un vieux chemin qui appelle à marcher. Un endroit intemporel, un sentier entre deux haies déplumées, une séparation de deux champs pour prendre un peu de hauteur, s’asseoir dans l’herbe verte et regarder ces successions de vallonnements, laisser divaguer l’esprit de ces bouts de tuiles à ces horizons bleutés, de quelques fumées de cheminées au ralenti, c’est là que l’âme se joint au repos du corps, une forme de méditation et de prise d’énergies. Se poser, se reposer, se régénérer, rien de plus, la seule lecture est celle du paysage, un rare moment à soi, pour soi, pour se retrouver. Combien d’envies de départs, combien d’hésitation à poursuivre des routes ? Nos vies trépidantes finissent par saouler de leurs trépidations, les besoins de respirations véritables nous essoufflent de plus en plus, nos vies ne deviennent qu’une collection de moments de vies, à quoi bon ? Il n’y a pas de liens éternels, il n’y a rien d’éternel, pas même les regrets. Un jour ici, l’autre pas, un jour dans une communauté de pensée, l’autre plus, partir, revenir, se séparer, se retrouver, une suite de fuites, à jamais en fuite, à jamais… Stop, l’heure est à l’évasion, loin du monde, loin des songes, loin de tout, juste ici, sur ce petit talus d’où le monde apparait et disparait, estompant ses acidités et ses diversités dans les brumes de mystères qui ferment les paysages. Ne plus être là pour personne, fermer le téléphone, éteindre les entonnoirs à mauvaise ondes, revenir à ces temps si humains sans sms, sans sonneries, sans fausses alarmes, juste le vrai, le réel, le présent. Côté vie.


Ne plus y être pour personne, à part soi. Savoir se donner du temps, s’accorder sur son propre diapason, respirer, laisser divaguer son esprit, errer dans la forêt aux mille idées, ne plus se focaliser sur les tensions des jours derniers, sentir peu à peu ses muscles se détendre, la pression sur le sol, l’air frais sur les joues, entendre les bruits de toutes ces vies, insectes, oiseaux, travaux mécaniques au lointain, et que passent les trains. Aucun appareil ne pourra jamais capter tout ce que notre monde nous offre, l’Humain reste toujours supérieur à la machine, pour peu qu’il veuille bien s’y atteler et se concentrer. Pour peu aussi qu’il veuille bien débrancher tous ces liens qui le retiennent dans sa fausse vie. Oser, mais oser vraiment. Oser s’aimer, oser se donner le temps, à soi, rien qu’à soi. Côté soi.

 
          


Aimez!

D’abord il y a l’incompréhension, le choc, l’effroi, la stupeur, une forme de peur panique qui nous fait nous renfermer ou bien au contraire nous exprimer, parfois même avec véhémence, par l’accaparation des lieux, des personnes, des situations, par écrit, par dessin, par une forme subite d’existence à tout prix. Puis la fumée retombe et nous voilà, êtres éparpillés à déambuler dans les ruines et les charniers de nos informations. Tous contre, tous solidaire, tous patriotes, tous aux couleurs bleu blanc rouge d’une nation violée et abasourdie de n’avoir rien vu venir. Entre fleurs et flammes des bougies, entre mots et larmes, lentement la mémoire efface les terreurs et les peurs, du moins, elle essaie. Plus rien ne sera jamais comme avant, mais au fond, cela n’est-il pas toujours le cas de n’être plus jamais comme avant ? Et nos journaux regorgent de faits divers tout aussi vides et creux mais dont le papier servira toujours à allumer un feu, des mots creux pour noircir le quotidien, un brûlot pour un jour sans fin. Cela rappelle hagard un tristement célèbre 13 novembre, des chaines de télévision retenant en pure statistique un audimat aux crochets des images en boucle dans des arrières-scènes de combats. Là est notre débauche de moyen, d’image et d’avant-gardisme : retenir le moindre regard avec un soupçon d’image monté sur une boucle infinie du temps. Nous ne sommes qu’âmes en peine.


Devant telle incompréhension, devant de pareilles douleurs, de telles peurs, les mots sonnent le silence, les maux sont tels que les écrire, les décrire ne seraient que pauvre, une sinécure. Le temps a passé, sans effacer les drames, en estompant certains mauvais accents, certaines lourdeurs, certains regroupements, certains étiquetages, le mal de l’Homme : vouloir tout étiqueter, tout rassembler dans le même bocal. La religion comme prétexte, la consonance des noms, la concordance des temps, voilà qui sonne plus que parfait quand tout n’est qu’imparfait. Peut-on massacrer au nom d’une religion ? Faut-il ouvrir nos livres d’Histoire, cherchez dans les pages premières de la chrétienté, relire le temps des croisades, la curée contre les templiers, la découverte de l’Amérique, la saint Barthélémy, l’édit de Nantes ou d’autres holocaustes plus récentes ?  Faut-il s’arrêter à la première lecture aussi basique qu’un jeu d’échec aux pions noirs contre des pions blancs, ou bien faut-il pousser plus loin les recherches, l’analyse, relire les lignes de cupidité cachées en filigrane, retrouver dans ces mauvaises guerres des butins à dérober, des cambriolages fort bien préparés au nom d’un seul dieu se nommant Pouvoir et dont le sceptre se pèse en or ? Combien de religions depuis la toute première n’est qu’un schisme, une rébellion de la précédente ? Combien de querelle autour d’un même puits fut-il alimenté par plusieurs sources ? Tant que ce monde ne sera que richesse matérielle, il y aura toujours un contre l’autre, un impôt, une taxe à naitre, un vol à commettre, une tentative de prendre le dessus et le contrôle. Vous pouvez nommer vos dieux des noms que vous voulez, ils ne s’appelleront jamais que euro, dollar ou yen. Comment pourrait-on vivre sans cela ? Quelle est la référence sociale dans notre temps ? De la montre au poignet jusqu’à la voiture garée, tout est évalué en billets. La grandeur de l’Homme se limite-t-elle à une valeur numéraire ? J’ose croire que non, et il me plait à espérer que je ne suis pas le seul. Du bleu-blanc-rouge de notre oriflamme, de sa devise liberté-égalité-fraternité je ne vois qu’un même élan, une même énergie, celle nommée ‘Amour’ avec des lettres majuscules, des lettres égales, des lettres fraternelles, des lettres libres de toutes frontières, de toutes religions, de toutes couleurs de peau, des lettres qui peuvent varier selon les langages mais qui ne sont que le berceau vrai de notre Humanité. Des lettres écrites avec le bleu du ciel, le blanc de l’innocence et le rouge de la passion, parce que quand même, on peut avoir d’Amour sans passion, sans innocence et sans lever la tête, le regard vissé dans le ciel.


Vendredi 13, simple concordance des temps ? L’Histoire a parfois de curieux rebonds, templiers ou bien simple spectateur, massacre en règle dans les modes du temps, le bûcher hier, les bombes et les balles aujourd’hui. Il n’y a pas que le loto qui puisse avoir les boules ce jour-là, jamais nous ne pourrons oublier, jamais une pensée n’oubliera de serrer notre cœur lorsque nous franchirons les portes d’un stade, d’une salle de spectacle, un coin de rue, une terrasse devenue trop célèbre. Jamais nous n’oublierons ni le drame, ni la lâcheté, mais surtout, jamais nous n’oublierons d’Aimer, mais d’Aimer vraiment, parce que nos vies naissent d’Amour et ne brillent que par Amour. Un vendredi 13 comme tous les autres jours. Aimez, mais aimez-vous vivants.




     

Imagine

Image in
Magie divine
Appel aux rêves
Galactique trêve
Instant unique
No panic
Eveil

Lettre à ....

Putain, deux ans déjà que tu sèches ton propre anniversaire ! Deux ans à se retrouver tout con ce jour-là et bien d’autres d’ailleurs, juste parce que prendre le téléphone ne sert à rien, juste parce que pour te parler il suffit de lever les yeux vers le vide que tu as laissé, parce que merde, le temps passe. Ce foutu temps qui emporte avec lui tant de souvenirs et grave sur nos peaux les sillons des âges et d’autres tracas que l’on nomme soucis, mais surtout parce que ce con de temps n’est même pas capable d’effacer nos chagrins comme il efface les aspérités des rochers. Tu peux te marrer de nous voir ainsi tâtonner,  expérimenter, chercher les logiques dans l’irrationnel, tu dois sourire en nous entendant évoquer les mille et une péripéties que nous avons tous vécu avec toi, parce qu’au fond, c’est cela qui reste et restera : chaque éclat de soleil dans chaque fragment de vies partagés, qu’elles fussent bonnes ou moins bonnes, on a tous nos moments de tristesses, nos peines, mais surtout nos rires et nos déconades. Elle est là la fragilité de nos vies d’Homme : croire en l’éternité sans savoir qu’au fond, l’éternité tient dans une seconde, la seconde partagée et vécue, à fond, dans les rires, les joies comme dans la gravité, à condition de ne vivre chacune de ses secondes que dans la vérité. Là est la clé.


On part tous trop tôt, trop loin, trop vite… La nature a horreur du vide et l’Homme n’est qu’un enfant de la nature. Putain que c’est vide sans toi. J’ai longtemps cherché un terme pour qualifier cette relation, et j’avoue qu’en langage humain c’est assez difficile. Je pensais pourtant connaitre quelques mots mais non, impossible de formuler à l’oral comme à l’écrit ce qu’est ce trait d’union entre deux êtres. Le mot ami est faible, et, tristement pour lui, il s’est tellement galvaudé, il a été si souillé qu’il est devenu, hélas, un mot commun, sans utilité dans l’extraordinaire. La notion de « meilleur ami » échappe elle aussi au bon sens, cela voudrait dire que dans une collection d’amis on établit un classement des meilleurs et des moins bons. Trop peu pour moi. Nous n’avions pas le même sang, nous n’étions pas de la même fratrie, de la même lignée, nous n’étions donc pas frères dans ce sens-là. Nous étions. Oui, voilà, nous étions. Un ‘nous’ unique en deux éléments, et le demi ‘nous’ reste finalement assez nu dans son orphelinat. Durant toutes ces années passées dans le nous, j’ai appris, j’ai écouté, j’ai reçu mille bienfaits, des milliers de cadeaux, des milliards de secondes de soleil jusque dans les jours les plus sombres où l’appel du vide demeure comme la seule lumière évidente. Je ne sais pas si je t’ai dit merci à chaque fois mais ce que je sais c’est que je ne te dirai jamais assez merci pour toutes les lignes écrites durant ces instants et sur lesquelles se bâtisse et se bâtiront mes secondes de vies. Seconde vie. Oui, nous avons tous plusieurs vies, et cela commence lorsque nous réalisons que nous n’en avons qu’une, cabossée ou belle, c’est la nôtre, elle nous appartient, et notre devoir est de la faire vivre. Etonnant non de faire vivre sa vie ?


Une date sur le calendrier, un moment particulier qui éveille d’autres moments, qui rappelle des souvenirs, bien qu’il ne soit nul besoin d’une date particulière sur un calendrier pour cela. Depuis j’ai eu cette occasion particulière d’avoir ton point de vue et de comprendre que notre vie ne se limite pas à cet épisode terrien, il y a de la compréhension mais elle n’efface pas le vide, alors de tout cela, on se fait non pas une raison, ce mot est trop facile, non, on se fait un bâton de marche pour affronter encore plus fort les secondes à venir, et ce bâton n’est pas une arme, les lâches se servent des armes, il n’est pas un drame, pas une larme, il est un tuteur pour grandir, parce qu’au fond, nous ne sommes que des enfants, des enfants qui doivent grandir et s’épanouir, des enfants qui se doivent de grandir, encore et toujours…


Peut-être qu’au fond, notre monde n’a besoin que de cela : des enfants qui grandissent et qui aiment, de l’écoute et de la compréhension, de l’Amour, oui, de l’Amour, avec un grand A.



Merci pour tout cela et pour tout ce qui viendra.         

Il nous restera ça

Il nous restera ça…

Parce que le temps passe, parce que le temps file
Parce que tout s’efface avec plus ou moins de style
Parce le temps gomme tout autant qu’il grave
Parce que tout cela s’aggrave au fil du temps

Il nous restera ça

D’abord il y a l’absence, le vide, le silence
Enfin pas tout à fait, des mots sans présence
Des voix dans la tête, des mots dans le silence

Quelques écritures et leurs quelques ratures
Une feuille de papier qui perdure,
Une étiquette sur un pot de confiture,

Des traces d’une vie en survie

Il nous restera ça

Peu à peu reviennent les forces, le réveil et ses douleurs
Puis peu à peu les vides autour des bonheurs

Alors se construisent des mondes parallèles
Une vie avec, une vie sans, des bouts de vies
Et ces bouts de vies ne se rejoindront jamais
Vertiges isolés de parcours parallèles
Mais ils offrent à penser, à songer,
Se souvenir, se rappeler, en survie

Il nous restera ça

Puis demain viendra, demain oui, sûrement
Après tout l’hiver laisse place au printemps
La neige fond et emporte ses traces
Elle laisse place à d’autres couleurs
Elle laisse grandir d’autres fleurs

Faut-il en avoir peur ?

Hier s’est enfui, ne nous laissant que le manque
Parti comme un voleur, courant en Salamanque
Mais de tous ces gommages, ces estompages
C’est leurs mémoires qui noirciront la page

Il nous restera ça

La force de l’écrit bien plus que les cris
Les mots tracés vivent par écrit

Nos vécus en phrases sobres
Ne deviendront jamais des mots sombres
Car ils dresseront toujours le portrait
Sans omettre la douceur des traits
De nos vies parties dans l’ombre

Sans oublier jamais qu’elles demeurent
Les ombres de nos vies, présences discrètes
Accrochées à nos basques, maigres silhouettes
Elles suivent nos pas et dansent à nos rythmes
Silencieuses et malicieuses elles sourient,
Comme nous leurs sourions heureux
Après tout, nous savons…

Il nous restera ça

En chemin

L’ombre douce hier devient mordante aujourd’hui, le ciel pâlit dans ses derniers regards bleus et le vent léger s’en vient jeter un froid sur la fin de l’été. Marcher. Sentir le sol meuble, parfois imbibé des eaux nocturnes, marcher, oui, toujours marcher, telle est la simple quête, l’histoire d’une vie. Aussi loin qu’il se souvienne, il a toujours marché. Bien sûr, les premiers pas sont toujours hésitants, mais ils conduisent l’enfant vers sa vie d’Homme, et au fond, les hésitations de nos vies ne naissent-elles pas dans celles de ces premiers pas ?

Combien de pas une vie contient-elle ? Le saura-t-on jamais ? La marche, c’est le rythme le plus rapide associé au rythme le plus lent, le cœur qui s’emballe tandis que le pas s’allège, plus lourd, gravissant la pente, escaladant la pierre, le souffle court et le regard lointain, c’est si beau la nature, le monde. Il y a toujours quelque chose à voir, à découvrir, le regard trouve toujours à se poser, à s’accrocher, même lorsque le pied glisse, crisse et cherche le bon point d’appui. Un sous-bois, une forêt épaisse n’arrive pas non plus à stopper la vue, il y a mille fleurs, il y a des drôles de champignons, un bois à la courbure étrange, une frêle fougère, parfois un chevreuil, une grenouille rousse, un lézard ou la timide salamandre, la vie est partout et rien ne vaut la vie. Marcher, oui, marcher. Avancer et parcourir les sentiers, apprendre et chercher à comprendre, pourquoi ici, pourquoi cela, voir les traces, l’empreinte que laissent les vieux murs sous la mousse tendre, signe de vies éteintes, signe de vies présentes, la vie nait de la vie, rien ne meurt vraiment si ce n’est ce que laissons mourir quand nous ne le tuons pas de nos propres oublis.

Drôle de chemin que la vie, une verte prairie, une forêt sombre, un désert de solitude, une voie monotone laissant sans voix, l’oubli puis l’oubli de l’oubli, parti aux oubliettes, et le ciel devient noir et gris, il pleut sur nos pleurs comme il arrose de vie ces sols trop secs faisant y pousser la vie, en de tendres verts aux feuillages en formes différentes, quelques fleurs fragiles essaient d’éclairer le tout histoire d’attirer quelques insectes butineurs et pourquoi pas quelques papillons. Ah les papillons…. Drôles de trouble-fêtes, ils s’en viennent vous gargouiller dans les tripes avant de vous chavirer les têtes puis s’en vont comme si de rien n’était et vous laissent à votre propre chrysalide. Mutation de l’être, le raisin devient jus sucrée puis fermente et s’enivre de mille alcools pour devenir cet exquis vin juste divin. Leçon de choses, lettres belles, pleines et déliées, écrites à la plume d’un sergent devenu major, la couverture jaunie d’un cahier sur laquelle elles sont tracées renferment mille leçons que nos vies nous poussent à oublier…. Pourtant tout est là, la vraie alchimie de la vie : le raisin devient vin, la chenille papillon, le petit enfant devient grand et les premiers pas deviennent parents de tant de descendant parfois montant au gré des montagnes, aux grés donnant la couleur des paysages. Ce qui aujourd’hui te laisse triste donnera demain la splendeur insoupçonnée d’une vie. Oui.


Le vent frais et l’ombre mordant font se détrousser les manches retroussées, et même sans personne aux trousses, le pas s’accélère, histoire de réchauffer le corps et pour tout dire de quitter plus vite ce monde froid. Simple perception ou bien réalité des choses ? Il y aura toujours une hésitation, parce que toute simple chose s’entoure de son contraire, la lumière et l’ombre, le chaud et le froid, la pente et la montée, tout est vérité, mais vérité différente selon le regard porté. Le bonheur de marcher est aussi celui de voyager, dans son propre corps, ses propres pensées, se perdre dans ses idées, mélanger les couleurs, éclairer les sombres, atténuer les trop vives et se laisser aller, à l’émerveillement, à la découverte, au chemin…. Ah ! Le chemin…..


Saisons

L’hiver occupe l’espace avachi
Il rafraichit, gèle et blanchi
Masque tout puis fléchi
Il règne sans chichi

Le printemps sourit
Entre soleil et pluies,
Il arrive en rivières grossies
Il efface la neige comme par magie

L’été arrive et s’étale de tout son long
Ses jours chauds et tellement bon
Ses orages donnant des frissons
Canicule et glaçons, polisson

L’automne, l’eau tombe
L’eau tonne, ce n’est pas possible
Seul le tonnerre le peu et alors il pleut

Un peu, beaucoup, passionnément,…un peu !

Plume de libellule

Une libellule s’en vient un beau matin
Prendre ma plume et s’enfuir au lointain
Etrange chose que ceci

Comme j’avais plus d’une plume dans mon sac
Aussitôt je réarme et inscrit tout ceci sans trac
Etrange note que voilà

Mais voilà, cette plume neuve n’est point rodée
A chaque plein, elle refuse de se délier
Etrange course que cela

J’ai beau vouloir écrire, mes lettres s’en fichent
Elles dansent et sautillent dessinant des pointillés
Etrange code que voici

A me relire, je plonge dans l’incapacité
Et ne puis que constater ma cécité
Etrange tout de même !

De points et tirets, les propos sont tracés
Encore faut-il tout cela déchiffrer
Etrange, étrange

Ainsi, à tire d’ailes, d’une libellule le morse est né
Morse, oh ! Choisit au monde d’être présenté.
Etrange naissance quand même !

Ah que diantre serait-il, si ma plume eut été taillée
Et bien loin de l’étang, ma fenêtre fermée
Etrange coïncidence

Certes ces mots ne seraient pas tracés
Du moins, pas dans cet ordre alignés
Etrange composition

Sans regret. 












Jeux de mots

Je, deux mots,
Jeu, set et match.
Fin de partie = tie,
Tie break donc.

Balles neuves

Il était temps.
Ile et étang,
Ça tombe sous le sens
Ça tombe à l’eau
Forcément.

Océan,
Aux séants du monde
Rien d’autre que des flots
Des flots, bleu, vert ou gris
Des flots comme unique patrie

Je, n’est plus.
Reste des mots
Des mots écrits,
Des mots pas dits
Des mots d’ici,
Des mots farcis
Des mots qui forcement tombent à l’eau
Des mots lus

Ailleurs
Comme ici
Mais différemment
Comme ici mais autrement
Sinon, pour quel ailleurs ?
On change d’heure
Sans heurt
Sans pleur
Mais avec des fleurs
C’est joli des fleurs
Même des chrysanthèmes
Pour un anathème

Au fond
L’eau d’ici
Vaut bien l’au-delà
Et puisqu’il faut partir
Un jour, un soir, une nuit
Alors partons pour rester
Les flots donnent le la
Et l’océan sa chanson

Jeux de mots
Jeux de trop
Jeux de trots
Chevaux sur la plage
Galopent au rivage
Ils courent sans rage
Puis disparaissent
Happés par les brumes
D’un jour plus vraiment diurne
Mystère océan
Mister océan.
Je jette l’ancre…
Pluie de mots

Plus de mots

Je jette l’encre.


Là-haut

Quelques gouttes de pluie, c’est tout. Pas même de quoi abreuver un brin d’air agonisant et jaunissant, non, au fond, ce fut  beaucoup de bruit pour rien. Le temps est resté lourd, la chaleur moite à peine la terre revêtait cette odeur si caractéristique des jours de pluie mais non, la pluie n’était pas pour aujourd’hui. Drôle d’époque, les saisons semblaient s’être perdues dans leurs décomptes, l’été n’était que sécheresse et même là-haut, la végétation en souffrait. Là-haut, c’est l’expression des gens d’en bas pour désigner ce bout du monde, cette terre pointue se changeant en rocher pour déchirer les cieux d’orages et faire tomber la pluie. Ce sont aussi ces prairies bordées d’immenses sapins dont les racines jouent au milieu des rochers et retiennent la maigre terre nourrissant les herbes et la flore rare. Là-haut, c’est un monde à part, même pour ceux qui y vivent. Vivre ici, c’est respirer un air chargé de mille senteurs, le vent apporte sa carte de visite : s’il embaume une douceur acre et florale, il vient du sud et des longues prairies ponctuées de couleurs ; s’il apporte la térébenthine, il vient de changer de cap et passe par la grande forêt de conifères… Il peut être doux ou colère, il reste le vent, l’allié, celui qui sèche les foins comme les charcuteries, celui qui affine les fromages et claque parfois les volets. Lorsqu’on vit ici, on vit avec les éléments.


Il avait tonné toute la nuit, les éclairs avaient zébré le ciel en combats pluriels, mais d’eau, point il n’y eut. Après tant de jours de feu, cela eut été bien, mais la grâce divine n’a pas choisi ce coin ci pour pleurer. La citerne s’amenuisait, le ruisseau maigrissait, bientôt la question de l’eau deviendrait cruciale tant pour les animaux que pour les hommes. Levé au petit matin, il mit quelques provisions dans une besace puis emportant un vieux fossoir, il se mit en chemin pour remonter le maigre lit du ruisseau et le curer au fur et à mesure de la marche. Geste augure mené par tant de générations, tant de fois il avait accompagné son grand-père et son père sans mesurer comme il le faisait aujourd’hui la nécessité de guider la moindre goutte d’eau vers le bassin de la maison. Les sources sont des fées capricieuses qui parfois s’enfuient aux travers des racines vers d’autres lits, il fallait régulièrement leur montrer la route à suivre pour qu’elles restent fidèles et dévouées. Le matin n’avait rien de frais, la marche en était d’autant plus pénible et le terrain sec glissait en poussière sous les pieds. Le ruisseau parcourait la prairie dans un tunnel de pierres dressées, ouvrage admirable des anciens, seuls quelques trous de temps en temps laissaient entendre la voix claire de l’eau jouant à glisser dans ce boyau redevenu naturel. Voici l’orée de la forêt, la première embûche à combattre, ici, les animaux piétinaient pour boire et défaisaient les pierres qui guidaient l’eau vers son tunnel de guidage. Quelques coups à piocher, quelques pierres à remettre, un peu de terre en soutien et voilà un ruisseau plus fort, tant mieux. S’avançant sous les arbres, il retrouvait un endroit familier, le sentier des hommes et des bêtes longeait le cours d’eau, les arbres majestueux étaient tous des compagnons de jeux, des guides, des repères de tout temps. Là encore, des pierres avachies, des branches ou des aiguilles accumulées venaient faire un barrage que l’eau franchissait en s’éloignant de son lit premier.



Toujours le même combat de l’homme contre la nature, guider l’eau vers les lieux de vies et la source rebelle qui s’en veut visiter d’autres pays… Cela l’avait toujours amusé, et au fond, cette corvée n’en était pas une, c’était juste un jeu, un duel comme il en existe mille dans une cour de récréation, une activité où le ruisseau et l’outil avaient vu passé des générations de paumes de mains, parce que oui, cet outil, tout autant qu’il se souvienne, c’était celui là-même que son grand-père utilisait, d’ailleurs ce manche tordu cueilli à même un noisetier donneur, c’était son grand-père qui l’avait taillé et façonné. La vie transmet de drôle de flambeau, et dans cette course à relais, il était aujourd’hui le porteur, à la fois de l’outil mais surtout de ces traditions et coutumes, bien plus humaines et naturelles qu’un captage de ciment et de plastique. Allez, assez de rêveries, voilà le pied de la cascade, le bassin est limpide et creusé à même la roche, il faut à peine le nettoyer puis gravir la pente pour sûrement redresser les bords du cours d’eau en amont, les derniers travaux, au-dessus l’eau glisse sur la roche par une même pente sans pouvoir s’échapper. Elle y chante cristalline, sous les branches de vieux hêtres, vestiges de l’ancienne forêt, et plus loin un chêne offrait à chaque fois le gite pour le repas, un lieu habituel pour contempler cette nature dont on ne sait s’il est captive du temps ou si elle prend le temps, son temps, notre temps… Le temps, éternel ennemi des gens d’en bas, éternel associé des gens d’ici. Ce coin de terre où les montres dorment au tiroir des buffets, la vie ici se rythme aux éclats du soleil ponctués de coups de cloche venus de la vallée. Le temps de manger un morceau, de goûter l’eau fraiche aux goûts de fer et de nature, le temps peut-être de rêver et de sommeiller, puis rentrer vers la maison et entendre l’abreuvoir chanter plus fort que ce matin. En attendant l’orage, le vrai…                        


Fruits

Fruits amis sucrés de nos vies
Rouges, jaunes, noirs ou violets
Uniques, savoureux et exquis
Issus de notre familial verger
Trésors de mille et un goûters
Sans vous, que seraient nos vies ? 


Horizon

Le soleil au loin éteint ses flammes
Par un de ces jours d’été sans charme
Où le sable brûlant exhale son iode
Et l’océan déroule ses vagues en période

Ni hier, ni demain, aujourd’hui s’éteint
Et la plage redevient un désert aquitain
Où les pas dessinent d’étranges signes
Au gré des marées et vagues malignes  

Une longue promenade le long de la grève
Un moment hors du temps, une trêve
Une pause, un répit, lecture de l’esprit
S’envoler vers des ailleurs et vivre ici

Quatre pas qui s’éloignent peu à peu
Ils hument l’instant, cet instant fiévreux
Ils sourient et respirent ce même air
Ils puisent à cette source balnéaire

Plus tard, plus tôt, ils seront union
Jouant, jouissant à l’unisson
Plus tôt, plus tard ils seront amants
Oubliant hier et demain inconsciemment   

Un jour, une heure, un instant
Ici ou là, s’arrêter hors du temps
Vivre pleinement le moment
Sans hésiter, oui, vraiment

Et ce n’est par la grâce divine
Que les corps soudain s’illuminent
Mais par l’heur des doux gestes
Qui chaque jour se manifestent

Faut-il donc être aveugle
Pour de ceci ne rien voir ?
Faut-il donc être sot
Pour cela laisser choir ?



Il fait si beau aujourd'hui....

Une porte qui s’ouvre, un rayon de soleil, une bouffée de chaleur, est-elle réelle ou sensation, comment savoir lorsqu’on sort enfin de l’ombre ? Depuis combien de temps déjà était-il là, depuis combien de temps déjà était-il absent de là-bas, ce dehors aveuglant et inconnu ? Encore quelques pas dans l’ombre, encore quelques pas dans cet univers glauque et froid, encore quelques pas et déjà son cœur s’emballe, il suffoque, il étouffe, la peur, l’envie, l’attente enfin à son terme, tout se mélange, tout explose en lui. N’y aurait-il pas plus d’adrénaline dans l’attente que dans la réalisation ? Vaste sujet dont il n’est plus temps de philosopher, voici le seuil, le soleil brûlant sur la peau trop pâle d’un séjour trop gris, quelques pas en silence, une lourde porte qui se referme, il n’y a plus d’autres échappatoires, le voilà dehors, dehors, au soleil et en vie. Une sortie comme un départ. Paradoxe. Peut-on parler de nouveau départ lorsque celui-ci est le premier ? Un premier dont il espère qu’il soit le dernier, un exemplaire unique d’un moment unique, une course à l’erreur qui se clôt dans la marge rouge et sombre, une fin qu’il espère sans fin, enfin, voilà le bout, le dehors, celui dont on rêve, celui dont on crève d’envie avec mille idées en tête, des courses folles, des bonds de joies, une faim de vivre… Aujourd’hui les jambes sont lourdes, la tête vide et ses larmes peinent à couler. Personne. La place est déserte. Derrière lui un mur trop haut et trop gris, une porte épaisse, sale et grise. Devant il y a la vie, et puis rien. Vide et froid, pas si froid puisque le soleil brille trop fort, froid d’effroi parce que mis devant le fait accompli, être là, vivant, dehors et libre n’est rien sans savoir où l’on va.


Mille fois il a vécu ce jour, mille fois il a imaginé ce jour, mille fois tout s’enchainait bien, drôle de façon d’exprimer la liberté, faut-il donc des chaines pour se sentir libre ? Mille fois il a couru sans jamais s’arrêter et voilà que le jour venu, il trébuche sur ce perron surchauffé, sur ce désert d’humanité, sur ses poches trop vide et son carnet d’adresse vierge. Partir à gauche plutôt qu’à droite, partir droit devant, partir, marcher et voir venir, aller vers l’avenir et ses méandres, voici venu l’heure des choix, voici venu la vie, la vie et ses choix. Libre arbitre. Partir devant, à gauche ou à droite, mais partir. Tant d’années passées entre des murs privant de réalité, occupé à vivre d’autres réalités, des combats, des moments de doutes, des peurs, des sueurs, des coups, des envies d’abandonner, mais surtout tant d’années formatées à se faire formater, à subir, à se faire soumettre, tant d’années à rêver pour en arriver là, dehors, seul et perdu dans la réalité d’un monde sans murs. Le moment de doute s’estompe, la respiration se calme et la chaleur devient une agréable sensation de vie. Partir, partir très loin d’ici, se servir de ces quelques billets pour fuir ce lieu et pourquoi pas regagner sa terre, rejoindre l’autre rive, celle des belles années, ces années d’avant…


Il marche, les pas hésitants laissent désormais place à des pas fermes et décidés, le rythme s’accélère et l’envie d’accélérer encore grandit à chaque enjambées. Il marche vite, droit devant lui, puis soudain, amusé, il ralentit, au fond, personne ne l’attend, personne ne le chasse, il est libre, il va comme il veut, il s’offre le plaisir de vivre chaque seconde dans ses moindres sensations, l’air chaud glissant dans ses poumons, le sol souple sous ses pas, les mouvements de son corps, les moindres aspects du paysage, tout est merveilleux. C’est terrible de songer qu’il faille en être privé pour réaliser combien toutes ces petites secondes de bonheurs ne  forment qu’un grand bouquet de fleurs offert telle une ode à la vie. A cette pensée, son corps tressaille et deux gouttes s’en viennent glisser sur ses joues. Vivre, libre, heureux, profiter du premier des jours du reste de sa vie, vivre et toujours avancer, oublier, effacer les lignes passées, regarder devant, apprendre de chaque émotion et s’émouvoir de chaque seconde, s’offrir le luxe inouï d’être là, vivant, apte à marcher et à jouir du temps présent, prêt à vivre cela, une dernière fois.



Il fait si beau aujourd’hui.     




Encore...

Encore une image, encore un visage qui s’efface… Encore une voix qui ne résonnera plus que dans le vide de la mémoire… Encore un combat perdu face au triste sire crabe… Hécatombe, c’est le mot qui vient en premier, comme un cri de silences, comme un ras-le-bol d’une famille perdant peu à peu les membres de sa petite troupe. Une famille, c’est une somme d’être qu’importe le sang, qu’importe la couleur, qu’importe le nom, le prénom, une famille n’a pas besoin de liste, pas besoin de porter le même nom pour se trouver, se connaitre, se reconnaitre. Une somme d’être où le seul avoir c’est d’être ensemble, de retrouver ces moments où les accents se croisent, s’emmêlent, se mélangent et chantent leurs régions : il y a le sud, la Dordogne, le Lot, le Lauragais, le Toulousain, bref, le midi, notre midi entre rocailles et senteurs, entres pluies et soleil, entre gastronomie et autres douceurs. Ces derniers soirs, ce sont ces sons qui sont venus siffler dans ma tête, ce sont ces rires qui m’ont arraché les larmes, ce sont ces lumières parties qui ont enfui ma propre énergie. Las.

Lorsqu’on grandit, on grandit dans la vie, on ignore la mort, même si elle fauche quelques potes dans une glissade de moto, dans un virage mal placé, dans un imbécile de platane se mettant à traverser sans regarder. Ça cogne, on hurle mais on avance. Les nôtres, nos êtres de chair, nos êtres chers eux sont immortels, cela, on le sait bien, jusqu’au jour….. Merde ! Ok, nous sommes mortels, et ça fait mal de perdre les uns après les autres les tours de table de nos enfances, les parents de nos cousins, les enfants d’autres fratries, la famille à l’infini. Le crabe lui vit, il ronge, il gravite autour de nous, il arrache des lambeaux de vies en permanence sans se soucier des coups radioactifs, des attaques de rayons, de tout l’arsenal d’une chimie à jamais expérimentale. Usant.

Ce soir c’est aux vivants que je pense, aux orphelins, aux esseulés, comment imaginer la vie sans ces intonations, sans cette bonhomie ? La vie ne s’imagine pas, elle se vit ; Ok, tu es parti, tu as pris une autre voie en nous laissant sans voix. Les larmes, nos larmes sont nos drames face à notre peur de se retrouver seul. Tu es à jamais libéré et sur les chemins qui désormais sont les tiens, je connais quelques personnages partis à ton devant pour éclairer ton chemin et te guider vers ces rivages où ton rire pourra à jamais rouler sa rocaille contre les nuages d’un temps infini. Là est notre réconfort, ta mort a tué tes souffrances, te revoilà toi, tel que tu es, et je gage que ça va bien rigoler là-bas, en quelques volutes de fumée bleue, en quelques senteurs anisés,  aux parfums de truffe et tant d’autres simplicités de nos terroirs. Demain, je te connais, tu auras la larme à l’œil devant les visages fermés et humides des tiens, c’est certain, souvent les hommes sont timides, trop timides pour dire les choses, trop timides pour s’avouer l’amour, l’amitié, ces mille formes de l’Amour qui n’existent qu’en un seul nid : la famille.

Va, avance sur ton chemin et ne t’inquiète pas pour nous, nous serons tristes mais nous saurons aussi rire et nous souvenir, embrasse juste pour nous cette partie de notre famille que tu es parti visiter…


R.I.P.


Le miroir des mots

Le silence ne s’exprime pas en pages blanches alignées dans une farandole de dates somme toute éphémères, non, le blanc d’une page n’est pas le linceul des mots qu’elle aurait pu porter mais à contrario le blanc des nimbes où se couchent les muses. Pourquoi donc chercher à comprendre ce qui n’est que pur hasard ? Faut-il donc vraiment trouver une raison, une explication tout aussi illogique à tout ? Si les textes ne s’affichent plus ici c’est qu’ils volent ailleurs, au gré des idées, au cours des étapes de mille vies vécues dans une même enveloppe de vie. Ce sont des papillons que l’on emprisonne dans une cage vitrée, celle du petit écran, des êtres éphémères qui se posent soudain sous tant de regards pour disparaitre dans un clic de fin. Envolés. Epuisés, les ailes se détachent et l’être se meurt, combien de bravos autour de ce halo d’artificialité ? Je cris, tu lis, il meurt… Simple trilogie d’une errance prosaïque, un pâle reflet de tant de nos vies, qui sait ce qui luit au fond de son puits ?


Les passions sont des maitresses dévorantes, épuisantes, nombreuses et fallacieuses, elles vous dévorent par leurs feux, elles vous consument par leurs ardeurs, elles vous consomment par leurs besoins, nymphomanie scripturale, que dalle… Il fait jour au fond de ses nuits, tout comme il a fait nuit au fonds de ses jours, les eaux profondes sont froides, noires et dépeuplées, le temps de refaire surface est venu, il fait si beau aujourd’hui. Ballet étrange des regards croisés sur ses mots alignés, mais qui donc peut comprendre autre chose que sa propre réflexion devant le miroir des mots ? Il est plus facile de rire et de chanter lorsqu’on a l’esprit gai, il est si facile d’imaginer ce que l’on connait déjà. Le temps est immuable, il n’accélère pas, nous nous empressons juste de vite oublier, de vite changer, de fuir ces présents qui nous dépassent, sans jamais se retourner. La vie empile ces bouts de vécus, elle écrit son expérience par ces bouts de vies, morceaux choisis. Ou pas. Les pas résonnent dans l’aube de la mémoire. Ils sonnent les hésitations, pour d’autres les regrets, comment pourrait-on regretter ce que nous n’avons pas vécu ? Pas à pas, les chemins se dessinent, étranges ramifications traçant comme un arbre de vie, une vie qui porte ses fruits. Ou pas. Fait-il toujours nuit ? La nuit nuit-elle au jour ou bien est-elle à jour née ?



Les mots glissent, les reliefs s’effacent, le galet se poli, tout glisse, tout passe même si rien ne s’efface. Un portrait ne se construit pas en un seul trait, l’esquisse se peaufine puis devient une base pour les traits, avant qu’eux-mêmes ne supportent la couleur, les couleurs, tout est ensemble, on n’ôte pas une pierre du mur à moins de vouloir voir le mur à terre. Il est un ordre en toute chose, même le désordre n’est qu’une expression différente de l’ordre, un ordre différent mais un ordre tout de même. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas de logique qu’il n’y en a pas, c’est logique non ? Même un profil lisse révèle ses aspérités dès lors que l’on prend la peine de s’y attarder. Encore faut-il s’y attarder… Au fond, le seul levier n’est autre que notre propre volonté. « Vouloir c’est pouvoir » dit le proverbe, sage maxime qui résume bien combien nous avons nos cartes en main, encore faut-il les utiliser, à bon escient. Alors oui, les textes sont des miroirs qui renvoient nos pensées mais au fond, sont-ils bien si polis que cela ? Polissons donc nos mots, nos phrases, nos pensées, il existera toujours des aspérités auxquelles s’accrocher, y trouver un appui, un instant de répit avant un nouveau départ, un autre départ…       



Lettre à un gamin de vingt ans….

Putain, ça passe tout de même ! J’ai vraiment l’impression que c’était à peine hier, ce jour de mai, quelques jours de repos, quelques jours parti là-bas, dans nos chères montagnes, dans notre vieux vaisseau de pierre qui sentait bon cette odeur unique, quelques jours à pédaler, faire du VTT à travers la montagne, jusqu’à ce coup de téléphone annonçant ton arrivée dans notre monde…. Il a fallu peu de temps pour redescendre en plaine et venir te voir, bébé bien brun et sa chaussette sur la tête, oui, te voilà, me voilà, nous voilà présentés… Et puis tant de choses, tant de secrets, tant d’intimités de notre famille, des années qui passent, des accidents de la vie, des familles brisées, des familles recomposées, mais toujours un même lien. Quel lien ? bien au-delà des mots, oncle, neveu, parrain, filleul, toi, moi, nous. Toujours.

Je ne me pince pas, tu as vingt ans, après tout, c’est dans la normalité des choses, tu as eu d’autres chiffres avant et je revois ces bougies à numéro bien alignées dans une vitrine chez tes grands-parents. Vingt-ans. Que n’a-t ‘on pas déjà dit ou écrit sur ce bel âge ? Que pourrais-je te dire ? Que je me souviens de mes vingt-ans ? Te raconter les miens ne t’apporterait rien. Nous avons bâti notre complicité, nous l’avons tissé, renforcé, nous l’avons éprouvé et nous nous y sommes toujours réfugiés dedans, mais depuis quelques temps, ce nid douillet tu l’as quitté, et tu voles vers d’autres routes, l’écoute que tu avais, tu ne l’as plus, rien de grave. Tu vois mon grand, c’est cela la vie, des êtres unis qui peu à peu testent l’union dans la désunion, non pas par rébellion, juste qu’il est des âges de la vie où tout nous parait tellement possible, tellement solide qu’on croit les choses éternelles. Hélas, rien n’est éternel, les êtres vont et viennent, d’autres disparaissent, de là naissent nos peurs, nos désarrois, mais non, rien de grave, juste la vie qui s’exprime et nous forge à travers tout cela. Alors oui, te raconter mes vingt ans n’aurait aucun sens, car tes vingt ans je les ai eu, ces vingt ans où les adultes nous saoulent avec leurs expériences, leurs leçons, leurs façons de voir les choses, parce qu’à vingt ans, on est soi, on est sûr de soi et non, nous on ne va pas faire les erreurs des anciens. On en reparlera. Oui, on en reparlera parce que je serais toujours là, même si nous nous perdons de vue et d’oreille, même si nos complicités à deux sont rangées dans les albums souvenirs, tu sais très bien au fond de toi que quoi qu’il arrive, il y aura toujours un phare au bout de ta nuit, quoi qu’il advienne il y aura toujours des larmes pour sécher tes larmes, des mots comme des silences pour répondre à tes hésitations, tout cela, au fond de toi, tu le sais tout comme je le sais.

Vingt ans. Ça fait quand même drôle parce que ton âge renvoie tout un tas d’autres âges, parce que ce jour nous renvoie des sourires, des voix parties dans nos oublis, parce que vingt ans, on a beau dire, même si ça passe vite, au final, ça nous aura tous construits. Oui, tu as ce nombre magique, tout rond, tout neuf, tout souriant, aussi brillant qu’un vingt sur vingt et c’est là la note de ta vie. Ils seront nombreux à te dire qu’ils aimeraient avoir ton âge, cette phrase trop facile que l’on entend que trop lorsqu’on est dans ces âges, en pensant trop souvent qu’ils sont fous, qu’ils ignorent les galères du lycée, les accrocs de la vie, ces souffrances d’aujourd’hui…. Prends les tes vingt ans, vis les tes vingt ans, sois fier de toi comme nous sommes tous fier de toi, mais par-dessus reste toi, et avance en oubliant les âges parce que nos vies étouffent sous des calendriers imbéciles en oubliant que vivre c’est oublier le temps, les chiffres et les années, vivre c’est aimer, aimer ceux qui t’entourent, être vrai avec ces êtres vrais, et puis mon grand, aimer, parce que l’Amour sera toujours la seule vraie richesse dans ta vie. Nous, on t’aime, depuis tout ce temps, dans les présents comme dans les absences, Dans les rires comme dans les autres moments, alors oui, crois-moi, aime et aime ce que tu aimes et puis au fond, quand on aime, on a toujours vingt ans, non ?


Bon anniversaire mon grand

Adieux

La mort est silencieuse, elle s’immisce sombre et efficace dans vos vies, elle fauche à tour de draps les êtres auxquels on vit. La mort est sournoise, avec elle pas de répit, la liste s’allonge, froide et raide comme un jour trop gris. La mort n’est jamais rassasiée, elle mord, elle dévore, elle consomme et vous n’êtes que son garde-manger. Hécatombe. Combien de temps ? Combien de jours ? Les mots seront à jamais trop court, les larmes ne seront jamais trop salées ou trop amères pour effacer notre inefficacité face à cette immonde faucheuse. Année après année, les rangs se clairsèment, année après année, ils sont moins nombreux dans le triste cortège, et ces pages que l’on arrache font mal, et ces pages que l’on arrache ne font que mettre en lumière d’autres pages qu’on voudrait être protégées. Il n’y a pas de beaux discours, il n’y a pas de pensées sombres, il n’y a rien que le silence des larmes, le silence des drames de nos quotidiens, il y a les cris, les pleurs, les rires aussi, par ces yeux que l’on croise, par ces yeux que l’on découvre, par ces enfants que l’on rencontre, un peu comme si l’arbre qui vient de tomber révélait de jeunes arbres d’une forêt perdue dans nos propres racines.

Un arbre. Un arbre est tombé. Non pas un de ces chênes orgueilleux à la fronde frondeuse, cherchant à faire de l’ombre à tout un chacun, non, un arbre simple, ordinaire, un de ces arbres qui ne met pas e avant sa force  mais sait l’offrir à qui en a besoin. Un arbre à l’ombre bienveillante, qui sait offrir les fruits de la bonté, de la gentillesse, qui sait aussi montrer que la culture et la richesse sont des valeurs qui naissent de la différence. Un arbre qui a donné et porté ses fruits dans la sagesse et la tendresse, tenant par des fils invisibles ce beau panier de fruits que je découvre aujourd’hui jusqu’en des ventres bien ronds prêt à éclore en un printemps qui sera à jamais différent. Un arbre, oui, un arbre dont le bois au fond n’a peu d’importance, ce ne sont pas ses veines ni sa couleur différente qui en ont fait le charme, non, c’est là une bien belle victoire, le bois à terre n’est plus, de ce bois-là, on ne fait que les larmes, ces larmes amères qui engendreront les rires et les souvenirs de demain.

Va falloir vous serrer là-bas, sur l’autre rive, toute ma tribu partie trop tôt, trop vite… Je vous imagine en éclat de rire, en chaleurs des accents de voix, ces mêmes accents qui désertent à présents nos oreilles, je vous dessine dans les contours d’Amour que vos seules vies ont instillé à nos propres vies. Je vous espère de n’être point trop pressé d’appeler les autres pages de notre grand livre, prenez votre temps, il parait qu’il est éternel et nous ne sommes pas pressés, s’il vous plait, laissez-nous respirer, laissez-nous vivre, laissez-nous aimer. C’est quand même bizarre une famille, ça se perd, ça s’oublie, ça se fige dans un coin de mémoire jusqu’en ces terribles instants où le corps devient cierge et où nous jouons les harengs, raides et froids dans nos cœur, se serrant derrière le cortège qui emporte vers d’autres mémoires nos proches devenus si lointain. A qui la faute ? A quoi bon épiloguer, disserter, chercher à comprendre, ce passé est mort, ces vies sont présentes dans nos têtes, alors on sourit, on échange, des mots, une adresse, des espoirs de se revoir autrement, des espérances de s’appeler… Et puis on se souvient des autres départs, des larmes à jamais amères, d’une main qui se serre comme un cœur, et puis….rien.


Un arbre est tombé et j’ai vu la forêt. A ces arbres que je ne connaissais pas, j’ai donné mon sourire, à cet arbre tombé je n’aurai jamais assez de larmes pour noyer les sourires reçus, alors ne m’en veut pas tonton, tout ce que je pourrais dire ne serait qu’un si petit ‘merci’ en regard de temps et temps de vécus….