Une année qui s’achève, c’est
toujours un an de plus au compteur du vécu, trois cent soixante-cinq jours qui
s’empilent à d’autres calendaires, las, des dates de plus sur les pages poussiéreuses
des temps passés. Il y a comme un immobilisme dans ce rituel du temps, une
lente répétition des faits et gestes qui s’accumulent au fil des ans. Pourtant,
dans notre monde pressé et presseur, tout s’accélère et cherche à sortir des
méandres du temps : on vend des cartables en plein été, des jouets à la
rentrée, du blanc à Noël, des chocolats de Pâques à la chandeleur et des
maillots de bain en avril… Courses à l’argent, le vrai, le seul nerf de la
guerre, course aux faux départs, ceux qui laissent sur place la concurrence… Course… Course !
Que n’aimerais-je être anglais pour pouvoir me déclarer définitivement off
course ! Hors course, oui.
Hélas, cette gangrène se
répand comme la misère sur le pauvre monde, ne voilà-t-il pas que désormais on
vous souhaite vos anniversaires bien à l’avance un joyeux Noël dès le début
décembre et une bonne année sans attendre la fin d’agonie de celle qui précède.
‘Le Roi est mort, vive le roi !’ criait-on naguère, et c’est là juste
titre et parfaite concordance des temps, un événement arrive lorsque le précèdent
est clos, alors, de grâce, ne soyez pas trop pressés, tout vient à point à
celui qui sait attendre, prenez le temps de vivre, de respirer, ne vous
précipitez pas dans une course contre la montre dont les aiguilles sont encore
figées à l’ancien temps, vous n’y avez rien à gagner et tout à perdre. Le temps
reste et restera toujours le vainqueur, chaque heure, chaque minute, chaque
seconde est une porte ouverte sur mille attitudes, mille exactitudes, mille
choix possibles, prenez le temps de les vivre, laissez le temps au temps,
demain, tout à l’heure, viendra le temps de fêter, de se souhaiter tant de
belles et bonnes choses. Non, pour l’heure, profitez de cette fin d’année,
allez respirer les parfums des fleurs de printemps insouciamment sorties,
sentez le vent frais sur vos joues découvertes, c’est l’hiver qui est encore
lionceau et essaye de mordre comme un lion… Patience, cela viendra bientôt, et
ce bientôt venu vous regretterez de n’avoir pas plus profité des douceurs de
décembre. Vous voyez, au fond, il y a un temps pour tout.
Alors oui, l’année s’achève,
elle aura été ce qu’elle aura été, nous en aurons chacun une lecture
différente, la persistance mémorielle faisant que les événements récents sont les
premiers lus, cela peut aussi en fausser la lecture. Prenons le temps de relire
notre temps, notre vécu depuis le 1er janvier jusqu’à aujourd’hui,
classons nos souvenirs dans notre ordre, revivons tous ces instants de vies,
drôles, touchants, sincères, tristes, heureux, joyeux, délirants, car c’est là
l’éventail de nos vécus, et c’est sur chaque partie de cet éventail que c’est
inscrit 2015. Prenez vos pinceaux, écrivez, dessinez, coloriez votre année, la vôtre,
personnelle, pas celle des journalistes, trempez vos plumes dans les encres d’antan,
amenez vos touches de couleurs sur toutes les dates qui vous ont touché,
balayez du regard cette belle carte, c’est la vôtre, c’est votre 2015. Unique,
personnel et forcément touchant. Soyez sincère, il y a toujours du ciel bleu,
toujours des couleurs vives même si quelquefois les heures parurent grises.
Prenez du recul, observez votre tableau, plissez les yeux et regardez les tons
dominants, puis sur une belle page blanche, apposez des touches de couleurs,
celles que vous voudriez avoir vécu cette année, celles que vous allez mettre
en avant pour l’an prochain, cet an prochain qui viendra bientôt…
Allez, tous au tableau !