Sous la lune et le vent, l'océan

Il est des saisons, des moments de l’année qui sonnent et résonnent différemment chez les êtres sans que l’un ou l’autre n’ait tort ou raison, simplement c’est ainsi, on aime ou pas la fin de l’année et ses fêtes imposées. Question de mental aussi, de moral aussi, sans doute, question aussi de phase de la vie, d’être entouré ou non, d’être parmi les enfants ou non, le poids de l’environnement, du regard des autres et de son propre regard sur le monde. Il est toujours difficile et improbable de vouloir discuter de cela, chacun ne voit qu’en son âme et conscience, avec, il faut le dire un certain égoïsme. Ces fêtes de fin d’année, tout comme les anniversaires sont des bougies dont les flammes vacillent en tentant de faire briller de présence des jours creux et vides. Un conte de Noël pour un décompte sans fin ou presque… encore combien d’hiver, encore combien de jours, encore combien de soirs, de nuits de vides et de creux, de pleins et de trop-pleins ? L’avantage et peut-être l’inconvénient est de ne jamais savoir, le temps file et glisse tant que l’on possède des doigts pour qu’y glisse le sable. La Lune ce soir se pare de brume, elle est berceau, quasi horizontale pour peut-être verser une larme sur ces vagues d’argent. Le vent le sait, lui, il souffle froid et vif cueillant dans ces traits de lumières l’éclat d’une lame aiguisée qui s’en vient trancher les rêves en ramenant à une triste réalité. Celle d’une plage vide, celle d’un froid glacial, celle d’un jour sans fin qui se perd dans la nuit.

Les pas se sont arrêtés ici, sans savoir pourquoi ni comment, pourtant, il n’y a pas de malice, il n’y a que rendez-vous déguisés en hasard, il n’y a qu’un refuge et ce refuge est océan. Au séant du monde, loin du monde, loin de la foule, le regard perdu dans un horizon qui s’embrume, l’homme est venu sans savoir où il va. Point de feu de camp, de guitare, juste le rythme des vagues, juste le froid du vent, juste la lame d’argent venue trancher les rêves, ici sur la grève, il n’y a plus rien. Les pensées s’échappent, elles cognent les neurones, elles frappent et empêchent de trouver la paix. Le sable est humide, un oiseau se perd dans l’obscurité et le bruit des hommes s’estompent dans les trompettes d’écumes sans savoir qu’elles s’y noient, sans savoir que des fêtes ce ne sont que des visions très personnelles d’un moment, sans comprendre peut-être que les ans qui filent, qu’ils se comptent ou non, ne seront jamais que des pages d’un grand calendrier et jamais tout à fait l’âge du capitaine ni la longueur de son bateau ou le poids de son fardeau. Les fardeaux ne se pèsent pas, ils portent les oripeaux des mues successives que la chenille traverse sans parfois ne jamais devenir papillon. Il n’y a pas plus de raison d’être triste que d’en être heureux, c’est ainsi que s’avance la vie dans les vies des hommes, tout comme la vague s’en vient puis repart, lui, ce soir est venu se noyer dans ses rêves sans savoir s’il repart… 


Des vagues à l'âme

Le temps passe, les images restent, quelques éclats de sons sont parfois là mais ce ne sont que des bribes et cela laissent une douceur amère à la vie. La vie, ce n’est pas du gruyère, c’est de l’emmental, tout plein de trous, ce qui en donne la saveur, la texture, c’est la matière que l’on croque aujourd’hui mais il y a un trop plein de vide, des bulles d’absence. Il ne passe pas une journée sans que les pensées viennent, sans chercher au fond des tiroirs à souvenir ce que tu aurais dit, ce que tu m’aurais appris, conseillé… Et là s’en viennent toutes ces leçons qui n’étaient que des bouts d’amour, tous ces moments que je n’ai pas partagé, parce que trop tôt, parce que trop jeune, parce que trop con, parce que dans ces années on se croit maitre du temps et pire, on croit à l’éternité. Et puis un jour, l’éternité tire sa révérence, et les soldats tombent sous les balles à deux balles de cette putain de vie. Et les larmes coulent, parce que quand même, cela fait beaucoup mais alors beaucoup de trous, beaucoup de vides, beaucoup de manques et que naturellement, la nature ayant horreur du vide, j’en ai le vertige. Alors oui, je te parle, je t’écris peu parce que notre communication était orale, peuplée d’accents, de tendresses, d’Amour, de rire, de taquineries mais surtout de beaucoup d’émotion ; tout cela je le comprends à peine, je le lis à peine dans les silences, dans les vides, dans les leçons non apprises qui se terminent en recettes ‘à bisto de nas’ parce qu’un jour la vie est là, sans filet et qu’il faut bien se jeter à l’eau.


A l’eau ? Mais l’eau mouille, c’est pour ça que mes yeux sont embuées, c’est pour ça que parfois les sanglots longs et non monotones résonnent dans la solitude des souvenirs à jamais non partagés, c’est donc la faute de l’eau. J’ai peut-être fait le con, j’ai peut-être oublié d’être là, d’écouter les leçons, de bien vouloir les retenir, de bien vouloir les apprendre mais par contre il en est une qui demeure à jamais gravée dans mon cœur, une qui en appelle d’autres, parce que tout est lié : L’Amour se partage et ainsi se multiplie. C’est un peu mon arc-en-ciel sur mes gouttes de pluies, parce qu’il fait toujours très beau après l’averse, parce que lorsqu’on n’a plus l’accès aux réponses et bien on bouge son cul pour les chercher voire même à les construire ou bien parfois les inventer. Alors oui, je teste, je me plante, parfois je découvre, parfois je fais autrement mais c’est toujours selon les quelques bases que tu as su me donner, et au fond, si l’emmental de ma vie d’aujourd’hui a quelques saveurs, c’est aussi par les trous du vide que tu nous as laissé, peut-être bien par la malice de nous mettre devant notre propre existences, de notre propre construction, parce que nous, pauvres imbéciles, nous n’avons pas su apprécier ni simplement voir les bonheurs que tu nous as distillé, en chaque instant, chaque larme, chaque rire, chaque heure, chaque minute, chaque seconde de nos vies. Merci de tout cela, des rires comme des larmes, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui parce que si le corps n’est plus, l’âme demeure. Toujours. A l’eau, l’océan gronde ce soir, la lune s’y perd un peu en cache nuage, l’air est frais mais il est bon de s’y retrouver, d’y croiser les âmes, même dans les larmes, elles font du bien.

Le silence, la bulle, les musiques.

Le silence, il n’y a rien de tel pour prendre la mesure du bruit de la vie. C’est lorsque tout s’arrête, lorsque le vent se pose enfin que l’on prend enfin le temps de se mesurer face aux éléments et mieux, face à soi. Introspection. Non, ce n’est pas la descente aux enfers, ni même un doux paradis, c’est juste un temps pour soi, à s’accorder pour s’accorder sur sa propre vibration. Nécessaire. Nos époques sont trop agitées pour nous garder intact, il est souvent utile de s’échapper, de se poser, de rejoindre sa bulle et méditer à la plus belle rencontre qu’il soit : se rencontrer soi.

Il n’y a pas de règle, chacun trouve sa bulle où il veut et comme il veut, le tout est de s’y sentir bien, peut-être parce que tout simplement les vibrations y sont bonnes et qu’elles permettent aux nôtres de s’y accorder, de s’y apaiser, de s’y régénérer. Cela peut être un coin de nature, une vaste prairie, un arbre dans la forêt,  une plage face à l’océan, comme tout aussi bien un coin de son chez soi que l’on a aménagé pour cela, le peuplant de quelques objets choisis, en y apportant une douce lumière, un tapis, un fauteuil. L’essentiel est d’y être en phase, de pouvoir s’y réfugier et d’y être en paix, le temps qu’il faut, le temps qu’il convient pour se rendre visite, du temps à soi, du pur, du vrai, sans dérangement, loin des téléphones et autres cris. La chenille a besoin de la chrysalide pour devenir papillon.

Nous avons tous nos musiques, elles sont aussi nécessaires car elles forment un diapason pour réguler nos humeurs, parfois piano, parfois forte, parfois allegro ma non troppo…. Sans que l’on s’en rende compte, on choisit ses musiques au gré de nos vies, pour se détendre, se relaxer, pour se donner un coup de fouet et mieux repartir. Il y a le rythme, il y a le volume, ces sons sont les sons de nos vies, ils chantonnent ou résonnent à l’envie en autant de variations que nous savons vibrer. Et comme ceci est très personnel, il est parfois difficile de partager sur l’instant ce morceau de choix tiré du sommeil de nos années enfouies. On n’écoute jamais aussi bien que dans le silence.


Unis vers un même univers, l’être parmi les êtres, une communion avec les éléments, nous sommes tous des éléments d’un même ensemble, tous semblables et tous différents, chacun avec sa propre vibration, son propre son, ce n’est pas pour autant une cacophonie, nous sommes tous apte à entendre les dissonances et à savoir se reprendre ou bien s’abstenir, nous savons tous qu’il n’y a pas d’issue dans le combat ou l’affrontement, nous sommes moteurs et acteurs de nos vies, avec comme seule envie, l’envie de vivre et de vivre pleinement. Il n’y a pas de difficulté, il y n’y a que des étapes, des épreuves, des leçons. Il n’y a que des réponses à trouver, des mises à jour de notre être, des évolutions de notre taux vibratoire, car nous ne sommes et ne serons jamais que des êtres d’énergies, au même titre que tous les êtres vivants qui nous entourent. Rien n’est ni simple, ni facile, ni même complexe, pas plus que difficile. Il y a des bulles, des silences, des musiques, il y a la nature, plurielle, essentielle, notre place ici et maintenant ne dépend que de notre association dans ce monde et nous en avons la clé. 

          

Juste au présent

L’entre deux, cette période qui n’est ni plus l’une saison, ni tout à fait sa suivante, une période inévitable et nécessaire, on ne peut pas changer de saison juste en un changement de date sur le calendrier. La période est propice aux changements, aux rangements à tous ces coups de balais qui viennent mettre de l’ordre parmi les vies. C’est un peu le défilé de la vie qui apparait lors de ces étapes, un peu comme des bibelots endormis sur une étagère que l’on sort de leur torpeur le temps de les épousseter au risque de ne jamais les remettre. « Hier s’est enfui, demain viendra bien assez tôt mais aurais-je le temps ? »

Le ciel prolonge ses lumières même si elles n’ont plus tout à fait les mêmes reflets et surtout, les mêmes chaleurs, il faut savoir s’en contenter, profiter de ces instants de répit pour vivre à l’extérieur, le coin du feu viendra bien assez tôt et avec lui la nonchalance des corps refroidis. Serait-ce l’habitude ou bien sa cousine lassitude qui engendre le manque d’entrain, l’envie de rester dans cette période de l’année où le vent n’est pas assez froid pour nous soutirer à notre mère nature ? S’asseoir, se prélasser, rêvasser, que ce soit au bord d’une plage à contempler les rouleaux d’un océan fougueux, ou bien encore dans la prairie d’un belvédère pyrénéen à écouter les sonnailles des troupeaux et à regarder le vol calme d’un rapace, moments uniques que l’on cueille à l’essence même de la vie. « Aujourd’hui, je suis. »

Les dates ont ceci de particulier : elles réveillent toujours leurs passés, pas si simple, parfois décomposés, ces passés passent et repassent dans les brumes d’un cerveau en perpétuelle agitation. Les âges de l’Homme sont ainsi, ils grandissent en insouciance et apprentissage, ils deviennent sérieux sans savoir forcément être adultes, puis ils s’épuisent en inquiétudes et autres questionnements. « Que sera demain ? Où s’arrêtera mon train ? Encore combien de temps aurais-je la force ? » Il y a tellement de monde descendu de ce fichu train en tant de gares improbables  qu’on ne sait plus où donner de la tête et pour ne pas trop se poser de question, on court, on accumule mille activités, mille chemins à parcourir, sans jamais totalement se reposer. Et quand bien même l’envie de repos serait-elle présente, une chose en appelle une autre et l’on repart de plus belle dans cette course sans fin. « Sans fin ? Rien n’est moins sûr. »


Et si demain tout s’arrêtait ? Et si demain tout disparaissait ? Une feuille blanche ou un carnet noir, l’automne sonnera bientôt le glas des feuilles tout comme il sonnera le carillon des douces flambées et des premiers flocons. Il n’y a pas vraiment de fin mais plutôt plusieurs débuts. Nous ne naissons pas dans la postérité, nous ne serons jamais que des oiseaux de passage, passagers d’un temps, d’une époque, tissant des liens et inscrivant quelques mots d’une histoire qui ne nous appartient pas et au fond, que ces mots demeurent ou s’effacent, l’histoire elle restera à peu près inchangée. Ce ne sont pas les mots qui font l’histoire, ils ne sont qu’un habillage, quelques feuilles parsemées autour des branchages entremêlés par les vies, le vent de l’automne finira par souffler assez fort pour que les feuilles disparaissent et révèlent la majesté de l’arbre. Ainsi vont les cycles de la vie et ceux des saisons, il n’est nulle raison de s’en inquiéter, il faut juste savourer le temps présent.                 


Aimez!

Dans un monde en perpétuelle ébullition comment peut-on imaginer que ses enfants ne soient pas perdus ? Difficile d’avancer, difficile de se projeter, difficile de ne pas penser à hier, à avant-hier, à ces drames, ces cruautés gratuites qui se sont succédées en ne laissant de répit que des plages d’inquiétudes perdues entre deux terreurs ? Notre présent est donc embrumé par les horreurs du passé et leurs projections dans le futur, mais notre présent reste notre présent, celui à vivre, au maximum de chaque instant, car nous ne pouvons plus changer le cours des choses pas plus que nous ne pouvons intervenir sur le cours de demain. Soyons vivants, soyons présents et aimons notre présent, c’est là la plus belle des récompenses à offrir, c’est là la plus complète des façons de vivre, c’est notre cadeau pour notre Humanité et surtout pour nous, car nous sommes aussi des êtres de cette Humanité. Comment faire pour cela ? On ne peut aimer sans Amour, on ne peut recevoir sans donner, et c’est même pire, on ne peut donner sans l’abandon de recevoir quoi que ce soit en retour, non, l’Amour est Amour s’il nait unique, il grandit et se multiplie par sa division, l’Amour est une graine que l’on sème aux vents, même aux vents mauvais de la bêtise humaine. Pourrait-on parler de conneries sans que le terme ne soit trop dur ? Hélas, les mots resteront toujours de faibles remparts face à l’ignominie.


Aimez, mais aimez avec un ’A’ majuscule, sans peur du ridicule, sans l’ombre d’un calcul, aimez jusqu’à l’abandon de vos forces, sans paresse mais avec tendresse, aimez mais aimez tout le monde, vous en particulier, on ne peut aimer l’autre si on ne s’aime pas soi, si l’on ne sème pas de cet amour-là. L’amour n’est pas en cage, l’amour est libre comme le vent, il s’engouffre partout comme lui, il noie comme l’eau, il brûle comme le feu et il serra la terre fertile de mille autres amours, de mille autres richesses. L’amour est notre bâton de pèlerin, il nous conduit à travers les chemins du monde, il nous soutient même dans les heures sombres, il nous porte bien plus que nous le portons, nous sommes les enfants d’amours, nous serons les parents d’amours tout comme nous le sommes aujourd’hui. Vivre n’est pas oublier, vivre c’est ne pas s’appesantir, ne pas retenir les vaisseaux de larmes du passé, apprenons à détacher leurs amarres, laissons-les partir et voguer vers l’océan du passé pour ne plus voir que les pas d’aujourd’hui, pour ne plus cueillir que les présents de notre présent. Qu’importe où est le futur, devant ou au-dessus de nous, le futur n’est pas là, il n’a pas sa place dans l’Amour du maintenant, ce serait calculer, ce serait hypothéquer sa vie que de la vivre en rêve. Vivre au présent, c’est ne pas avoir le temps pour autre chose, c’est vivre chaque instant dans son unicité, dans son souffle, c’est aimer mais aimer dans son absolu, c’est se donner le choix d’avancer et même de se planter, parce qu’on grandit de ses erreurs, parce la vie c’est aussi cela, un pas de travers pour apprendre à faire un pas droit, encore que droit ne veut rien dire, le chemin n’est jamais tracé à l’avance, le chemin est celui que nous dessinons à l’encre de nos pas, jour après jour, présent après présent. Il y a mille façon d’aimer, pourquoi donc hésiter ?            

Débranchez !

Quel que soit le jour, l’endroit, le moment, il y a toujours interaction d’évènements, forcément perturbations, deux êtres ne peuvent interagir de façon identique en permanence. Chacun a son rythme, son mode, son monde et dans notre monde de super communicants du très rapide et du presque immédiat, on a oublié combien ces choses-là étaient très importantes. Une lettre qui arrive, un message reçu, c’est une communication déposée sur l’étagère du bon vouloir, un mot en attente, qui sera vu, peut-être lu, parfois compris plus tard. C’est aussi une forme de respect, une moindre intrusion, on dépose et on laisse le choix à l’autre de lire lorsqu’il aura le temps ou le désir de prendre le temps. Trop de communications aujourd’hui sont quelque part égoïstes, elles sont injonctions, elles intiment l’ordre de communiquer, parce qu’un canal a décidé, parce qu’un acteur veut, en oubliant l’autre, en imposant ses envies. Serait-ce une accélération du temps ? Serait-ce notre manque de temps en perpétuelle expansion ? Serait-ce tout simplement nos moyens technologiques qui nous poussent en cela ?

Week-end ensoleillé, de longues journées, le moment idéal pour se déconnecter, pour débrancher tous ces liens, pour bouger, dormir, farnienter, bricoler, mettre un disque, prendre un bouquin, bref, se retrouver soi loin des mails, des sms, des messages sur répondeur… Mais comment qu’ils faisaient donc nos parents, nos aïeux, et toutes ces générations d’avant la super technologie d’un monde qui connecte les Hommes par-delà le monde ? Marcher pieds nus dans l’herbe fraichement coupée, diner au clair de lune dans le calme d’une nuit d’été, s’allonger à même le sol et laisser son regard s’enivrer de mille et une étoiles, écouter les sons de la nature, les craquements des arbres, les bruissements du vent léger, les déplacements des animaux nocturnes, découvrir l’éclatante lumière des vers luisants, se sentir faire corps avec ce monde qui nous entoure, être un être naturel au cœur du naturel, dans le silence des Hommes et la tranquillité de l’esprit, avez-vous donc essayé ? Ce n’est pas un moment d’abandon, bien au contraire, c’est un instant de retrouvailles, celles avec soi, celles avec notre planète et tout son système autour. Bien sûr, cela n’empêche pas les terribles tragédies, les folies meurtrières ni même l’angoisse communiquée mais au moins, dans cet instant-là, le canal est fermé parce que connecté ailleurs et autrement. C’est aussi et simplement une forme simple de méditation, une petite retraite à moindre frais, il n’est nul besoin de murs, de matériel, juste prendre du temps pour soi, se poser pour mieux s’enraciner dans notre terre et planter notre tête dans les cieux. Connecter nos énergies à celles du cosmos et de la terre, ne plus être pour mieux être, il n’y a rien de compliqué en cela, un simple moment à s’accorder, à accepter de s’isoler pour en faire l’expérience. Comprendre c’est apprendre, respecter c’est aimer, nous sommes tous différents et c’est par ces différences que nous nous grandissons les uns les autres, pourquoi s’en priver ?          

  

Indifférence

C’est encore un de ces matins où la brume hésite entre se jeter à l’eau ou bien rejoindre les cieux, elle s’étire, se déchire comme pour mieux se reformer et faire disparaitre toute notion horizon, quel que soit l’endroit où porte le regard. C’est encore un de ces matins où la plage est déserte, tout juste un promeneur solitaire marchant d’un pas nonchalant sur le sable froid et humide. Quelques pas au gré des vents, à l’aube d’un jour nouveau, quelques pas qui se perdent et se creusent sur une plage désertée.  L’océan se pare de mille reflets, tantôt drapé de gris profonds dans lesquels il se noie, tantôt intense de verts souligné d’une blanche écume, rugissant avant de s’abandonner au sable ocre. Flânerie. Moment propice à l’introspection, ce voyage intérieur dont on ne revient jamais insensible, une étape nécessaire pour remettre en ordre certaines étapes, pour relire certains chapitre à la lumière d’autres événements, pour faire le point, aussi, tout simplement. La mise au point, ce judicieux réglage qui transforme le flou en netteté, cet apport de lumière sur notre obscurantisme à bien voir les choses, où pourrait-on être mieux pour cela que dans un tel endroit, isolé au milieu des éléments. N’être là pour personne d’autre que pour soi, combien de fois a-t’il rêvé de ce moment d’abandon du monde, de fuir tant d’adversité pour plonger dans les abîmes d’un isolement perçu comme une bouffée d’air frais. Non, ce n’était pas les abîmes désormais, oubliées les profondeurs de la terre, aujourd’hui le rêve serait de s’alléger, de décharger les colères, les peurs, les regrets et les manques, se vider de tant de ces liens inertes le rattachant à cette terre maudite pour s’alléger et s’envoler, décoller de ce sable, aller tutoyer les nuages, jouer avec les fous mais plutôt ceux de Bassan, voir le soleil par-dessus la mer de nuage comme cela arrive parfois en gravissant les sommets, se bercer d’airs et d’embruns, vivre libre et léger, au-delà de tout.


L’esprit s’élève bien plus vite que le corps, il puise dans la méditation et l’environnement la force de quitter ce sol imparfait, il se purifie et gomme les surcharges sombres des coups de fouet, des coups de massue, des mauvais rêves et des tristes réalités.  Comme la gomme sur le papier, il efface les traits sans en effacer les sillons, il ne peut rien contre ces cicatrices marquant à jamais le papier trop tendre et tellement griffé. Bien sûr, celui qui pose son regard de loin en verra que du blanc, pour peu que le soleil brille, il n’en verra qu’éblouissement. C’est si facile de ne s’attarder qu’aux mauvais reflets, de ne prendre dans chaque jour que le rayon de soleil qui nous attire, au fond, c’est tellement humain de décider en quelques secondes de qui est l’autre juste parce qu’il brille sous trop de lumière, et parce qu’on n’a pas le temps de s’attarder sur les griffures du papier, fragilité du support, fragilité de l’être, fragilité tout court. L’être n’est pas avoir, mais comme tout être, il est. Complet, entier, jusque dans ses déchirures, jusque dans ses abandons, jusque dans ses chutes, pas seulement dans les rires et les entrains. S’envoler, oui, quitter ce monde qui ne voit au fond que ses pieds pour partir loin, sans un mot, sans un bruit, il ne sert à rien d’exprimer ses douleurs, le monde se fout de ce qui ne l’atteint pas, les bulles se frôlent mais ne croisent jamais, celles légères, emplies de gaité ne voit même pas les plus tristes, qu’elles soient sombres ou bien même à peine transparente, elles glissent dans l’indifférence générale, les rires et les cris de joies, après tout c’est l’été, amusons-nous, rions et oublions…   

Croire

Au-delà de la vie, il y a la connexion entre différents éléments, différentes formes de vies, d’énergies, tout ce qui fait de la vie, de nos vies, une forme unique de vie. Tout est accessible, disponible à tout un chacun, pourtant chacun marche sur son propre chemin, cueille ses propres fruits, nourrit ses propres besoins ou au contraire, passe indifférent devant les étalages bien plein. Parce que le regard est baissé ? Parce qu’on n’ose pas ? Parce qu’on ne sait pas ? Les trois sûrement, et peut-être même parce qu’on ne croit pas, ou pire, on n’ose pas croire. Devant toute leçon, il y a toujours une phase d’acceptation, un moment où il faut accepter de croire ce qui est dit pour le recevoir comme leçon, pour l’apprendre et apprendre, sans quoi la leçon glisse et s’envole. La vie n’est pas chienne, elle rejouera les leçons jusqu’à faire réagir, réveiller les souvenirs et éveiller la croyance dans la leçon. Et si une vie ne suffit pas, alors plusieurs vies s’enchaîneront jusqu’à ce que la marche de ce grand escalier soit franchie. Un passe obligé somme toute, parce que nul ne doit rester au bas de l’échelle.

Bien sûr, il y a des parcours rapides, des progressions avec mention, des vies sans accrocs, presque lisses, mais sont-elles plus intéressantes ? Permettent-elles de grandir, de se forger ? Peut-être pas, ce sont des vies de confort, où tout s’enchaine toujours avec une presque évidence, sans adversité, mais peut-être bien que les leçons y sont bien cachées, qu’au-delà du vernis il y a des couches plus fragiles, un magma qui brûle et ne demande qu’à exploser. Le jour de l’explosion sera bien pire, on ne peut gravir un escalier d’un seul pas, la chute ne sera que plus rude. Il y a des parcours à embûches, des portes qui se ferment,  des coups, des épreuves, des vies qui s’enfuient, des vies qui s’en vont, des impasses, des manques, des noirs profonds, des rouges sang, des larmes, des cris, des combats succédant aux combats, épreuves sans fin, sans faim le tout arrosé des sourires de tout ceux pour qui tout roule. Abnégation. Non, ce n’est pas une fuite, simplement une construction, non pas de murs pour s’enfermer, plutôt empiler les pierres pour grimper dessus et s’élever au-dessus des adversités, mesurer chaque élément, comprendre et apprendre, croire en soi, croire en la vie. Ce ne sont pas des vies de tout repos mais elles sont bien plus constructives et évolutives, bien plus fatigantes aussi. Elles méritent d’être comprises, ou du moins entendues, leurs plages de repos ne sont pas oisives mais vitales, encore faut-il savoir voir et surtout accepter d’admettre que non, toutes les vies ne sont pas identiques et que oui, toutes les vies se valent. Lorsque par contre on est au cœur de ces vies-là, il est important de garder le cap, de savoir parfois fermer les écoutilles et affronter le gros temps de face, non pour y tenir tête mais pour glisser dessus, gravir les grosses vagues et plonger dans leurs creux, de face, oui parce que profil, le bât blesse et l’on coule, on plonge dans des zones sombres d’où l’on peinera à remonter, où on laissera des plumes et beaucoup d’énergies. Il n’y a jamais d’échec, il n’y a que des leçons. Des choses à retenir, des coups à prendre, des savoirs à apprendre, des pas qui se succèdent. Bien ou mal accompagné, le chemin se fait seul car il est notre chemin, notre existence, notre vie. Alors oui, on entend courage mais c’est surtout envie qu’il faudrait dire, l’envie de vivre et surtout croire en soi.


La vie est belle, même si parfois son chemin est long        

vers l'infini

Ce n’est pas une fuite, pas même une disparition. Il n’est plus, simplement, tout simplement. Le temps pleure et s’engouffre dans son vaste couloir, il arrache les pages aux numéros successifs, passent les jours, les semaines et les mois, il n’écrit plus et ceci sans émoi. Autres temps, autres mœurs, tout se meurt sans heurt ni malheur, les jours sombres ne trainent pas leurs ombres c’est en cela qu’ils sont plus véloces que les beaux jours. Mais qui donc est-il apte à juger ? Le bien n’est mal que si on le compare au mal lui-même, est-ce un mal ou un bien, il n’en sait rien, et à vrai dire, il n’en a cure. Oublié, fatigué, loin d’ici, voguant vers l’eau de là, la voile claquante dans un ciel ni trop clair ni sournois, il glisse sur la mer des indifférences et s’éloigne vers d’autres ports, loin des porcs rugissant leurs haines à deux balles, des balles bien calibrées dont on torche les murs, les fauteuils, les décors rouge sang. Qu’importe l’avis, il y a toujours du pour et du contre, qu’importe la vie, il y a toujours des purs et des durs, qu’importe le lavis de ces jours trop gris.


Faire face, c’est être debout, là, même las, juste après la préface. C’est aussi tourner le dos à ce monde qui ne se colore qu’en éclats de morts, en guerre sournoise, en peurs viscérales. Il n’est plus. Paix à son âme. Mais que diantre ! Qu’on lui foute la paix, à lui et à son âme ! En quoi serait-il devenu anormal de préférer les senteurs iodées d’un jour qui se lève dans les frimas de la nuit noire et étoilée ? Pourquoi faudrait-il aimer d’autres tâches de sang que celle des fragiles coquelicots sous le Cers rageur ? Comment pourrait-on se passer de cet instant futile où l’on cueille l’ivresse juste dans un rayon de lune ? Son âme est en paix et quand bien même, en quoi cela gênerait-il quelqu’un ou quelqu’une ou bien encore quelque chose et en quelque chose? Faut-il donc se soucier des uns plutôt que de se soucier de soi ? Le bonheur est un imposteur qui ne nait pas dans l’autre mais grandit en soi et si la vie peut parfois paraitre dure, ses pentes n’en sont pas moins douces à qui choisit de les gravir plutôt que de s’en effrayer. C’est aussi cela faire face, au fond, les tracas ne sont que des grains de sel sur l’insipidité de nos vies, ils sont des grains de pollen qui bien digérés donneront le miel de notre vie. Allez donc butiner en vos prairies plutôt que de chercher ce qui pousse dans le jardin de l’autre, non pas que ce jardin soit secret mais parce qu’il fait si bon chez soi et surtout, parce qu’il n'est pas meilleur terrain que notre propre espace. Peu importe qu’il ne soit plus, peu importe que son pré carré devienne jachère, folles herbes ou vaste espace fleuri, ce n’était qu’un bout de vie posée sur un bout de monde. Peut-être bien même que ce n’était que quelques hoyas graciles sous le vent frais du soir peuplant un bout de dune arrosée aux embruns sauvages, loin des foules, loin des ports, de ces coins où seules se posent les âmes aimant à se ressourcer.

Le vent souffle, léger et froid, il soulève les grains de sables les plus légers, sait-on seulement où il les emmène ?  Entres vents et marées, il y a la dune, les vagues, il y a la lune, les étoiles, il y a des pas qui se perdent vers l’infini. C’est joli l’infini, c’est peut-être par là qu’il s’en est allé….







Cosmopolitain

Quelques pas dans les rues de la ville, sa ville, aux rues étroites et aux murs de briques, ces grandes portes cochères parfois ouvertes dévoilant des petites cours carrées, ces rayons de soleils venant lécher l’argile cuite pour en tirer des tons rosés, ces toits de tuiles boursouflés des rhumatismes de leurs vieilles poutres. Une ville plus préservée qu’ancienne, les bombardements pas plus que la folie des promoteurs n’avaient abîmé ses plans initiaux. Une ville nonchalante, une ville du sud, où les trottoirs sont rarement piétinés de gens pressés, où les couloirs de métro affichent la même détermination à ne pas courir, une rame suit toujours une autre rame, à quoi se jeter dans la première voiture offerte ? Quelques pas dans sa ville, un peu hagard, un peu déboussolé comme au sortir d’un long tunnel du temps, les yeux cherchent ce que la mémoire leur dicte, une enseigne, une boutique, un coin de rue mais le temps a passé et les enseignes ont valsées, les murs se sont parés d’étonnant hiéroglyphes plus ou moins déchiffrables, jusqu’aux sons qui ne sonnent plus du même accent… Etrange, serait-il donc devenu étranger dans sa ville ?

Il marche, respire les odeurs et essaie de comprendre ce qui désormais frappe le pavé. Cette ville belle et cosmopolite de son enfance serait-elle devenue rebelle à son passé, son histoire, sa mémoire ? Hier encore, au carrefour des civilisations, elle a grandi à coup de population fuyant une politique, fuyant une terreur, elle s’est transformée en construisant ses premières barres d’appartements sur ses anciens maraichages parce qu’il fallait loger et loger toujours plus, à la fois des réfugiés, des rapatriés, des ouvriers pour toutes ces nouvelles usines. Espagnols, algériens, portugais, marocains, tunisiens, italiens, français, paysans, ouvriers, vietnamiens, tchadiens, sénégalais, camerounais, et tant d’autres, à chaque pallier une porte s’ouvrait sur le monde, ou plutôt, sur une facette du monde, le monde au fond, c’était cet immeuble tout entier, ce quartier, cette ville et c’est là, enfant, petit enfant du monde qu’il aimait venir goûter aux richesses du monde. Ses grands-parents vivaient là, anciens brassiers, cultivateurs, maraîchers, jardiniers, une fois la ferme rasée pour construire ces modernités de cages empilées, ils se trouvèrent reloger près de leur ancien gagne misère. C’était le temps du moderne, les vieux meubles partirent chez le chiffonnier et le noble formica envahit le « trois pièces sans balcon ». A ces souvenirs, il souriait, car au fond, l’enfant se fout des modes, des lambris et du formica, lui ce dont il se souvient, c’est de ces goûters au tranches épaisses de bon pain, pas encore qualifié de campagne comme pour lui rendre une certaine légitimité, à la fine couche de beurre saupoudré d’une poussière de caco dont il était interdit dans un sourire de souffler dessus… Et puis il y avait les accents, les bises sonores de tous ces pépés et mémés, ceux d’un temps d’avant les papys et mamies, ceux aux visages burinés et aux mains calleuses, parce qu’ils avaient trimé, parce qu’il avait payé parfois très cher leur poids de sueur, pour quatre sous, pour fuir, pour vivre, oui, c’est bien cela, on vivait pour vivre et c’était un emploi à temps plein. Des accents, il y en avait des tonnes, et même des cours de langues car il fallait parfois déchiffrer, comprendre l’exercice, « remplacer le mot en langue d’origine par son équivalent français » … Ce furent ses premières versions qui n’avaient de latines que la somme de leurs descendances. Et puis, et puis, il y avait ces douceurs, toutes ces douceurs, celles des mots, celles des gestes, celles des portes qui s’ouvrent, celles des gourmandises offertes, pâtisseries maison ou autres bonbons, mille goûts, mille saveurs, mille origines, ces joujoux, petits soldats ou simples billes de terre, des trésors à trois francs - six sous que l’on recevait comme le plus beau des cadeaux, toutes ces attentions venant non pas de plusieurs individus mais d’un seul cœur, d’une seule générosité. Une vraie communauté, non pas d’une couleur uniforme mais multicolore, multiraciale et ouverte, unie, partageuse et partageante, bien avant l’invention des repas de quartiers, il y avait des casseroles traversant le palier, descendant deux étages pour offrir sans raison un soleil de paella, un parfum de couscous, une part de gâteau, quelques oreillettes… Oui, c’était cela la banlieue d’avant la banlieue, la ville d’avant, celle qui se climatisait à coup de fenêtres ouvertes, celles où les informations circulaient dans les squares, sur des bancs lustrés par tant de postérieurs qu’il ne venait même pas à l’idée d’y aller y graver le moindre graffiti. Les portes jamais closes, les rez-de-chaussée ouverts sur l’envie d’échanger, les soirées télé autour d’un verre de café devant « la piste aux étoiles » c’était cela aussi le « réseau social ». Pas de clic, juste une sonnette ou un coup à la porte en même temps qu’on l’ouvre ponctué d’un « oh ! ou ola ou bien c’est moi » pas de « j’aime » mais combien de commentaires, des idées de tricots ou de recettes échangées, on ne s’invitait pas les uns les autres mais on se voyait tout le temps….

Difficile de retrouver aujourd’hui ces vies d’hier… Même les anciennes barres se barrent, elles tombent sous les coups des boulets, elles s’effacent en poussières derrière le panneau immaculé aux couleurs vives annonçant la ville de demain, des personnages souriant, des enfants jouant dans la rues, « c’est con » se dit-il « ils ont oublié de les mettre en couleurs, à moins que ce ne soit qu’un quartier réservé ? »  Il est vrai aussi que la langue a bien changé, on ne parle plus de nationalité, ni même de couleur de peau, on efface dans le silence le respect et la polyculture d’hier. Peu à peu, on s’enferme plus qu’on enferme et cet enfermement n’engendre que la peur et l’exclusion, on s’exclu d’être en essayant d’avoir été, on voyage pour « vivre » la diversité on oubliant combien il était si simple de la vivre sur place. Il marche, traversant sa ville en pensant aux pas d’hier, sans vraiment comprendre ni même se rappeler quand est-ce que le vent a tourné. Il pense à tous ces êtres qui ont su l’aimer, le gâter, lui faire aimer la vie, la diversité et comprendre les richesses de notre humanité. 

Puisse un jour cette terre retrouver l’humanité.