Poussière

Il y a le bruit, il y a les cris, il y a les larmes, le chaos, l’anéantissement puis il y a le temps, celui qui file dans les pleurs, celui qui glisse parmi les fleurs, celui qui inonde de silence, celui glisse et glace les sens, celui qui laisse enfin la poussière retomber et se déposer. Silence. Poussière. Tout retourne en poussière. Malaise. C’est sale la poussière, c’est moche, ça pique aux yeux, à la gorge, alors on tousse, on crache, on parle, on parle et on parle, et histoire de mieux parler encore, on prend partie. Partie. Sans forcément savoir, sans forcément comprendre, sans forcément croire, on croit pourtant que l’on a raison. A en perdre la raison. On s’agite, on se débat, et de cris en débats, la poussière vole, elle ravive les douleurs, les allergies, elle pique, elle mord, elle énerve, alors on s’énerve, on s’agite, on pleure, on crie, on bouscule, on gémit. Il n’y a pas de saison, il n’y a plus de raison, l’actualité se construit dans les désinformations, on meuble l’antenne à grand coup de phrases aux mots trop lourds, mal ajustés, on sort des lignes d’un vocabulaire de bonne guerre. C’est quoi une « bonne guerre » ?


Il fait froid. L’eau gèle dans la bouteille, l’air vif mord et dévore, c’est donc ça la réalité de terrain ? Encore un nuit dehors, encore un carton, une couverture, des chiffons, l’abandon de la rue, les ombres qui passent, deux mondes, oui, mais deux mondes dans la même poussière. C’est comment la poussière ? C’est gris, c’est sale, c’est rouge sang ? Pas de semblant, il n’y a pas de sang blanc. Même pâle, il bout faiblement mais rouge, il bouge, il galère lui aussi à trouver la chaleur, un instant de bonheur, survivre, oui, mais pour quoi ? Il fait très froid, la terre n’abrite qu’au cœur de ses entrailles, elle ne protège que ceux qu’elle engloutit dans ses bulles souterraines. Au-dessus d’elle, c’est le vent, le froid, le gel, la nudité d’un monde pelé où la froideur des regards n’aide pas à se réchauffer. Parler, oui, mais parler à qui ? Parler à soi, des mots pour survivre, des mots pour ne pas oublier, ne jamais oublier la parole, fut-elle dans sa tête, en attendant qu’elle fuse, qu’elle fuit son cercueil de chair et d’os, la parole ne doit jamais se taire. Même à terre.



Regard de zombie, quelques lettres blanches et grises sur un fond noir, annonce mortuaire, je suis qui je suis, vous ne pourrez jamais rien y faire, ni vous, ni personne, ce n’est pas une fin, juste une ritournelle qui s’en vient germer dans les têtes, se souvenir, se rappeler, ne jamais oublier, ni les larmes, ni le sang, ni la mort, ni le froid, sans effroi, la bestialité des Hommes tue bien plus souvent qu’on ne croit. Cette foule d’anonymes aux visages ressemblants, ces mots, ces yeux trop humides, ils ont glissé devant ma couverture, mon bout de carton. Sans voir, le regard n’embrasse que les pensées qui le dirigent. Vous étiez ailleurs ou bien j’étais dans un tout autre ailleurs, celui trop loin des jours quotidiens, après tout, je n’ai qu’à changer de place… Le trottoir appartient à tout le monde, du moins je croyais, la ville aime le propre et sans cesse nous balaie, coup de balai. « Je suis, tu es » … Etre n’est plus lorsqu’il se conjugue au présent. Le monde est à la dérive, les journalistes se trompent d’encre, plus rien ne le retient, il souffre, grince, gémit, il tremble, s’exclame, se déclare prêt à bondir. Oui, mais où ? La poussière aveugle, étouffe et estompe les contours, bien malin celui qui dira où le mène son chemin. Tête en l'air.    

Rien de plus

Le sorcier habite là-bas,
Tout au bout du chemin,
Là-bas
Tout au fond
Dans une case en bois.
Le sorcier, on va le voir,
On l’appelle quand ça ne va pas,
Il a toujours des trucs qui soignent,
Des trucs qui soulagent,
Des mots contre les maux,
Des sourires,
Des silences aussi parfois,
Le sorcier, c’est comme ça.
On y va aussi parfois
Pour s’y réfugier,
Parce qu’il fait froid dehors,
Parce qu’il fait froid dedans,
Dans le cœur,
Et puis le sorcier, il a des trucs,
Des trucs à boire,
Des trucs à voir,
Des trucs à lire
Des trucs à écouter
Des trucs à rire
Et il y a même un feu de bois,
Alors oui, voilà,
Là, le sorcier on le voit.

Le sorcier fait rire
Le sorcier fait peur
Il sait des choses
On a peur des choses
On a peur des savoir
On a peur sans savoir.
Alors le sorcier, on l’évite
Tandis qu’on invite
C’est comme ça.

Mais le sorcier
Aussi a un cœur
Un cœur qui rit
Un cœur qui pleure
Un cœur qui saigne
Parce que le sorcier
Il sait, quand il soigne
Il sait quand on l’oublie
Parce que c’est comme ça
Depuis trop de temps déjà

Un jour sera,
Le sorcier ne sera plus
La case en bois non plus
Le feu l’aura mordu
Rien de grave au fond
Ce n’était qu’une case
Au fond
Tout au fond du chemin
Une case
Rien de plus.

Une larme.
Rien de plus.


Non plus.