Débranchez !

Quel que soit le jour, l’endroit, le moment, il y a toujours interaction d’évènements, forcément perturbations, deux êtres ne peuvent interagir de façon identique en permanence. Chacun a son rythme, son mode, son monde et dans notre monde de super communicants du très rapide et du presque immédiat, on a oublié combien ces choses-là étaient très importantes. Une lettre qui arrive, un message reçu, c’est une communication déposée sur l’étagère du bon vouloir, un mot en attente, qui sera vu, peut-être lu, parfois compris plus tard. C’est aussi une forme de respect, une moindre intrusion, on dépose et on laisse le choix à l’autre de lire lorsqu’il aura le temps ou le désir de prendre le temps. Trop de communications aujourd’hui sont quelque part égoïstes, elles sont injonctions, elles intiment l’ordre de communiquer, parce qu’un canal a décidé, parce qu’un acteur veut, en oubliant l’autre, en imposant ses envies. Serait-ce une accélération du temps ? Serait-ce notre manque de temps en perpétuelle expansion ? Serait-ce tout simplement nos moyens technologiques qui nous poussent en cela ?

Week-end ensoleillé, de longues journées, le moment idéal pour se déconnecter, pour débrancher tous ces liens, pour bouger, dormir, farnienter, bricoler, mettre un disque, prendre un bouquin, bref, se retrouver soi loin des mails, des sms, des messages sur répondeur… Mais comment qu’ils faisaient donc nos parents, nos aïeux, et toutes ces générations d’avant la super technologie d’un monde qui connecte les Hommes par-delà le monde ? Marcher pieds nus dans l’herbe fraichement coupée, diner au clair de lune dans le calme d’une nuit d’été, s’allonger à même le sol et laisser son regard s’enivrer de mille et une étoiles, écouter les sons de la nature, les craquements des arbres, les bruissements du vent léger, les déplacements des animaux nocturnes, découvrir l’éclatante lumière des vers luisants, se sentir faire corps avec ce monde qui nous entoure, être un être naturel au cœur du naturel, dans le silence des Hommes et la tranquillité de l’esprit, avez-vous donc essayé ? Ce n’est pas un moment d’abandon, bien au contraire, c’est un instant de retrouvailles, celles avec soi, celles avec notre planète et tout son système autour. Bien sûr, cela n’empêche pas les terribles tragédies, les folies meurtrières ni même l’angoisse communiquée mais au moins, dans cet instant-là, le canal est fermé parce que connecté ailleurs et autrement. C’est aussi et simplement une forme simple de méditation, une petite retraite à moindre frais, il n’est nul besoin de murs, de matériel, juste prendre du temps pour soi, se poser pour mieux s’enraciner dans notre terre et planter notre tête dans les cieux. Connecter nos énergies à celles du cosmos et de la terre, ne plus être pour mieux être, il n’y a rien de compliqué en cela, un simple moment à s’accorder, à accepter de s’isoler pour en faire l’expérience. Comprendre c’est apprendre, respecter c’est aimer, nous sommes tous différents et c’est par ces différences que nous nous grandissons les uns les autres, pourquoi s’en priver ?          

  

Indifférence

C’est encore un de ces matins où la brume hésite entre se jeter à l’eau ou bien rejoindre les cieux, elle s’étire, se déchire comme pour mieux se reformer et faire disparaitre toute notion horizon, quel que soit l’endroit où porte le regard. C’est encore un de ces matins où la plage est déserte, tout juste un promeneur solitaire marchant d’un pas nonchalant sur le sable froid et humide. Quelques pas au gré des vents, à l’aube d’un jour nouveau, quelques pas qui se perdent et se creusent sur une plage désertée.  L’océan se pare de mille reflets, tantôt drapé de gris profonds dans lesquels il se noie, tantôt intense de verts souligné d’une blanche écume, rugissant avant de s’abandonner au sable ocre. Flânerie. Moment propice à l’introspection, ce voyage intérieur dont on ne revient jamais insensible, une étape nécessaire pour remettre en ordre certaines étapes, pour relire certains chapitre à la lumière d’autres événements, pour faire le point, aussi, tout simplement. La mise au point, ce judicieux réglage qui transforme le flou en netteté, cet apport de lumière sur notre obscurantisme à bien voir les choses, où pourrait-on être mieux pour cela que dans un tel endroit, isolé au milieu des éléments. N’être là pour personne d’autre que pour soi, combien de fois a-t’il rêvé de ce moment d’abandon du monde, de fuir tant d’adversité pour plonger dans les abîmes d’un isolement perçu comme une bouffée d’air frais. Non, ce n’était pas les abîmes désormais, oubliées les profondeurs de la terre, aujourd’hui le rêve serait de s’alléger, de décharger les colères, les peurs, les regrets et les manques, se vider de tant de ces liens inertes le rattachant à cette terre maudite pour s’alléger et s’envoler, décoller de ce sable, aller tutoyer les nuages, jouer avec les fous mais plutôt ceux de Bassan, voir le soleil par-dessus la mer de nuage comme cela arrive parfois en gravissant les sommets, se bercer d’airs et d’embruns, vivre libre et léger, au-delà de tout.


L’esprit s’élève bien plus vite que le corps, il puise dans la méditation et l’environnement la force de quitter ce sol imparfait, il se purifie et gomme les surcharges sombres des coups de fouet, des coups de massue, des mauvais rêves et des tristes réalités.  Comme la gomme sur le papier, il efface les traits sans en effacer les sillons, il ne peut rien contre ces cicatrices marquant à jamais le papier trop tendre et tellement griffé. Bien sûr, celui qui pose son regard de loin en verra que du blanc, pour peu que le soleil brille, il n’en verra qu’éblouissement. C’est si facile de ne s’attarder qu’aux mauvais reflets, de ne prendre dans chaque jour que le rayon de soleil qui nous attire, au fond, c’est tellement humain de décider en quelques secondes de qui est l’autre juste parce qu’il brille sous trop de lumière, et parce qu’on n’a pas le temps de s’attarder sur les griffures du papier, fragilité du support, fragilité de l’être, fragilité tout court. L’être n’est pas avoir, mais comme tout être, il est. Complet, entier, jusque dans ses déchirures, jusque dans ses abandons, jusque dans ses chutes, pas seulement dans les rires et les entrains. S’envoler, oui, quitter ce monde qui ne voit au fond que ses pieds pour partir loin, sans un mot, sans un bruit, il ne sert à rien d’exprimer ses douleurs, le monde se fout de ce qui ne l’atteint pas, les bulles se frôlent mais ne croisent jamais, celles légères, emplies de gaité ne voit même pas les plus tristes, qu’elles soient sombres ou bien même à peine transparente, elles glissent dans l’indifférence générale, les rires et les cris de joies, après tout c’est l’été, amusons-nous, rions et oublions…   

Croire

Au-delà de la vie, il y a la connexion entre différents éléments, différentes formes de vies, d’énergies, tout ce qui fait de la vie, de nos vies, une forme unique de vie. Tout est accessible, disponible à tout un chacun, pourtant chacun marche sur son propre chemin, cueille ses propres fruits, nourrit ses propres besoins ou au contraire, passe indifférent devant les étalages bien plein. Parce que le regard est baissé ? Parce qu’on n’ose pas ? Parce qu’on ne sait pas ? Les trois sûrement, et peut-être même parce qu’on ne croit pas, ou pire, on n’ose pas croire. Devant toute leçon, il y a toujours une phase d’acceptation, un moment où il faut accepter de croire ce qui est dit pour le recevoir comme leçon, pour l’apprendre et apprendre, sans quoi la leçon glisse et s’envole. La vie n’est pas chienne, elle rejouera les leçons jusqu’à faire réagir, réveiller les souvenirs et éveiller la croyance dans la leçon. Et si une vie ne suffit pas, alors plusieurs vies s’enchaîneront jusqu’à ce que la marche de ce grand escalier soit franchie. Un passe obligé somme toute, parce que nul ne doit rester au bas de l’échelle.

Bien sûr, il y a des parcours rapides, des progressions avec mention, des vies sans accrocs, presque lisses, mais sont-elles plus intéressantes ? Permettent-elles de grandir, de se forger ? Peut-être pas, ce sont des vies de confort, où tout s’enchaine toujours avec une presque évidence, sans adversité, mais peut-être bien que les leçons y sont bien cachées, qu’au-delà du vernis il y a des couches plus fragiles, un magma qui brûle et ne demande qu’à exploser. Le jour de l’explosion sera bien pire, on ne peut gravir un escalier d’un seul pas, la chute ne sera que plus rude. Il y a des parcours à embûches, des portes qui se ferment,  des coups, des épreuves, des vies qui s’enfuient, des vies qui s’en vont, des impasses, des manques, des noirs profonds, des rouges sang, des larmes, des cris, des combats succédant aux combats, épreuves sans fin, sans faim le tout arrosé des sourires de tout ceux pour qui tout roule. Abnégation. Non, ce n’est pas une fuite, simplement une construction, non pas de murs pour s’enfermer, plutôt empiler les pierres pour grimper dessus et s’élever au-dessus des adversités, mesurer chaque élément, comprendre et apprendre, croire en soi, croire en la vie. Ce ne sont pas des vies de tout repos mais elles sont bien plus constructives et évolutives, bien plus fatigantes aussi. Elles méritent d’être comprises, ou du moins entendues, leurs plages de repos ne sont pas oisives mais vitales, encore faut-il savoir voir et surtout accepter d’admettre que non, toutes les vies ne sont pas identiques et que oui, toutes les vies se valent. Lorsque par contre on est au cœur de ces vies-là, il est important de garder le cap, de savoir parfois fermer les écoutilles et affronter le gros temps de face, non pour y tenir tête mais pour glisser dessus, gravir les grosses vagues et plonger dans leurs creux, de face, oui parce que profil, le bât blesse et l’on coule, on plonge dans des zones sombres d’où l’on peinera à remonter, où on laissera des plumes et beaucoup d’énergies. Il n’y a jamais d’échec, il n’y a que des leçons. Des choses à retenir, des coups à prendre, des savoirs à apprendre, des pas qui se succèdent. Bien ou mal accompagné, le chemin se fait seul car il est notre chemin, notre existence, notre vie. Alors oui, on entend courage mais c’est surtout envie qu’il faudrait dire, l’envie de vivre et surtout croire en soi.


La vie est belle, même si parfois son chemin est long