Sapin


Dans l’euphorique approche des jours de fêtes, parce que la quête de l’instant de plaisir devient la seule importance d’un quotidien, le monde avance, en tout égoïsme, bien à l’abri des balles et surtout, le regard bien clos sur d’autres réalités moins poétiques, moins idylliques que ces papiers cadeaux colorés et ces rubans amoureusement frisotés. Dansez peuples du monde, rêvez de ces jours festifs qui, s’ils sont trêves dans la chasse aux économies ne le sont pas, hélas, face à d’autres cadeaux de la vie. Je ne parlerai pas du crabe, fort, puissant, sans cesse affamé qui ronge, grignote, gagne, repart, mais non, ce n’est que recul pour mieux sauter à la gorge, ce n’est que stratégie de fausse retraite pour mieux revenir à la charge. Je ne parlerai pas de ces autres formes de guerres lasses dont on se lasse à raison mais par-dessus tout à tort parce qu’elles sont trop lâches pour vous faucher d’un seul coup, parce qu’elles sont trop molles pour l’emporter sans votre accord, et que non, accord il n’y aura pas, parce que merde, vivre est la seule des maladies qu’on veut affronter, parce que notre monde, ce sont ces gens, cette famille, de sang et de cœur, et que si par mégarde, l’attention se relâche, si par fatigue, on aspire au laisser aller, alors c’est par eux, à travers eux, pour eux et grâce à eux qu’on vaincra. Parce qu’il n’y aura pas d’autre issue possible que la victoire, contre ces fléaux, contres ces torts, et que si le tort tue, ce n’est que lui-même, suicide de maux dans un soleil de vie.

Alors, oui, je pense à ces gens, proches, familles, soutiens, qui ne vivront pas les fêtes comme les autres années, qui ne verront peut-être même pas s’illuminer le calendrier, et si le sapin ne brille que par son absence, si la préoccupation du moment n’est pas la grosseur de la dinde ni de faire clignoter tout le jardin, c’est juste que l’énergie, les énergies s’en vont vers ceux qui n’ont pas besoin de le demander, ceux qui combattent et aussi, ceux qui les aident à combattre. Et si le vingt-et-un doit être la fin du monde, puisse-t-il être la fin de ce monde de mauvaises blagues, de maux, d’égoïsme et de passivité. Nous sommes tous porteurs potentiels d’un tas de choses, ne gardons pas pour nous les bonnes, c’est un feu qui brûle en nous, une flamme qui vacille parfois, juste parce qu’elle n’a pas l’oxygène de notre confiance, juste parce que nous même n’avons pas notre confiance. Soyons, prenons confiance, élevons notre flamme, faisons briller un grand feu en additionnant toutes nos flammes pour que le monde s’éclaire de cette force et que les maux s’en trouvent définitivement mal. Il n’est ni politique, ni religion, ni association qui ne peuvent accomplir cela, juste des êtres réunis, groupant leurs forces, donnant leurs énergies. Ce n’est pas le contenant qui compte, mais le contenu. Il n’y a pas de tristesse, ni d’apitoiement, parce que cela ne sert à rien, parce que se résigner c’est signer son accord de perdre, non, la force est dans l’espoir, dans la volonté, quel que soit le combat, «vouloir c’est pouvoir » disait une de mes anciennes institutrices avec tellement de justesse et de raison, pourquoi faut-il mettre tant de temps à comprendre les choses ?

Pourquoi devons-nous toujours être confrontés à quelque chose pour enfin murir les leçons entendues mais non sues ? Quand l’Homme cessera-t-il de vouloir tout découvrir par l’expérimentation personnelle ? A quoi sert le partage si c’est pour refaire les mêmes erreurs ? Et oui, on est plus fort que son voisin, plus fort que son enseigneur, plus fort que tout, alors on fonce, on court et on glisse dans les pièges pourtant tant de fois énoncés. Cela a toujours été une volonté de ces dernières années : faire partager ma modeste expérience pour que d’autres gagnent du temps, aillent plus loin en évitant les pièges dans lesquels j’ai pu tomber. La réussite des uns n’est pas la réussite des autres mais l’échec des uns peut devenir leçons et expériences pour les autres. Encore faut-il le comprendre et accepter de s’en servir. Mon grand-père me disait toujours « d’un âne, tu ne fais pas un cheval de courses ». Une sagesse à détruire les hippodromes et à braire à hue et à dia, mais l’âne n’est-il pas celui qui refuse plutôt que celui qui donne ?

En cette fin d’année, non de monde, je fonde l’espoir sur la découverte par l’homme de la puissance de l’humanité, qu’il puisse aussi découvrir le sens du mot fraternité et cesser de jouer à l’apprenti sorcier, et avec, qu’il puisse croire en lui-même, en sa force de combattant, en sa puissance de guérison, sans oublier jamais que le soleil ne brille que dans le ciel, qu’il ne faut jamais cesser de lever les yeux vers lui, de luire avec lui, sans jamais baisser la tête. Au combat, quel que soit le calendrier. Il sera toujours temps de faire la fête quand bien même cela soit à contre-courant du monde. Contre-courant, et non compte-courant, l’essentiel est la vie, d’ailleurs le sapin reste vert tout au long des années, non ? Un symbole de vie, une continuité, une vie…
    

            

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo.
Il existe encore des gens qui savent offrir sans papier ni ruban. Qui savent rire et chanter sans robe du soir ni chemise blanche. Qui savent apprécier la nourriture car il n'y en a pas forcement à foison toute l'année.
Ceux qui, malades aujourd'hui, se battent pour de plus beaux lendemains sans jamais se plaindre.
Voilà les vrais, ceux qui se foutent bien de tout ce faux semblant...
Natacha

Fabienne a dit…

En cette fin d'année, bien trop souvent une kyrielle de biens matériels demandés au détriment d'un partage de moments tout en simplicité.

Les années passent si vite et seuls les souvenirs de ces moments restent et resteront dans nos coeurs...

Un authentique présent est une présence singulière, chaleureuse et humaine