Le vent souffle fort aujourd’hui sur la terre
toulousaine, il glisse et soulève les feuilles, trop contentes de quitter leurs
mortes attitudes et de voler vers les cieux comme pour se raccrocher aux
branches de leurs arbres nourriciers trop dénudés. Le vent qui souffle aujourd’hui
se nomme « Autan », il souffle tout autant qu’autant en emporte le
vent. La terre d’ici le connait bien ce vent, bien plus encore que les femmes
et les hommes qui n’y sont que de passage. Elle vit à son rythme, elle voyage
en poussières, elle se sèche et craquelle sous le souffle d’Eole, elle s’entoure
de haies pour pouvoir s’en abriter. Les hommes qui n’ont rien compris, ou
plutôt qui n’ont compris que le profit s’en sont moqués et bien vite les haies
sont tombées, les terres furent labourées à grand coups de dents, à grand
nombre de socs, toujours plus vite, toujours plus profond, toujours plus de
surfaces à la fois. Eole rigole. De là-haut il souffle et souffle, plus fort,
plus longtemps, plus de haies pour le ralentir, l’essouffler. Les terres
maltraitées ont perdu leurs eaux, les récoltes se couchent sous le souffle
avant d’avoir pu être engrangées, le vent emporte la couche fertile en
poussière et les hommes avides à coup de chimie s’en viennent engraisser la
terre trop pauvre pour voler. Puis on inventa la jachère, et histoire de ne
point trop immobiliser de grandes parcelles, l’idée vînt de mettre des haies,
de cloisonner cette espace en lot de terre, découvrant par là-même que le vent
puissant provoquait de moins en moins de dégâts aux récoltes. Eole en fut vexé,
la grêle arriva… doit-on punir les dieux qui sans cesse souffle sur nos têtes ?
L’Autan, on le dit vent des fous, parce qu’à souffler
ainsi, à se glisser sous les tuiles des vieilles métairies, à faire cogner le
volet pourtant retenu par le valet en façade, à vrombir en saccades toujours
plus violentes, il perturberait les neurones au point de les agiter dans leur bocal.
Pourquoi pas, mais encore faudrait-il prouver que sans vent il n’y aurait point
de folie chez ces gens-là, de même qu’il faudrait s’assurer que tout le monde
devient vous lorsque souffle le vent. Autant vous dire que je ne connais pas
dans ma lignée de cas de personnes dérangées par l’Autan, par contre, à voir
combien nos terres du Lauragais comptent de moulins à vent on se dit que les
relations d’hier étaient bien plus amicales, domestiques et laborieuses. Ah !
Ces moulins ! Etrange fascination pour ces bâtisses rondes en brique
rouge, souvent désailées, souvent sans toit, parce que sans entretien, parce
que devenues inutiles, non pas que le vent ait tournée, ça, les moulins l’avaient
prévu puisqu’ils tournaient aussi pour s’assurer la meilleure prise aux vents, non,
plutôt que le monde moderne et mécanique à vite modifier les lois de la
minoterie. Dommage. De ces moulins, il en est un, sur la terre natale de mes
grands-parents juché au sommet du village, dominant le cimetière et ses cyprès
obliques et dont j’ai pu voir avec plaisir la restauration jusqu’à la mise en
ailes, symbolique hélas, d’autres constructions devant sont venues lui prendre
le vent. A l’âge ou on lit Alphonse Daudet, on se prend à rêver d’écrire
soi-même ses propres lettre dans son propre moulin. Un chose presque faite, les
lettres s’écrivent, les moulins se restaurent, et si je n’ai pas encore mon
propre moulin, ce n’est que question de chemin.
L’Autan souffle, un vent fort sympathique. Il vient
faire défiler sur la terrasse, les objets trop légers que j’avais mal rangés,
en cela, son aide m’est précieuse. En retour, je lui offre mon linge à sécher
tandis que la cheminée se réjouit de la soudaine aspiration en ses tripes. C’est
un jour à sortir le vélo ou bien les rollers, mais il faudra bien tenir compte
du sens du vent pour le retour, sinon, l’affrontement sera j’en ai bien peur
déloyal, voire même très fatigant. Qu’importe, souffle mon bel Autan, les
terres d’ici ne seraient ce qu’elles sont si tu n’avais été là pour les
dessiner.
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