Libre


L’air chargé d’embruns fouettait ses joues, il s’amusait à voler au plus près des vagues à la limite d’être happé par un de ces gerbes d’écumes prête à l’engloutir. Il se sentait léger, jouet des éléments, tel un cerf volant qu’un enfant viendrait faire virevolter au ras des flots, lui, il était assis sur la sellette de ce parapente à moteur. Si ce n’était pas le bruit, il se prendrait pour un oiseau, glissant dans les courants d’air, venant tutoyer la dune, replongeant vers l’écume, un jeu entre sable et océan, une communion parmi les éléments. C’était toujours une joie d’être ici, c’est un vrai plaisir de profiter de ces endroits déserts et de sentir libre, seul au milieu des immensités, l’eau, le sable, l’air, jouant avec le feu en quelque sorte même si c’était plutôt avec les flots.

Il y avait du plaisir en toute saison, dans toutes les journées, quel que soit le temps, la météo, la nature offre ses trésors à qui sait les cueillir, les vivre et profiter d’en profiter. De longues marches, de courtes balades, des promenades à cheval, une sortie en vtt à travers la forêt, nager dans les vagues et là, se prendre pour un grand oiseau mécanique et jouer à saute-rouleau. L’existence est tellement riche de sensations que même venir lire ici, sur la plage ou tout simplement ne rien faire d’autre que de regarder le soleil décliner inexorablement jusqu’à s’embraser en touchant les flots devenait un luxe suprême. Certes, il n’avait pas toujours vécu ainsi, et c’est sans regret qu’il se rappelle la vie passée, les horaires de bureau, les réunions stressantes et les bouchons sans cesse plus longs, plus pénibles qui venaient dévorer les énergies matins et soir, jour après jour. A force, il avait fini par tout plaquer, quitter son pose, quitter ce monde urbain devenant sclérosé, tout vendre pour s’en venir là où était sa source, ses énergies, ici, au bord du monde, là où la terre s’efface devant la majesté de l’océan, là où la nature appelle à vivre, avec elle et par elle, là où s’aimer s’imposait comme une évidence. Un changement de vie, un changement d’envies, une rupture, des ruptures, de vie, d’envies, on ferme un tome, on en écrit un nouveau, différent, très différent. Combien de tentatives de dissuasion avait-il reçues ? La famille, les amis, les collègues et même son patron, mais non, le pas était décidé, le pas fut franchi et sans regret il s’était posé ici. Des petits boulots, des jours sans lendemain, une seule certitude, ici, il respirait à plein poumon, ici, il ne revivait pas, il vivait, tout simplement.

Il y eut les galères, les mois difficiles, puis, peu à peu, les choses se sont mises en place, sa société, puis très vite, la mise en gérance et un rythme plus en phase avec ses passions, avec ses envies de vivre et de vivre pleinement des trésors d’ici, non pas pour les vendre, mais pour en profiter, à satiété, à pleins poumons et…presqu’à temps plein. Comment peut-on être plus heureux ? Il n’est nul besoin de parcourir le globe en quête d’évasion lorsqu’on sait s’évader dans son quotidien. Comment avait-il pu attendre si longtemps avant de vivre ? Il n’enviait pas sa vie passée même si elle était mieux rémunérée, aujourd’hui, les dépenses étaient bien moindres, l’équilibre bien plus fort, et les bienfaits sans aucune mesure, c’est cela qu’il aurait du faire plus tôt, mais on ne choisit pas toujours, ou plutôt, on ne voit pas les choses de la même manière. La ville est une bête qui vous mord à coups de crédits, de morsures dans vos énergies, de vies sociales disparaissant dans la lutte de chacun face à ce bien s’épuisant chaque jour davantage, le temps. Chacun cherche son temps, son rythme, se voir devient de plus en plus dur, tandis qu’ici, on se croise, on se sourit, on parle aux commerçants, aux caissières, on prend  le temps d’un café en terrasse, d’un tour de vélo sur le front de mer, d’aller chercher son poisson sur le port, de cuisiner avec envie selon les pêches, de vivre, tout simplement. Dès lors, comment peut-on voir la vie moins belle qu’elle n’est ? Lassé de l’océan ? A quelques tours de roues, les montagnes sont là. Envie de voir la ville, un train, de la route et voilà la foule étouffante d’un monde bien plus gris que les jeunes goélands et surtout, moins rieur. Non, ici, c’est ici. A chacun son paradis, lui, c’était ici et nulle part ailleurs, un luxe dont il ne se lassait pas, jamais.

Devant la jetée flottant sur l’onde indiquait le port, il était temps de prendre le virage et de rejoindre les dunes, d’aller se frotter aux alizés avant de rejoindre le point de départ et de se délester de cet étrange attirail. Ravi d’avoir vibrer entre le monde d’en haut et celui d’en bas, promis, la prochaine fois, il sera oiseau, libre de voler ici comme sur les cimes et les cols des montagnes vertes, dans ce trait imbécile que le cartographe zélé a mis pour briser un pays dont l’unité se passe de frontières, celui des êtres libres, les oiseaux, les pottocks, les brebis manechs, les fougères comme les hommes d’ici. La liberté n’a de frontière que celle avec d'autres libertés.         

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Alors ça y est
Te voila enfin arrivé?
Il était évident
Que vers l'ocean
Tu te dirigerais

Belle et très riche nouvelle vie à toi

Natacha

Anonyme a dit…

Alors ça y est
Te voila enfin arrivé?
Il était évident
Que vers l'ocean
Tu te dirigerais

Belle et très riche nouvelle vie à toi

Natacha