Le feu qui crépite


Le feu qui crépite, les flammes qui dansent et éclairent, le fumet d’un encens, il n’y a pas d’autres artifices, pas d’autres paradis artificiels nécessaires à l’écriture. D’ailleurs, même ceux-là ne sont pas toujours là, le feu sait prendre ses quartiers d’hiver en été, l’encens n’est pas toujours allumé, disons plutôt qu’il ya des lieux, des endroits, des ambiances plus propices aux mots et aux mots écrits. Aucun rituel, il n’était pas homme d’habitude, seuls peut-être un stylo à l’encre bleu et de grands cahiers de couvertures bleues, et encore, parfois les mots n’attendent pas le cahier pour se coucher. Des feuilles volantes, un bout de papier, un carnet, un dictaphone, une idée, c’est si fragile et si volatile qu’il faut vite la capturer même si cela reste dans ses grandes lignes. L’automne était à l’automne de sa vie, préparant le terrain de l’hiver à grands coups de morsures de vents froids, c’était quand même mieux d’être au coin du feu, de se laisser porter par le spectacle des flammes, par l’odeur poivrée de l’encens, par la pause tranquille et si confortable, une sorte de temps hors du temps. Lire, écrire, rêver, se laisser aller, se laisser porter, se rappeler aussi les exercices de sophrologie, respirer, écouter, s’écouter respirer.

Cette saison, sorte de préparation au bilan de l’année était aussi l’occasion de faire son propre bilan, période charnière entre deux vies, celles des passions extérieures, des randonnées, des balades, des bricolages, et l’autre, celles des sorties hivernales, celles des travaux de recherches sur écran, dans les bouquins pour les futures sorties du printemps, de l’été et de l’automne. L’occasion aussi de réviser le matériel avant de le stocker, de préparer les éventuels achats, sans cesse repoussés mais au fur et à mesure que le temps passe, l’usure avance et les réparations ne réparent plus grand-chose. Jusqu’à l’électronique qui se met à donner des signes de faiblesse, mais là, la réflexion est nécessaire, parce que tout va si vite, parce que toute n’est pas forcement compatible, parce que l’achat n’est pas compulsif ni effet de mode, non, s’équiper c’est pour utiliser, pratiquer, en tout terrain, en toutes conditions, et bien sûr, le plus longtemps possible. Un cahier comme carnet de notes, des pages parfois écrites en tout sens, quelques mots griffonnés, pour se rappeler qu’il faut acheter un sac à dos, un gps, un filtre à air pour la voiture, se renseigner pour les promotions, les réductions, chercher des informations sur les performances et les compatibilités de tel ou tel équipement, c’était en quelque sorte, du neurone en prose.

On manque toujours de temps pour soi, du temps à soi. A trop courir dans tous les sens on finit par ne plus prendre goût aux courses, juste faire partir d’un grand manège qui tourne sans que l’on n’y soit vraiment pour quelque chose. Diable de temps qui nous donne toujours l’impression d’avoir toujours le temps, jusqu’au jour où…. La vie déchire parfois la toile blanche de l’écran sur lequel on la projette, l’écran blanc perd ses couleurs, trou noir. Tout vole en éclat, blessures collatérales, ruptures, coup bas pour un nouveau départ, titre semblant sortir  tout droit du rayon des romans policiers pour quai de gare. Le quai de la gare, c’est cela en fait, un endroit presque anodin rempli de gens presque anonyme qui vont et viennent, montent, descendent de trains en partance pour d’autres vies. Ainsi s’en vont les vies. On a beau être acteur, on devient spectateur de cela, dans un mode « circulez ! Y’a rien à voir ! ». Alors le temps dresse des barrières entre ces départs et d’autres arrivées, alors le temps passe et même si parfois les images d’hier reviennent habiter le présent, c’est un présent volatil qu’il convient de laisser errer à sa guise sans y accorder l’importance qu’il n’est plus en droit d’obtenir de votre part. Lorsqu’on quitte une gare, c’est pour un ailleurs, pas pour rester à quai, d’ailleurs, personne ne reste à quai, ni les voyageurs, ni les visiteurs, ni les badauds. Il y a toujours un tôt ou tard qui s’en vient  ni trop tôt ni trop tard pour reprendre le cours de sa réalité.

Ailleurs. Ici ou là. Ici et las. Il repensait à sa vie, ses étapes, les dernières comme les premières, enfin, d’aussi loin que la mémoire puissent exhaler ses parfums tendres, remonter à la surface ces tranches de vies, ces éclats de rires, ces morsures aussi, que serait la vie sans les vies qui la composent ? Il faut parfois trébucher pour se relever, parfois voir la pierre avant d’y remettre le pied dessus, et puis parfois, le chemin est tranquille, plaisant et facile, parce que quand même, la vie, c’est chouette, parce que quand même, la vie c’est la vie, et c’est cela son moteur, celui d’être en vie, de vivre et vivre encore, de se battre pour cela, pour d’autres trains, pour d’autres quais, pour d’autres départs, parce qu’enfin il était arrivé.  

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le feu qui crépite comme une flamme .qui s éteint se ravive.tout comme une vie qui forme une vague
Merci didier pour ces textes vivants