Retour

Ambiance retour. Bon, ok, comme d’habitude, rien n’est prêt. Les sacs sont à faire, des tas de choses à ranger mais je ne suis pas pressé. Personne ne m’attend. Enfin, pas là ou je rentre. Hélas. Ce matin, le ciel est bleu, la brise légère, la nuit a été fraîche comme pour mieux inciter au retour, et là, le soleil caresse doucement ma peau, ma page se remplit sûrement. Encore et encore des choses à écrire. Encore et encore des idées, des pensées, qui traversent mon esprit. Septembre. Retour au calme. Ecrire sans être dérangé, écrire sans le tourbillon incessant des entrées du samedi.

Location d’été, camping, samedi rouge sur les routes et à l’accueil. Pas aujourd’hui. Des départs oui, mais peu d’arrivée. J’ai l’impression d’être hors du temps, hors saison presque en regard de la fraîcheur présente. La nature reprend ses droits dans le calme matin. Les oiseaux se risquent jusqu’à ma table, essayant de trouver les miettes de mon petit déjeuner suffisantes à leurs pitances. L’automne s’annonce dans la chute des glands. Bruits métalliques sur les toits des mobilhomes ou des voitures. Les locations ferment leurs portes, stockent les tables et les chaises, nettoient une dernière fois avant de bâcher. Aucune tristesse, c’est là le cycle naturel du temps et du calendrier. Moi qui suis résident, je vis ici régulièrement du printemps à l’automne. Je goûte intensément de ces périodes dites creuses au point d’être un peu perdu lorsque l’agitation estivale est là. Là, j’ai l’impression de me retrouver enfin chez moi, entre gens du pays. De routes moins encombrées, des commerces plus calmes, bien sûr des rideaux baissés, mais loin d’être triste comme dans une simple cité balnéaire, cela marque le cycle des saisons, le retour à un fonctionnement normal, la fin d’une surchauffe, retour au calme, c’est sûr.

Rentrée. Bon, ok, j’ai toujours les boules de partir d’ici, même si j’aime conduire, même si je sais que ce départ n’est pas définitif, même si d’autres obligations imposent ce retour… Bagages à faire, ménage de fermeture, rangements des vélos, chaises et table, assurer un prochain retour en organisant le contenu des placards… Organiser, s’organiser, gérer… Encore et toujours. Seul cette fois, pour la première fois depuis longtemps. Mais bon, ainsi va la vie, enfin, paraît-il, car si j’ai abusé de la solitude dans ma jeunesse, je pensais avoir rompu définitivement avec elle. Maîtresse insidieuse et trop entreprenante qui profite de la moindre brèche pour revenir s’installer avec sa cohorte de joyeuseté à elle. Plus pour moi. Je ne supporte plus cette maîtresse perfide, même si parfois cela fait du bien de se retrouver face à soi. De toute façon, la rentrée est là, le retour parmi les miens, les collègues, les amis, virtuels ou réels, la maison vide aussi qu’il va falloir se réapproprier, préparer l’automne, ramoner les cheminées, abriter les plantes, en profiter pour faire quelques rangements, ressortir quelques vieux projets de travaux, des transformations, à chiffrer, à mettre au point, étudier le financement, prévoir, gérer, organiser. Toujours et encore. Des bricolages en plan, mes autos à terminer, un train tant attendu à installer, que des choses bien réelles mises de côté pour du virtuel… Rando. Aussi. Enfin, je marque le pas (un comble pour de la rando !). Ce n’est pas la rando que je repousse, mais une saturation d’un club, de gens à qui nous avons trop donné sans jamais penser à reprendre notre respiration. Sur le terrain bien sûr, mais aussi en coulisse, au sein du bureau. Mais bon, au fond de moi, j’aime trop cela pour cesser définitivement. D’ailleurs, si je n’avais pas oublié mes chaussures, je serais en train de gravir la Rhune en ce moment… Chaque chose en son temps. Cet été roller et vélo pour garder la pêche, entretenir la forme. Bilan bientôt pour (j’espère !) mesurer des progrès enfin.

Que ce matin est calme ! Les oiseaux s’en donnent à cœur joie, les gens ont déserté les allées du camping pour aller saturer les autoroutes du retour au bercail. Population grisonnante ou jeunes parents à poussette, voilà le camping de septembre. Les plaques minéralogiques se résument aux départements limitrophes, le pays se replie sur ses enfants. Le soleil parti en vacances une bonne partie de l’été revient lui aussi et les volutes de chaleur sont déjà visibles sur les toits de tôle. Je me sens lézard, chauffant mon sang glacé à ces rayons doux et non encore brûlant. Je réalise que je n’ai pas plongé dans l’eau verte de l’océan cette année. Peut-être cet après-midi, sinon on fera mieux l’an prochain ! Ou en octobre ? Après tout, je reviens dans moins d’un mois, respiration nécessaire à ma vie, et puis, octobre est pour moi la plus belle période pour profiter de la région landaise ou du pays basque. Certes, les jours sont courts, mais tellement intenses en couleurs, en richesse, les gens sont plus détendus, plus accueillant, le temps idéal pour marcher, pédaler, visiter, traîner, rêvasser… Et les routes sont désertes ! Moins d’un mois à reprendre le collier, découvrir une nouvelle organisation, peut-être de nouvelles fonctions. Sentir la pression d’un bilan approchant et comme toujours, un réveil tardif face à des objectifs connus depuis janvier.

Je me sens prêt à devenir rentier, déserter enfin ce monde de chiffres, de pression, de bouchons du matin, de bouchons du soir, des journées de douze heures, de semaines de trente cinq heures en trois jours, de ras le bol et de saturation quasi permanente. Je suis encore trop jeune pour être retraité, mais le moment me semble opportun pour devenir rentier. Des activités, des projets, encore suffisamment d’énergie pour en profiter et une possibilité de tourner beaucoup de pages d’un seul coup… Depuis le temps que je cotise au dieu loto, il serait juste que ma patience et ma fidélité soient enfin récompensées. Enfin, cela reste du domaine du rêve, mais bon, qu’il sache que je suis prêt, plus que jamais.

Le soleil approche de son zénith, la tonnelle me gratifie de son ombre trop fraîche pour mon sang de lézard. Je cherche la pierre chaude ou je pourrais me chauffer, me laisser irradier par l’astre - roi qui règne sur toutes nos planètes : la Terre comme Vénus ou Mars… Quelque soit notre planète d’origine, nous nous tournons toujours devant ce dieu solaire, source de lumière et de vie. Etrange sensation que de se sentir différent, ne pas comprendre, ne plus comprendre ses contemporains, ces terriens aux réactions si imprévisibles ou parfois trop prévisibles, sensation d’une civilisation sur le déclin, peuple d’insoumis soumis aux règles d’un dieu monétaire, s’enfermant dans un égoïsme dangereux pour eux mais aussi pour l’avenir de leur descendance. Etre perdu sur cette Terre, j’erre et j’espère. Un réveil, le mien ou le leur. Réveil ou rappel sur ma planète d’origine ? Pensées galactiques du bord de la Terre, instant seul, au soleil. Une vie nouvelle sans celle qui est devenue ex, sans celle qui habite désormais mon cœur et bien plus même, sans mes proches revenus chez eux. Pensées solitaires au bord de la mer, soleil de septembre, écrits défouloir, regard éteint sur une fin d’été. Bientôt lâcher le stylo pour reprendre le cours de la vie. Courses solitaire. Dernières achats, puis charger l’auto des premières affaires, ranger, déranger, mettre et remettre.

Encore des idées, encore des pensées, des envies d’écriture, des envies de raconter, de tracer. Simple témoignage venu d’ailleurs. Des points essentiels ou non, besoin d’exprimer, de s’exprimer, de vider un trop plein, purger une tête trop encombrée pour mieux repartir, presque à zéro. Que de choses vécues en peu de temps. Que de choses étonnantes, surprenantes, contradictoires mêmes. Une sortie de route qui me donne l’impression de déboucher sur une impasse, mais non, des ronds-points successifs et en final, une voie royale à rester sans voix. Bien sûr, le chemin est encore long et peuplé de dos d’ânes, de trous et autres pièges mais l’impression d’avoir enclenché le pilotage automatique, impression rassurante que rien ne peut dévier la trajectoire, impression impressionnante d’arriver enfin après des kilomètres de chemins variés. Impression sereine que là est désormais mon autoroute à jamais. Quelle que soit la durée du trajet, je sais le but du voyage, et, loin de générer une impatience, cela motive encore plus à être patient et prudent sur ce long chemin.

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