Rentrée

Septembre. Rentrée. L’heure du bilan, l’heure des résolutions. D’aussi loin que ma mémoire se souvienne, je ne me souviens pas avoir eu de nœud à l’estomac, de peur de la rentrée, de retour à l’école, au collège, au lycée, au boulot, jamais je n’ai ressenti comme une fatalité le chemin de l’école, le retour parmi mes condisciples, mes collègues.

Peut-être mes premiers pas dans la vie active ? Un diplôme obtenu, le dernier de mes années d’adolescence, mes dernières vacances longue durée, mes premiers pas dans cette vie d’adulte et cette vie pas si active que cela, mon inscription à cette magnifique institution d’état, la seule à embaucher en temps de crise, sans discrimination, sans critères d’âge, de race, de sexe, me voilà donc à l’ANPE. Court passage en fait, mais deux mois qui m’ont paru une éternité tant mes merveilleux professeurs nous avait chaleureusement menti quant à notre devenir social. J’ai la chance d’embaucher encore aujourd’hui de jeunes diplômés et je mesure encore avec effroi que le mensonge perdure, que le monde scolaire est encore à des années lumières de notre société active et qu’il forme de futurs aigris en puissance. Magie du mensonge, puissance des mots, du discours scolaire, envers des têtes trop tendres, trop inexpérimentés pour s’y opposer, des enfants n’ayant pas encore le recul pour juger, comprendre que l’avenir promis pour demain n’est en fait qu’un avenir pour un éventuel après – après-demain en fonction de critères oubliés dans le discours professoral.

Cette année-là, il y a vingt ans en fait, puisque c’était en 1987, comme toutes mes années en sept, je connus plein de bouleversement dans ma vie. Mon grand-père décédait juste avant les épreuves du BTS, dont je n’ai que peu de souvenirs, l’armée se passa de mes services (ce qui en fait correspondait à mes attentes, car j’avais plutôt joué aux cow-boys et aux indiens dans ma jeunesse qu’aux petits soldats, bref, j’avais des lacunes… J’avais surtout j’obtenu 20 sur 20 aux tests militaires, tout comme quatre autres de mes copains, et, les cinq ayant été exemptés, des conclusions hâtives pourraient être faites, mais bon…)

Donc, mon BTS en poche, le service national résolu, je partis pour ma dernière colonie en tant qu’animateur. Celle de trop. Année difficile, enfants difficiles, saison maussade, un gamin qui s’ennuie se plaint de mon comportement à sa famille, qui se plaint au directeur du centre, qui, heureusement, me connaissait depuis plusieurs années et donc connaissait la vérité. Mais, après une année difficile, cette goutte là était de trop dure à avaler pour moi. Congés d’août à la montagne, dans ma chère maison pour me ressourcer, puis septembre et, le b-a ba auquel l’enseignement ne nous forme pas : CV, lettre de motivation, petites annonces, ANPE, bref, s’activer pour rejoindre une vie active qui au final, ne m’attendait pas tant que cela. Agence d’intérim toute neuve, je m’y inscrit au grand désarroi de sa conseillère qui me trouvait trop diplômé pour leurs missions, mais j’étais bien décidé à étoffer mon expérience professionnelle.

Un puis deux, puis trois, puis quatre entretiens pour cette magnifique boite dans laquelle je m’étais juré de ne jamais travailler, l’aérospatiale… Entreprise pourtant incontournable de la région toulousaine qui assemble les Airbus depuis 1970, après avoir construit Concorde, Caravelle, Transall et d’autres anciennes gloires volantes… Entretien positif, me voilà donc intérimaire chez aérospatiale en ce 26 octobre 1987. Ce n’était pas dans ma spécialité mais bon, six mois de boulot pour étoffer mon CV et goûter aux joies de la vie active après des entretiens bidons ou bidonnant selon le cas ou les négriers encore en place dans certaines petites boites…

Je découvre les joies de la documentation technique aéronautique en même temps que les premiers pas d’une future star : l’A320. Début décembre, surprise : mon contrat d’intérim est transformé en embauche et je deviens employé aérospatiale le 7 décembre 1987 (tiens, encore un 7 !). La bonne ambiance du service, un boulot intéressant offrant l’occasion de voir, de toucher les avions de prés ont finalement eu raison de mon envie d’exercer dans ma branche d’origine. Depuis j’ai évolué, toujours dans le même secteur, j’ai expérimenté bien des pièges, des erreurs que j’essaie aujourd’hui de faire éviter à mes jeunes embauchés. Vingt ans dans une boite, passée du stade d’artisanat à un stade industriel, pas forcement sans grincer des dents, mais bon, cela forge aussi le mental des hommes.

Ma vie privée durant ces vingt ans a connu un parcours qu’aucune montagne russe d’aucun parc d’attraction ne voudrait ! Des hauts bien sur, de ceux qui donnent des ailes, des bas, d’ou on ne reprend pas forcement son élan et d’ou on ne revient pas toujours indemne, mais voilà, ainsi va la vie. Je croyais avoir connu le point le plus bas, être tiré d’affaire, quand le printemps 2007 apporta son lot de surprise. Un précipice, une falaise d’ou je saute, une mer agite ou je vais me noyer, des vagues immenses, des appels, des encouragements qui font que soudain sous les pieds j’ai senti la roche dure sur laquelle j’ai pu m’appuyer, prendre mon élan et retrouver la surface. Je nage, mer d’huile ou presque, je vois la grève et surtout bien plus que la grève, une plage de sable fin et doré, cette plage dont j’ai toujours rêvé… La plage dont nous rêvons tous : une île déserte ou nous ne sommes que deux, seuls au monde, transats ombragés, sable fin, soleil à profusion… Il ne manquerait plus que le trésor des pirates sorte du sable pour aider à larguer bien des amarres et construire une nouvelle vie sur une nouvelle planète…

En attendant, voilà des congés qui se terminent, une rentrée qui revient, un retour, des pages noircies, des pages tournées, des pages qui s’ajoutent, des pages à écrire, encore et encore, des envies, des rêves, mais aussi et surtout une grande énergie nécessaire pour affronter encore et encore bien des étapes, bien des épreuves. Je suis prêt !

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