La ronde des saisons

Ben voilà donc un de ces tristes week-ends qui annoncent l’automne. Certes, pas la belle facette de l’automne, celle riche en couleurs, celle aux senteurs de feu de cheminées et de marrons grillés, non, le côté griset humide, tristounet, celui ou les choses ne sont pas encore tout à fait en place, la maison encore déployée sur l’extérieur, les affaires encore à bouger, et l’hésitation entre tenues légères pour les après-midi encore brûlantes et les tenues plus habillées pour les matinées et les soirées aux premières morsures d’une fraîcheur toute ravie de revenir nous titiller. Un jardin ou déjà les feuilles jaunissent et tombent, une pluie fine et légère qui colle à nos pas ces feuilles sans vie. Des arbres se dénudent déjà, d’autres révèlent leur parure automnale, d’autres éclairent le jardin de fruits éclatants que hélas, les oiseaux repèrent de loin…

Je me souviens des mes angoisses scolaires devant les récitations que nous n’appelions pas encore des dissertations et encore moins des essais philosophiques, je me souviens de ces sujets toujours difficiles : « Racontez votre saison préférée et pourquoi ? » Comment choisir une saison par rapport aux trois autres ? Moi qui vivais dehors, moi qui étais du grand air, toujours courir, pédaler, jouer dans le jardin, dans la nature, les quatre saisons étaient déjà mes amies.

L’automne nous apporte tellement d’émotions, de couleurs, de senteurs, de parfums acres, de bouffées de chaleur étouffantes révélées par des morsures plus vives du froid, des envies de chaleur dans la maisonnée le soir, des pâtisseries odorantes en ces fins d’après midi, de ces envies de chocolat chaud, puis plus tard, de ce thé odorant, apportant un peu d’énergie, beaucoup de plaisir, qui plus est lorsqu’il est partagé. Aujourd’hui l’automne est la saison des résolutions d’après vacances, du rangement, des sorties enviées à la moindre éclaircie, des promenades en 2cv, un peu moins en Méhari, des randonnées plus tranquilles, des découvertes des départements alentours, des campagnes environnantes, des vendanges aussi, des champignons bientôt, du brame du cerf à écouter au crépuscule, des châtaignes, du bord de mer vidé de ses vacanciers ou les rouleaux grappillent un peu plus chaque jour le sable déserté. C’est aussi le moment de repenser l’espace, préparer la maison pour les jours douillets de l’hiver, rentrer et toiletter les plantes, changer le décor. J’aime l’automne, pour la ressource, pour ces petits plaisirs de vie qu’il nous apportent en nous forçant aussi à nous emmitoufler un peu, il nous force aussi à nous regarder un peu, faire une pause, réfléchir à soi, devenir un tout petit peu égoïste juste le temps de faire sa propre inspection. Regard sur soi pour mieux aller vers l’autre. J’aime l’automne c’est ainsi.

L’hiver nous apporte des vents nouveaux venus de loin, des vents d’abord rafraîchissant, puis de plus en plus mordant, de plus en plus glaciaux. La luie devient froide, la neige arrive, d’abord les reliefs, parfois elle descend dans la plaine histoire de mettre un peu de panique pour les parents et des sourires aux lèvres gercées des enfants. L’hiver nous habille dans ces gros pulls de laine longuement tricotés devant la télé ou la cheminée, ces jolis pulls confortables mis au rancard par nos polaires plus légères et tout aussi chaude. Les gros volets de bois bien vite fermés, la maison se replie sur elle-même, le feu crépite dans la cheminée, la cuisine devient un lieu central de la maison ou les plats mijotent, glougloutent sur le fourneau. Des envies de sucres, de gaufres, des bons plats ravigotant, mais aussi, des envies d’aller affronter la neige, chausser les raquettes, découvrir dans la bonne humeur de notre groupe, les paysages ou le manteau blanc à gommé les défauts. Cristaux de glace accrochés aux branches, blanc éclatant, traces de vie dans la poudreuse immaculée, repas et rires partagés au sommet, parfois, brouillard enveloppant, tempête de neige, blizzard nous transformant en aventuriers égarés dans les glaces lointaines. Bol de soupe fumant, douche chaude, soirée à se prélasser devant la cheminée, voilà bien mes hivers. Et puis, l’hiver, c’est Noël, mon anniversaire, les cadeaux, les attentions, le repli de tout ce petit monde dans la chaumière. Tout compte fait, j’aime l’hiver !

Le printemps arrive en fanfare, chassant l’hiver par de jolis coups de chaleur, de soleil plus présent, de fleurs éclatantes, de gazouillis d’oiseaux. Les jours rallongent, la nature s’exprime, un peu trop parfois, au point de devoir sortir la cisaille, les sécateurs, la tondeuse, ramener la végétation à de justes proportions, travailler la terre encore engourdi de son sommeil hivernal, ramener à la vie le bassin, les parterres de fleurs ou pointent déjà tulipes et narcisses, jonquilles et crocus. Le temps arrive de songer peinture, oh ! Non pas de tableaux, mais plutôt clôture et portail, travaux extérieurs, envie de bouger peut-être ? Le vélo est là, les rollers, la marche, la randonnée après les raquettes, le retour en bord de mer, et chaque jour un peu plus, surveiller la progression des arbres, de la vigne, des plantes, toute cette énergie foliaire, toute cette verdure craquante de fragilité. Le temps du nettoyage, de changer les vases de place, de séparer, replanter, organiser, redessiner ce paysage ornemental, ourler de plantes les abords domestiques. Le temps d’une énergie nouvelle, d’envie d’extérieur, envie de rencontre, envie de respirer. Le temps de remettre en marche mes bolides peu utilisés durant l’hiver, le temps des visites dans ces jardineries ou tout est merveille, ou tout est envie. Voilà que reviennent les envies de déjeuner extérieur, les envies de grillades, les instants de bonheurs collectifs. C’est vrai, tout à fait vrai, j’aime le printemps !

L’été arrive, tout doucement, la plus fougueuse des saisons, la plus attendue aussi. Annonciatrice de vacances, de plaisirs, de chaleurs diverses. C’est aussi la plus canaille des saisons car elle sait jouer sur la gamme entière des températures et des conditions climatiques. Neige en juillet, comme canicule en septembre, elle sait faire et comment ! Regardez, cette année encore, elle a brillé par son absence, puis d’un seul coup, quelques jours de canicule à vous mettre par terre. Cet aussi le temps de la pause, le temps de la plage, enfin, pour ceux qui aime la foule, le temps du farniente, le temps ou la maison se vide sur l’extérieur. Le jardin hésite entre repli sur soi ou jaunir et flétrir, les arrosages essaient de limiter la casse en attendant que les nuits veuillent bien prendre le relais en alimentant en rosée les pieds de nos chères plantations. Le temps de rouler décapoté, Méhari toute nue ou 2cv déshabillée, le temps de rouler paisible, de retrouver enfin des temps de circulation digne de ce nom, les bouchons ayant eux aussi la bonne idée d’aller en vacances, d’ailleurs, comme ils vont tous au même endroit, les voilà bien content de se retrouver en bord de mer ! Et puis, c’est le temps de la remise au sport, de pédaler, marcher, griller, soit sa propre chair, soit la chair animale sur la grille du barbecue ou mieux, sur la tôle brûlante de la plancha. Retour au poisson, aux menus légers, au rosé bien frais, à ces instants délicieux ou le temps parfois s’arrête. Décidément, j’aime l’été !

Me voilà bien embêté pour choisir ma saison préférée ! Mais, cela ne m’étonne point, car en fait, ce que j’aime par-dessus tout, c’est la vie et ses courbes sinueuses, ses virages en épingles, ses tunnels plus ou moins long, ses ralentisseurs et aussi ses longues portions d’autoroutes, bref, toutes ces choses anodines qui ne sont là que pour mieux apprécier les instants de bonheur noyés entre. La vie est une suite de bonheur et de pauses, la vie déroule son cours au fil des saisons, tantôt câline, tantôt piquante, parfois limite insupportable, mais bon, c’est la vie ! Alors, comment se limiter à une seule de ces facettes ? L’important c’est de vivre, de goûter à chaque petit bonheur, partager également chaque douleur, chaque émotion gagne à être partagée et d’ailleurs, c’est le meilleur moyen de les traverser, non ?

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