Gestion

Gestion des hommes, gestion des choses. Notre monde est devenu gestionnaire. Pour tout et en tout. Hier encore, un nouvel exemple en foot. Mon équipe, Toulouse, recevait Caen pour la coupe de la ligue. Compétition de trop dans un calendrier démentiel ou les matchs s’enchaînent tous les trois jours, avec même deux matchs séparés d’à peine quarante cinq heures. Des joueurs expérimentés mais fatigués, des jeunes joueurs qui resteront d’éternels espoirs puisque jamais sur le terrain et des matchs à enjeu qui sont mal négociés. On gère.

D’abord, on démarre le match en gérant un zéro – zéro, puis, si on a l’occasion de marquer un but, on gère le un – zéro. Voilà l’équation du football moderne. Ah oui ! J’oubliais ! Pour marquer un but, on doit désormais rentrer balle au pied dans les buts adverses ! Plus de tirs lointains, plus de « hourra » football, tant pis pour le pauvre spectacle offert, tant pis pour les supporters. Seule erreur, ce football ennuyeux n’est réservé qu’à une élite, évoluant en ligue un ou à notre équipe nationale. Les équipes venant de ligue 2, les promus, ceux qui continuent à jouer au jeu basique, le même que nous jouions enfants, dans nos cours d’école ou encore dans nos clubs de village, les promus donc, eux, continuent d’appliquer les règles de bases : pour gagner, il faut marquer plus de but que de buts encaissés, pour cela, il faut tenter sa chance, de loin comme de prés, enfin, il faut jouer, marquer et ne pas gérer.

Constat amer, lendemain de cuite, qu’il m’est douloureux d’en voir le résultat : Caen, qui a joué à dix pendant plus d’une heure, Caen promu cette année en ligue un dont il essuie les plâtres et qui est bon dernier de notre championnat, Caen enfin, qui jouait à l’extérieur, Caen a appliqué les règles, et Toulouse ses travers : Du beau jeu mais stérile, des joueurs usés devenus sans saveurs sur le terrain, et surtout, une gestion du jeu qui entraîne forcément un résultat minable, une élimination directe dès le premier tour de la compétition. J’ai honte de perdre ainsi, sans la manière, sans combat, j’ai honte de voir des joueurs creux et fatigués sur le terrain, une équipe sans âme développant un jeu stéréotypé, longues transversales, courses inutiles, dribbles personnels, passes dans le vide et peu de tirs, peu d’envie, de gnaque, d’esprit de la gagne. Ce qu’a fait Toulouse hier soir est honteux pour notre foot mais n’est hélas que le reflet de notre époque moderne. Nous gérons ! Sans combat, sans envie, sans passion, gestion du temps, des hommes, gestion au coup par coup, plus de stratégie à long terme, plus de prévision à court terme, gestion moderne, gestion du moindre effort.

L’image de note monde est celle de ce numéro de cirque, ou les assiettes tournent au bout d’une tige souple : Nous courrons sans cesse pour redonner un impulsion à la tige de l’assiette qui ralentit puis nous repartons à l’opposé recommencer sur une autre tige… Voilà ! Gestionnaire d’homme, non pas en prévisionnel, en devinant, en planifiant les étapes, non, en se contentant d’aller agiter la tige pour tenter de relancer l’assiette défaillante. Prenons garde à cela, il n’est plus très loin le temps ou l’assiette, ou les assiettes prendront le pas sur l’agitateur. Il n’est plus loin le temps ou l’agitateur sera agité, déstabilisé et se brisera, seul ou au milieu de ses assiettes. Nous sommes tous tour à tour, agitateur ou assiette, dans nos milieux professionnels ou familiaux. Prenons y garde et sachons lever la tête, regarder au loin, regarder au-delà du bout de notre nez ! Le temps se devine au loin.
Prenons le temps d’analyser, de prévoir, d’adapter, de s’adapter. Cessons de fonctionner en urgence, cessons de gérer à brève échéance. Nous ne sommes que des mauvais gestionnaires de l’urgence, adaptons-nous, gérons sur du long terme, jouons, marquons des buts, faisons-nous plaisir ! Cela portera forcement ses fruits. Cela nous évitera de jouer cent vingt minutes quand quatre vingt dix suffisent pour sortir vainqueur. Trente minutes de repos, ou plutôt de non fatigue inutile, ça compte dans un planning démentiel. Mais, ça, c’est une autre gestion !

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