Le
silence, c’est le tout premier ressenti, un silence presque lourd tant nos vies
agitées sont toujours vécues dans le bruit. Ici, entre ses vastes murs de
pierre, il n’y a pas un bruit, ce qui donne tout autant une autre dimension à
chacun de nos pas, sans pour autant qu’il soit faux pas. Ce silence pourrait
être oppressant si l’auguste bâtisse n’agissait comme une cocon protecteur, ses
arcs gothiques semblables aux cotes d’un gigantesque thorax dans lequel on
devient tout petit, infiniment petit, c’est comme une naissance, un tout petit
bout de cellule, un semblant de spermatozoïde perdu dans les entrailles d’une
grande béatitude. Le silence est là pour nous laisser écouter et percevoir le
bruit de notre vie, un vrai temple de méditation. Bizarrement, il n’y fait ni
chaud, ni froid, on s’y sent bien même juste vêtu de quelques vêtements simples.
Ce séjour, cette retraite ici, c’était son choix, un choix pris non dans la
précipitation, un choix longtemps murit, pesé, réfléchi depuis de nombreuses
années, un besoin de plus en plus pressant de sortir de cette vie trop actives,
devenant trop démentielle, devenue trop superficielle. Un choix. Son choix. Un
retrait du monde, c’est là le sens du mot « retraite » lorsque l’on
s’en vient ici. En un instant, il voit les images défiler dans sa tête, le sac
bouclé précipitamment, la route faite sans vraiment voir le paysage, les
questions rebouclant sans cesse dans sa tête sur la validité de ce choix, puis
comme par enchantement, il s’était trouvé devant l’immense portail, le parking
visiteur et où il avait garé sa voiture, puis le pas mal assuré jusqu’à
l’austère porte de bois, la main maladroite sur la poignée lustrée de la longue
chaine commandant la cloche puis l’ouverture sur la pénombre, l’accueil
chaleureux, plein d’empathie, l’explication des consignes du lieu,
l’accompagnement jusqu’à la cellule devenue chambre, certes au style monacal
mais tellement nécessaire pour un retour à l’essentiel.
« L’essentiel,
voilà peut-être bien la notion disparue de nos vies » pensa-t-il. Il
souriait en pensant à Pagnol et à ce personnage d’Ugolin cherchant partout ce
que c’était que cette plante nommée « lotentique » que voulait semer
Jean de Florette….. Le calme, la quiétude, la simplicité, il posa son sac, et
décida d’aller visiter les lieux, dans le respect des consignes et de ses
hôtes, ces moines vaquant à leurs occupations, entre jardinage, élaboration
d’élixir et autres pâtisseries, mise en boites et expéditions, chacun avait son
rôle. Il découvrait, pas après pas la grandeur et l’austérité des lieux, cette
vaste salle voutée et ces couloirs échappés aux temps, ces ensembles de pièces
imbriquées formant de vastes ateliers donnant sur l’extérieur, ces dalles
lustrées depuis tant de temps et tant de pas de tant d’hommes ayant vécu ici.
Enfin il prenait conscience de ce répit offert dans sa vie, de cette pause et
il découvrait le bien être, comme si de bonnes ondes planaient ici et l’enveloppaient
de bienfaisance. Etonnamment, il semblait prendre ses marques comme s’il était
dans ces lieux depuis toujours, le temps n’avait plus le même cours, sûrement
pour cela que sa montre pesait à son poignet à en devenir gênante. Il l’ôta
d’ailleurs et la glissa dans sa poche, puis décida d’aller se recueillir
quelques instants dans la chapelle attenante. Là encore, le calme, les parfums
de bougies et d’encens ne pouvaient qu’aider à la méditation qu’elle se nomme
prière ou bien simple introspection. Chaque instant passé ici le validait dans
son choix. Enfin ce moment tant espéré, tant attendu était là, il se retrouvait
hors du monde, hors de son monde, hors des tiraillements pour s’offrir de vrais
moments à soi. Il faut parfois sortir de son cocon pour enfin prendre le temps
de penser à soi, seul, face à soi, il n’y a pas de miroirs déformants pour
troubler le sens…
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