Si
l’on en croit mes anciennes maitresses, celles du temps que les moins de vingt
ans ne peuvent pas connaitre, celles qui se sont succédées, l’une après
l’autre, à raison d’une par an, quoiqu’une année j’en ai eu deux, la première
étant tombée enceinte mais bien avant notre rencontre, bref, si j’en crois les
annotations manuscrites sur ces fameux carnets roses d’un temps où il
n’annonçait pas de naissance mais plutôt de futures explications à fournir aux
parents médusés, mon écriture de ce temps-là, était une écriture de chat.
J’avoue qu’en ce temps-là, les chats et moi vivions dans des mondes séparés
dont la frontière n’était que matière à course poursuite et carabine à flèche
façon trappeur, époque lointaine du pays des prescriptions. Mon érudition non érudite
me laissait perplexe lorsque ma famille désignait sous le vocable de
« chat de gouttière » ces animaux persiflant et échappant toujours à
mes flèches de sagittaire invétéré et que je ne voyais jamais dans les
gouttières de la maison familiale. De la même façon, je n’ai jamais surpris un
chat à écrire, ni encore moins pu lire leurs écrits. De toute façon, je
n’aurais pas su, je ne parlais pas chat, pas plus que je ne vivais comme un
pacha cela dit.
« Écriture
de chat » c’est quand même fort tout de même ! Je veux bien entendre
parler de chat pitre, y trouver une relation avec l’écriture, mais ça s’arrête
là. Il faut dire que je n’ai pas été aidé non plus par le matériel, les plumes,
l’encre, les stylo plumes, un système imbécile d’écriture faite pour des
droitiers qui veut que l’on commence le long de la marge de gauche pour
terminer au bord de la feuille à droite, il n’y avait là aucun respect pour
nous autres gauchers. De là à nous faire passer pour des chats, il y a une ligne à ne pas franchir. Certes, il n’y a
aucune raison de fouetter un chat, et bien plus tard, ces remarques se sont
estompées, sans que forcément mon écriture se soit améliorée, non, disons
plutôt que prenant de la hauteur, scolaire bien entendu, l’importance a
naturellement basculé dans le fond plutôt que dans la forme, et là, c’est vrai
que je n’étais pas trop mauvais voire même, il faut avouer, plutôt bon. Rédaction,
récitation, vocabulaire, grammaire, des matières dignes de figurer accompagnées
de A, c’est vrai que cela avait de la gueule et l’art de la langue devant être
mis en valeur, les annotations « élève bavard » ou bien
« bavarde trop en classe » ne pouvaient être que des compléments
d’objets mettant directement en valeur les bonnes notes. Les adultes n’ont
jamais compris cette précision nécessaire, ce besoin d’exercer et de compléter
les études par une mise ne pratique des leçons apprises….. Quel manque de
respect devant tant d’effort !
Plus
tard, tout s’arrêta, les notes, les maitresses, les leçons… Enfin, pas tout à
fait, disons que le contexte évolua et certains termes ont demeurés, évolution
normale du cours des choses et de l’existence. J’ai beaucoup moins chassé les
chats, même si certains chats servent à échanger, converser et prendre des
connaissances, je suis resté loin du monde félin, n’en déplaise à
certaines tigresses, mais j’ai poursuivi mes cours de langues et mes mises en
pratique à ne pas toujours confondre avec des mises en bouche. D’autres idiomes
sont venus, certains très vieux et plus parlés sauf en classe au point de les
qualifier de langues mortes, d’autres plus chantant ou plus gutturaux, d’autres
plus internationaux. Puis la vie, son cours, son lit, ses iles, ses méandres,
ses zones asséchées, ses zones inondées, ses descentes, ses rapides, ses plongeons,
ses nages en eaux troubles, bref, la vie n’est pas un long fleuve tranquille….
Un beau jour, plutôt vers le soir d’ailleurs, j’eu deux chats. Allez, on passe
sur les Chapi-Chapo trop faciles, juste deux frères, jumeaux, au caractère
aussi sociable que leur mère, de quoi aider cette rencontre d’avec le mode
félin mais dans un huis-clos où Jean-Paul Sartre ne serait pas venu. Ce n’était
pas la première rencontre d’avec les félins, au cours de ma descente et de mes
nages en eaux pas toujours limpides, j’ai possédé (pour autant que l’on possède
un chat !) un animal plutôt sauvage, sinon cohabité avec d’autres félins
et leurs félines maitresses… Là, ce ne fut pas pareil, un huis-clos à trois
dont deux représentant de la même espèce, une cohabitation avec ses règles, une
adaptation nécessaire, pour eux, pour moi, pour les rideaux, la gestion de la
litière, le stock de croquettes, bref, ce lieu et ce moment précis où plusieurs
mondes s’apprivoisent sans omettre de préciser que l’apprivoisement n’est pas
toujours du côté qu’on croit…
Après
ces quelques adaptations vitalement nécessaires, après une phase de
revendications parfois odorantes et toujours inattendues, les choses se sont
installées, la cohabitation plutôt amusante et j’avoue mais ne le répétez pas, plutôt
bienfaisante, il ne me reste plus qu’à prévoir pour le pied du sapin quelques
feuilles et de quoi écrire, histoire de voir qui des trios à la plus belle
écriture de chat…. A ce moment-là, je pourrai montrer à mes maitresses le
résultat.
Puissent-elles
sourire de cette fable, même si ce n’est plus de cette terre qu’elles la
contemplent…. C’est par elles et grâce à elles que j’écris aujourd’hui, c’est
fou comme on ne s’aperçoit pas de toutes ces petites choses que l’on apprend
durant tout ce temps… A croire que la vie scolaire est un vaste distributeur de
graine qui sème en nous toutes ces plantes qui ne demandent qu’à pousser. Ces
plantes dont nous sommes à jamais le jardinier, à nous de nous en occuper…
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