Descendant
les pentes de Monblanc, en appréciant la bonne allure de ma monture, la belle
surface vitrée sur la campagne ensoleillée, je suis heureux de lire dans les
rides du paysage la grande histoire de son temps. Pas besoin d’un œil exercé,
et puis d’abord, tout s’apprend, la lecture comme l’écriture, le tricot comme
le dessin, bon, d’accord, pour le tricot, j’avoue avoir eu maille à partir.
Remettre à plat les reliefs, c’est les lire, les décrypter, voir dans la ligne
trop régulière un ancien muret d’une ancienne terrasse d’une ancienne culture
proche d’un ancien village. Les arbres aussi trahissent les interventions
humaines, une haie, une limite de propriété, un cours d’eau ou, comme ici, un
bord de voie ferrée. Certes, la logique financière a fermé la voie, les rails
sont partis à d’autres usages, les
traverses à d’autres besoins, il ne reste qu’une sympathique courbe au sommet
bien plat incitant à l’envie de promenade. Bien sûr, en passionné de trains,
l’œil est aux aguets, il cherche les constructions typiques, ici un pont, là un
mur de soutènement, plus loin un château d’eau pour abreuver les locomotives à
vapeur, et cette maison, ne serait-point l’ancienne gare avec son hangar à
marchandises au quai si représentatif de l’architecture ferroviaire ?
Rouler
tranquillement tout comme marcher, c’est
se donner le temps de voir ce qui semble déjà vu. C’est prendre plaisir aux
paysages bien plus qu’à l’itinéraire, c’est apprendre et comprendre. C’est être
vivant et terrien, et bien sûr, c’est se mettre en campagne pour conquérir la
campagne. Conquête pacifique bien sûr, les paysages n’appartiennent à personne
et le regard qu’on y porte ne peut être que personnel. Les hommes ont façonné
la terre sans jamais qu’elle ne cède, qu’une maison se ferme et aussitôt la
terre se l’approprie. Ainsi ces anciens murets sont devenus de simples bosses
parmi les champs, cet ancien jardin est devenu un bosquet touffu, l’écureuil y
ayant semé ses noisettes puis les ayant oublié… C’est un autre plaisir de la
balade, celui des regards plus approfondis, celui de prendre le temps d’avoir
le temps, il fait beau, les routes sont désertes et la nature vit de mille et
une vies. Les grosses fermes ont certes des hangars bien modernes autour, mais
elles fument toujours d’une fumée bleutée sentant bon le bois, et puis, c’est
toujours le même étalage hétéroclite qui décore les abords : vieilles
ferrailles, carcasses de voitures, cages
à lapins couvertes de tôles rouillées, les traces humaines sont bien présentes.
Toute
cette poésie de nos campagnes ne saurait être mise en photo, le montage et le
cadrage ne seraient que restrictifs, dénaturant les scènes, nous privant du
décor, non, l’œil, le vrai a toujours de beaux jours devant lui. Heureusement.
Et puis l’œil voit, le cerveau corrige, enregistre, stocke et embellit, une
prise de vues à focales variables et nombre de vues illimités. Au fond, c’est
un plaisir des sens, il y a la vue, l’ouïe, les odeurs, les senteurs, il y a
les vibrations de l’auto, le fin volant glissant entre les doigts, le dosage
sur l’accélérateur et le frein, la lecture des courbes routières, les choix
d’itinéraires, qu’il est bon de partir à l’aventure sans but précis autre que
de se faire plaisir. Au fond, je ne suis pas d’ici mais je suis de partout,
partout il y a à voir, à découvrir, à apprendre, à comprendre, il faut juste de
l’envie et du temps… Prendre le temps d’apprendre, c’est quand même chouette,
non ?
Bientôt
les vacances, de quoi profiter et se donner de l’air, de quoi prendre le temps
et redécouvrir ce qu’il y a tout près de chez soi, pourquoi pas ?
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