Le puits

Comm passion et non compassion, c’est par cela que l’on mesure combien l’espace prend toute sa place et son sens…. Stratégie de notre siècle, la communication est devenue un axe majeur de développement, savoir communiquer, savoir vendre, parfois se vendre, quitte à faussement compatir, là, je compatis. Mais le con n’est pas parti. Sourire. Les mots sont des pièges, ils se servent des idées en appâts pour capturer l’attention, puis ils referment leurs mâchoires de lettres autour de la proie captivée, jusqu’à ce que le mot les sépare… Là est la chute, sans fin car il y a toujours d’autres, mots, d’autres sens, d’autres pièges, c’est un puits sans fond, un parcours sans limite, une farandole de mot en paragraphes pas toujours liés, un livre aux pages détachables, une bibliothèque de plus en plus virtuelle, plus dure sera la chute…

A moins que d’en sortir n’en soit l’idée ? Oui, c’est cela, sortir un mot, oser, parler, dire, briser le monologue, tenter le dialogue, exprimer, communiquer, ne plus être attentiste, victime sans toutefois devenir bourreau, les mots sont des pièges mais tous les pièges ne sont pas armés. Sortir un mot, pour peu qu’il soit écoutable et écouté, sans qu’il soit écourté ou bien éconduit, conduit à rompre le rythme, l’enchainement, l’enfermement syllabique, fendre l’air d’un son différent, claquer la cymbale au milieu des cordes vocales des vocables mono symphoniques, rajouter l’espace entre la communication et la passion, mettre un temps d’arrêt dans le défilé des mots qui sont parfois, il faut bien le dire, sans queue ni tête, et là, à chacun ses goûts. Cela suffit-il pour sortir du puits ? Et puis d’abord, c’est quoi ce puits ?

Un puits sombre et sans fond où descendent sans fin des mineurs de fond, gueules noires bouffées au quotidien par la bouche vorace de cette terre avide dont les entrailles sont noires de charbon et les gaz souvent meurtriers. Ceux qui y sont descendus leurs courtes vies durant en sont restés meurtris jusqu’aux tréfonds de leurs poumons. La roue tourne, celle du grand ascenseur s’est muée en silence au-dessus de bien des puits, il y demeure l’atmosphère si particulière et unique.

Un puits obscur et gluant d’humidité, dans lequel le seau plonge au bout de la lourde chaine avant de remonter à la force des bras une eau fraiche et limpide. A moins qu’il ne s’agisse d’un sot entrainé par la chaine de mots devenant de plus en plus lourde, n’offrant plus de résistance au déferlement, plongeant toujours plus dans cet enfermement. Difficile d’en sortir, il en faut pas briser les chaines, du moins, tant qu’on n’est pas remonté à la surface, les parois du puits sont froides et glissantes, la seule accroche est la chaine des mots. Il n’est pas question de dernier mot, ni d’attendre le dernier mot, ni d’avoir le dernier mot, non, juste oser, parler, dire, prononcer, annoncer, communiquer, un mot parmi les mots, un mot contre un mot, lentement tresser sa corde de mot le long de la chaine, remonter d’un cran à chaque fois, sentir cet air différent sur le visage, prendre son assurance et enfin jaillir hors du puits. Faut-il en briser la chaine ? A quoi bon ? Une fois dehors, il ne sert à rien de transformer le puits, certains souhaiteront s’y abreuver, on ne change pas les autres, on change soi. Une fois dehors, marcher, courir, partir, respirer, jeter dans le puits les mots amers, apprendre le mot « aimer », respirer, vivre et devenir. Devenir soi. Etre soi.

Un puits de science mais la science n’est pas que naturelle, elle flirte avec l’abstrait, elle se pare de mille feux, mille couleurs, mille savoirs, elle décline et déclame à l’envie des formules sans fin, des idées pas toujours bien reçues, des mots en raccourcis, des abréviations nécessitant le bréviaire, des signes kabbalistiques, elle puise au latin, elle s’enrichit de grec, elle s’éclate, se publie, c’est une pieuvre sans visage, non, tout cela n’est pas très naturel. Devant un tel flot, on n’ose pas prendre la vague et surfer sur l’inconstant, on a tendance à faire profil bas, courber l’échine et prendre fœtale position, disparaitre devant tant de sciences, quel dommage…. Les puits de science s’écoute et doivent éveiller les sens, réveiller les questions, les questions de bon sens. S’il n’y avait pas eu quelqu’un de plus de science que nous, que serions-nous aujourd’hui ? Alors, brisons la loi du silence et prenons la loi de la science, osons, posons des questions, affrontons les réponses, démontons les mécanismes, à toute chose il y a un effet, une conséquence et bien sûr, une cause. Cherchons la cause plutôt que de focaliser sur les conséquences. Traitons la cause, c’est traiter la conséquence à la racine, l’inverse n’est pas vrai. Une différence fondamentale entre les visions des différentes médecines. « J’ai mal à la tête, je prends un antalgique » Mais pourquoi ai-je mal à la tête ? Manque de sommeil ? L’antalgique n’y peut rien. Mauvais éclairage ? L’antalgique n’y changera rien. Stress ? L’antalgique n’y peut rien sauf dans ses effets placebo. Une pieuvre vous dis-je ! J’en ai mal à la tête, allez, un peu de compassion….  

             

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