Livre S D T


Il faisait chaud en ce début de mois d’août et ce début d’après-midi incitait plus à au repos bien à l’abri des murs épais qu’à la plage surchauffée ou bien encore à l’ombre trop chaude des pins odorants. Mais repos ne veut pas dire forcement sieste, simplement s’allonger sur le divan moelleux, le grand ventilateur au plafond brassant nonchalamment l’air, apportant par là-même un semblant de fraicheur, volets presque clos, lumière douce et filtrée par les fins voilages, les yeux mi-clos, l’esprit se relâche, le corps s’apaise, au rythme de la respiration, lente, régulière, calme, tout inspire à la détente et au vagabondage de l’esprit. Qu’il est bon d’ainsi s’abandonner, de se laisser aller en ces voyages immobiles, voyages au long cours, voyages dans le temps, laisser s’échapper ses images inconscientes enfouies sous trop de couches d’urgences, de courses contre le temps, contre la montre, d’actions et de réactions pas toujours bien contrôlées, il est temps d’oublier tout cela, de savourer l’instant, de sourire à ces images qui surgissent du passé pour éclairer le présent, peut-être bien pour nous rappeler que parmi toutes nos agitations, il y a des lieux, il y a des gens, il y a des choses qu’on a mis de côté, inconsciemment, lentement mais sûrement, et la vie bouscule, et la vie fait reculer ces êtres, ces endroits, ces objets de notre parcours, parce qu’elle nous dicte ses priorités et nous sommes si faibles que nous prenons cela pour nos priorités.

Pause. Silence. Seules les pales de bois, le ronronnement du moteur trouble ce silence si familier qu’on se prend à explorer. La pendule du salon fait entendre son tic-tac que l’on n’entendait plus par habitude de l’entendre, étonnant, un peu comme ces personnes, comme ces messages, trop souvent entendus qui finissent par devenir muets, inutiles et stériles. La maison vibre et fait craquer sa charpente sous les assauts de la forte chaleur, le bois transpire et craque, c’est étrange d’entendre sa maison vivre, de sentir combien chaque petit détail, chaque chose nous rappelle combien nous sommes vivants parmi les vivants, êtres parmi les êtres. Désormais ouvert aux perceptions, le nez voyage lui aussi dans l’espace, à la recherche d’odeur singulière, comme un jeu de piste odorant, une partie de devinette à chercher d’où vient cette odeur ? D’abord l’environnement proche, les vieux meubles de bois exhalent cette odeur si particulière lorsqu’elle se trouve mêlée à l’air iodé d’ici, à laquelle se rajoute ce mélange de cire et de térébenthine. Le bouquet sur la table du séjour renvoie ses accents de lys, à la fois puissant et élégant, à la fois doux et viril, tandis que dehors le chèvrefeuille de la terrasse répond au jasmin à coup de  notes plus florale les unes que les autres, sorte de symphonie en soleil majeur accentuée par l’air humide et salé. Il est temps d’ouvrir les yeux, de se réveiller étranger dans sa propre pièce, d’appliquer ce regard explorateur qui habille les premières visites, et la surprise est grande de découvrir ce monde à la fois si familier et si neuf au regard, on ne regarde plus ce qu’on regarde trop souvent, la routine nous ôte nos sens, nos sentiments, nos joies d’enfant, petit être émerveillé de chaque chose parce qu’il ne perd pas de temps à ne pas prendre le temps de se servir des ses sens tout neuf, voilà qui est de bon sens. Qu’importe si la toile d’araignée bouge au gré du ventilateur, étonnant de voir combien ce meuble est à sa place, il semble avoir conquis l’espace et même, il semble que la pièce fut dessinée autour de lui ; Mais quels sont ces livres ? Tiens, je ne me rappelle pas d’avoir lu celui-ci…

La tête tourne de se relever si promptement, mais déjà la main est sur le livre, le regard devient gourmand à parcourir la couverture et déjà les doigts feuillettent et exhalent des pages fermées ces parfums des belles histoires oubliées aux senteurs âcres et vieillottes. Naturellement c’est ce fauteuil sous la liseuse qui attire et reçoit confortablement, et c’est là que la lecture commence, silencieuse, attentive, émotionnelle et sensorielle, là, à l’ombre des murs épais, sous la brise légère d’un vieux ventilateur de bois, tandis que dehors brûle le soleil en distillant les odeurs de pinèdes tandis que rugit mollement le bel océan. Il est des moments de plaisirs en après-midi qui ne sont pas forcement des siestes, il est en chaque instant, en chaque chose, des petits bouts de plaisirs qui viennent parfumer votre vies aux accents de bonheur. Encore faut-il en être réceptif et accepter de ne pas subir des priorités qui au vrai, ne sont pas nôtres. Le temps de la lecture est venue…     

1 commentaire:

Fabienne a dit…

Un beau voyage intérieur