Bas les masques


Je ne sais si les muses sont en vacances ou si au contraire elles manquent de clients à inspirer, toujours est-il que parfois les idées fusent, tout comme un champ dont le semis aurait été trop serré, la récolte est épaisse, la boulimie d’écriture génère ses proses sans pauses ni poses. Le travail d’écriture, même s’il est un jeu, nécessite de la matière pour s’exprimer, tout comme le sculpteur part de son bout de matière, glaise, marbre, pierre, pour en tirer l’œuvre qui dedans y dormait, écrire n’est faisable que lorsqu’il y a de quoi écrire, à moins d’être un moine copieur, ancêtre de nos photocopieuses et autres imprimeries, recopiant à l’infini la copie des précieux écrits, il est vrai que les trente-cinq heures n’étaient pas encore nées ni les loisirs autres en odeur de sainteté. Point de copie, juste une mise en ligne de choses tordues poussant dans la tête, juste une exercice récréatif, exutoire peut-être, libérateur sûrement en tout cas, très amusant. Et si les muses se lâchent ainsi, c’est aussi qu’il n’y a personne sur le périphérique en cette époque, les bouchons et les gêneurs étant aux abonnés absents. Les grands flux migratoires de l’histoire de la vie se retrouvent dans une situation similaire à il y a quelques années, période faste et agréable, qui, si elle a vu l’invention de l’écriture sur blog n’en est pas moins qu’une continuité dans une vie de gratteur de papier. Simple constat qu’il est aisé de mesurer et d’en jouir, l’autosatisfaction ne faisant de mal à personne. Honni soit qui mal y pense, avait pour devise l’ordre de la jarretière, voilà qui devrait élever les ébats. Ah oui, l’humour est là, bien sûr, sans quoi la vie serait d’une tristesse à en pleurer, n’est-il pas ?

Que les muses s’amusent à dicteur leurs courriers vers les quelques survivant qui œuvrent encore dans cet été cuisant, soit, mais alors, qu’elles le dictent bien. C’est vrai quoi ! Passons encore sur les métaphores et les décors naturels à un point qu’ils en paraissent surnaturels, mais tout de même, peut-on passer plus longtemps sous silence l’importance de la clé de onze dans le démontage et le montage de la deux chevaux ou bien encore la composition étonnante d’un mètre carré de plage océane après le passage de hordes de vacanciers ? Ah oui, il y a matière, mais il y a aussi matière et matière, certains jours on préfère le marbre, noble, et si riche de ses veines et des ses grains mais si dur à travailler, d’autres jours, on préférera l’argile réclamant du doigté et de la douceur dans la maitrise du couteau sous peine de détruire ce qui dormait dans ce bloc mou. Il y a des évidences comme des envies dansent, il y a surtout l’envie, les mots, les mots, toujours les mots, bruts ou lisses, précis ou noyés de sens, sens dessus-dessous, sens états d’âmes,  sensibles, sentiments et sensations, sempiternel jeu d’écriture qui ne rapporte rien, mais qui enrichit de prose les pages fussent-elles virtuelles. Il fait chaud, il fait ombre, il fait bon écrire et laisser jongler les mots dans leurs farandoles de phrases, parce que la vie danse, parce que la vie chante, parce que la vie rit, parce que la vie est surtout ce qu’on a de plus beau, de plus précieux, de plus authentique.

Il n’a pas toujours été facile d’écrire, parce que parfois les muses s’amusent ailleurs, parce que parfois nos vies leurs font peur, parce qu’au fond, la muse n’existe que lorsqu’elle a écoute, il faut savoir prêter l’oreille, vouloir être sur la bonne longueur d’ondes et non au ras des pâquerettes, ou pire, au trente sixième dessous. Trente sixième de sous ? Bigre, ça ne fait pas beaucoup, alors, ça ne vaut pas le coup de s’y étendre, d’y descendre, non, préférons-y le soleil, la tête haute, le regard droit vers ces horizons qui happeront nos pas comme le phare appelle les bateaux vers le bon port au soir venu. Debout ! Marchons, que le sang impur s’en aille rejoindre le sillon, c’est vivant et disponible que nous avancerons, c’est au grand jour et sans attrait que nous irons, l’être est bien plus fort et bien plus puissant que le paraitre, il y a trop de masque, trop d’erreur, soyons nous, soyons. Bas les masques, profitons de la vie, elle est belle et sourit en réponse à ceux qui lui sourient.

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