Tandis que la France bouillonne sous les poussées
mercuriques à faire pâlir d’envie les vocalises du regretté Freddy, Mercury,
bien sûr, méfiez-vous des imitations, n’est pas Queen qui veut, on ne plaisante
pas avec ces choses-là, non pas que je considère les queens comme des choses,
non, cela serait crime de lèse-majesté, et à vrai dire, à lèse-majesté je préfère
encore Lège-Cap-Ferret, c’est vous dire. Non, ici en terres gasconnes, entre
Euskadi et Landes sud de chez sud, le climat s’est dit qu’il pourrait bien être
lui aussi en vacances, histoire de se reposer le thermomètre et de se contenter
d’un petit vingt-quatre degrés, genre de performance du strict minimum qu’il
convient pour se qualifier d’être en été. L’eau est à peine moins froide, avec
de beaux rouleaux d’écumes et ces fameux courants de baïnes à faire peur aux
touristes qui imaginent là un nouveau genre d’eau de mer capable d’engloutir un
baigneur, et dont on s’évertue à rappeler que « baïne » vient du
gascon et désigne tout simplement un banc de sable. Cela n’enlève en rien à la
dangerosité de la chose, juste pour expliquer qu’en certaines conditions de
marées, du genre grosse marée haute sur le retour qui se dégonfle puissamment, le
banc de sable fait avec la plage une sorte d’entonnoir qui presse l’eau de
sortir, et comme l’eau est déjà fort furieuse de devoir quitter la plage, elle accélère
son débit et provoque un courant rapide, le fameux courant de baïne quoi. Comme
la nature est bien faite et que depuis ce brave Lavoisier tout le monde sait
que rien ne se perd, tout se transforme, cette eau rageuse qui part en courant
de la plage, s’en va faire un tour au large avant de revenir un peu plus loin
rejoindre la grève, du genre de l’enfant que vous punissez et qui contourne
votre regard pour rejoindre l’endroit interdit.
Qu’est-ce-à-dire ? Que si un tel courant vous
prend, et bien prenez le, vous irez sans effort visiter la plage suivante. Si
vous luttez contre le courant, vous vous y épuisez et l’épuisement provoque le
malaise, le malaise la noyade, votre corps sera rejeté sur la susnommée plage
de toute façon, alors, autant la voir de votre vivant, non ? Pourtant, il
est contre nature de se laisser porter par les éléments, l’Homme, cet être
supérieur, doit commander tout et tout le temps, mais voilà, on ne désobéit pas
à ses parents. Notre mère nature, décide, et décidera toujours pour nous, quand
bien elle devra un jour nous expulser en réponse à notre mauvais comportement.
Notre père, céleste et bienveillant n’a pas pour mission d’accomplir les
missions à notre place, mais bel et bien de nous aider à canaliser nos énergies
pour y parvenir, seul ou bien en communauté, mais d’une façon humaine et
responsable. C’est là une approche très essénienne des choses, il fut un temps
où les hommes de ces temps-là savaient se placer entre leurs parents, entre le
ciel et la terre, un temps de communion avec les éléments. Notre place, notre
rôle est là. Savoir se situer, savoir capter les énergies du sol comme celles
du ciel, du cosmos. Etre. Ces exemples de courants océaniques montrent combien
nous ne sommes que fétus de paille au gré des colères naturelles, nous ne
sommes que fœtus d’un monde que nous massacrons chaque jour un peu plus. Il n’est
pas besoin d’avoir une tronçonneuse à la main, il suffit de regarder les sols
sous nos pas : mégots, papiers, j’en passe et pas des meilleurs, le
plastique, le latex ne se décompose pas aussi vite que le corps de l’homme qui
les a jetés. Chaque geste, infime, négligeable, multiplié par la quantité non
négligeable des auteurs potentiels du même geste engendre la pollution, l’asphyxie
de notre planète.
Il fait bon en cette fin d’après-midi, Eole est de
sortie, du coup le VTT aussi. Cela faisait un bail qu’il n’était pas allé se
dégourdir les roues dans les sable de la forêt. Ah oui, le sable, ou plutôt,
les sables… D’abord compact, compacté par les eaux, par les roues, par le temps,
puis couvert d’un tapis plus ou moins épais d’aiguilles odorantes, sol
brun-roux qui craque sous les roues avant de laisser place à ces pièges de
sable mou où les roues glissent, où l’effort pour avancer se complique en
rejoignant l’effort pour rester debout tout en restant assis, parce que lever
son cul de la selle, c’est enlever du poids sur la roue motrice, et comme ces
images de passagers assis sur les ailes d’une 2CV pour lui garder l’adhérence
sur une route enneigée, le poids du corps sur la selle garanti de pouvoir
avancer sur le sable, pour peu que vous aillez choisi le bon développement, ni
trop puissant, ni trop enclin à devoir mouliner, voilà qui rajoute au plaisir.
Ce même plaisir de voir cette faune des bois, oiseaux perdus dans leurs
recherches alimentaires mon cher Watson, les geais d’un pas léger sur la piste,
une palombe sur le bord, tandis que les ajoncs s’en viennent griffer les coudes
d’un cycliste cherchant le sable dur trop en bordure de la piste. Virage, descentes,
voilà le bord d’océan caché par la dune et bientôt, la piste en ciment dites
des allemands, parce que construite durant la seconde guerre mondiale pour desservir
les lignées de blockhaus protégeant la côte d’éventuels débarquements.
Pourtant, quand j’y pense, ces blockhaus, cette piste sont fait d’un béton bien
solide encore de nos jours, parce qu’abreuver de sueur, de salive, de sang de
nos compatriotes employés à bon marché pour ces dérives militaires, alors, en
cette fin de parcours, c’est à ces gens que je pense, à ces travaux colossaux
qui perdurent encore de nos jours. Allez, zou, dernière longueur, derniers
pièges de sables, ces serpents gris qui en sortent à peine, racines blindées
par le temps et les éléments, barres rigides sur lesquelles viennent taper les
roues pour peu qu’on n’ait pris la peine d’alléger le guidon. Sable mou, vieil
arbre qui n’en finit plus de se décomposer, nous approchons du bout, retour au
camp, retour vers la douche, les yeux et la tête pleine de ces belles images
cueillies à même la nature…
1 commentaire:
Qu'il est bon de retrouver tout ça par la pensée... Merci
Enregistrer un commentaire