Six cents


C’est marrant la magie que prennent les nombres dès qu’ils alignent des zéros, pourtant, le zéro, c’est rien, c’est nul, alors quoi, des zéros alignés, qu’y a-t-il de remarquable ? D’abord, s’ils sont alignés, c’est qu’ils sont fatigués, c’est bien connu, les zéros sont fatigués. Ensuite, qu’est ce que ça veut bien dire, juste là, à ce moment précis, et ici, d’avoir un compte dit rond parce que deux malheureux zéros sont positionnés côte à côté ? Six cent textes, non, six cent pages, publiées ici, disons même, encore publiées ici, parce que des pages sont parties, après avoir vécu, après avoir été lues, après avoir su, parce que c’est comme ça qu’est la vie, donc au final, six cent, ça ne veut rien dire. Si sans prétention, six cents pages d’image ou de mots, plus souvent de mots, si s’en doute, ces mots sont venus noircir des états de l’âme quelque fois, si s’en prendre plein le blog c’est pas de l’amour des mots, alors que dire, si ce n’est que le temps passe en apporte son lot de jongles, ces rires et ces larmes, ces billets d’humeurs, ces blagues, ces sourires, ces délires, bref, tout cela ce sont des mots.

Si sans maux il n’y aurait pas d’évolution, pas de correction, pas de progression, si sans textes, il n’y aura pas de blog, il n’y aurait pas de cahier, il n’y aurait pas de plaisir à écrire, à partager, à échanger, et quoi qu’en pense les bien pensants, les gens bien comme il faut, cet outil récréatif qu’est le blog m’a donné de belles pages d’amitiés, plus que d’inimités, des challenges, des défis, des échanges, des discussions par d’autres biais aussi, des belles réalités aussi, et ça, c’est quand même le plus chouette.

Six cent pages, au fil du temps, c’est un tome en plusieurs tomes d’une vie en plusieurs vies. Un lendemain qui marquait la fin non pas d’une aventure, non, mais d’une vie, belle, et hélas accomplie dans cette formule, des hésitations de premiers pas à faire dans un monde d’équilibriste ou le funambule a perdu son balancier, un réseau social d’un temps moins plus ouvert et moins tordu dont reste de belles amitiés et une très belle leçon. Un clap de fin sonné par deux fois, ne dit-on pas jamais deux sans trois ? Toute chose a une fin, un jour la lumière s’éteindra, l’obscurité s’étendra et n’étant pas nyctalope, mes mots derniers écrits se révéleront mes derniers écrits, c’est là la loi de l’évolution qui pousse la porte et pousse vers la porte. Mais qu’importe, ces deux claps de fins m’ont valu de belles expériences de vie, et même si les sorties sont parfois longues, autant profiter de ces longues sorties. Sait-on jamais si le ver est dans la pomme ou si la pomme habille le ver, ce qui est sûr c’est que tant qu’on est vert, il faut essayer d’en faire des vers et construire autour les belles images qui aideront à lever son verre sans attendre l’hiver. Démo, des mots, des sons qui sont autant de rythme et de percussions, qui font sonner dans mon oreille certains phrasés, certains accents de mes maitres poètes, du panthéon des gloires éternelles de la chanson française même avec des accents belges ou bien québécois, voire même occitans, disons alors de la chanson francophone. Et si certains sont déjà hélas d’illustres poussières à l’abri du temps, d’autres jeunes et moins jeunes lustrent les marches sans copie, sans imitation, juste en trouvant leurs voies et leurs voix, en nous comptant des ballades et des jolies histoires le temps de quelques vers, le temps de quelques strophes, le temps d’un refrain. C’est désormais une certitude, écrire plus que lire, dresse l’oreille à capter la métaphore au plus fort d’un texte, et avec l’image le son des mots qui s’entrechoquent et s’apaisent, se répondent et se complètent, viennent sans coup férir, ponctuer la rime et le texte fleurir.

Un joli passe-temps, un compte feuillette, une habitude sans habitude, parfois quelques mots, parfois un blanc ponctué de photos, parfois aux abris, parfois aux écrits, parfois, des pages se complètent et volent vers le blog, à tire d’ailes. D’hier à aujourd’hui, des petits bouts, des émois, des morceaux de vies, des envies, des plis, missives anonymes non par l’auteur mais par le destinataire, retour vers l’expéditeur, le seul qui soit un peu timbré sans doute. D’aujourd’hui à demain ? Je n’en sais rien, je n’ai pas calculé d’itinéraire, s’il fait beau ça sera à l’envie, s’il fait moins beau, ça sera à l’envie aussi, peut-être la même, peut-être pas, peut-être plus, peut-être…. C’est si beau les « peut-être », ça vous colore les phrases d’envies qui dansent et surtout, ça laisse la place au lecteur d’y poser son imagination, une forme de partage, et, dès lors qu’il y a partage, il y a enrichissement, c’est un peu comme le jardinier qui met une graine en terre et s’associe au temps qu’il fera, à la nature du sol pour qu’ensemble ils fassent prospérer le semis. Il faut de la pluie, il faut du soleil, il faut des rires, il faut des pleurs, il faut de la chaleur pour que grandisse une vie.  

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