Je ne sais plus combien de lettres, combien de mots,
je ne sais plus, je n’ai jamais compté, pourtant, lorsque j’y pense, depuis mes
premières armes, depuis mes premières larmes, depuis mes premiers drames
d’apprentissage de l’écriture et de la plume trop fermement tenue dans une main
hésitante de gaucher, ça doit quand même en faire des lettres, des mots, des
phrases, des rédactions, des dissertations, des comptes-rendus de réunions, des
bluettes, des choses et des machins, des pleins et des déliés, des bouts de
vies, des bouts qui mis bout à bout deviennent un sacré bout, voilà ce qui bout
parfois dans ma tête, les fois où j’ai du temps, parce que ce bon vieux temps,
lui il s’en fout de tout ça, lui il file, sec, rigide comme une trique qui
compte et tape à coup de tic et de tac, comme un vieux tic qui revient
régulièrement compter les intervalles, comme le balancier d’un vieux métronome
mécanique, systématique, voilà, c’est ça le temps. Mais le temps qui compte, le
temps qui martèle les secondes, le temps dit minute, comme pour se pauser sans
s’arrêter, parce que le temps file ainsi, le temps de dix minutes et voilà
quelques mots d’écrits, quelques mots, ça décrit des paquets de lettres, oh,
pas n’importe comment, non, des paquets bien rangés, des lettres en quelque
sorte qui forment des mots, des mots qui peuvent aussi se ranger en phrases et
des phrases qui s’alignent en texte, en bluette, en rapport, et même en mode
d’emploi à destination de gens bêtes parce que les cerveaux lents font les gens
bêtes ou bien que les cerfs-volants font les jambettes, je ne sais plus.
Un cerf-volant. L’image est plaisante. Colorée. Vivante
et vibrante dans le vent, naturelle, après tout, qui se souvient que le
cerf-volant est un coléoptère à l’allure préhistorique et parfaitement inutile
dans notre jungle urbaine ? D’ailleurs, ce dernier va vous faire moins
rêver, alors retournons à ce bout de choses en couleurs, papier ou plastique,
tissus légers qui volent aux vents, à tous les vents, pas simplement les
mauvais de monsieur Serge Gainsbourg. Un cerf-volant en vol aux vents, un
vol-au-vent, qui trône dans l’assiette, normal pour une bouchée à la reine,
vestige sans tête de Marie-Antoinette. Voilà, c’est cela que j’aime dans les
mots, dans la prose, c’est la poésie qui habille nos jours, les uns après les
autres, sans qu’on ne daigne prendre la peine de la voir, de s’y attarder, de
s’y régénérer. Que voulez-vous, les gens préfèrent les cerfs-volants des
enfants sur la plage aux lucanes cerfs-volants qui peuplent les bois. Quelques
lettres, quelques mots, un vieux métronome, un temps qui passe et
Marie-Antoinette qui s’en vient passer la tête le temps d’une bouchée, avouez
qu’il est pire comme cadavre-exquis. Peut-on dire que tout cela n’a ni queue ni
tête ? Bon, oui, pour Marie-Antoinette, mais c’est là un raccourci bien
facile.
Je ne sais plus combien de plumes, combien de stylos,
combien de cahiers j’ai usé. Je ne sais plus combien de kilos j’ai pris, euh,
je parle de kilo-octet patiemment accumulés à coup de frappe sur les touches, à
coup de doigts sur le clavier, il manque
encore le lien direct entre l’agitation de neurone et sa restitution textuelle,
quoique, il vaut mieux sûrement qu’il n’existe pas. C’est quand même énorme
tout ce qu’on peut faire dans une vie, et même si le regard est toujours attiré
par la lumière que les projecteurs médiatiques mettent sur tel ou tel pan de
l’actualité, il ne faut jamais omettre de regarder l’ombre, cette ombre
bienfaisante l’été, qui fourmille toute l’année de ces êtres quasi invisibles,
de toutes ces choses qui paraissent insignifiantes jusqu’au jour où enfin on
s’y intéresse, on y puise le sens, et le sens de nos vies. La vie a-t-elle un
sens ? Oui, bien sûr, elle démarre à la naissance pour s’achever
(parait-il) à la mort. Voilà qui impose un sens de bon sens, non ? Plus
prosaïquement sans que le prozac n’en soit ni l’auteur ni le maitre, la vie n’a
de sens que le sens qu’on lui donne. Dire qu’elle n’a pas de sens, c’est se
dire qu’on n’a rien fait pour lui donner un sens. Il faut être aux commandes, diriger sa propre
vie, ne pas attendre le metteur en scène, famille, conjoint, supérieur en une
quelconque supériorité, il faut vouloir vivre sa vie et comprendre qu’il n’y a
qu’une personne à la barre de notre vaisseau, s’y atteler et vogue la
galère ! Euh non, pas la galère, c’est un mauvais exemple, disons plutôt
en avant toute !
Je ne sais combien de rires, combien de sourire,
combien d’émotion, combien de larmes, combien de sentiments sont passés par les
armes des mots, combien de maux sont passés de vie à trépas par les mots, mais
qu’importe, aucune vie n’est faite que de rires, ni que de pleurs, parce que
les émotions ne sont pas des enfants uniques de la vie, mais des membres d’une
même fratrie, où l’on rit, où l’on pleure, où l’on prie, où l’on rêve, où l’on
vit. Voilà, c’est cela la vie. Disons, en quelques mots….
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