Assis sur le bord du monde


Il pleut sur cet été avec des larmes d’automne comme si la saison était finie, comme si nous y étions déjà dans cette belle saison qui reverdit les pelouses en déshabillant les arbres. Mais non, le mois d’août n’est pas passé encore, pas encore mort, tout juste né, non, cette eau du ciel n’est que l’opération divine qui va nous faire gagner du temps, point n’est besoin d’arroser les géraniums ce soit, ni même le jardin. Il pleut sur l’été et des bonhommes courent dans ma télé, sous les cris d’un commentateur qui ferait mieux d’aller courir avec eux, un trois mille mètres steeple, et à l’arrivée, des médailles. Il pleut sur le bassin, les poissons vont être mouillés, tant pis, j’aurai du les rentrer. Les chats n’aiment visiblement pas le poisson mouillé, ils préfèrent se tenir au sec et au chaud ce soir, je ne sais pas pourquoi. Au clavier, les mots se construisent, lettre à lettre, frappe après frappe, et je m’imagine assis sur le rebord du monde à regarder le monde tel qu’il est comme disait Cabrel, il l’a même chanté. Une question : si je m’assis sur le rebord du monde, aurais-je les pieds dans l’eau ou bien dans les nuages ? Cela dit ce soir, les nuages pleurent non pas chaudement, mais fraichement et surtout humidement, j’aurais les pieds humides dans tous les cas.

Mais prenons de la hauteur, pas ce soir parce que vu la couche nuageuse, d’au-dessus je ne verrai rien, le ciel en tient une couche, il va me faire obstruction, non, imaginons un peu, un ciel d’été, oui je sais, nous sommes en été, mais je parle d’un été sec, au ciel bleu, pur, limpide et transparent. Prenons de la hauteur, partons loin de ce monde, allons tout au bout, s’asseoir sur son rebord, regardons tout cela de loin, qui sommes-nous, que faisons-nous, qu’avons-nous fait de ce bout de caillou ou plutôt, de cette goutte d’eau puisque les océans sont majoritaires sur cette planète ? Combien de combats inutiles ? Combien de larmes, combien de cris, combien de fleurs, combien de pleurs, combien de guerres, combien d’arbres abattus, combien d’hommes abattus, combien de femmes battues ? C’est aussi ça le monde, conséquence d’une espèce dominante qui croit devoir dominer. Mais le monde, celui qui fut, né avant l’Homme, survivant pendant, vivant après, ce monde-là, sous mes pieds, c’est un trésor, non, des tas de trésors qu’il suffit de cueillir, de prendre entre ses yeux, de caresser du regard pour relativiser bien des choses, pour comprendre la futilité d’un cri, d’une incompréhension, d’une faute, d’un faux pas, et puis, il y a les vivants et les morts, ces morts inutiles, ces morts cruelles, ces morts imbéciles, parce que ceci, parce que cela, mais combien faut-il encore d’images, de publicité pour retenir un message d’humanité ?

Il pleut sur l’été mais moins que sur mon cœur, lorsque je vois ce monde, ces valses hésitantes, ces personnes qui souffrent au propre comme au figuré, lorsque je mesure combien les différences de vision sont nombreuses, lorsque je mesure combien nos chemins sont différents, dans leurs embuches comme dans leurs soleils, parce que nos vies ne sont faites que de choix, des choix que nous faisons, des choix que nous ne faisons pas, nous posons le pied ici, pas là, nous tournons ici, pas là, et cela fait notre parcours, notre destiné, et même si rien n’est facile, rien n’est difficile non plus. Il suffit de le vouloir et même, lorsqu’on n’est pas en mesure de faire le chemin seul, de se faire aider, de se laisser épauler sans oublier qu’être épaulé ne veut pas dire être porté. Je comprends pourquoi il est important de s’isoler, d’aller se brancher aux énergies de la terre, du cosmos, et c’est là le rebord du monde, ce lien frontière entre terre et cosmos, où l’homme devient un trait d’union qui relie les énergies des deux camps, des deux champs, et ces énergies reliées donnent la vie, apportent la force, apaisent et renforcent. Ils sont nombreux pourtant ces traits d’union, êtres éclairés, arbres élevés, autant d’antennes au milieu de foules aveugles, autant de relais qui cueille ici ce qu’ils donneront là. Est-ce pour ça que les monastères grecs sont i hauts, Est-ce pour cela que les castrum cathares étaient en des points si hauts ? Ces êtres sont-ils des guetteurs ? Des veilleurs ? Perchés en des points culminants, plus proches du ciel que de la terre tout en gardant les pieds sur terre, dominant le monde mais du regard, ce regard de bienveillance qui peut-être donne à la Joconde son air malicieux et son sourire énigmatique, ce regard apaisé et rieur qui laisse songeur et est parfois mal interprété juste parce que pour l’interprété correctement il faut être initié.

Initiation, mot étrange qui génère le trouble, la peur, les mystères comme toute chose étrange et étrangère font peur, secte, confrérie, groupement, groupuscule, en somme, minorité que la majorité rejette, par peur qu’elle leur échappe, par peur que la tendance s’inverse, que le trône vacille, c’est tout au long de l’Histoire que le sang des minorités fut versé par des majorités. Pourtant, être initié ne veut pas dire devenir membre mais simplement apprendre, s’enrichir de la différence pour comprendre, apprendre, découvrir, et non ravir. Comme en toute chose, la bonne mesure est dans la mesure, l’excès nuit, mais la nuit n’a pas d’excès…. Allez comprendre….

1 commentaire:

Anonyme a dit…

S'isoler et débrancher les câbles est vital. Toutes les informations qu'on nous balancent à longueur de télé, d'ordi, de radio et autres émetteurs, sont trop et deviennent parasites car sans intérêts pour les 3/4. L'addiction est bien là. Sans cela, certaines personnes deviennent agressives ou sont complétement paumées. D'autres ne savent plus quoi dire ou quoi faire. Ca fait peur.
S'éloigner, s'isoler, prendre de la hauteur, du recul. Voir enfin l'essentiel, s'informer réellement de ce qui est vraiment important.
Cela ne veut pas dire, comme certains le pensent, que nous sommes différents ou bizarres. Non. Nous sommes justes redevenus humains dans son sens le plus pur et naturel.
Notre forêt moderne est faites d'antennes uniquement branchée sur la solitude. Elle renvoie le vide intersidéral de beaucoup de gens. De ceux qui vous trouvent inintéressants avec vos passions non électriques, non virtuelles.
Peu importe ce qu'ils pensent car le réveil se fera un jour et là, attention à la chute...

Natacha