Un café en terrasse...

Voilà les bonnes habitudes qui reviennent : café en terrasse, face à l’océan, humer l’air du temps, dernier produit de luxe non encore taxé comme dirait un ami, regarder passer les gens et puis, cahier et stylo. Ce bon vieux cahier bleu qui a connu bien des coins d’écritures, qui a enregistré bien des pensées, écrites à l’encre bleue mais traduisant des couleurs bien variées de toute l’étendue de la gamme chromatique. Cahier de textes, cahier de proses, cahier de rimes, j’ai bien essayé d’écrire en mime mais ça n’a pas marché !

Plaisir des sens face à l’océan, musique douce aux accents rocailleux diffusée par le bar, et roulement des vagues pour le son, horizon vert aux reflets argentés à perte de vue, encadré d’un côté par mes chères montagnes, de l’autre par la célèbre estacade, embarcadère de bois voulu par Napoléon III en 1868, ravagé par les tempêtes de cet hiver et reconstruite avant qu’arrive l’été et son flot de visiteurs. Le vent, qui ne peut être que du large, vu l’immensité se présentant devant moi, ce vent qui se charge de l’humidité aux reliefs des vagues, ce vent vient rafraîchir ma peau offerte au dieu soleil. Café corsé pour les papilles, papier et stylo pour le toucher, senteurs iodées pour le nez, bref, tous mes sens sont en éveil, et même en réveil ici… 6e sens ? En sommeil, ou presque car il fonctionne plus souvent qu’on ne veut bien le croire…

Que serions-nous sans nos six sens si sensibles ? J’avoue que si je devais perdre l’un d’eux, et si de plus j’avais le choix, chose qu’on ne choisit pas toujours, et même jamais, donc disais-je, si je devais perdre 1 sens, ou plutôt si je devais n’en garder qu’un, ça serait la vue. J’aime trop voir, observer, contempler, pour supporter de ne plus voir, d’être fermé et enfermé dans une vision imaginaire des choses. Je sais que notre monde offre bien des fois des horreurs, des actualités pas très belles à voir, mais il y a toujours des contre-exemples, des paysages, des reliefs, des beautés qui sont autant de point d’accroche pour le regard, autant de belles lumières sur lesquelles focaliser, en oubliant le temps d’un instant, le temps d’un regard, image instantanée effaçant les erreurs du monde, mesure toute la relativité du monde, et la vision très personnelle des événements. C’est bien un défaut de notre époque, nous nous nourrissons d’images stéréotypées, prédigérées, nous nous abreuvons d’une actualité formatée, message raccourci et conclusion journalistique de l’événement réel. Récemment, près de chez moi, un meurtre a eut lieu. Vous savez ces choses dont les journaux et la radio nous rabâchent à tout bout de champ et qui arrivent toujours loin de chez nous, et bien là, c’était tout près de chez moi, de quoi se concentrer davantage sur le sujet. Le message vendu a été très clair, la dame a poignardé son compagnon. Ok, message reçu. Quelle horreur : Vous vous rendez compte ? Un si gentil garçon… Bon, la vérité est quelque peu différente, oh ! Si peu ! Mais tout de même… Imaginez une dispute familiale, le ton monte, les gestes remplacent les mots, les mains s’arment et voilà qui devient un combat à l’arme blanche.… Fin de la tragédie, la dame a planté son couteau avant d’être plantée… Simple détail dites-vous ? C’est selon. Les faits sont là, les informations nous les présentent ainsi raccourcis… Que voulez-vous, avant on raccourcissait les criminels, aujourd’hui on raccourcit les crimes… Evolution des choses, pas des tragédies, on se tue toujours. Doit-on s’en réjouir ? Hum, ça frise l’humour noir !

Bigre ! Voilà qu’en quelques lignes, l’océan est monté, l’estacade a désormais les pieds dans l’eau… Heureusement que ces lignes ne sont pas des lignes de pêche, sinon j’aurai noyé le poisson ! Drôle d’expression n’est-il pas ? Noyer le poisson… Mes expériences de jeunesse (je peux en parler, il y a longtemps qu’il y a prescription) ont tenté de le réaliser, mais malgré la quantité d’eau rajoutée dans l’aquarium, le poisson a toujours survécu… Seule chose qui le noya, ce fut l’air, enfin, le manque d’eau… Etrange animal qui s’étouffe au sec, sûrement une espèce originaire de lointaines contrées humides…

L’eau monte donc, mouille désormais le bas de l’estacade, cet embarcadère vers nulle part, délimitant l’entrée du chenal du port de Capbreton. Quelques bateaux rentrent au port, à bon port même ! Bateaux de pêcheurs ou voiliers, vedettes rapides, c’est un agréable ballet qui s’opère et que j’observe de ma table stratégique, plein soleil face à la mer, et même face à la grand-mère puisque l’une d’elles vient de s’asseoir sur la rebord de la digue pour y lire, les épaules chauffées au soleil de cet fin septembre. Les mouettes suivent les bateaux de pêche, les promeneurs se promènent, les vagues envahissent la plage pourtant réduite les premières grosses vagues viennent mouiller le bout de l’estacade, le phare semble isolé au milieu des eaux… Flux et reflux, énergie positive venant irradier nos organismes aux plus profond de nos cellules, dans des mouvements réguliers et lunaires, rappel de nos années prénatales. Puissance incontrôlable des flots, de tout temps, l’homme a cherché à canaliser ses vagues destructrices creusant la côte ici, déposant le sable là, modelant les paysages dans une logique fort différente de celles des promoteurs immobiliers du littoral. Aujourd’hui, l’homme se sert de la technique pour contrer la nature, défier la puissance des éléments. De temps en temps, la nature gronde plus fortement, ravage et détruit les travaux humains, rappelant par sa puissance et surtout, que nous ne sommes que des éléments quasi insignifiants pour elle, simples êtres de passage sur cette planète. Dès lors, à quoi bon combattre à imposer sa vérité, imposer ses choix ? Pourquoi vivre contre plutôt qu’avec ?

Logique financière dont le soufflé géant est en train de s’effondrer dans les faillites bancaires, le capital est en train de détruire le capital, à commencer par le pays père du capitalisme. Hélas, le modèle états-unien est en train de répandre sa gangrène sur notre vieux continent. Faillite bancaire, crise boursière, le dieu monétaire est-il en train de décliner ? Va-t-on s’intéresser enfin aux humains ? Fin de règne capitaliste pour l’ouverture de l’ère humaine ? Il le faudra bien un jour, sous peine de laisser trop de monde à l’écart. Impossible combat de tous les jours que d’assurer les coûts de nos vies. Jusqu’à quand ? Richesses à profusion et sommes astronomiques pour les uns, dettes qui ne trouvent plus leurs fonds pour les autres. L’écart se creuse, il n’y a plus de juste milieu. Au train ou vont les choses, au vu de l’évolution des prix sur la côte, je vis peut-être bien mes derniers instants de vacances en ces lieux enchanteurs. Déjà au pays basque, la jeunesse gronde de ne plus pouvoir loger, construire ou acheter sur les terres de leurs ancêtres. La faute aux touristes à gros sous, aux fortunes de provenances diverses voulant acheter leur pied à terre dans ses lieux tant à la mode sous le troisième empire. Nous y voilà de retour dans l’Histoire : les riches débarquent et débarquent les populations indigènes.
Flambée des prix, évolution cruciale d’un monde peut-être bien en déclin. Il est temps de se recentrer sur l’humain, sur nous, nos vies, notre mode de fonctionnement. Comprendre la vraie valeur des choses et mener les bons combats. Redevenir soi, savoir s’accorder des pauses égoïstes qui font qu’on plonge au fond de soi, pour être soi, le vrai soi. L’autre morale de cela, c’est qu’il faut savoir profiter des instants présents, tels qu’ils sont, sans en chercher la complication car ce qui brille aujourd’hui ne brillera peut-être plus demain, ce qui est bon aujourd’hui ne sera plus demain. La vie est à cueillir à chaque instant, dans ces moindres moments, savoir profiter de cette table en terrasse face à l’océan, de cette pause dans la vie trépidante, de ce café, véritable pause détente.

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