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Ah ! Je vois vos visages se fermer, le sourire s’inverser et déjà trois milles choses circulent en tout sens dans votre esprit. Lacunes de nos sociétés occidentales où nous avons grandi, génération après génération, dans l’effroi de la mort. Pourtant, nous savons tous que la vie n’est qu’un état transitoire, et une maladie mortelle que nous attrapons à la naissance. Rassurez-vous, même si le sujet de ce texte, il n’est pas prémonitoire, enfin, pas à court terme, enfin, je pense et j’espère, car je suis tout de même mortel…Ce texte donc, ni tragique, ni comique, quoique, vu l’auteur, il y aura toujours un part de sourire pour ponctuer ce sujet que nous ne savons pas voir autrement que dans la tristesse et la répugnance inculquées pars nos traditions judéo-chrétienne, ce texte donc, disais-je, je le fais pour enregistrer ici ce que je voudrais, comme la si bien dit mon maître Georges Brassens dans « supplique pour être enterré sur la plage de Sète » « qu’il advint de mon corps, lorsque mon âme et lui, ne seront plus d’accord que sur un point : la rupture » Belle phrase tirée d’un fort beau texte, comme toujours, on est fan ou pas, mais qui ne constituait pas une dernière volonté puisque Georges Brassens repose au cimetière de Sète, à deux pas de l’excellent musée qui lui est consacré…

L’image de la séparation des corps, le corps céleste du corps physique, m’a toujours bien plu, et représente bien pour moi, ce qu’est la mort… Ce qui vit, en nous, c’est ce que j’appelle le corps céleste, dans toute la complication de l’interprétation, cette énergie qui habite un corps physique, sorte de costume, plus ou moins déformant, plus ou moins déformé, et qu’à moment donné, nous abandonnons pour dans cette étape libératoire, notre corps céleste s’en aille vaquer à d’autres occupations, d’autres vies. Quand nous parlons de beauté intérieure, c’est bien de ce corps céleste là que nous parlons, quand nous évoquons l’étincelle qui brille dans les yeux, c’est bien de cette énergie là que nous parlons. Le vivant dans nous, c’est cette énergie céleste, d’ailleurs nous parlons aussi de force qui nous habite, et je pourrais trouver encore tout plein d’exemple qui trahisse cet état de transit qui fait que nous sommes des êtres de lumières habillés de chair.

Quand arrive l’heure de la séparation des corps, c’est malheureusement l’enveloppe de chair qui reçoit toutes les sollicitudes, nettoyage, maquillage, habillage, tout est fait pour paraître belle et propre, offerte aux regards humains et de je ne sais quel dieu de la mort. Pourtant, ce n’est qu’un costume, plus ou moins usé, voué à une destruction lente et somme toute atroce, même rangé précautionneusement dans une belle boite de bois plus ou moins précieux, elle-même déposée dans un sarcophage de marbre ou de ciment… Paradoxe de notre monde, nous évoquons de notre vivant les beautés intérieures, les richesses de l’âme pour une fois face à la mort, vouer un culte à l’apparence extérieure. Si j’ose un parallèle religieux, le mystère de la résurrection du Christ, représente pour moi cela et nous montre que le corps disparu du tombeau ne doit faire l’objet d’aucun culte ou autre sollicitude, l’âme s’est envolée et doit, elle seule, être l’objet de nos intentions, de nos pensées. Comme chacun d’entre nous, j’ai perdu des êtres chers, parents, grands-parents, proches, amis, de tout âge, des copains, des bons copains, un meilleur ami parti avant l’âge adulte, des personnes qui m’ont accompagné sur mon chemin de vie, qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui, même si la vision de vie d’alors n’était pas tout à fait, voire même pas du tout celle d’aujourd’hui, toutes ces personnes chères à mon cœur, habitent toujours mon cœur, mon cerveau, mes pensées, dans bien des étapes de ma vie. Toutes ont eu une enveloppe charnelle, déposée dans d’élégants monuments de marbre, de pierre ou de ciment, voire même directement dans la terre, mais ce n’est pas là que j’ai nécessité d’aller pour songer à eux, pour leur rendre hommage. Encore moins d’aller participer au concours du plus beau chrysanthème se déroulant chaque année en fin d’octobre…

Ma façon de penser et de voir les choses étant ainsi exposée, nous allons rentrer dans le vif du sujet, puisque le sujet est encore vif, et qui plus est, que le sujet présent est aussi le sujet de ce sujet. Donc, voici ce que je souhaiterais qu’il advienne de mon corps physique, mon corps céleste se débrouillant tout seul pour poursuivre sa route dans on ne sait quel mystère. Tout d’abord, autant que possible, point de tristesse, cela est un passage obligé de notre monde, cérémonie minimale, j’ai fait mon cursus religieux dans son intégralité, mais n’ayant pas pointé régulièrement aux offices, je ne vois pas pourquoi je devrais pointer par-devers moi… Simple bénédiction donc, cela rassure plus les vivants que le principal intéressé, sans fleurs, sans couronnes, sans marbre, sans souvenir clinquant, sans tenue endimanchée et de plus, les moins sombres possibles pour l’assistance, quant à ma personne, ma tenue du jour conviendra à merveille… Durant cette bénédiction, un texte à lire, une chanson à écouter, c’est tout ce que je réclame.

Quel texte ? Fichtre ! … Faut que je trie dans ma mémoire, disons que j’aurais bien aimé que soit lue la biographie de Louis XVI, mais 1116 pages, ça va faire long, et mon but premier est de ne pas ennuyer l’assistance… Donc, je verrai viens un texte plus court, d’un de mes auteurs préférés, cela va de soi… Bon, je creuse encore ce sujet, et je vous dirais, en attendant mieux, quelques lignes tirées de l’œuvre d’Alphonse Allais ou de Marcel Pagnol me satisferont pleinement…

Côté chanson, il est en plein qui berce mes oreilles, mais je retiendrais cette chanson de Françoise Hardy mais dans son interprétation Natacha Atlas, « Mon amie la rose » car elle mêle avec beaucoup d’à propos, l’élégance du texte aux couleurs de l’orient, prouvant par-là même, qu’il n’y a pas ni frontière, ni différence entre les peuples et les cultures. Côté sourire, justement «l’enterrement » de ce cher Benabar n’aurait pas été mal non plus…

Voilà qui suffira comme oraison, funeste ou funèbre… Voici venu le temps des rires et des chants, comme sur l’île aux enfants de notre enfance, c’est ici que nous nous séparons, point d’inhumation publique, notre dernier rendez-vous vient de se terminer en musique… Reprenez le cours de vos vies, quant à la suite, il est venu le temps de se débarrasser du costume de chair qui me servit jusque là d’apparence physique. Au feu le costume de feu moi-même… Opération pouvant impressionner, donc, pas d’assistance, de toute façon, il n’y a rien à faire que d’attendre le temps de cuisson, de laisser refroidir pour récupérer le résultat d’une vie, sous forme d’une fine poudre… Poussière, nous sommes nés poussière, et nous retournons à la poussière… Simple souvenir de mes années de catéchisme… Bon, alors, les cendres, c’est bien, mais qu’en faire ? je ne suis pas de taille pour un costume de marbre ou de pierre de taille… Facile celle-là, mais je ne pouvais pas la louper ! Donc, pas de sarcophage… J’ai souvent pensé à demander à disperser mes cendres dans mes endroits préférés, mais justement, il y a trop d’endroits et je ne veux ni demander à mes proches d’aller vadrouiller ici ou là pour cela, ni polluer ces endroits adorés par d’autres résidus cendrés, sans vouloir mégoter. Le meilleur endroit pour les cendres, c’est encore le cendrier ou mieux la poubelle, à quoi bon garder ou vouloir à tout pris disposer de ces physiques souvenirs? Faites ce que bon vous semble, mais oubliez de grâce l’urne sur la cheminée. Je préfère de loin la dispersion. Le mieux est de garder l’image de la personne vivante dans un coin de sa tête ou de son cœur, communion avec le corps céleste, rappel des instants partagés quel que soit le point du globe ou on se trouve. Pour la suite ? Et bien oubliez, avancez dans vos vies, je serai déjà parti vers d’autres aventures, enfin, il paraît, ne comptez pas sur moi pour revenir vous raconter, vous verrez cela bien assez tôt, il faut garder l’état de surprise, non ?

Ce texte là n’est pas une dérision, mais bel et bien sérieux. Si vous n’appréciez pas, tournez la page, sinon, merci de respecter et de faire respecter cela, mais pas avant que le moment soit là !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

j'apprécie votre texte et je suis d'accord avec votre croyance, sauf, pour moi, pas de bénédiction, Dieu reconnaîtra les siens !