Escapade landaise


Comme prévu depuis leur fête à l’occasion de leurs noces d’or, nous avions offert à mes parents un duo de montre, symbole à la fois du temps passé ensemble, du temps présent et du temps à venir qui je le souhaite de tout cœur continuera très longtemps de s’égrener sur leur horloge commune, puis, cadeau plus gastronomique, nous avions prévu de les inviter à manger chez Maïté, personnage haut en couleur de notre sud-ouest. Entre début juillet et maintenant, le temps a passé, les vies aussi, avec leurs lots d’imprévus et d’accidents, leurs périodes de hauts et de bas, de grands bonheurs comme de grandes désillusions, les êtres humains réservent toujours leur lot de surprise, surtout lorsqu’elles se prétendent vénusiennes, et les choses ne se déroulent plus comme annoncées, comme rêvées. De déceptions en désillusions, de repos en digestion, voici venu le temps des vacances dans les Landes, et donc le temps de mettre à exécution les promesses.

Un coup de fil pour réserver le restaurant un samedi midi, un coup de fil à mes parents pour les inviter à venir passer le week-end ici, et voilà le calendrier en place. Les jours de beau temps se succèdent, puis une pause pluie, déjà évoquée précédemment, après laquelle mes parents arrivèrent… Premières personnes auxquelles je suis confronté sur une longue période depuis que je suis ici, cohabitation sur surface réduite, liens familiaux toujours présents, comme d’habitude et encore plus éprouvés ces derniers temps. La famille, l’importance de la famille, plus que jamais en place, unis, dans les divers événements de nos vies, heureux, festifs, ou autres… Petite balade en scrutant le ciel, allez savoir pourquoi, puis repas grillage et haricot vert, histoire de préparer nos estomacs pour le lendemain, j’avais l’avantage de connaître les lieux et les menus pour avoir déjà testé…

Lendemain matin, le ciel s’affichait en beau bleu, la fraîcheur de la nuit s’estompait progressivement, nous voilà en route par la routes des lacs, en direction de ce sympathique village de Rion des Landes, passage de la voie ferrée, juste après, en face du fronton indispensable dans toutes les communes de ce joli pays, une maison carré à l’architecture sans âme des années 60-70, juste un panneau marqué « Chez Maïté » nous indique que nous y sommes. Comme toujours, accueil fort chaleureux, une table idéalement placée contre le vitrage doucement exposé aux rayons solaires, choix du menu librement imposé à mes parents, de toute façon, à mon goût, il n’y a qu’une formule qui convienne quand on vient manger ici, ce lieu tellement empreint de la personnalité de sa propriétaire.

Apéritif maison,sous la forme d’un kir à la mure, aromatisé d’armagnac et allongé d’un Tursan blanc sec, le vin du cru, puis, le potage est servi. Potage ? Oui, une bonne soupe familiale, aux légumes grossièrement coupés et cuits dans un bouillon délicatement parfumé d’un fond de jambon, voilà qui peut surprendre, mais qui en fait est une excellente idée. Cette soupe, remplit l’estomac, le réchauffe, le prépare à la suite du repas, garnissant de façon légère et riche en fibres sa cavité, puis, de par sa consistance liquide, s’évacue rapidement pour laisser place aux plats suivants. Magie de la soupe, à condition de ne pas s’en goinfrer comme tout autre chose… Justement, la suite arrive, sous la forme de jolis morceaux de foie gras, apparemment cuisiné au torchon, accompagné de verdure et de dés de légumes. Normal et indispensable sur ces nobles terres de gavage et de culture canardesque. Dois-je préciser que c’est délicieux ? En tout cas, mes parents semblent apprécier ! S’en suit un salmi de palombes, ces belles bleues que les chasseurs du coin traquent autour de la Saint Luc… Succulent et il faut savoir résister à en terminer la sauce à coup de morceaux de pain frais pour garder une place… Une place ? Oui ! Caille farcie au foie gras, accompagnée de salade, haricot vert, pomme de terre vapeur arrosée d’une sauce au foie gras. La caille est posée sur un lit de gelée de groseille ou d’airelles, entourée de jolis grains de raisin blond bien gonflés. Une belle caille, bien dodue, cuite à point et goûteuse, pour le régal du palais… Nous continuons la balade régionale des papilles avec un fromage de brebis accompagné de sa confiture de cerise comme on le déguste ici, puis, des glaces en dessert, du plus gourmand au moins gourmand : Coupe Maïté aux pruneaux à l’armagnac pour mon père, pêche melba pour ma mère et une coupe tutti frutti avec ses boules de sorbets citron et citron vert pour moi…. Café et chocolats, addition…. Point de visite de la patronne, fortement fatiguée. Nous avons pu la rencontrer quelques instants avant de partir, mais cela faisait peine à voir. Les traits tirés, amaigrie, l’élocution fatiguée, ce n’est pour l’heure, pas la jovialité incarnée que nous connaissons. Du coup, point de photos, mes parents se contenteront de ce souvenir là…

Histoire de digérer, direction Sabres, l’écomusée de la grande lande, un endroit que je connais bien pour l’avoir visiter bien des fois. Imaginez une zone protégée au milieu des pins, au milieu de nulle part, des maisons,des granges, des poulaillers, des fours à pain, même un moulin à eau, achetés, glanés de ci, de là, démontés patiemment, reconstruites ici pour constituer l’habitat de ces lieux tels qu’ils étaient au 19e siècle. Le rôle des pins, implantés par Napoléon III pour assécher les marais des landes, leur culture, l’agriculture modeste, les différentes maisons bâties sur des plans similaires mais dotées de plus ou moins de confort suivant qu’elles soient destinées aux maîtres, aux brassiers, au meunier ou encore au berger. Pour accéder à cet endroit, un petit train aux vieux wagons de bois, d’ailleurs, pour les voyageurs, on parle de voitures, les wagons n’étant que pour les marchandises, que voulez-vous, je reste tout de même passionné de train ! Donc, de vieilles voitures vertes, garnies de lambris et de sièges aux lattes usées par des années de service, tout d’abord, du temps de leur jeunesse, sur la ligne de Montpellier à Palavas-les-flots, ce coin cher à Dubout, célèbre caricaturiste, dessinateur d’affiche publicitaire, notamment pour les films de Pagnol, puis, la ligne fermée, elles furent rachetées pour terminer leur carrière ici. Grand dépaysement ! Vous laissez votre véhicule face à la gare de Sabres, puis en voiture direction le XIXe siècle. A découvrir à votre rythme, sous forme de visite commentée, ce que je recommande car il y a tellement d’anecdotes à raconter et de choses méritant explications du fait de notre esprit fermé du XXIe siècle, aux us et coutumes d’alors. Des choses simples comme l’alimentation par exemple. Aujourd’hui on mange presque sans pain, alors quand on lit que 4000kg de pain servait à alimenter une famille de 8 à 10 personnes durant un an, on oublie qu’à cette époque, le pain était l’aliment de base. La visite commentée ne couvre qu’une partie du site, après, c’est à chacun de visiter comme il le souhaite, de partir à la découverte des lieux, des panneaux, des animaux, des métiers d’autrefois. Le territoire est vaste et c’est donc une excellente promenade digestive après un tel repas…





Retour au camp de base par la rapide Nationale 10. Le temps de préparer une belle salade du jardin agrémenter de tomates, et voilà notre collation du soir, aux sons de la victoire toulousaine, dans l’antre du stadium municipal. Coup de fil des copains pour raconter le match, prises de nouvelles, c’est bon d’avoir des amis… Soirée télévision, soirée digestion…

Dimanche ensoleillé, je prépare mes spécialités locales à mes parents : Anneaux de calamars marinés cuits à la plancha, salade de tomate du jardin, puis sardines à la plancha… Chargement de leur voiture, et les voilà repartant vers leur domicile… Drôle d’impression que de rester là, comme si j’habitais ici, comme si j’étais d’ici, petite nostalgie de voir partir ces êtres chers de ma vie, après ce délicieux week-end dont je sais qu’ils ont apprécié le moindre moment, même si notre pudeur familiale nous empêche de se le dire. C’est très bizarre ces sentiments vécus et non exprimés. Je sais aussi que durant leurs trois heures de route, je penserais fort à eux et qu’il me tardera le coup de fil annonçant l’arrivée.

Alors j’écris, j’écris ceci, je pars faire un tour de vélo, mais le beau temps à ameuter une foule d’envahisseurs sur mon port, ma place, sur mes pistes cyclables uniquement praticables à coup de sonnette. Alors, je rentre à mon campement, et je vais écrire au soleil descendant depuis mon ponton sur le boudigau. Il y fait bon, il y fait chaud, c’est si bon. Mes parents sont arrivés, ils viennent de m’appeler.



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