Retrouvailles

Il était là devant moi, la mine défaite, un peu recroquevillé sur lui-même, quelques zébrures plus ou moins profondes le défiguraient quelques peu, mais cela lui donnait tout de même cette patine qui sied tant tout en affirmant la victoire sur les choses du temps. J’avoue ne pas l’avoir reconnu de prime abord. Cela faisait longtemps, et puis, la mémoire enjolive toujours les souvenirs qu’elle renferme. Emotion contenue, moment de stupeur et empreint d’une joie mélancolique, un peu de buée aux yeux, voilà tant de souvenirs, d’images un peu fanées d’il y a quelques années, cette longue absence, cette séparation durant tant de temps…

A vrai dire, ces dernières années sont passées tellement vite, que je ne songeais plus à lui, et, qu’en dehors de ces émouvantes retrouvailles, je l’avais un peu oublié… Que voulez-vous, ma tête est vite pleine, par manque de place sûrement, oui c’est même certain, par manque de place, une idée nouvelle à ranger dans une de ces petites cases cérébrales a opéré ce tri magique, ce remplacement, ce réagencement. Bref, je ne l’avais plus en vue. De là à dire que je ne pouvais pas le voir ! Il n’y a qu’un pas, ce pas là qui maintenant nous sépare… Hésitation, tel un enfant devant son paquet emballé au pied du sapin, je le regardais sans oser le toucher, le prendre, le serrer contre moi.

Ah ! Que d’instants vécus, de paysages traversés, que de voyages effectués, des soirées animées, parfois devant un bon feu, parfois arrosés, toujours inséparables, jamais séparés en dehors de ces dernières années… C’est vrai, c’est bien lui, je le reconnais à présent, même si je l’imaginais un peu moins épais, un peu plus grand. Vision idéalisée ? Sûrement. En tout cas, je les revois bien ces moments de joies vécues ensemble, limite inséparable malgré les regards de convoitise autour, ce sentiment de joie de t’avoir avec moi toujours. Et puis, le temps a passé, ma vie a pris d’autres virages et je t’ai perdu de vue. La vie, les déménagements ont accompli leurs œuvres. Je te croyais perdu à jamais, jusqu’à aujourd’hui.


Enfin, te voilà, un peu mal en point, fatigue et ouvrage du temps, tu m’as l’air bien défraîchi tout de même. Mais bon, je te retrouve et avec toi nos souvenirs. Oserais-je dire souvenirs de jeunesse ? Années de colonies, la mer, le ski, le sac à dos, la neige ou le sable, le matin, l’après-midi ou le soir, toujours ensemble ou presque. J’en suis ému, c’est si soudain cette rencontre, encore un de ces hasards du destin, encore une fois nous en sommes les jouets. Bon, attends, je ne vais pas te laisser là comme ça, viens par ici, cela mérite tout de même un bon scotch, de quoi te remettre d’aplomb, de donner meilleure mine, tu m’as l’air tant chiffonné. Et puis, ce n’est pas tous les jours, que je te retrouve, toi, mon vieux cahier.

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