Voyage immobile

Les trains arrivent toujours à l’heure, c’est bien connu. Encore, faut-il qu’ils ne partent à l’heure, voire même, dans notre contexte plutôt perturbé, qu’ils partent tout court. Grève à répétition, système de réservation pas vraiment convivial entraînant parfois la réservation simultanée du fait d’une mauvaise ergonomie, gare pas toujours bien prévue pour l’accueil de ses passagers, quand ce n’est pas un simple quai qui attend les voyageurs et par-là même, les trains. L’avantage, c’est que c’est seulement quand vous y êtes confrontés que vous savez si votre train à du retard ou est tout simplement annulé. Certes, il arrive toujours à une gare et est rarement dérouté… Reste à savoir, si ça sera la bonne gare, à la bonne heure… Bien sûr, le mystère demeure de savoir si les trains s’arrêtent dans les gares ou si on a placé une gare à l’arrêt des trains. Atmosphère bien étrange que celle des gares. Même si j’aime les trains, surtout dans leurs versions miniatures, je n’aime pas vraiment traîner dans les gares. Je préfère de loin l’ambiance des aéroports, certes plus clinique, peut-être plus évasives ? Bien sur, il y a aussi les versions grandes villes ou se croisent l’air et le fer, l’aérien et le ferroviaire, empilage de voies, ferrées ou aériennes, croisées de destins, passages éphémères d’une voie sur l’autre, poursuite du voyage, lien entre deux mondes, course poursuite d’un moyen vers l’autre, d’une ambiance vers l’autre.

J’aime regarder passer les gens, ces âmes en déroutes, ces amants des routes, en quête de transports, comme tout amant, bien entendu… S’asseoir et regarder sans voir, voir sans regarder, s ‘asseoir et écrire. Ambiance partagée, voyage immobile aux couleurs de valises, aux rythmes des départs et arrivées. Annonce anonyme résonnant dans les grands bâtiments, profiter de ce temps gagné sur le temps. Mouvement des grands oiseaux blancs sur la piste, décollage, atterrissage, poussée des réacteurs. Freinage strident des machines entrant en gare, départ haletant et désormais régulier des modernes locomotives. Ambiance confinée et propre, limite aseptisée d’un côté contre courants d’air, traces diverses et grasses, fourmillement plus anarchique de l’autre. La vie sous plusieurs formes. La vie, ou plutôt les vies. Melting pot de voyageurs de tout âge, de toutes catégories, des parcours différents, des buts différents, des attentes différentes… Attente du train ou de l’avion, attente du voyage, attentes… Des vies à attendre, résumé de nos vies, de nos parcours, résumés de nos envies ?


Dans chaque ambiance, nous retrouvons des micros sociétés, représentation quasi parfaite de notre société. A chaque fois le même jeu : identifier les caractères types, deviner ou s’imaginer la vie, le rôle de chacun dans cette gare ou aérogare. Et puis, de là, laisser voguer son imagination, imaginer que tout cela peut être et ne pas être, imaginer tout autre chose et son contraire, imaginer aussi, qu’au bout de ce couloir, au bout de cet escalier, il y a non pas les inconnus, mais un visage connu. Gare ou aérogare, invitation au voyage, invitation aux retrouvailles. Retrouver la magie ou plus rien autour ne compte, être seul au monde, êtres seuls au monde.

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