Le boutentrain

Petit détour dans les expressions de notre belle langue française : Le boutentrain ou bout-en-train ; « être un boutentrain », « faire le boutentrain » qui n’a pas entendu cette expression ? Mais c’est quoi donc que c’est donc ?

Ce terme d’origine hippique, désigne un cheval entier, qualificatif certifiant la présence de la totalité de ses attributs virils, dont le rôle est dévolu à profiter de la compagnie des belles pouliches, histoire de les dragouiller,  en essuyer les refus, multiplier les avances jusqu’au moment fatidique où la belle cède, enfin, disons plutôt que le jour « j » des chaleurs est enfin arrivé, tous les animaux ne s’accouplant qu’à des fins reproductrices, il n’y a que l’Homme pour y prendre suffisamment de plaisir et vouloir sans cesse reproduire l’acte de reproduction même hors des périodes fécondes. Notez mesdames que je parle de l’Homme avec un « H » majuscule, ce qui qualifie l’espèce humaine et non le seul mâle, ne privons personne de ce plaisir. Mais revenons à notre boutentrain. Le moment des chaleurs est arrivé, le voilà tout heureux de pouvoir enfin jouir des travaux d’approche, d’enfin oublier les morsures et autres coup de sabots reçus, bref, sans trembler, le voilà prêt à grimper sur la jument… Mais voilà, patatras, rangez les violons et les brumes sur la campagne digne de David Hamilton, ce brave boutentrain se retrouve mis à l’écart, place à l’artiste, le bel étalon, tout frais et non fourbu d’une quelconque parade amoureuse, il entre en scène pour saillir, point. Là, du coup, le boutentrain semble moins comique, sans aller jusqu’à parler de l’arroseur arrosé, ce qui dans un tel contexte paraitrait oser, et même si ce sont les malheurs des uns qui font le bonheur des autres, il n’y a aucune gloire à passer pour un boutentrain.


De nos jours, la science, ses mesures, ses températures et sons sens aigüe de l’observation a mis au rencard ce brave boutentrain, et si l’étalon en rigola quelques temps, aujourd’hui le voilà bien réduit à des  œuvres de plastiques plutôt que de chairs, le voilà chargé de grimper pour les dons et c’est le noble vétérinaire qui finit le travail. Ceci dit, le vétérinaire étant à partenaires multiples, c’est parfois des vaches ou des ânesses qui profitent de ses largesses. Diantre, mais alors, au vu de ces fécondations à répétitions, doit-on considérer pour le conjoint du vétérinaire qu’il y ait tromperies ?  Le terme conjoint est issu d’une législation récente et donc asexuée, ce qui ne veut pas dire que le conjoint du vétérinaire soit asexué…. Question saugrenue, peut-être, mais quand même, si l’homme pratique avec de multiples partenaires, il me semble qu’aux yeux de la morale, il y ait tromperies et si bovine soit-elle cela devient de l’amour vache, non ? Certes, il y va du bout du gant et l’on pourrait parler tout juste d’attouchements, mais au final, c’est bien par une ou plusieurs naissance que se conclut l’acte, alors, le conjoint doit-il considérer que le vétérinaire trompe qui plus est, à la vue et au su de tous ? C’est gros comme un éléphant, et il est bien connu qu’un éléphant, ça trompe énormément. J’ai beau parcourir les greffes des tribunaux, il semble qu’il n’y eut point encore de jurisprudence pour ce type de cas, pas plus que pour des cas de ce type. Rien, nada, vous pouvez aller vous rhabiller. L’honneur est sauf, le vétérinaire peut reprendre ses activités, le boutentrain peut espérer jouir d’une vie paisible, et notre belle langue poursuive avec ses expressions sans jamais se douter des doutes qu’elles suggèrent, pas plus que des élucubrations d’un même pas palefrenier pas plus que pâle fermier.  Reste que l’Homme est Homme, la chair faible et que la lumière éteinte il est facile de se tromper, la nuit, tous les chats sont gris mais il n’y a pas lieu de faire grise mine !


Quelques mots autour d’une expression, quelques humours sans détour, je remercie les personnages qui ont bien voulu apparaitre au fil des phrases et dont les visages ont été floutés, le boutentrain, la jument, l’étalon, le vétérinaire, son conjoint, la vache, l’ânesse…. David Hamilton n’a pas pu venir, je ne sais plus pourquoi, les brumes matinales nous ont été offertes par la région toujours de bon conseil, les décors et brins d’herbes sont de Roger Harth, les costumes de Donald Cardwell, la mise en scène ne doit rien à Karine Le Marchand, et si jamais vous allez au théâtre ce soir, n’oubliez pas de saluer le trou du souffleur sans lequel bon nombre de textes nous échapperaient….  




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